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30/09/2022 | FRANCE | N°21/00109

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 30 septembre 2022, 21/00109


ARRÊT DU

30 Septembre 2022







N° 1255/22



N° RG 21/00109 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM2W



PL/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE

en date du

18 Janvier 2021

(RG 18/00198 -section )



































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Septembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [H] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Cédric BLIN, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S. FORGITAL DEMBIERMONT

[...

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1255/22

N° RG 21/00109 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM2W

PL/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE

en date du

18 Janvier 2021

(RG 18/00198 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [H] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Cédric BLIN, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S. FORGITAL DEMBIERMONT

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence GALLAND, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 29 Juin 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 28 juin 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[H] [Y] a été embauché par la société FORGITAL DEMBIERMONT dans le cadre d'un contrat de qualification du 13 septembre 1994 au 12 septembre 1996. Il a été ensuite convenu entre les parties un contrat à durée déterminée du 1er juillet au 30 septembre 1996, pour surcroît d'activité, afin de maintenir le salarié dans les effectifs de la société jusqu'à la date de son incorporation pour l'accomplissement du Service national. A son retour, il a conclu un contrat à durée déterminée, du 4 août 1997 au 31 janvier 1999, motivé par un accroissement temporaire d'activité et enfin le 22 janvier 1999 un contrat à durée indéterminée avec effet au 1er février 1999. Il était assujetti à la convention collective des industries de la transformation des métaux de la région de [Localité 5].

Par avenant au contrat de travail, [H] [Y] a été affecté, à compter du 1er février 2015, à un poste de responsable maintenance-travaux neufs, classé au niveau V, échelon 2, coefficient 335, avec fixation d'une période probatoire de six mois devant s'achever le 31 juillet 2015 et reconduite jusqu'au 31 décembre 2015. Il est devenu, à compter du 1er septembre 2016, acheteur sous-traitance usinage et a été rattaché au service usinage. Cette affectation a fait l'objet d'un avenant du 26 juillet 2017.

 

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 janvier 2018 à un entretien le 8 février 2018 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 février 2018.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Depuis le 1er septembre 2016, vous occupez le poste d'acheteur Sous-Traitance Usinage, nécessitant notamment des compétences techniques sur la négociation avec les fournisseurs/sous-traitants, la gestion des litiges, l'anticipation des besoins potentiels de sous-traitance par rapport aux charges de commandes et la connaissance des flux de commandes en volumes, valeur, délais de livraison .. Ce poste nécessite également de maintenir un bon relationnel en interne avec ses collègues, son responsable hiérarchique et les fournisseurs, en allant au-devant de l'information et en étant pro actif dans la recherche de solutions, cela afin de répondre au mieux aux demandes clients.

Suite à différents échanges avec votre supérieur hiérarchique, Monsieur [N] [D], votre entretien individuel s'est déroulé le 31 juillet 2017, lors duquel il avait noté la nécessité de votre côté de progresser sur l'organisation de la gestion de la sous-traitance, en apportant une plus grande visibilité sur le suivi de votre activité.

Pour cela, des objectifs précis vous ont été fixés, permettant de progresser sur votre organisation personnelle et d'apporter de la visibilité à votre hiérarchie, lui permettant ensuite de prendre les bonnes décisions.

Dans le contexte actuel du développèrent commercial de notre production de produits usinés finis, la gestion de notre sous-traitance est cruciale afin de maintenir les délais, les coûts et d'assurer une gestion optimale de notre «service client». Votre hiérarchique a insisté durant cet entretien sur la nécessité d'avoir un suivi des encours à jour.

Monsieur [D] vous a fait part également de la nécessité d'imposer votre mode de fonctionnement et de vous affirmer en interne auprès des collègues, tout comme auprès des fournisseurs.

Par ailleurs, votre responsable hiérarchique vous a notifié lors de cet entretien qu'il n'était pas nécessaire de vous faire bénéficier de mesures supplémentaires d'adaptation à votre poste de travail, les bases techniques nécessaires à l'élaboration de vos missions étant présentes.

Suite aux échanges réguliers avec votre hiérarchie et ne voyant rien avancer sur vos objectifs et constatant votre manque de pro activité, vous avez été convié à un échange ouvert avec la Responsable Ressources Humaines, [S] [B] et Monsieur [N] [D], afin de faire le point sur votre poste actuel et les difficultés rencontrées au quotidien, cela en date du vendredi 13 octobre 2017. Vous aviez confirmé que les activités de sous-traitance n'étaient pas gérées de façon optimale. Monsieur [D] vous avait alors réitéré le souhait de vous voir progresser dans la communication avec votre hiérarchie, vos collègues et les sous-traitants pour vous permettre d'obtenir les informations nécessaires au quotidien. Monsieur [D] avait refait un point sur vos objectifs, le sens apporté à ceux-ci, afin, à nouveau, d'en assurer une compréhension commune et de s'engager à continuer à vous accompagner au quotidien pour vous faire progresser. Il avait par ailleurs longuement insisté sur la prise de conscience nécessaire à votre niveau pour être plus pro actif au quotidien afin de proposer des améliorations sur votre poste de travail. Vous aviez par ailleurs à ce titre, émis plusieurs propositions dont le fait de vous rapprocher physiquement du bureau de Monsieur [F] [E], votre collègue en charge du planning de l'activité. Cela avait pour objet de ne plus travailler dans l'urgence de votre côté et d'arriver à une maîtrise plus forte du planning sous-traitance et de minimiser les impacts sur les délais clients en matière de production.

Monsieur [D] avait clôturé cet échange ouvert en insistant sur la nécessité d'améliorer votre communication avec les sous-traitants afin de garantir une image professionnelle de l'entreprise, tout en garantissant le meilleur service pour Forgital Dembiermont en terme de coûts et de délais,

Conformément à ses engagements, votre responsable hiérarchique vous a ensuite revu par la suite, afin de faire un point sur l'avancée de vos missions, cela sans succès. Votre responsable hiérarchique, vous relançant, vous lui avez adressé par email des graphiques de situations d'indicateurs a posteriori mais sans apporter ni grille de lecture, ni ébauche de pian d'action, ni en allant plus loin dans la démarche de suivi de l'activité sous-traitance.

L'ensemble de ces éléments met en évidence de façon récurrente des échecs à gérer la sous-traitance de façon efficace, un manque d'organisation de votre activité, et un savoir-être peu en ligne avec la gestion efficace des sous-traitants (entamer des négociations, gérer les litiges, prospecter de nouveaux fournisseurs potentiels, anticiper les besoins par rapport aux charges de commandes...). Malgré les différents accompagnements réalisés, force est de constater que vous n'avez pas réussi à progresser sur vos activités, les marges ne sont pas maîtrisées et le fait de travailler dans l'urgence et de façon désorganisée amène les sous-traitants à surévaluer le montant de leurs opérations d'usinage, et à mettre en péril la livraison de nos pièces dans les délais impartis.

Lors de l'entretien préalable du 8 février 2018, nous vous avons rappelé les éléments suivants :

-le manque de méthodes et d'organisation de votre activité, malgré l'accompagnement de votre responsable hiérarchique a causé de façon récurrente une prise de retard dans l'organisation de la sous-traitance usinage, causant des délais supplémentaires de livraison pour nos clients, une surfacturation du fait de l'urgence des commandes, de la négligence sur la gestion des encours (34 commandes non réceptionnées en 2017) et cela, à l'encontre de notre valeur d'entreprise centrée sur le «service client».

-la prise de retard à délivrer vos suivis d'indicateurs (KPI), à assurer une visibilité de l'activité sous-traitance usinage à votre hiérarchie et le manque de suivi sur les commandes passées (délais, disponibilités, délais de livraison ').

-les objectifs qui vous ont été fixés sont réalistes et ne nécessitaient pas une expertise ou une formation supplémentaire ; votre parcours et votre expérience professionnelle étant suffisant pour occuper la fonction.

-Votre hiérarchie a été régulièrement en soutien pour vous accompagner et a réitéré à de multiples occasions son ouverture à échanger, ne constatant pas d'évolution dans l'avancée de vos missions, cela malgré les mises en gardes et conseils effectués.

Prenant en considération vos explications et malgré les efforts d'accompagnements et de coaching qui ont été déployés pour rétablir la situation, nous maintenons que vos compétences ne sont pas au niveau attendu et en conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle.

Cette incapacité à assumer correctement vos fonctions met en cause la bonne marche du service Usinage et, lors de notre entretien du 8 février 2018, vous n'avez pas fourni d'éléments de nature à nous faire espérer un quelconque changement.»

Par requête reçue le 22 novembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Avesnes sur Helpe afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'une indemnité.

 

Par jugement en date du 18 janvier 2021, le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande mais a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 24 janvier 2021, [H] [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 24 mai 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 29 juin 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 23 mai 2022, [H] [Y] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

56831,34 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'appelant expose que son licenciement est disciplinaire puisque, selon son employeur, il aurait fait preuve d'une mauvaise volonté délibérée dans l'exécution de ses tâches, qu'en présence de manquements volontaires, de négligences ou encore d'erreurs professionnelles consécutives à la mauvaise volonté du salarié, le licenciement doit être prononcé pour faute, que la procédure de licenciement n'a été engagée que le 30 janvier 2018, soit bien après le délai de 2 mois qui était imparti à l'employeur, que les faits reprochés sont donc manifestement prescrits et le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'insuffisance professionnelle consiste en l'incapacité du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante et doit être établie par l'employeur qui l'invoque, que tel n'est pas le cas en l'espèce, que l'employeur procède par des propos vagues et généraux pour lui reprocher un manque de «méthode et d'organisation» sans exemples concrets, que ce dernier n'a formulé aucune remarque sur les documents que l'appelant lui avait transmis et qui répondaient à ses objectifs, qu'à aucun moment, il n'a formulé de critique sur le travail réalisé ni effectué des relances, que le document intitulé «Tableau de suivi des commandes FORGITAL DEMBIERMONT reprenant les commandes non réceptionnées sur 2017» a été rédigé par la société, que la pièce «Extraits du logiciel de production de la société FORGITAL DEMBIERMONT concernant les commandes non réceptionnées sur 2017» produite par la société n'est pas davantage convaincante, qu'à aucun moment l'employeur n'a voulu lui retirer ses fonctions de responsable maintenance, que la décision est venue de l'appelant, qu'ayant travaillé pendant plus de vingt ans dans le service maintenance, il lui paraissait logique de poursuivre sa carrière dans le même secteur, qu'il a été affecté au service usinage sans aucune formation à l'occasion de la prise de poste, que le courrier du 16 octobre

2017 avec un compte rendu des griefs reprochés ne lui a jamais été communiqué, qu'à supposer que l'employeur l'ait trouvé inadapté pour certaines tâches auxquelles il était affecté, il lui appartenait de lui en faire part et de le former pour qu'il atteigne le niveau attendu, que les fonctions dévolues à l'appelant étaient radicalement différentes de celles qu'il avait occupées entre 1994 et 2016, qu'il a dû apprendre le métier d'acheteur sous-traitance usinage par ses propres moyens, qu'il n'a jamais souhaité intégrer le service usinage, que son employeur lui a fixé, pour la première fois, des objectifs dans des termes généraux lors de l'entretien du 31 juillet 2017, et sur la remarque de l'appelant que les objectifs n'étaient pas précisément définis, l'employeur les a précisés le 19 octobre 2017 et récapitulés dans un mail du 23 octobre 2017, que dès le 14 décembre 2017 il lui a demandé d'envisager une rupture amiable de son contrat de travail, que les griefs reprochés ne sont donc pas caractérisés, que le salaire de référence étant de 3343,02 euros et compte tenu de son ancienneté de 23 ans et 8 mois au jour de la rupture de son contrat de travail, il est bien fondé à solliciter une indemnité équivalant à 17 mois de salaires, soit 56831,34 euros.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 17 mai 2022, la société FORGITAL DEMBIERMONT intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient, sur le parcours de l'appelant au sein de la société, les formations dont il a bénéficié et son évolution à la fonction d'acheteur sous-traitance usinage, qu'elle a strictement respecté ses obligations d'adaptation et de formation, que l'appelant a fait connaître à plusieurs reprises son désir d'évoluer dans la société, qu'il bénéficiait de tous les atouts pour réussir sa prise de fonction tant au poste de Responsable de la maintenance qu'à celui d'acheteur sous-traitance usinage, que sa promotion demandait un certain investissement, que l'appelant n'a pas réussi à prendre cette fonction en main, que cet échec est dû à sa personnalité qui ne va pas s'adapter, qu'il a également échoué dans le second poste alors qu'il avait toutes les qualifications pour réussir, qu'il jouissait d'une expérience professionnelle antérieure et de compétences adéquates au terme d'un bilan de compétences, qu'il disposait de connaissances adaptées au poste selon ses interlocuteurs internes, qu'il avait bénéficié entre 2003 et 2017 de formations, qu'un accompagnement par deux personnes avait été prévu par la société, que licenciement de l'appelant pour insuffisance professionnelle est bien fondé, que la matérialité des faits invoqués par l'intimée n'est pas contestable, que les griefs constituant l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié sont un manque de méthodes et d'organisation de son activité, une prise de retard dans la construction des indicateurs de son activité avec deux éléments de contexte précis, des objectifs qui étaient atteignables compte-tenu du parcours, de l'expérience du salarié et malgré un accompagnement avéré du responsable hiérarchique, que la société produit un tableau récapitulant les retards dans le suivi des commandes de sous-traitance, démontrant que l'appelant n'effectuait pas le suivi des pièces dont l'usinage était sous-traité, qu'il faisait preuve d'un manque de réactivité avec son responsable et avec les autres services, démontré par les échanges de courriels produits, que des recadrages ont été effectués lors de l'entretien individuel d'appréciation du 31 juillet 2017, que l'appelant a été alerté sur le fait qu'il devait s'investir plus fortement dans son nouvel emploi, qu'il a reçu une nouvelle alerte par courriel du 22 janvier 2018, que la société n'était pas opposée à une rupture amiable de son contrat, qu'en l'absence d'accord financier, l'attitude de l'appelant l'a contrainte à engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, que le licenciement ne présente aucun caractère disciplinaire.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu en application de l'article L1235-1 alinéa 3 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont une insuffisance professionnelle du salarié dans ses fonctions d'acheteur sous-traitance usinage caractérisée par une absence d'atteinte des objectifs fixés, des échecs dans la gestion de la sous-traitance, un manque de méthode et d'organisation et des retards dans les suivis d'indicateurs ;

Attendu que par avenant en date du 23 janvier 2015 l'appelant devait occuper les fonctions de responsable maintenance-travaux neufs à partir du 1er février 2015 ; que toutefois cette affectation n'était définitive qu'à l'expiration d'une période probatoire de six mois à compter de cette dernière date ; que cette période a été reconduite jusqu'au 31 décembre 2015 par avenant du 28 septembre 2015 ; que la reconduction de cette période est irrégulière puisqu'elle est survenue alors que le délai de six mois était écoulé ; que par ailleurs, si à l'issue de ce second délai, l'appelant ne donnait pas satisfaction à la société, il appartenait à cette dernière de procéder à la rupture de la période probatoire et replacer le salarié dans ses fonctions antérieures ou dans un emploi similaire dès l'expiration de cette période ; que cette ré affectation n'est survenue que par avenant du 26 juillet 2017 dont l'effet a été fixé rétroactivement au 1er septembre 2016 ; que, bien qu'il l'ait souhaité, l'appelant n'a pas regagné ses fonctions précédentes, à la dénomination variable puisque correspondant tantôt à celles de responsable bureau d'études-travaux neufs, tantôt à celles de technicien bureau d'études-travaux neufs comme mentionné dans le bilan de compétences du 11 mars 2016 ; que selon l'intimée, ce retour était impossible car le poste était occupé par un autre salarié à la suite de la nouvelle affectation de [H] [Y] ; qu'il devait alors occuper celui d'acheteur sous-traitance usinage en vertu du dernier avenant précité ; qu'il n'est nullement démontré que ce dernier poste puisse être considéré comme un emploi similaire à celui précédemment attribué à l'appelant ; qu'il supposait donc un accompagnement ou une formation préalables qui ne lui ont pas été dispensés sérieusement ; qu'en effet, les formations dont fait état la société, suivies entre 2003 et 2017, sont sans rapport avec les fonctions d'acheteur sous-traitance usinage ; que ne peuvent être qualifiés d'accompagnement les simples entretiens entre l'appelant et [N] [D], responsable usinage ; que pour démontrer que l'appelant disposait de compétences suffisantes, le témoin se réfère notamment, dans son attestation, au fait que ce dernier avait précédemment occupé le poste de responsable maintenance, alors que la période probatoire n'avait pas été concluante ; que les affirmations de [N] [D] sur les compétences de l'appelant se trouvent d'ailleurs en contradiction avec ses propres constatations figurant dans le document rédigé à la suite de l'entretien individuel d'appréciation du 31 juillet 2017 puisqu'il note dans la rubrique relative aux compétences techniques de l'appelant : «évolution «au fil de l'eau», pas de formation en phase avec le poste (technique), les bases sont présentes» ; qu'au demeurant, les responsabilités exactes attribuées à l'appelant postérieurement au 26 juillet 2017 ne sont pas claires ; qu'en effet, [N] [D] rappelle dans son attestation que l'appelant occupait depuis septembre 2016 le poste de responsable sous-traitance ; que dans son courriel du 29 septembre 2017 il concluait que ce dernier «n'était pas fait pour un poste de responsable sous-traitant, il est bien trop gentil et par ce fait ne parvient pas à atteindre ses objectifs» ; qu'en toute hypothèse, la société ne pouvait se prévaloir de faits constitutifs d'insuffisance professionnelle que postérieurement à la date de conclusion du dernier avenant, soit au 26 juillet 2017, cet avenant définissant seul les responsabilités confiées au salarié ; que le reproche portant sur une absence d'atteinte

des objectifs fixés et en particulier de la mise en place d'indicateurs de suivi de l'activité, dénommés «Key productive indicator» ne saurait prospérer ; que, selon le courrier du 16 octobre 2017 résumant les conclusions de l'entretien organisé le 13 octobre 2017, cet objectif n'a été exactement précisé que dans le courriel de [N] [D] du 23 octobre 2017 soit au plus tard trois mois avant la mise en 'uvre de la procédure de licenciement ; que s'agissant de l'échec dans la gestion de la sous-traitance reproché, le courrier précité fait état des objections émises par l'appelant et notamment des difficultés qu'il rencontrait dans la compréhension des problèmes d'usinage et qu'il imputait à son manque d'expérience dans ce secteur ; que celles-ci ont cependant été balayées par [N] [D] qui a nié l'utilité d'une telle expérience ; que le manque de méthode et d'organisation ne peut être justement reproché comme tenu de la faiblesse de la formation reçue par l'appelant ; que s'agissant des retards dans le suivi des indicateurs, la plupart de ceux-ci concerne la période antérieure au 26 juillet 2017 ; qu'en toute hypothèse, l'intimée ne pouvait invoquer à l'encontre de l'appelant une insuffisance professionnelle après une période d'activité aussi brève puisqu'entre le 26 juillet 2017 et le 30 janvier 2018 ne se sont écoulés que six mois ; qu'au demeurant, dès le 17 décembre 2017 au moins, la société avait envisagé une rupture amiable du contrat de travail moyennant le versement d'une somme forfaitaire de 40000 euros qui n'a pas eu lieu en raison du refus de l'appelant d'accepter une telle somme ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de l'appelant est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la rémunération mensuelle moyenne de l'appelant s'élevait à la somme de 3343,02 euros ;

Attendu en application de l'article L1235-3 du code du travail que l'appelant était âgé de quarante ans et jouissait d'une ancienneté de plus de vingt-trois années au sein de l'entreprise qui employait habituellement au moins onze salariés ; qu'il ne communique pas le moindre élément de fait susceptible de lui permettre de bénéficier d'une indemnité d'un montant supérieur au minimum prévu par les dispositions légales précitées ; qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 10030 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi ;

Attendu en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

 

Attendu que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société des allocations versées à l'appelant dans les conditions prévues à l'article précité et dans la limite de six mois d'indemnités ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

 

INFIRME le jugement déféré,

 

ET STATUANT A NOUVEAU, 

CONDAMNE la société FORGITAL DEMBIERMONT à verser à [H] [Y] 10030 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la société FORGITAL DEMBIERMONT au profit du Pôle Emploi des allocations versées à [H] [Y] dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE la société FORGITAL DEMBIERMONT à verser à [H] [Y] 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Philippe LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00109
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.00109 ?
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