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30/09/2022 | FRANCE | N°21/00200

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 30 septembre 2022, 21/00200


ARRÊT DU

30 Septembre 2022







N° 1259/22



N° RG 21/00200 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOFB



PL/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Tourcoing

en date du

27 Janvier 2021

(RG F19/00087 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Septembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A. KEOLIS LILLE METROPOLE anciennement la société TRANSPOLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Louis VANEECLOO, avocat au barreau de LILLE




...

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1259/22

N° RG 21/00200 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOFB

PL/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Tourcoing

en date du

27 Janvier 2021

(RG F19/00087 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A. KEOLIS LILLE METROPOLE anciennement la société TRANSPOLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Louis VANEECLOO, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [P] [M] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 28 Juin 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 24 mai 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[P] [M] [H] a été embauché à compter du 27 avril 2009 par contrat de travail à durée indéterminée par la société TRANSPOLE en qualité de conducteur receveur-catégorie agent. Il était assujetti à la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

Il a été convoqué par différentes lettres recommandées avec accusé de réception à un entretien le 13 puis le 28 mars, reporté au 30 mars 2018 en vue de son éventuel licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 avril 2018.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Le vendredi 17 août 2017, vous vous êtes rendu au bureau de [Z] [I] et l'avez informé de la mesure d'annulation de votre permis de conduire dont vous aviez fait l'objet un mois auparavant, depuis le 12 juillet 2017. La veille, vous avez eu un accident responsable sur le réseau sans établir de rapport d'accident.

Il est alors apparu que cette perte de points était consécutive à un accident de la route, et que vous circuliez depuis plus d'un an avec un seul point sur votre permis de conduire.

Cette mesure d'annulation vous a été notifiée le 21 juillet 2017.

Comme cela vous a été indiqué lors de votre entretien d'août 2017 avec le Responsable Exploitation Réseau, vous avez pris sciemment le risque qu'une prochaine infraction, y compris minime, au Code de la Route, aboutisse à une suspension ou annulation de permis.

Malgré vos fonctions de Conducteur-Receveur et malgré les dispositions de l'Accord de branche de 1993 relatif aux mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis à points, prévoyant sous conditions, la prise en charge par l'employeur des stages de récupération de points, vous n'avez pas pris l'initiative de suivre un tel stage.

En outre, l'article 2 de cet Accord de branche dispose :

«La suspension, l'invalidation ou l'annulation du permis de conduire n'entraînent pas, en tant que telles, la rupture automatique du contrat de travail du salarié, à condition que celui-ci ait immédiatement informé son employeur de la mesure dont il fait l'objet, à savoir, le premier jour de travail suivant celui où la mesure lui a été officiellement notifiée.»

Or, cette mesure vous a été notifiée le 21 juillet 2017. Vous avez travaillé dès le 27 juillet 2017 et n'avez informé l'entreprise de la suspension de permis dont vous faisiez l'objet que trois semaines plus tard, le 17 août soit le lendemain de votre accident responsable sur le réseau.

Vous vous êtes alors justifié en indiquant que vous n'aviez pas eu connaissance du courrier, pourtant notifié à votre adresse.

Nous avons décidé d'accepter vos explications et de vous placer sous le régime de l'Accord de branche.

Dans un premier temps, vous avez soldé vos droits à congés et RTT du 17 août au 15 septembre 2017.

En parallèle, nous avons procédé à des recherches de reclassement en interne, sur un poste correspondant et à vos compétences et ne nécessitant pas la possession du permis de conduire.

Ces recherches de reclassement n'ayant pas abouti, votre contrat de travail a été suspendu conformément aux dispositions conventionnelles.

La suspension de contrat était d'une durée équivalente à la mesure de suspension de votre permis et nous avions convenu de réévaluer votre situation en février 2018.

Lors de l'entretien que vous avez eu avec M. [I] le 4 octobre 2017, vous lui avez indiqué que vous pourriez récupérer votre permis le 7 mars 2018. Il a alors été convenu lors de cet entretien et d'un commun accord, de maintenir la suspension de votre contrat jusqu'à cette date afin de vous mettre en mesure de récupérer votre permis de conduire.

A l'approche de l'issue de la période de suspension de votre contrat de travail, nous vous avons notifié par courrier du 1° mars, votre reprise le 8 mars 2018 et les horaires de votre service, tout en vous rappelant les dispositions suivantes issues de l'Accord de branche :

«À l'issue de la période convenue de suspension du contrat de travail, le salarié reprend ses activités dans l'entreprise, à condition, d'une part d'en avoir manifesté l'intention auprès de l'employeur au moins quinze jours avant l'expiration de ladite période, d'autre part, d'être de nouveau en possession de son permis de conduire ; à défaut, l'employeur peut prononcer le licenciement».

Le 8 mars, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste et avez indiqué par téléphone à M. [W] n'avoir toujours pas récupéré votre permis de conduire.

Vous avez été convoqué en entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par courrier du 13 mars 2018, à un entretien initialement programmé le 23 mars.

Vous vous êtes présenté dans l'entreprise le 21 mars sans permis de conduire valide. En effet, lors de votre venue, vous avez présenté une attestation de La Poste selon laquelle vous auriez passé votre Code le 19 mars 2018.

Il est manifeste que vous avez attendu la notification de votre convocation à entretien préalable à un licenciement avant d'engager les démarches visant à la récupération de votre permis de conduire.

Nous ne pouvons que regretter que vous n'ayez pas mis à profit la période de suspension de votre contrat, que nous avons calée sur le délai que vous estimiez nécessaire pour récupérer votre permis, pour vous remettre en état d'occuper vos fonctions.

Vous n'êtes plus titulaire du permis de conduire à ce jour. Aussi, une attestation relative à l'obtention du code ne peut en aucun cas se substituer à un permis de conduire en cours de validité.

Lors de l'entretien préalable à licenciement, vous avez indiqué que vous n'aviez pas connaissance de l'intégralité des dispositions de l'Accord de branche. Les dispositions de cet Accord vous étaient pourtant rappelées et notifiées officiellement dans notre courrier du 5 septembre 2017.

Ainsi, c'est en application de l'accord professionnel portant diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis de conduire que vous avez bénéficié d'une période de suspension de votre contrat de travail en vue de la régularisation de votre situation et du passage ainsi que de l'obtention de votre permis de conduire.

Par ailleurs, lors de l'entretien, vous avez indiqué avoir passé et obtenu votre code et être sur le point de récupérer votre permis de conduire. Nous sommes au regret de constater que cela n'a pas été le cas.

A ce jour, trois semaines après cet entretien, vous n'avez toujours pas récupéré votre permis de conduire et n'êtes titulaire d'aucun titre vous permettant de remplir les obligations inhérentes à votre contrat de travail.

Compte-tenu de vos fonctions de Conducteur-Receveur, nous vous rappelons que conformément aux dispositions de l'article X de votre contrat de travail, vous devez justifier à tout moment des permis de conduire B et D, «ce qui constitue une condition substantielle de votre contrat de travail».

Du fait de l'absence de récupération de votre permis de conduire, vous vous êtes placé, de votre fait, dans l'impossibilité de satisfaire à vos obligations et de poursuivre durablement l'exécution de votre contrat de travail.

Par ailleurs, nous ne pouvons que constater que cette impossibilité vous est entièrement imputable.

Les explications que vous nous avez fournies ne sont pas de nature à modifier notre appréciation sur votre comportement.

Aussi, nous sommes par conséquent dans l'obligation de vous notifier par la présente lettre la rupture de votre contrat de travail. Etant donné que vous êtes dans l'impossibilité d'exécuter votre préavis, celui-ci ne vous sera pas rémunéré. Ce licenciement prendra effet à la date d'envoi de la présente lettre. Compte-tenu des dispositions de la convention collective de transports publics urbains de voyageurs à laquelle est rattachée l'entreprise, vous bénéficierez de l'indemnité de licenciement.»

Par requête reçue le 9 avril 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour violation du temps de pause.

 

Par jugement en date du 27 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société TRANSPOLE à lui verser

685,11 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement

8603,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

860,33 euros au titre des congés payés y afférents

4530 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des temps de pause,

l'a débouté du surplus de sa demande

et a condamné la société à lui verser 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le 15 février 2021, [P] [M] [H] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 24 mai 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 28 juin 2022.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 13 mai 2022, la société KEOLIS LILLE METROPOLE, substituée dans les droits de la société TRANSPOLE appelante, sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de [P] [M] [H] à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'appelante expose que conformément à l'accord du 28 juin 1993 relatif au permis à points, l'invalidation du permis de conduire n'entraîne pas la rupture automatique du contrat de travail du salarié occupant un emploi de conducteur à la condition qu'il ait immédiatement informé son employeur de la mesure dont il avait fait l'objet le premier jour de travail suivant celui où la mesure lui a été notifiée, qu'en l'absence de reclassement immédiat ou au terme de la période définie, le contrat de travail est rompu et le conducteur perçoit les indemnités de licenciement conformément aux dispositions légales ou conventionnelles, que le 12 juillet 2017, l'intimé a l'objet d'une invalidation de son permis de conduire en raison d'un solde de points nul, que cette mesure notifiée le 21 juillet était effective à compter du 31 juillet 2017 pour une durée de six mois soit jusqu'au 1er février 2018, que l'intimé était tenu d'informer immédiatement son employeur de la perte de son permis de conduire, qu'il ne l'a pas fait, qu'il a continué à conduire sans permis valable et a été responsable avec son bus, d'un accident le 16 août 2017, qu'il n'a averti son employeur que le lendemain, que la société a accepté de suspendre son contrat de travail jusqu'au 1er février 2018 puis de prolonger la suspension du contrat de travail jusqu'au 7 mars 2018, que le service des ressources humaines a recherché également une solution de reclassement temporaire, sans succès,

que le 8 mars 2018, l'intimé ne s'est pas présenté à son poste, que la simple attestation de La Poste sur le téléphone portable indiquant son passage à l'examen du code le 19 mars 2018 ne valait pas autorisation de conduire, que seul le certificat d'examen du permis de conduire produit cet effet, que l'intimé n'a pas mis à profit la période de suspension de son contrat pour récupérer son permis de conduire qu'il n'a obtenu que le 30 mars 2018, que la société a respecté les dispositions de l'article 2 de l'accord de branche de 1993, que l'information des délégués du personnel ne constitue pas une garantie de fond de nature à éviter le licenciement, que le non-respect de cette obligation ne constitue tout au plus qu'une irrégularité de procédure, que conformément à l'accord de 1993, l'intimé ne pouvait percevoir qu'une indemnité de licenciement, à l'exclusion de toute indemnité compensatrice de préavis du fait qu'il n'était pas en mesure d'exercer ses activités professionnelles, que le salaire de référence sur lequel se base l'intimé est erroné, que celui-ci ne justifie toujours pas sa demande de dommages et intérêts, que si les conducteurs ont droit à un temps de pause, celui-ci peut être fractionné, que la coupure d'une durée de vingt minutes prévue pour les salariés dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures peut être fractionnée en plusieurs périodes d'inactivité dès lors que ces périodes sont d'une durée minimale de cinq minutes, que le détail de la planification des différents services du dépôt de [Localité 5] fait apparaître que le cumul des temps de battement dépassait chaque jour le temps de coupure de vingt minutes dès lors que le temps de travail effectif continu dépassait six heures, que conformément à l'accord-cadre du 22 décembre 1998, pour les besoins du service, il était possible de dépasser l'amplitude horaire de treize heures, que l'intimé a en outre bénéficié d'une compensation de 25% du temps de dépassement au-delà de douze heures.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 6 décembre 2021, [P] [M] [H] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

144,07 euros à titre de reliquat d'indemnité légale de licenciement

7881,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

788,20 euros au titre des congés payés y afférents

35000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur les temps de pause

3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

les sommes dues devant porter intérêts à compter du jour de la demande en application de l'article 1231-7 du code civil et avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

L'intimé, appelant incident, soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il s'est trouvé dans l'incapacité d'exercer ses fonctions de conducteur receveur en raison de l'invalidation de son permis de conduire, que son employeur a alors décidé de suspendre son contrat de travail durant la période de suspension du permis, qu'il a passé avec succès l'examen du code de la route le 19 mars 2018, que dès le 21 mars 2018, il était en possession d'un justificatif de dépôt de sa demande de nouveau permis de conduire, que le certificat d'examen du permis de conduire remis le 30 mars 2018 tenait lieu de titre de conduite, que son employeur n'a pas tenu compte de la validité de cette pièce et a pris la décision de mettre fin à son contrat de travail, qu'il était en capacité de conduire à la date de son licenciement et en possession des justificatifs permettant de le certifier, que le 2. c) de l'article 2 de l'accord du 28 juin 1993 relatif aux diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives

au permis à points ne prévoit pas que la durée de suspension du contrat de travail soit nécessairement celle de la suspension du permis de conduire, qu'elle peut être plus longue, que la situation de l'intimé dont le permis avait été suspendu devait faire l'objet d'une concertation avec l'employeur et d'une information par ce dernier du comité d'établissement ou d'entreprise ou des délégués du personnel au cours de la réunion mensuelle la plus proche, que le défaut de respect de cette formalité constitue une violation d'une garantie de fond tendant à reconnaître le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'en raison de l'inertie et du manque de diligence de son employeur, l'intimé a été privé de possibilités concrètes de reclassement, que son salaire mensuel moyen s'élevait à la somme de 2627,33 euros, qu'il avait la qualité d'agent de maîtrise et devait bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire, qu'il a éprouvé les plus grandes difficultés à retrouver un emploi, se trouve actuellement à la recherche d'un emploi et perçoit une allocation de retour à l'emploi, qu'il n'a pas bénéficié de son temps de pause, même fractionné, sur sa période d'embauche, qu'il travaillait sans interruption, qu'il appartient à l'employeur de prouver que les règles relatives à la durée maximale du travail et au temps de pause ont été respectées, que la société n'a produit aucun élément démontrant qu'elle a respecté les temps de pause sur toute la période d'embauche, que le temps de pause doit être de vingt minutes consécutives, que le fractionnement de la pause en plusieurs périodes d'inactivité doit être d'une durée minimale de cinq minutes, que le dépassement de la durée quotidienne de travail effectif doit donner lieu à des contreparties en repos, que l'intimé n'a jamais bénéficié de la moindre contrepartie en repos alors que sa durée était parfois supérieure à dix heures par jour, que la violation des temps de pause et des durées maximales de travail a présenté un caractère systématique et durable et doit donner lieu à réparation. 

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu en application de l'article L1235-1 alinéa 3 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que le motif y énoncé est l'absence de récupération par le salarié de son permis de conduire à la fin de la période de suspension de son contrat de travail ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que la mesure d'invalidation du permis de conduire de l'intimé a été pris effet le 31 juillet 2017 ; que celui-ci ne peut prétendre ne pas en avoir eu connaissance puisque les services du ministère de l'Intérieur ne disposaient que de l'adresse du [Adresse 2], qui constitue encore son domicile actuel, et à laquelle a été envoyé le relevé d'informations ultérieur produit par le salarié ; qu'il n'a averti son employeur que le 17 août 2017 ; qu'il est manifeste qu'il s'est trouvé dans l'obligation d'informer ce dernier du fait qu'il avait été impliqué durant le travail dans un accident de la circulation dans lequel sa responsabilité était engagée ; que néanmoins celui-ci ne lui en a pas tenu rigueur et, par courrier du 5 septembre 2017, a imputé les congés et les jours de récupération du temps de travail sur la période du 17 août au 5 septembre 2017 et a enfin suspendu le contrat de travail pour la période ultérieure avec une réévaluation de la situation en février 2018 puisque l'intimé ne pouvait repasser son permis de conduire avant l'expiration d'un délai de six mois ; qu'à la suite de la visite médicale complémentaire, celui-ci a été déclaré apte le 22 janvier 2018 ; que s'il a déposé sa demande de permis de conduire le 22 janvier 2018 par voie numérique auprès de l'Agence nationale des titres sécurisés, il ne s'est inscrit que le 14 mars 2018 à l'épreuve théorique générale fixée au 19 mars 2018 ; que la simple anomalie signalée le 29 janvier 2018 par l'agence n'explique pas le retard apporté par le salarié à son inscription aux épreuves théoriques puisqu'il n'indique pas

la date à laquelle son identifiant NEPH lui a été communiqué à la suite de cette dernière démarche ; que le 19 mars 2018 il a obtenu un avis favorable ; que le 30 mars 2018, le certificat d'examen du permis de conduire lui a été délivré par le centre ; que ce certificat, visant notamment la catégorie D nécessaire à la poursuite de la relation de travail, tenait lieu désormais de permis de conduire et était valable sur tout le territoire national pendant un délai de deux mois dans l'attente de la remise du titre définitif ; que l'intimé prétend avoir remis le jour même ce document à [A] [R], responsable du service au sein de la société, ainsi qu'une copie à son référent alors que la société nie avoir eu connaissance de cette pièce à cette date ; que toutefois, cette dernière ne pouvait ignorer que, du fait que l'intimé avait obtenu un avis favorable, le 22 janvier 2018, à l'examen médical et, le 19 mars 2018, aux épreuves théoriques et qu'il était dispensé de l'épreuve pratique de conduite, le certificat d'examen du permis de conduire allait lui être délivré incessamment ; que le contrat de travail étant en outre suspendu, il lui était loisible, avant de mettre en 'uvre ou de poursuivre la procédure de licenciement, d'inviter, par tout moyens, l'intimé à justifier qu'il avait obtenu le certificat tant attendu ; que par ailleurs sur l'absence de remise effective de cette pièce à la société et la méconnaissance par celle-ci de ce qu'à la date du licenciement l'intimé avait retrouvé le droit de conduire, il subsiste un doute qui doit profiter au salarié ; qu'en conséquence son licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salaire de référence de l'intimé s'élève à la somme de 2568,96 euros ;

Attendu en application des articles 59 de la convention collective et L1234-1 du code du travail que l'intimé, occupant le poste de receveur-conducteur qui ne lui conférait pas le statut d'agent de maîtrise, ne peut se prévaloir de l'article 5 de l'annexe II de la convention collective ; que le délai de préavis dont il doit bénéficier est donc de deux mois ; que l'indemnité compensatrice de préavis doit en conséquence être évaluée à 5137,92 euros et les congés payés y afférents à 513,79 euros ;

 

Attendu que, compte tenu des dispositions de l'article 61 de la convention collective, l'indemnité de licenciement devait s'élever à la somme de 5767,42 euros qui a été versée par l'employeur ; qu'aucun reliquat n'est donc dû à l'intimé à ce titre ;

Attendu en application de l'article L1235-3 du code du travail qu'à la date de son licenciement, l'intimé était âgé de 45 ans et jouissait, à la date de suspension de son contrat de travail, d'une ancienneté de huit années au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle plus de dix salariés ; qu'il a dû solliciter le bénéfice d'allocations de retour à l'emploi ; qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 20500 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi ;

Attendu sur le non-respect des temps de pause que les dispositions de l'article L1321-1 du code des transports excluent l'application tant du chapitre 1er du livre III de ce code que celles du code du travail relatives à durée du travail et instituent un régime spécifique aux entreprises de transport public urbain régulier de personnes ; que selon l'article 10 § 1 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs, régissant le régime des coupures des personnels roulants, tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures bénéficie d'une coupure d'au moins vingt minutes ; que cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives ;

Attendu que l'appelante produit la liste des services effectués par l'intimé durant la période intitulée 2017-2018 ; qu'il est étonnant que la société ait pu procéder à un tel relevé durant toute la période mentionnée puisque l'intimé s'est trouvé, à compter du 17 août 2017, en congé puis en récupération de son temps de travail et qu'ensuite le contrat de travail a été suspendu jusqu'au licenciement sans préavis ; qu'il était donc censé ne plus pouvoir conduire dès le 17 août 2017 ; qu'aucune date précise des journées de service ne figure par ailleurs sur ce document ; que le tableau intitulé «rapport du graphe en vigueur au 2 septembre 2017» faisant apparaître les différents temps de battement pour les journées S3 à S2 ne permettent pas d'individualiser les conducteurs concernés, comme il se déduit des écritures de l'appelante qui note que le service H.6 qui fait apparaître une amplitude de travail de 13 heures 08 est commun à tout le personnel roulant de [Localité 5] et n'est donc pas propre à l'intimé ; que ne figure dans ce tableau aucun code susceptible de correspondre à l'un de ceux figurant sur la liste des services de l'intimé ; que les deux tableaux de la journée Z15 ne contiennent pas non plus la moindre précision susceptible de les rattacher à l'activité de ce dernier ; que si le déroulement de la journée de travail du salarié du 31 juillet 2017 que produit l'appelante à titre d'exemple fait effectivement apparaitre l'existence de coupures dont le cumul dépassait le temps minimal de vingt minutes, elle ne permet pas de démontrer pour autant qu'il en a été de même durant toute la relation de travail ; qu'il s'ensuit que l'appelante n'établit pas qu'elle a respecté les temps de pause ; que toutefois l'intimé ne démontre pas qu'il a subi un préjudice résultant de l'atteinte alléguée à son droit au repos et à la santé ;

Attendu qu'il n'y pas lieu de déroger aux dispositions de l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil ni de prévoir l'application à l'espèce de l'article 1343-2 dudit code ;

Attendu en application de l'article L1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

 

Attendu que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société appelante des allocations versées à l'intimé dans les conditions prévues à l'article précité et dans la limite de six mois d'indemnités ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais qu'il a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU 

CONDAMNE la société KEOLIS LILLE METROPOLE à verser à [P] [M] [H]

5137,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

513,79 euros au titre des congés payés y afférents

20500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE [P] [M] [H] du surplus de sa demande,

ORDONNE le remboursement par la société KEOLIS LILLE METROPOLE au profit du Pôle Emploi des allocations versées à [P] [M] [H] dans la limite de six mois d'indemnités,

 

CONDAMNE la société KEOLIS LILLE METROPOLE à verser à [P] [M] [H] 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

[Y] [B]

LE PRESIDENT

Philippe LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00200
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.00200 ?
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