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30/09/2022 | FRANCE | N°20/02425

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 30 septembre 2022, 20/02425


ARRÊT DU

30 Septembre 2022







N° 1587/22



N° RG 20/02425 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLKR



GG/GL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

07 Décembre 2020

(RG F19/00380 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 30 Septembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



S.A.R.L. MERY

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me François RABIER, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



M. [B] [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

...

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1587/22

N° RG 20/02425 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLKR

GG/GL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

07 Décembre 2020

(RG F19/00380 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

S.A.R.L. MERY

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me François RABIER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

M. [B] [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Charlotte FEUTRIE, avocat au barreau de BETHUNE, substituée par Me Eric WATERLOT, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Juin 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 octobre 2012, la SARL MERY a embauché, suivant contrat à durée indéterminée, M. [B] [A], né en 1970, en qualité de chauffeur déménageur, chef d'équipe, emploi du groupe 7, annexe 1, coefficient 150 DC1 de l'annexe des ouvriers de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport et de son avenant de déménagement.

Sa rémunération brute mensuelle était fixée à la somme de 1.535,20 euros pour une durée mensuelle de travail effectif de 152 heures.

Au dernier état de la relation contractuelle, la rémunération brute moyenne de M. [B] [A] s'élevait à la somme de 1661,36 €, outre une prime d'ancienneté et une prime de qualité et d'assiduité.

Plusieurs lettres d'observations ont été adressées au salarié le 17/06/2016 et le 23/11/2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23/07/2019, M. [B] [A] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 31/07/2019, et mis à pied à titre conservatoire. L'entretien s'est déroulé le jour prévu.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3/08/2019, M. [B] [A] a été licencié pour faute grave aux motifs suivants :

«[...] Les 18 et 19 juillet 2019, vous avez eu un comportement inadmissible à l'égard de M. [V], commercial de la société, qui atteste :

« Le 18 juillet 2019 vers 7h30 j'ai essayé de joindre M [A] pour lui expliquer l'organisation du déménagement de M [N]. Celui-ci n'a pas décroché, j'ai donc appelé son collègue M [Y] pour qu'il lui dise de me joindre, je n'ai eu aucune nouvelle.

Vers 8h30 le client m'a appelé pour me dire que les déménageurs râlaient et j'ai entendu M [A] me traiter de connard, de commercial de merde et gueulait à tout bout de champ.

J'ai demandé aux clients de me le passer au téléphone et celui-ci a répondu je ne parle pas au connard, de toute façon je ne serai pas là demain tu te débrouilleras avec ton déménagement t'as ton permis poids-lourd.

J'ai dis au client que je m'occupais de l'organisation et j'ai appelé mon responsable.

Le lendemain matin au dépôt vers 7h, lorsqu'il est arrivé il m'a dit devant les autres déménageurs je ne dis pas bonjour au branleur de commercial, on est dans une société de merde, j'en ai marre de travailler avec de la merde de toute façon je vais me barrer.

Je lui ai dit que je ne parle pas avec quelqu'un qui est constamment en train de gueuler et qu'aujourd'hui il y avait une équipe en conséquence pour que le déménagement soit terminé. Il m'a répondu ton déménagement de merde sera pas fini ce soir et tu te débrouilleras pour aller chercher le chèque ».

Lors de notre entretien, vous avez reconnu les faits.

Alerté par cette situation et m'étant rapproché de votre supérieur hiérarchique, le 22 juillet suivant, M. [F] m'informait d'un comportement similaire à son égard et attestait :

« À de nombreuse reprises Mr [A] a proféré à mon égard des insultes et des menaces.' Je me souviens cependant des dossiers « [I] » du 6 février 2019 et « [X] » des 7 et 8 mars 2019 où dès 9h du matin du premier jour j'ai eu droit à tous les noms d'oiseaux car selon lui « il était impossible de finir le déménagement comme

je l'avais prévu » alors qu'il a suffi que je vienne l'aider 1h30 pour qu'il termine en avance par rapport au délai initialement prévu et du dossier « maison France confort » du 27 février 2019.

Les insultes ont souvent eu rapport à mes capacités à exercer mon métier de commercial déménagement : «incapable», «connard», «branleur», «moins que rien», et autres « sans couilles »'

Ces insultes étaient, la plupart du temps, accompagnées de menaces du genre «Quand je te vois, tu vas prendre mon point sur la gueule», «ne vient pas au dépôt ou tu vas t'en manger une», «on va te choper dans un coin et tu ne vas pas comprendre ce qui t'arrive ». C'est d'ailleurs quelques jours après le dossier «Maison France Confort» qu'il m'a attiré dans un des containers de rangement de matériel du dépôt de [Localité 5] et où il m'a demandé si j'avais retrouvé mes couilles pour me présenter ici devant lui. Il a, ce jour-là, tenté de m'intimider en se rapprochant de moi à quelques centimètres d'un air plus que menaçant et j'ai bien cru qu'il allait mettre ses menaces à exécution. »

Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien n'étant pas de nature à modifier notre appréciation des faits, nous avons le regret de prononcer à votre encontre votre licenciement pour faute grave[...] ».

Par requête du 31/10/2019, M. [B] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Lens afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 07/12/2020, le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement de M. [B] [A] sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société MERY à payer à M. [B] [A] les sommes suivantes :

-318.12 € bruts au titre de la période de mise à pied conservatoire, outre 31,81 € bruts au titre de congés payés y afférents,

-4.822 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 482.20 € bruts de congés payés y afférents,

-1.687 € nets au titre de l'indemnité de licenciement,

-12.055 € nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,

-1.000 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [B] [A] du surplus de ses demandes,

-débouté la SARL MERY CL de l'intégralité de ses demandes,

-dit que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de 9 mois de salaire selon les dispositions prévues à l'article R 1454-28 du code du travail et fixe à 2.411 € bruts la moyenne des 3 derniers mois de salaire,

-précisé que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 123l-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la demande pour toutes les sommes de nature salariale, à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme,

-condamné la SARL MERY aux entiers frais et dépens.

Par déclaration reçue le 22/12/2020, la société MERY a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Selon ses dernières conclusions reçues le 22/03/2021, la SARL MERY ayant pour nom commercial ARTDEM demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de :

-débouter M. [B] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-le condamner au paiement d'une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance.

Selon ses dernières conclusions reçues le 25/02/2021, M. [B] [A] demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et de condamner la société MERY au paiement de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, outre les frais et dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 08/06/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

-Sur la prescription

Au préalable, M. [A] invoque la prescription des faits fautifs s'agissant des faits survenus durant les mois de février et mars 2019.

L'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

En outre, dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.

En l'espèce, la société MERY expose avoir eu connaissance des faits du 6 février 2019, et des 7 et 8 mars 2019, à l'occasion de leur révélation par M. [E] [F] le 22 juillet 2019. Toutefois le document produit en pièce 6 par l'appelant et rédigé par M. [F] n'est pas daté.

L'attestation de ce dernier du 20/02/2020 ne fait pas plus état de la date de révélation des faits.

En conséquence, faute de date certaine de la connaissance par l'employeur des faits sanctionnés, ces derniers sont prescrits en ce qui concerne les faits de février et mars 2019.

-Sur le licenciement pour faute grave 

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement fait état d'injures et de menaces à l'encontre de M. [V] les 18 et 19 juillet 2019.

Pour preuve de la faute grave, la société MERY produit :

-le compte-rendu du 30 juillet 2019 de M. [V] relatant les propos injurieux du salarié lors du déménagement d'un client M. [N] («[...] j'ai entendu M. [A] me traiter de connard, de commercial de merde[...] », et le lendemain (« ['] je ne dis pas bonjour au branleur de commercial, on est dans une société de merde[...] Il m'a répondu ton déménagement de merde sera pas fini ce soir et tu te débrouilleras pour aller chercher le chèque[..;],

-l'attestation de M. [V] du 20/02/2020 corroborant son compte-rendu.

Ces éléments sont suffisamment précis et circonstanciés pour établir les faits reprochés par l'employeur.

Il ressort des attestations versées par le salarié une dégradation des conditions des travail (attestation de M. [S]) qui n'est toutefois pas argumentée.

L'attestation de M. [K] fait état de la « pression de la direction », sans plus de précision, ce qui a eu pour conséquences « des mots entre nous mais rien de grave ». Enfin, la lettre de M. [N] n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne comporte pas la mention qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. Ce document fait état d'un manque de caisses mais n'évoque nullement le comportement des déménageurs présent, ce qui la prive de pertinence.

Il s'ensuit que si des des difficultés matérielles ont pu survenir dans l'organisation du déménagement, elles ne justifiaient pas l'emploi d'injures, en présence du client, réitérées le lendemain au dépôt. Ces faits sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail. En revanche, en l'absence d'antécédents disciplinaires, les lettres d'observations étant à la fois anciennes et ne constituant pas des sanctions, il apparaît que ces propos ne rendaient pas impossible la poursuite de la relation de travail pendant le temps du préavis. Il convient dès lors d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de dire que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement.

Les sommes allouées au titre du rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire (318,12 € et 31,81 € de congés payés afférents) et au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (4.822 € et 482,20 € de congés payés afférents) ne sont pas critiquables. Le jugement sera confirmé de ce chef.

L'indemnité de licenciement doit être calculée en vertu des dispositions de l'article R1234-2 du code du travail modifié, sur la base de la moyenne des trois derniers mois de salaire (2401,52 €), avec une ancienneté de 7 ans et 7 mois tenant compte du préavis. L'indemnité de licenciement sera fixée à 3.375,40 €, montant de la demande de l'appelant.

Il convient de débouter M. [A] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes.

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

Succombant la SARL MERY supporte les dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [A] une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives à l'indemnisation de la période de mise à pied conservatoire, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux dépens, et frais irrépétibles,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement repose une une cause réelle et sérieuse mais écarte la faute grave,

Condamne la SARL MERY à payer à M. [B] [A] les sommes de :

-3.375,40 € d'indemnité de licenciement,

-1.500 € d'indemnité pour ses frais irrrépétibles,

Déboute M. [B] [A] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances salariales, et à compter du présent arrêt pour toute autre somme,

Condamne la SARL MERY aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/02425
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;20.02425 ?
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