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30/09/2022 | FRANCE | N°20/02026

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 30 septembre 2022, 20/02026


ARRÊT DU

30 Septembre 2022







N° 1578/22



N° RG 20/02026 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGTZ



GG / GD

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

10 Septembre 2020

(RG F19/00148 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Septembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Société SCP BTSG² es qualité de liquidateur de la SAS WEGRAVIT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Locali...

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1578/22

N° RG 20/02026 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGTZ

GG / GD

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

10 Septembre 2020

(RG F19/00148 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Société SCP BTSG² es qualité de liquidateur de la SAS WEGRAVIT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Me CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de Douai, substitué par Me HULEUX, avocat au barreau de Douai

INTIMÉE :

Mme [B] [U]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me DANDOY, avocat au barreau de Lille

DÉBATS : à l'audience publique du 01 Juin 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 1er juin 2022

EXPOSE

Dans le cadre d'une formation de « manager marketing direct et commerce électronique » dispensée par la Skema business school, la SAS WEGRAVIT a engagé Mme [B] [U], selon contrat de professionnalisation du 01/09/2017 jusqu'au 28/09/2018, en qualité de chargée de développement des grands comptes.

Le tribunal de commerce Lille par jugement du 08/01/2018 a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société WEGRAVIT et fixé provisoirement en accord avec le débiteur la date de cessation des paiements au 01/08/2017.

Par jugement du 31/01/2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS WEGRAVIT et nommé Me [L] [W] en qualité de liquidateur.

Mme [B] [U] a été licenciée par le mandaire liquidateur par lettre du 13/02/2018, compte-tenu de la cessation d'activité de l'entreprise.

Par requête reçue le 11/02/2019 Mme [B] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille de diverses demandes indemnitaires tenant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 10/09/2020, le conseil des prud'hommes a :

-débouté Me [L] [W] et le CGEA de leur demande de nullité du contrat de professionnalisation de Mme [U],

En conséquence a :

-fixé la créance de Madame [B] [U] au passif de la société WEGRAVIT, aux montants suivants qui sont inscrits sur l'état déposé au greffe du tribunal de commerce de Lille,

-12.587,04 € au titre des salaires non payés jusqu'à la fin du contrat,

-1.258,70 € au titre des congés payés y afférents,

-4.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

-rappelé que l'ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majoration,

-rendu le jugement opposable au CGEA qui devra sa garantie légale et réglementaire,

-débouté le CGEA du surplus de ses demandes,

-débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif,

-laissé les dépens à la charge de la liquidation judiciaire à titre de frais privilégiés.

Suivant déclaration du 29/09/2020, l'Unedic délégation AGS, CGEA de [Localité 5] et la SELARL MJ VALEM ASSOCIES représentée par Me Loeille, ont interjeté appel de la décision.

Selon ses dernières conclusions emportant intervention volontaire reçues le 31/05/2022, la SCP BTSG², en remplacement de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES suite à ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille du 21/04/2022, demande à la cour de constater son intervention volontaire, de mettre hors de cause la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, et de :

A titre principal :

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lille du 10 septembre 2020 ;

Statuant à nouveau :

-prononcer la nullité du contrat de professionnalisation conclu entre Mme [B] [U] et la SAS WEGRAVIT,

-débouter Mme [B] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la Cour estimait que la SAS WEGRAVIT a exécuté le contrat de professionnalisation de manière fautive,

-débouter Mme [B] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail faute de justifier du préjudice subi ;

A titre infiniment subsidiaire,

-dire et juger que les dommages et intérêts sollicités par Mme [B] [U] sont manifestement disproportionnés,

-réduire le quantum de la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail à de plus justes proportions ;

En toute hypothèse :

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par ces conclusions du 31/05/2022 la SELARL MJ VALEM ASSOCIES demande sa mise hors de cause et formule pour le surplus des prétentions identiques à celles de la SCP BTSG².

L'Unedic délégation AGS, CGEA de [Localité 5] aux termes de ses conclusions n°4 reçues le 31/05/2022 demande à la cour de constater l'intervention de la SCP BTSG², de mettre hors de cause la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, d'infirmer le jugement déféré, de prononcer la nullité du contrat de professionnalisation, de débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, et en toute hypothèse de :

-lui donner acte qu'elle a procédé aux avances au profit de Mme [B] [U] d'un montant de 9.276,92 € ;

-dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,

-dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail,

-statuer ce que de droit quant aux dépens.

Selon ses conclusions d'intimée reçues le 26/03/2021, Mme [B] [U] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de condamner les appelants aux éventuels dépens d'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 01/06/2022.

En cours de delibéré, il a été demandé aux appelants de produire les jugements de redressement et de liquidation judiciaire, par message RPVA du 08/06/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites et transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'intervention volontaire de la SCP BTSG²

Compte-tenu de l'ordonnance de remplacement du 21/04/2022 du président du tribunal de commerce de Lille de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES prise en la personne de Me [L] [W] par la SCP BTSG², il convient d'accueillir son intervention volontaire et de mettre hors de cause la SELARL MJ VALEM ASSOCIES.

Sur la nullité du contrat de professionnalisation

La SCP BTSG² soutient que le contrat de professionnalisation est nul, qu'il a été conclu un peu plus de 4 mois avant la liquidation judiciaire, et un mois après la date de cessation des paiements, que les obligations de l'employeur consistent à assumer le paiement d'un salaire durant 12 mois pour une somme globale de 18.880,56 € brut, le salaire mensuel étant fixé à 1.573,38 €, sans contrepartie eu égard à la prévisibilité de la liquidation judiciaire emportant cessation immédiate d'activité, que la société WEGRAVIT n'était pas en mesure, à la date de la conclusion du contrat de professionnalisation, de s'engager financièrement, sur une durée ferme de 12 mois, à verser une rémunération à Mme [U], ces éléments caractérisant l'existence d'un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat de professionnalisation, justifiant que ce dernier soit déclaré nul, peu important qu'il soit égal à 85% du SMIC, les dispositions de l'article L1243-4 du code du travail ne pouvant pas trouver application, les salaires dus pour la période travaillée ayant été versés, la demande de dommages-intérêts ne pouvant pas plus prospérer.

L'Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 5] fait valoir une argumentation identique.

Mme [U] fait valoir que la nullité du contrat ne résulte pas de sa seule conclusion en période suspecte, qu'il convient d'apprécier s'il existe ou non un déséquilibre notable entre les obligations des parties au contrat, au regard de leurs engagements respectifs, que si l'état de cessation des paiements peut en lui-même caractériser un déséquilibre notable entre les obligations des parties, il convient à présent de relever que la capacité financière de l'entreprise au moment de la conclusion du contrat ainsi que sa capacité financière prévisible ne sont pas des critères de mise en 'uvre de l'article 632-1 du code de commerce, que le liquidateur ne justifie pas de circonstances particulières établissant l'existence d'un déséquilibre notable entre les obligations respectives des parties, qu'il n'explique pas en quoi compte tenu de la taille de l'entreprise, de ses projets, de sa situation financière l'entreprise était dans l'impossibilité de s'engager financièrement sur une durée de 12 mois, qu'au contraire les articles de presse établissent la taille et la vitalité de l'entreprise encore en 2017.

L'article L.632-1, I, du code de commerce, dans sa rédaction applicable, dispose que :

« Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :

(...) 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie[...] ».

Le contrat de professionnalisation à durée déterminée n'est pas produit, mais les parties s'accordent sur sa conclusion pour la période du 01/09/2017 au 28/09/2018, comme le confirment la convention de formation professionnelle du 07/04/2017, l'avenant au contrat du 28/09/2017 et la DPAE du 01/09/2017.

L'employeur a saisi le tribunal de commerce le 29/12/2017. Cette juridiction a fixé le 08/01/2018 la date de cessation des paiements au 01/08/2017. Le contrat de professionnalisation a donc été établi par le débiteur en état de cessation des paiements, pendant la période suspecte.

Aux termes de l'article 1104 du code civil, le contrat commutatif est défini comme celui dans lequel chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle. Un contrat est commutatif lorsque l'avantage que chacune des parties en retire est susceptible d'être évalué par elles au moment de la conclusion de l'acte.

Or en l'espèce, il apparaît que l'entreprise n'a versé aucun salaire à la salariée dès le début de la relation de travail, qu'elle n'a pas plus rempli ses obligations à l'égard de l'organisme de formation, puisque l'école SKEMA a adressé à la salariée une facture de 3.551 € de frais de scolarité restant à sa charge. Les bulletins de paie mentionnent certes un salaire correspondant à 85 % du salaire minimum soit 1.573,38 €, ce qui correspond toutefois à une masse salariale de 18.880,56 € sur la période considérée, outre le financement partiel de la formation de 6.510 € qui n'a jamais été réglé. Il s'ensuit que l'entreprise s'est engagée, alors qu'elle avait conscience de la dégradation de sa situation financière et économique, à fournir pendant 12 mois un salaire et du travail à Mme [U], ce qui n'a pu être fait dès le début de la relation de travail s'agissant du salaire.

Dès lors, la cour considère que les obligations de l'employeur excédaient notablement celles de la salariée, un déséquilibre significatif existant entre les prestations respectives des parties eu égard à la date de signature du contrat de professionnalisation intervenue un mois après la date fixée pour la cessation des paiements.

En conséquence, par réformation du jugement entrepris, il convient de prononcer la nullité du contrat de travail du 01/09/2017 signé entre Mme [B] [U] et la société WE GRAVIT, Mme [U] étant déboutée de sa demande de paiement de l'indemnité égale aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'à la fin du contrat.

Sur les dommages-intérêts en raison de l'exécution fautive du contrat

Le contrat de professionnalisation étant annulé, Mme [U] ne peut se prévaloir valablement, dans ce cadre, d'une exécution fautive du contrat de travail. Le jugement sera réformé et Mme [U] déboutée de sa demande indemnitaire.

Le présent arrêt sera opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA dans les limites de sa garantie.

Sur les autres demandes

Les dépens seront en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit l'intervention volontaire de la SCP BTSG²,

Met hors de cause la SELARL MJ VALEM ASSOCIES,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau, y ajoutant

Dit nul le contrat de professionnalisation conclu le 01/09/2017 entre la SAS WEGRAVIT et Mme [B] [U],

Déboute Mme [B] [U] de ses demandes de dommages-intérêts,

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/02026
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;20.02026 ?
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