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30/09/2022 | FRANCE | N°20/01495

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 30 septembre 2022, 20/01495


ARRÊT DU

30 Septembre 2022







N° 1265/22



N° RG 20/01495 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCUS



GG/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

24 Juin 2020

(RG 20/00010 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Septembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [G] [E]

[Adresse 1]

représenté par Me Ludovic HEMMERLING, avocat au barreau de BETHUNE





INTIMÉS :



M. [Z] [F], en liquidation judiciaire

S.E.L.A.S. M.J...

ARRÊT DU

30 Septembre 2022

N° 1265/22

N° RG 20/01495 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCUS

GG/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

24 Juin 2020

(RG 20/00010 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Septembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [G] [E]

[Adresse 1]

représenté par Me Ludovic HEMMERLING, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMÉS :

M. [Z] [F], en liquidation judiciaire

S.E.L.A.S. M.J.S PARTNERS Es qualité de «liquidateur judiciaire» de Monsieur [Z] [F] [Adresse 3]

n'ayant pas constitué avocat - assignée le 23/09/2020 à personne morale

Association CGEA DE [Localité 5]

[Adresse 2]

représentée par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Juin 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE

L'entreprise [Z] [F], qui exerçait une activité de transports, a engagé le 17/07/2017 M. [G] [E], sans contrat écrit, en qualité de chauffeurs poids lourds.

Suivant lettre du 20/09/2017, M. [E] a démissionné de son emploi, pour les raisons qui suivent :

« Je vous informe par la présente de ma décision de démissionner du poste que j'occupe actuellement au sein de l'entreprise [F] [Z] depuis le 17 juillet 2017 en tant que chauffeur routier puisque je n'ai pas de nouvelles de votre part et aucun travail depuis le 13 septembre 2017.

Vous ne répondez ni à mes messages, ni à mes appels. Je n'ai toujours pas reçu ma paie du mois d'août ni la fiche de paie du mois de juillet.

Je me rends tous les jours devant le dépôt de Noeux-les-Mines mais le portail est fermé et aucun camion n'est là. Je suis donc sans travail et sans nouvelle de vous, mon employeur.

Afin de respecter le préavis d'une durée d'une semaine qui s'applique à mon contrat de travail, je quitterai l'entreprise le 27 septembre 2017.

Je vous remercie de me transmettre rapidement mon contrat de travail que vous ne m'avez pas rendu depuis le 12 septembre 2017, jour de la perquisition de vos camions.

Vous trouverez ci-joint un RIB puisque vous ne me transmettez pas mon salaire par chèque comme convenu et comme noté sur la fiche de paie.

Je vous remercie de me transmettre tous les documents suivants ainsi que mon solde de tout compte :

-Contrat de travail

-Fiche de paie de juillet et septembre

-Paie d'août et septembre

-Solde de tout compte

Je précise également dans ce courrier que je dépose plainte contre vous.

J'ajoute aussi que j'envoie ce courrier à votre domicile à [Localité 6], adresse vérifiée auprès de la gendarmerie d'[Localité 4] puisque sur vos documents officiels aucune adresse n'est la vôtre.

De plus, la fiche de paie d'août reçue ce jour est fausse puisqu'il est noté que je suis dans la société depuis le 1er août alors que j'y suis depuis le 17 juillet 2017. Je suis parti 7 fois avant 5h du matin vous me devez donc 7 petits-déjeuners et non 5.

Vous m'avez obligé à me mettre en « couchette » lors des temps d'attente chez les clients afin de respecter l'amplitude quotidienne que la RSE autorise en me certifiant que ces heures seraient payées j'ai donc appliqué vos consignes afin de ne pas perdre mon travail et effectué 293 heures pour vous en août et non 235.16 comme notées sur la fiche de paie (qui ne sont elles-mêmes toujours pas payés !)

Merci donc de faire le nécessaire avant la fin du mois, à défaut j'engagerai une procédure devant le conseil de prud'hommes[...] »

Le tribunal commerce a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise de M. [F] par jugement du 24/04/2018 et désigné la SELAS MJS PARTNERS (Me [H]) en qualité de liquidateur.

A la suite d'une enquête pénale à l'encontre de M. [Z] [F], le tribunal correctionnel de Béthune par jugement du 04/06/2019 a déclaré le prévenu coupable de faits d'exécution d'un travail dissimulé, d'exercice de l'activité de transporteur public routier de marchandises sans inscription au registre, et a prononcé des relaxes partielles.

Le tribunal a prononcé une peine d'emprisonnement délictuel de deux ans, dit n'y avoir lieu à aménagement ab initio de cet peine et prononcé des interdictions définitives de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, et d'exercer toute activité de transport ayant permis la commission de l'infraction.

Par requête du 20/01/2020, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune pour faire requalifier la démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, obtenir diverses indemnités au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ainsi qu'une indemnité au titre du travail dissimulé.

Par jugement du 24/06/2020, le conseil de prud'hommes a requalifié la démission de M. [E] en prise d'acte aux torts de l'employeur, jugé que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé la créance de M. [E] dans la liquidation judiciaire de M. [F] aux sommes suivantes :

-2.302,24 € nets au titre du salaire du mois d'août, et 230,22 € de congés payés afférents,

-783,33 € nets de salaire du 1er au 11/09/2017, et 78,33 € nets au titre des congés payés afférents,

-789,48 € bruts au titre du salaire du 12 au 27/09/2017, et 78,94 € bruts de congés payés afférents,

-49,90 € bruts au titre des majorations d'heures de nuit et 4,99 € bruts de congés payés afférents,

-800 € de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-800 € pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-370,10 € bruts de préavis, et 37,01 € de congés payés afférents,

-ordonné la remise sous astreinte de bulletins de paie rectifiés et de l'attestation Pôle emploi conforme au jugement avec une astreinte de 5 euros par jour pour les 2 documents dans un délai de 1 mois à compter du jugement, le conseil se réservant la liquidation de l'astreinte,

-déclaré le jugement opposable au CGEA de [Localité 5],

-débouté M. [E] de ses autres demandes,

-laissé à la charge de la liquidation judiciaire de M. [F] les frais et dépens.

Par déclaration du 22/07/2020, M. [E] a interjeté appel de la décision précitée, limité aux chefs de jugement l'ayant débouté de ses autres demandes, et plus précisément de sa demande de rappel de salaire de juillet 2017 pour 246,22€ nets et 18.307,14€ au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article 8223-1 du code du travail.

Par arrêt du 15/12/2020, la cour d'appel de Douai a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Béthune en ses dispositions sur la culpabilité, en ce compris les relaxes partielles, l'a infirmé pour le surplus et a condamné [Z] [F] à la peine de 30 mois d'emprisonnement, outre plusieurs peines complémentaires.

Selon ses conclusions d'appelant du 26/01/2021, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce que il l'a débouté de la somme de 1.360,20 € outre 136,02 € à titre de congés payés, soit 1.496,22 € nets au titre du salaire de juillet 2017, et la somme de 18.307,14 euros sur le fondement de l'article L8223-1 du Code du travail, de constater l'autorité de chose jugée s'attachant à la condamnation pénale de l'employeur pour travail dissimulé à son préjudice, et statuant à nouveau, ajoutant au jugement confirmé sur le surplus :

-fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de M. [F] aux sommes complémentaires suivantes :

-solde de salaire sur juillet 2017 : 246,22 € nets,

-indemnité sur le fondement de l'article L8223-1 du code du travail : 18.307,14 €,

-dire que ces sommes seront également portées sur l'état des créances de la liquidation de M. [F],

-dire l'arrêt opposable au CGEA au titre de sa garantie et en conséquence rejeter la demande du CGEA visant à dénier sa garantie s'agissant de l'indemnité de travail dissimulé,

-se déclarer non saisi de l'appel incident du CGEA,

-subsidiairement confirmer le jugement qui lui a octroyé une somme de 3.051,19 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

-condamner les intimées aux dépens.

Selon ses conclusions du 06/12/2021 l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :

-à titre principal, confirmer le jugement des chefs du jugement critiqué sauf en ce qu'il a été accordé à M. [E] des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

-infirmer le jugement et débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

-à titre infiniment subsidiaire, déclarer la décision opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS de [Localité 5] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L3253-1 et suivants du code du Travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

-en tout état de cause et si l'opposabilité à l'AGS est prononcée, dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justifications par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

-condamner le requérant aux entiers frais et dépens.

La SELAS MJS PARTNERS n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 08/06/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

Au préalable, l'existence d'une relation de travail salariée, à compter du 17/07/2017, n'est pas remise en question.

L'appelant expose avoir travaillé à compter du 17/07/2017, avoir reçu un chèque de 1.250 € en août 2017 pour le salaire du mois de juillet, que le conseil de prud'hommes a omis les indemnités repas et petits déjeuners ainsi que les heures d'équivalence non réglées pour 17,33 heures.

L'Unédic considère qu'il n'est pas démontré que les heures d'équivalence n'ont pas été réglées au bon taux horaire.

L'appelant fonde sa réclamation sur un salaire net de 1.360,20 € outre 136,02 € de congés payés, comprenant 137,45 heures à 9,76 €, et 17,33 heures majorées à 12,20 €, outre 11 indemnités de repas et 6 petits déjeuners. Or, le décompte produit par le salarié, identique à celui produit devant les premiers juges, retient une base de calcul de 137,45 heures.

Or, il convient comme l'a retenu le premier juge, de retenir une durée effective de travail de 124,45 heures, déduction faite des 13 heures de coupures figurant à la fiche de synthèse du conducteur, le premier juge ayant par ailleurs effectivement pris en compte l'ensemble des éléments de salaire allégués par le salarié, le jugement déféré allouant au surplus une somme au titre de la majoration des heures de nuit pour les mois de juillet à septembre 2017. La décision doit donc être confirmée.

Sur l'indemnité pour procédure irrégulière

Au titre de son appel incident, qu'elle estime recevable, l'Unédic estime que le salarié ne apporte pas la preuve de son préjudice.

M. [E] estime que l'appel incident ne comporte pas l'énoncé précis du chef de jugement expressément et sollicite au surplus la confirmation du jugement.

L'appel incident de l'Unédic est recevable.

En vertu de l'article L1235-5 in fine du code du travail dans sa rédaction applicable, En cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

La démission produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle, et le salarié n'ayant pu bénéficier de l'assistance par un conseiller, il en résulte une irrégularité de procédure causant un préjudice au salarié qui doit être réparé par une indemnité plus exactement fixée à 1.000 €, en vertu de l'article L1235-2 du code du travail. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

L'appelant expose que l'employeur n'a pas effectué de déclaration préalable à l'embauche, n'a pas remis les bulletins de paie, qu'il s'est abstenu de payer les charges sociales, que l'infraction est reconnu par l'employeur, que la condamnation pénale a autorité de chose jugée, qu'il a démissionné avant la procédure de liquidation judiciaire, l'Unédic devant sa garantie.

L'Unédic s'en rapporte à la sagesse de la cour, au regard de l'arrêt du 15/12/2020.

En l'espèce, la dissimulation d'emploi salarié par M. [F] ne peut qu'être intentionnelle, l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 15/12/2020 le condamnant pour des faits de travail dissimulé s'imposant à la présente juridiction.

L'indemnité forfaitaire de six mois de salaire prévue par l'article L8223-1 du code du travail est calculée en prenant en compte le salaire du salarié durant les 6 derniers mois précédent la rupture. M. [E] peut prétendre à la somme de 12.866,30 €.

Le jugement est infirmé. Cette somme sera fixée à l'état des créances de la liquidation judiciaire de M. [Z] [F].

Sur les autres demandes

Le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5] qui sera tenue à garantie dans les conditions et limites prévues par les articles L3253-6 et D3253-5 du code du travail.

Les dépens seront pris en frais liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions sur l'indemnité pour licenciement irrégulier et sur le travail dissimulé,

Infirme le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Fixe les créances de M. [G] [E] au passif de la liquidation judiciaire de M. [Z] [F] aux sommes suivantes :

-1.000 € d'indemnité pour procédure irrégulière,

-12.866,30 € d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Dit le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5] qui sera tenue à garantie dans les conditions et limites prévues par les articles L3253-6 et D3253-5 du code du travail,

Dit que les dépens seront pris en frais liquidation judiciaire.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01495
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;20.01495 ?
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