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29/09/2022 | FRANCE | N°19/05636

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 29 septembre 2022, 19/05636


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 29/09/2022





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N° de MINUTE :

N° RG 19/05636 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SUSS



Jugement rendu le 02 septembre 2019

par le tribunal d'instance de Lille







APPELANTE



La SAS Eco Environnement prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Localité 5]



r

eprésentée par Me Anne-Sophie Verité, avocat au barreau de Lille

ayant pour conseil, Me Paul Zeitoun, avocat au barreau de Paris





INTIMÉES



Madame [U] [I]

née le 24 novembre 1956 à [Localité 6] (Congo)

demeurant [Adre...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 29/09/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/05636 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SUSS

Jugement rendu le 02 septembre 2019

par le tribunal d'instance de Lille

APPELANTE

La SAS Eco Environnement prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Anne-Sophie Verité, avocat au barreau de Lille

ayant pour conseil, Me Paul Zeitoun, avocat au barreau de Paris

INTIMÉES

Madame [U] [I]

née le 24 novembre 1956 à [Localité 6] (Congo)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Guillaume Ghestem, membre du cabinet Essential A, avocat au barreau de Lille

La SA Cofidis prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil, Me Xavier Hélain, membre de la SELARL Haussmann-Kainic-Hascoët-Hélain, avocat au barreau de l'Essonne.

DÉBATS à l'audience publique du 23 juin 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller conseiller, en remplacement de Christine Simon-Rossenthal présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 juin 2022

****

Suivant bon de commande n° 201595 en date du 31 mai 2016, Mme [U] [I] a contracté auprès de la société Eco Environnement, dans le cadre d'un démarchage à domicile, une prestation relative à l'installation d'un GSE Air'System et d'un chauffe eau thermodynamique pour un montant TTC de 29 500 euros.

Le 31 mai 2016, Mme [I] a accepté une offre préalable de crédit auprès de la société Cofidis exercant sous l'enseigne Sofemo Financement, affecté à la réalisation d'une prestation de « aérovoltaïque GSE + ballon thermodynamique », d'un montant de 29 500 euros remboursable en 120 mensualités, précédées d'un différé de paiement de 11 mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 4,55 %.

Par actes d'huissier en date des 28 décembre 2018 et 2 janvier 2019, Mme [I] a fait assigner la société Eco Environnement et la société Cofidis aux fins notamment de voir prononcer à titre principal la nullité des contrats de vente et de crédit affecté et, à titre subsidiaire, leur résolution.

Par jugement en date du 2 septembre 2019, le tribunal d'instance de Lille a :

- Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 31 mai 2016 entre Madame [I] et la société Eco environnement ;

- Constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et Madame [I] en date du 31 mai 2016 ;

- Condamné la société Cofidis à restituer à Madame [I] l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 31 mai 2016 ;

- Ordonné à la société Eco Environnement de procéder à la dépose du matériel posé suivant bon de commande n° 201595 signé le 31 mai 2016 et à la remise en état de la toiture de Madame [I] en son état antérieur à la conclusion du bon de commande ;

- Condamné la société Eco Environnement à payer à la société Cofidis la somme de 39 002,40 euros ;

- Débouté Madame [I] du surplus de ses demandes ;

- Débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes ;

- Débouté la société Eco Environnement de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné les sociétés Cofidis et Eco Environnement à payer à Madame [I] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné les sociétés Cofidis et Eco Environnement aux dépens.

La société Eco Environnement a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 janvier 2020, la société Eco Environnement demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit, de :

- Infirmer en toutes ces dispositions le jugement rendu le 2 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Lille ;

- Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par Madame [I] ;

- Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société Cofidis ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Sur la demande de nullité du contrat de vente conclu entre la société Eco Environnement et Madame [I] le 31 mai 2016 aux motifs de prétendus manquements aux dispositions du code de la consommation :

- Juger que les dispositions prescrites par les anciens articles L.111-1 et suivants du code de la consommation ont été respectées par la société Eco Environnement ;

- Juger que les documents contractuels remis à Madame [I] par la Société Eco Environnement sont conformes à ces dispositions ;

En conséquence,

- Débouter Madame [I] de sa demande tendant à faire prononcer l'annulation du contrat de vente conclu auprès de la société Eco Environnement le 31 mai 2016 ;

Si par extraordinaire la cour venait à considérer que le contrat de vente n'était pas conforme aux dispositions du code de la consommation,

- Juger qu'en signant le bon de commande aux termes duquel étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le code de la consommation, en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), Madame [I] ne pouvait ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit ;

- Juger qu'en laissant libre accès à son domicile aux techniciens, que par l'acceptation sans réserve des travaux effectués par la société Eco Environnement au bénéfice de Madame [I], qu'en laissant le contrat se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la banque, cette dernière a manifesté sa volonté de confirmer l'acte prétendument nul ;

- Juger que par tous les actes volontaires d'exécution du contrat accomplis postérieurement à sa signature, Mme [I] a manifesté sa volonté de confirmer le bon de commande prétendument nul ;

En conséquence,

- Débouter Mme [I] de sa demande tendant à faire prononcer l'annulation du contrat de vente conclu auprès de la société Eco Environnement le 31 mai 2016 ;

A titre subsidiaire, sur la demande de nullité du contrat de vente conclu entre la Société Eco Environnement et Madame [I] le 31 mai 2016 aux motifs d'un prétendu dol :

- Juger que Mme [I] succombe totalement dans l'administration de la preuve du dol qu'elle invoque;

- Juger l'absence de dol affectant le consentement de l'intimée lors de la conclusion du contrat de vente le 31 mai 2016 ;

En conséquence,

- Débouter Mme [I] de ses demandes tendant à faire prononcer l'annulation du contrat de vente conclu auprès de la société Eco Environnement le 31 mai 2016 sur le fondement d'un vice du consentement ;

A titre très subsidiaire, sur la demande de résolution du contrat de vente conclu entre la société Eco Environnement et Mme [I] le 31 mai 2016 pour inexécution contractuelle

- Juger que Mme [I] succombe totalement dans l'administration de la preuve d'une inexécution contractuelle d'une gravité suffisante imputable à la société Eco Environnement ;

- Juger l'absence d'inexécution contractuelle d'une gravité suffisante imputable à la Société Eco Environnement ;

- Juger que la société Eco Environnement a parfaitement respecté les obligations auxquelles elle s'est engagée en vertu du contrat de vente conclu le 31 mai 2016 ;

En conséquence,

- Débouter Mme [I] de sa demande tendant à voir prononcer la résolution du contrat de vente conclu le 31 mai 2016 avec la société Eco Environnement ;

A titre infiniment subsidiaire, sur les demandes indemnitaires formulées par la banque Cofidis à l'encontre de la société Eco Environnement :

- Juger que la société Eco Environnement n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de vente conclu ;

- Juger que la société Cofidis a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit ;

- Réputer non écrite la clause de responsabilité du vendeur invoquée par la société Cofidis en raison de son caractère manifestement abusif ;

- Juger que les contestations relatives à la convention de crédit vendeur du 1er décembre 2015 relèvent de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Lille ;

- Juger que la société Eco Environnement n'est pas tenue de restituer à la société banque Cofidis les fonds empruntés par Madame [I] augmenté des intérêts ;

- Juger que la société Eco Environnement ne sera pas tenue de restituer à la société Cofidis les fonds perçus;

- Juger que la société Eco Environnement ne sera pas tenue de garantir la société Cofidis ;

En conséquence,

- Débouter la banque Cofidis de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la société Eco Environnement ;

En tout état de cause,

- Condamner Mme [I] à payer à la société Eco Environnement, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par cette dernière ;

- Condamner Mme [I] à payer à la société Eco Environnement, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Madame [I] aux entiers dépens.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 juin 2020, la société Cofidis demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- Voir dire et juger Madame [I] irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;

A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer la nullité ou prononcer la résolution judiciaire des conventions :

- Voir dire et juger que la SA Cofidis n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution du capital ;

- Voir dire et juger, en toute hypothèse, que Madame [I] ne justifie pas d'un préjudice de nature à priver la SA Cofidis de sa créance de restitution du capital ;

En conséquence,

- Après avoir constaté que le prêt a été remboursé par anticipation, condamner la SA Cofidis à rembourser à Madame [I] uniquement les intérêts perçus dans le cadre du remboursement anticipé ;

- Voir dire et juger que la SA Cofidis peut conserver le capital d'un montant de 29 500 euros payés dans le cadre du remboursement anticipé.

A titre plus subsidiaire :

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a condamné la société Eco Environnement à payer à la SA Cofidis la somme de 30 002,40 euros au taux légal ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Condamner la société Eco Environnement à payer à la SA Cofidis la somme de 29 500 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause :

- Condamner la société Eco Environnement à relever la SA Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de Madame [I] ;

- Condamner tout succombant à payer à la SA Cofidis une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l'avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 02 septembre 2020, Madame [I] demande à la cour de :

- Juger infondé l'appel formé par la banque société Eco Environnement à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de Lille du 2 septembre 2019 ;

- Débouter la société Eco Environnement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter la banque Cofidis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre des intérêts de Madame [I] ;

- Faire droit aux demandes, fins et conclusions de Madame [I] :

A titre principal :

- Confirmer le jugement du tribunal d'Instance de Lille du 2 septembre 2019 en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat conclu entre Madame [I] et la société Eco Environnement le 31 mai 2016, prononcé l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Madame [I] et la banque Cofidis le 31 mai 2016, annulation qui a pour effet de priver la banque Cofidis de son droit aux intérêts dudit contrat, condamné la société Eco Environnement à déposer les matériels installés au titre du bon de commande du 31 mai 2016 annulé et à remettre en état l'habitation de Madame [I].

A titre subsidiaire :

Si par impossible la cour d'appel ne confirmait pas à titre principal le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé l'annulation des contrats en cause, il lui est demandé de statuer à nouveau et de :

- Prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre Madame [I] et la société Eco Environnement le 31 mai 2016 ;

- Prononcer la résolution judiciaire de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Madame [I] et la banque Cofidis le 31 mai 2016, résolution qui a pour effet de priver la banque Cofidis de son droit aux intérêts dudit contrat ;

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 2 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la société Eco Environnement à déposer les matériels installés au titre du bon de commande du 31 mai 2016 judiciairement résolu, et à remettre en état l'habitation de Madame [I].

A titre très subsidiaire,

- Si par impossible la cour ne prononçait ni l'annulation ni la résolution des contrats en cause, il lui est demandé à titre subsidiaire de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque Cofidis ;

En tout état de cause :

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 2 septembre 2019 en ce qu'il a jugé que la banque Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds ;

- Le confirmer également en ce qu'il a jugé que la faute de la banque Cofidis la prive de son droit à restitution du capital prêté en ce qu'elle a causé à Madame [I] un préjudice équivalent à son montant ;

- Et confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille en date du 2 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la banque Cofidis à restituer à Madame [I] l'indû, soit le montant total des échéances du prêt affecté du 31 mai 2016 déjà remboursées ;

- Condamner solidairement la société Eco Environnement et la banque Cofidis à payer à Madame [I] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement solidaire des entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l'exposé des moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du contrat principal

A titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version issue de la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014.

En vertu de l'article L 121-18-1 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter notamment, à peine de nullité, les informations relatives à l'identité du démarcheur et ses coordonnées, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, la faculté de rétractation du consommateur prévue à l'article L121-21 du code de la consommation et les conditions d'exercice de cette faculté.

Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17, lequel doit être détachable pour permettre au consommateur d'adresser au professionnel sa rétractation.

Le bon de commande conclu entre les parties le 31 mai 2016 porte d'une part sur la fourniture et l'installation d'un GSE Air'system comportant notamment 12 capteurs de marque Soluxtec d'une puissance de 250 Wc chacun et un onduleur de marque Schneider, avec prise en charge par la société Eco environnement des démarches administratives, de l'obtention de l'attestation du Consuel et du contrat d'obligation d'achat ERDF pendant 20 ans ainsi que des frais de raccordement ERDF et d'autre part, sur la fourniture et l'installation d'un chauffe-eau thermodynamique de 300 litres de marque Thermor.

Il ressort de l'examen de l'exemplaire du bon de commande que ce sont par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que le bon de commande ne respectait pas les exigences précitées du code de la consommation en ce que celui-ci, d'une part ne précise pas les prix HT et TTC et le taux de TVA applicables au chauffe-eau thermodynamique, se contentant d'un prix global alors même que le bon de commande prévoyait la précision de ces prix s'agissant d'un équipement distinct du GSE Air'system, d'autre part ne dissocie pas le coût du matériel et de la main d'oeuvre, ce qui ne permet pas au consommateur de comparer les produits et prestations proposés aux offres similaires, et enfin, ne précise pas les modalités et la durée prévisible des travaux à effectuer.

Il s'ensuit que le contrat principal n'est pas conforme aux exigences de formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité.

Sur la confirmation de la nullité

Aux termes de l'article 1182 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux rapports entre les parties, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. (...) La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1182 du code civil précité que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.

En l'espèce, le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions des articles L.111-1, L.111-2, L121-17, L221-18-1, L121-18-2, L121-19-2, L221-21, L221-21-2, L121-21-5 du code de la consommation est insuffisant à révéler au consommateur profane les vices affectant ce bon et ce, quand bien même celui-ci aurait reconnu, au dessus de sa signature, avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles L121-21 à L121-21-5 et suivants du code de la consommation applicables lors de la vente à domicile, ces derniers articles n'étant au demeurant pas tous reproduits dans les conditions générales, dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve spécifique, par un acte extérieur au contrat, de la connaissance qu'avait le consommateur des vices affectant le contrat.

Il en résulte que faute pour Mme [U] [I], emprunteuse profane, d'avoir eu connaissance des vices affectant le bon de commande, aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité qu'il s'agisse de :

- la signature d'un contrat de crédit affecté et de ses documents pré-contractuels,

' l'absence d'exercice de la faculté de rétractation,

' l'absence d'opposition à la livraison et à la réalisation des travaux d'installation à leur domicile,

' la signature sans réserve de l'attestation de livraison et d'installation - demande de financement Sofemo en date du 11 juillet 2016, et de l'attestation de fin de travaux,

- la signature du mandat de prélèvement SEPA

' du règlement des échéances du prêt,

' ou de l'accomplissement des démarches de raccordement.

Aucune confirmation de la nullité ne saurait donc être caractérisée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat principal, la cour y ajoutant qu'en conséquence de cette nullité, qui a pour effet de plein droit de remettre les parties dans la situation antérieure, la société Eco environnement devra rembourser le prix de l'installation à Mme [U] [I] et procéder à ses frais à la dépose et à l'enlèvement de cette installation avec remise en état des lieux.

Sur l'annulation du contrat de crédit accessoire

En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L311-32 du code de la consommation alors applicable à l'espèce, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Cette disposition n'est applicable que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit accessoire par voie de conséquence de l'annulation judiciairement prononcée.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, la résolution du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.

Commet ainsi une faute le prêteur qui libère les fonds prêtés sans vérifier la régularité du contrat principal souscrit à l'occasion du démarchage au domicile de l'emprunteur, vérifications qui lui auraient permis le cas échéant de constater que le bon de commande était affecté d'une cause de nullité.

Commet également une faute la banque qui libère les fonds sur une attestation de livraison ne comprenant pas toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée ou ne lui permettant pas de s'assurer du caractère complet de l'exécution de la prestation, ni de s'en convaincre légitimement.

En l'espèce, le prêteur qui a versé les fonds au prestataire de services sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes - vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté d'une cause de nullité - a commis une faute de nature à le priver de sa créance de restitution de ces fonds.

Par ailleurs, l'attestation de livraison émise le 11 juillet 2016, soit un peu plus d'un mois après la signature du bon de commande le 31 mai 2016, comporte la mention 'je constate expressément que les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés(sous réserve de mise en service)'.

Or il résulte des pièces versées aux débats que le dossier de déclaration préalable déposé en mairie par la société Eco environnement était incomplet et qu'il a fait l'objet d'une décision tacite de rejet du 2 mars 2017.

En outre, il résulte des éléments versés aux débats que les travaux de raccordement de l'installation de Mme [I] au réseau Enedis n'ont été effectués que le 9 février 2017, soit 8 mois après la pose et l'installation de l'équipement.

En versant ainsi les fonds au prestataire de services sans s'assurer de la régularité du contrat et l'exécution complète de la prestation qu'elle finançait alors que l'attestation de livraison comportait une réserve sur la question de la mise en service de l'installation, le prêteur a commis une faute de nature à le priver de sa créance de restitution de ces fonds si cette faute a été à l'origine d'un préjudice pour les emprunteurs.

A cet égard, il résulte des éléments produits qu'un contrat de rachat de production a été conclu entre Mme [I] et son gestionnaire de réseau, et que l'installation fonctionne, de sorte que Mme [I] a obtenu le rachat de son énergie produite par Edf.

Si Mme [I] allègue que cette production d'énergie est insuffisante et ne parvient pas à assurer l'autofinancement de son installation solaire qui lui avait été promise par la société Eco environnement, il convient de relever d'une part que la société Eco environnement ne s'est engagée sur aucun objectif de performance de l'installation, et d'autre part que l'absence d'autofinancement de l'installation n'est pas un préjudice en lien avec la faute de la banque qui n'était pas tenue de vérifier la performance des installations.

Dès lors, c'est à raison que la banque fait valoir qu'en l'absence d'un préjudice subi par l'emprunteuse en lien avec sa faute dans la libération des fonds, elle doit lui rembourser le capital prêté.

Enfin, alors que de par l'effet de plein droit de l'annulation prononcée, la société Eco environnement qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective et est in bonis doit restituer le prix à Mme [I], lequel correspond au capital emprunté, celle-ci ne subit pas de préjudice et ne saurait être dispensée de rembourser à la banque le capital versé.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a privé la banque de sa créance de restitution des fonds prêtés et en ce qu'il a débouté la banque de sa demande en remboursement du capital prêté à l'égard de Mme [I]. Statuant à nouveau à de ce chef, la cour condamnera Mme [I] à rembourser à la société Cofidis le montant du capital prêté, sous déduction des sommes par elle acquittées.

Sur la demande de garantie de la société prêteuse

* Sur l'application de l'article L311-33 du code de la consommation

Aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.

En l'espèce, le premier juge relève, pour écarter la garantie sollicitée, qu'en l'absence de toute condamnation de Mme [I] à rembourser le capital emprunté au titre de la remise en état consécutive à la nullité du prêt, il n'y a pas lieu de condamner la société Eco Environnement à garantir les emprunteurs alors qu'en réalité, la société Cofidis sollicitait la condamnation de la société Eco Environnement à la garantir de toute condamnation pouvant être mise à sa charge au profit de Mme [I].

Il convient de constater qu'en appel, la société Cofidis sollicite toujours la condamnation de la société Eco Environnement à la garantir de toute condamnation pouvant être mise à sa charge au profit de Mme [I], et non à garantir l'emprunteuse du remboursement du prêt.

Les conditions d'application de l'article L311-33 susvisé ne sont donc pas réunies.

Le jugement intimé sera donc confirmé mais par substitution de motifs en ce qu'il a rejeté la demande de garantie formulée par la société Cofidis.

* Sur l'application de la convention de crédit-vendeur

Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

En l'espèce, l'exception d'incompétence soulevée en appel par la société Eco-environnement concernant l'application de la convention de crédit-vendeur entre les sociétés Eco-environnement et Cofidis n'a pas été soulevée in limine litis. Elle est en conséquence irrecevable.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

La société Cofidis se prévaut d'une convention de crédit vendeur qu'elle a signée avec la société Eco environnement le 1er décembre 2015, qui fixe 'les modalités de la collaboration entre Cofidis et le vendeur à l'occasion des financements à tempérament des achats ou prestations de service effectués chez (par) le vendeur' et prévoit en son article 6 que le vendeur est responsable à l'égard de Cofidis de la bonne exécution des obligations mises à sa charge lors de l'accord de crédit et au titre de la convention, assume les conséquences financières qui pourraient découler du non-respect de ses obligations par lui et par ses préposés et doit supporter toute perte pouvant en résulter pour les établissements de crédit, en capital, intérêt et frais.

C'est à juste titre que le premier juge a estimé que cette clause de responsabilité, telle que rédigée ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Cependant, l'emprunteuse étant condamnée à restituer à la société Cofidis le capital emprunté sous déduction des mensualités par elle versées, il n'y a pas lieu à faire application de la convention de crédit-vendeur conclue entre la société Eco environnement et la société Cofidis, étant précisé que la perte en intérêts et frais subie par la société Cofidis est liée tant à la faute commise par le préposé d'Eco-environnement dans la rédaction du contrat de vente qu'à sa propre faute dans le déblocage des fonds.

La décision entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle avait condamné la société Eco-environnement à garantir la société Cofidis des pertes par elle subies et à lui payer à ce titre la somme de 39 002,40 euros et statuant à nouveau, la société Cofidis sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Eco Environnement

L'action de Mme [I] ne saurait être qualifiée d'abusive alors que celle-ci est jugée bien fondée en sa demande d'annulation du contrat principal et du contrat accessoire.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Eco Environnement de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, chaque partie succombant totalement ou partiellement, elles conserveront la charge de leurs dépens et frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 31 mai 2016 entre Mme [U] [I] et la société Eco environnement suivant bon de commande n° 201595,

- constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et Mme [U] [I] en date du 31 mai 2016,

- débouté la société Eco environnement de l'ensemble de ses demandes,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Condamne la société Eco Environnement, en conséquence de la nullité du contrat principal, à reprendre son installation et remettre les lieux en l'état à ses frais, et rembourser son prix de 29 500 euros à Mme [U] [I],

- Déboute Mme [U] [I] de sa demande tendant à voir priver la société Cofidis de sa créance de restitution des fonds prêtés,

- Condamne Mme [U] [I], en conséquence de la nullité du contrat de prêt, à rembourser à la société Cofidis la somme prêtée de 29 500 euros, sous déduction des sommes par elle déjà remboursées à la banque,

- Déboute la société Cofidis de sa demande tendant à voir condamner la société Eco Environnement à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de Mme [U] [I] à quelque titre que ce soit,

- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier,Pour la présidente,

Delphine Verhaeghe.Céline Miller.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/05636
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.05636 ?
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