République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 22/09/2022
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N° de MINUTE :
N° RG 21/04866 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2YZ
Jugement (N° 21/00110)
rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Valenciennes
APPELANT
Monsieur [K] [B]
né le 13 janvier 1959 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai
ayant pour avocat Me Nicolas Thomas-Collombier, avocat au barreau d'Evry
INTIMÉES
Madame [I] [F]
directrice régionale de la succursale de [Localité 5] de la société Etude Généalogique Guenifey prise en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de feu [Z] [M] décédé le 20/11/2018
domiciliée société Etude Généalogique Guenifey
[Adresse 4]
[Localité 5]
La SAS Etude Généalogique Guenifey prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 3]
représentées par Me Jean-Baptiste Zaarour, avocat au barreau de Valenciennes
ayant pour conseil Me Andréa Achim, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 25 avril 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 après prorogation du délibéré en date du 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 avril 2022
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[Z] [M], né le 10 septembre 1943 à [Localité 8], en son vivant célibataire, retraité placé sous sauvegarde de justice, est décédé le 20 novembre 2018 à [Localité 10], sans laisser d'héritiers réservataires ni de dispositions testamentaires. Il était notamment propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 2].
Par courrier en date du 5 mars 2019, la société Etude généalogique Guenifey s'est vue confier par Maître [X] [D], notaire, la recherche des héritiers de [Z] [M].
La société Guenifey ayant identifié comme héritier potentiel M. [K] [B], frère utérin de [Z] [M] reconnu par leur mère le 21 janvier 1959 à [Localité 9], elle a sollicité celui-ci par courriers des 13 octobre et 10 novembre 2020, puis par sommation du 4 décembre 2020 de prendre parti dans le délai de deux mois.
En l'absence de réponse de l'intéressé, par acte d'huissier du 20 avril 2021, la société Etude généalogique Guenifey a fait assigner Monsieur [K] [B], entendu comme unique héritier du défunt, devant le président du tribunal judiciaire de Valenciennes statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins d'obtenir notamment la désignation de Mme [I] [F], directrice régionale de la succursale de Dijon de l'étude généalogique Guenifey, en qualité de mandataire successoral chargé de la succession de M [Z] [M].
Par jugement en date du 10 août 2021, le président du tribunal judiciaire de Valenciennes a :
- Désigné Madame [I] [F] en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de [Z] [M], décédé le 20 novembre 2018 ;
- Autorisé le mandataire successoral ainsi désigné à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession, à recevoir ou payer toutes sommes en principal, intérêts et accessoires, pouvant être dues à quelque titre et pour quelque cause que ce soit, à signer la déclaration de succession et à vendre amiablement le bien immobilier situé [Adresse 2] pour la somme minimale de 65 000 euros net vendeur ;
- Fixé à deux années la durée de la mission du mandataire ;
- Fixé à 2 000 euros TTC le montant de la rémunération du mandataire ;
- Dit que la société Etude généalogique Guenifey fera l'avance des frais de la présente procédure, imputables à la succession, qui feront ensuite l'objet d'une refacturation au notaire en charge de la succession afin d'obtenir le remboursement ;
- Rappelé que la décision doit être enregistrée et publiée ;
- Rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire ;
- Ordonné l'inscription des dépens en frais privilégiés de partage.
Monsieur [K] [B] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2021, Monsieur [B] demande à la cour de réformer dans sa totalité le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Valenciennes du 10 août 2021 et, statuant à nouveau, de :
In limine litis,
- Juger irrecevable la demande formulée par la société Etude Généalogique Guenifey comme relevant de la procédure accélérée au fond ;
A titre subsidiaire,
- Juger que la société Etude Généalogique Guenifey n'avait pas qualité pour délivrer une sommation d'avoir à opter ;
- Juger cette sommation comme privée d'effet ;
- Débouter la société Etude Généalogique Guenifey de sa demande de désignation en qualité de mandataire successoral ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Juger que la société Etude Généalogique Guenifey n'a pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire successoral ;
- Juger que Monsieur [B] ne s'est jamais opposé au règlement de la succession
- Débouter la société Etude Généalogique Guenifey de sa demande de désignation en qualité de mandataire successoral ;
En tout état de cause,
- Débouter la société Etude Généalogique Guenifey de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Etude Généalogique Guenifey à payer à Monsieur [B] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Etude Généalogique Guenifey aux entiers dépens.
Il fait valoir in limine litis qu'alors qu'en vertu de l'article 1380 du code de procédure civile dans sa version applicable au 1er janvier 2020, les demandes formées en application de l'article 813-1 du code civil en vue de désigner un mandataire successoral sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue suivant la procédure accélérée au fond, il a été assigné par acte du 20 avril 2021 devant le président du tribunal judiciaire statuant en la forme des référés et au visa de l'ancien article 1380 du code de procédure civile. Il soutient que le défaut de saisine régulière du tribunal constitue une fin de non-recevoir ne nécessitant pas la justification d'un grief et ajoute que dès lors que la juridiction était saisie en la forme des référés, procédure qui n'existe plus depuis le 1er janvier 2020, elle n'était pas valablement saisie, la fin de non-recevoir devant en conséquence être reçue par la cour sans qu'il soit besoin de justifier d'un grief.
Il soutient à titre subsidiaire que l'étude Guenifey, qui ne relève d'aucune des catégories visées à l'article 771 du code civil, n'avait pas qualité pour délivrer une sommation d'avoir à opter. Il ajoute que l'étude Guenifey ne peut être considérée comme créancier de la succession dès lors qu'elle n'a aucune créance certaine, liquide et exigible à faire valoir à l'encontre de la succession, aucun contrat de révélation de succession n'ayant été signé entre lui et l'étude. Il souligne que la créance du généalogiste n'est qu'hypothétique car elle suppose soit que le contrat de révélation ait été signé, soit que l'étude ait intenté un procès pour être réglée des sommes qui lui seraient dues pour le travail qu'elle aurait accompli et que la succession soit excédentaire. Il ajoute que dès lors qu'il n'avait pas signé le contrat de révélation, il appartenait à l'étude généalogique Guenifey d'intenter une procédure au fond à son encontre afin d'obtenir le cas échéant une rémunération. Il soutient que l'étude n'ayant pas qualité pour délivrer cette sommation, celle-ci ne peut avoir produit aucun effet, que dès lors, il ne peut être considéré comme acceptant la succession litigieuse et la procédure visée à l'article 814 du code civil ne peut être mise en oeuvre.
A titre infiniment subsidiaire, il souligne que l'étude généalogique ne relève d'aucune des catégories de personnes visées à l'article 813-1 du code civil comme pouvant être désignées par le juge en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession, la notion de personne intéressée ne s'appliquant pas. Il fait valoir que désigner comme mandataire successoral l'étude qui souhaite faire signer un contrat de révélation de succession à un héritier lui permettrait d'agir en qualité de juge et de partie, étant tout à la fois rémunérée comme mandataire successoral, mais également en position de décider de la répartition des fonds issus de la succession, de décider de se rémunérer pour le travail accompli et de considérer que le contrat de révélation a été accepté par l'héritier, de sorte que le conflit d'intérêt apparaît caractérisé.
Il ajoute enfin qu'il ne s'est jamais opposé aux opérations de succession, mais qu'il a légitimement demandé au notaire des éclaircissements sur la nature de la succession et les frais y afférents et qu'il n'a obtenu que des réponses parcellaires ou inexactes ; que l'étude généalogique a accepté exceptionnellement de dévoiler la succession sans signer préalablement de contrat de révélation et qu'elle lui a fait parvenir à l'issue ce contrat en demandant sa rémunération, le plaçant devant le fait accompli alors que c'est de sa propre initiative que cette société a décidé de révéler le secret sans contrat préalablement signé.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 novembre 2021, la société Etude Généalogique Guenifey et Mme [I] [F] demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
- Prononcer la mise hors de cause de Madame [I] [F], salariée de l'étude de généalogie Guenifey ;
- Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Monsieur [B] à verser à l'étude de généalogie Guenifey la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement qu'elle a saisi le président du tribunal judiciaire en visant expressément la procédure de l'article 1380 du code de procédure civile aux fins d'obtenir la désignation d'un mandataire successoral en application de l'article 813-1 du code civil, également visé expressément dans l'assignation ; qu'elle a respecté les formalités prévues à l'article 481-1 du code de procédure civile relatif à la procédure accélérée au fond, de sorte que la procédure est parfaitement recevable ; que si, par extraordinaire, la cour considérait que l'assignation n'a pas fait strictement mention de la procédure accélérée au fond, il ne s'agit nullement d'un cas d'irrecevabilité tel que mentionné à l'article 122 du code de procédure civile mais tout au plus d'une nullité pour vice de forme qui est soumise à la preuve d'un grief et peut être couverte ; que M. [B] ayant opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité, cette dernière est en tout état de cause couverte, conformément aux dispositions de l'article 112 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'action permettant la désignation judiciaire d'un mandataire successoral et de l'autoriser à disposer des biens immeubles de la succession aux fins d'en faciliter la liquidation résulte des dispositions combinées des articles 813-1 et 814 alinéa 2 du code civil ; que cette demande peut être formée notamment par un créancier de la succession ou toute personne intéressée ; que si M. [B] conteste sa qualité de créancière, considérant que sa créance est hypothétique, il n'est pourtant pas contestable que c'est l'étude de généalogie qui a retrouvé l'héritier, lui révélant ses droits dans la succession, ce dernier ne prouvant pas qu'il en aurait eu connaissance par un autre biais ; que s'il parvenait à prouver qu'il avait eu connaissance du décès de son frère par un autre biais, cette connaissance n'exclut nullement l'utilité du généalogiste sans lequel il n'aurait pu découvrir l'ouverture de la succession et l'existence de ses droits successoraux avant de recevoir le projet de contrat de révélation adressé par le généalogiste ; qu'en l'absence de tout contrat de révélation, il peut être accordé au généalogiste des honoraires sur le fondement de la gestion d'affaires ; qu'à supposer cette qualité de créancier hypothétique, l'article 813-1 du code civil mentionne 'toute personne intéressée' comme ayant qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire successoral, raison pour laquelle le président du tribunal judiciaire de Valenciennes a considéré que la demande de désignation d'un mandataire successoral par l'étude Guenifey était parfaitement régulière.
Elle ajoute que la carence de M. [B], seul héritier connu, qui indique qu'il ne peut être considéré comme acceptant la succession, manifestant ainsi clairement sa volonté de rester étranger aux opérations successorales, justifie qu'il soit fait droit à la demande de désignation de mandataire successoral en application de l'article 813-1 précité. Elle fait valoir que M. [B] a été sommé de prendre parti par acte d'huissier délivré à sa personne le 4 décembre 2020, en application de l'article 771 du code civil et qu'il n'a ni pris parti dans le délai imparti par l'article 772 de ce code, ni demandé un délai supplémentaire auprès du juge ; que son inaction entraîne un blocage insoluble de la succession qui empêche de facto tout acte de disposition du bien dépendant de la succession et le règlement des frais et charges de succession, mettant ainsi en péril le recouvrement de la créance de l'étude Guenifey, laquelle est en conséquence parfaitement fondée, en sa qualité de personne intéressée, à solliciter la nomination d'un mandataire successoral judiciaire.
Elle soutient enfin qu'il résulte de la jurisprudence que les études de généalogistes qui ont établi les dévolutions successorales et ont, de ce fait, une parfaite connaissance des dossiers traités, sont couramment désignées ès qualités de mandataire successoral ; que les pouvoirs d'un mandataire successoral sont largement encadrés par la loi, conformément à l'article 813-2 du code civil et réalisés sous surveillance du tribunal qui définit strictement les pouvoirs d'intervention accordés au mandataire ; que sauf à s'exposer à une éventuelle condamnation pénale, l'étude de généalogie n'a ni le pouvoir de décider de la répartition des fonds issus de la succession ni de rémunérer la même étude pour le travail accompli, ni de considérer que le contrat de révélation a été accepté par l'héritier du fait de sa désignation comme mandataire successoral.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de l'assignation
Aux termes de l'article 813-1 du code civil, le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
L'article 814 dudit code précise que lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, soit purement et simplement, soit à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral en application des articles 813-1 et 814-1 peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession. Il peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations.
L'article 1380 du code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dispose que les demandes formées en application des articles 813-1 et de l'article 814 alinéa 2 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond. Il précisait dans sa version antérieure que les mêmes demandes étaient portées devant le président du tribunal de grande instance ou son délégué qui statuait en la forme des référés.
L'article 481-1 de ce code précise qu'à moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : 1° La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet ; 2° Le juge est saisi par la remise d'une copie de l'assignation au greffe avant la date fixée pour l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie ; (...)
Les articles 54, 56 et 648 dudit code prévoient les mentions prescrites à peine de nullité pour l'assignation, étant précisé que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions régissant la nullité des actes de procédure.
En vertu de l'article 114, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservations d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Enfin, aux termes des articles 122 et 124 dudit code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.
Le défaut de saisine régulière du tribunal ne constitue pas un vice de forme mais une fin de non-recevoir et celui qui l'invoque n'a pas à justifier d'un grief.
En revanche, l'irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction, affectant le contenu de l'acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci, ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de celle-ci mais relève des nullités pour vice de forme.
En l'espèce, l'assignation délivrée le 20 avril 2021 par la société Etude généalogique Guenifey porte en en-tête la mention 'Assignation devant le président du tribunal judiciaire de Valenciennes avec représentation obligatoire (articles 813-1 et suivants et 814 du code civil, article 1380 du code de procédure civile'. Ce n'est qu'en page 2, qu'à la suite de la mention de la date et de l'heure de l'audience, il est indiqué par erreur 'par devant M. Le Président du tribunal judiciaire de Valenciennes tenant l'audience des référés (...) statuant en application des dispositions de l'article 813-1 du code civil et de l'article 1380 du code de procédure civile' alors que la procédure 'en la forme des référés' n'existant plus depuis le 1er janvier 2020, il aurait du être indiqué 'statuant suivant la procédure accélérée au fond'.
Cependant, l'ensemble des textes applicables à la procédure accélérée au fond et à la désignation du mandataire successoral judiciaire ayant été cités expressément et exactement dans l'assignation, sans qu'il ne soit précisé pour l'article 1380 qu'il s'agissait de la version ancienne de ce texte, il ne fait pas de doute que c'est bien de cette procédure dont il s'agit.
L'irrégularité soulevée ne peut donc s'analyser en un défaut de saisine du tribunal et ne constitue en conséquence pas une fin de non-recevoir mais une cause de nullité pour vice de forme, laquelle n'a pas été soulevée par l'appelant qui ne démontre au demeurant pas le grief que lui aurait causé une telle irrégularité.
Il convient donc d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de l'assignation.
Sur la régularité de la sommation
Aux termes de l'article 771 du code civil, l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.
Le généalogiste qui, comme en l'espèce, a retrouvé le ou les héritiers de la succession, est légitime à faire valoir sa créance auprès de la succession, que ce soit sur le fondement d'un contrat de révélation de succession ou sur le fondement de la théorie de la gestion d'affaire.
Par ailleurs, l'article 771 précité n'exige pas que le créancier dispose d'une créance certaine, liquide et exigible.
C'est de manière pertinente que le premier juge a estimé que la société Etude généalogique Guenifey est donc créancière de la succession et avait ainsi qualité pour faire délivrer la sommation de l'article 771.
Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la société Etude généalogique Guenifey pour faire délivrer la sommation d'avoir à opter.
Sur la régularité de la demande de désignation d'un mandataire successoral
En vertu de l'article 813-1, alinéa 2 du code civil, la demande de désignation d'un mandataire successoral est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public.
En l'espèce, quand bien même sa créance à l'égard de la succession ne serait qu'éventuelle, la société Etude généalogique Guenifey a un intérêt à faire valoir sa créance à l'égard de la succession. Elle doit donc être considérée comme une personne intéressée, ayant qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire successoral.
Il convient donc d'écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la société Etude généalogique Guenifey pour solliciter la désignation d'un mandataire successoral.
Sur la désignation d'un mandataire successoral
Aux termes de l'article 771 du code civil, l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.
L'article 771 dudit code précise que dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi. A défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple.
M. [Z] [M], en son vivant célibataire est décédé le 20 novembre 2018 sans laisser d'héritiers réservataires ni de dispositions testamentaires.
Suivant lettre de mission du 5 mars 2019, la société Etude généalogique Guenifey s'est vue confier par Me [D], notaire chargé de la succession, la mission de rechercher les héritiers de M. [M].
Par courrier adressé du 11 septembre 2020, la société Etude généalogique Guenifey a informé le notaire de ce que M. [Z] [M] avait laissé pour lui succéder un unique héritier en la personne de M. [K] [B], frère utérin et que celui-ci n'ayant pas souhaité ni régulariser un contrat de révélation, ni être représenté par l'étude généalogique dans le déroulement de cette affaire, elle allait faire valoir ses honoraires par le biais judiciaire.
Par courrier du 13 octobre 2020, Me [D] a adressé à M. [K] [B] le projet d'acte de notoriété, le projet d'attestation de propriété immobilière et le projet de déclaration de succession aux fins de régularisation de ces différents actes, lui indiquant qu'elle pourrait ensuite procéder au déblocage des fonds dépendant de la succession lui revenant et lui précisant que les droits de succession dus à la recette des impôts de [Localité 10] s'élevaient à la somme de 37 753 euros.
En l'absence de réponse de M. [K] [B], par courrier du 10 novembre 2020, le notaire lui a de nouveau adressé les différents actes relatifs au règlement de la succession, l'informant de ce qu'un commandement de payer les charges de copropriété de l'immeuble dépendant de la succession lui avait été adressé, qu'en l'absence de liquidités suffisantes sur le compte de la succession, il lui demandait de lui verser la somme de 2 000 euros en frais de provision et lui demandant de bien vouloir indiquer s'il optait pour l'acceptation ou la renonciation de la succession.
M. [K] [B] ne s'est pas positionné et par acte du 4 décembre 2020, la SAS Etude généalogique Guenifey l'a sommé soit de prendre parti au regard de la succession de M. [Z] [M] dans le délai de deux mois, soit de solliciter un délai supplémentaire aux fins de prendre parti auprès du président du tribunal judiciaire de Valenciennes.
M. [K] [B] ne s'est pas positionné dans le délai de deux mois et n'a pas sollicité le délai supplémentaire prévu à l'article 772 du code de procédure civile. Il est donc réputé acceptant pur et simple en application de l'article 771 susvisé.
Aux termes de l'article 813-1 du code civil, le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
L'article 814 dudit code ajoute que lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, soit purement et simplement, soit à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral en application des articles 813-1 et 814-1 peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession. Il peut également l'autoriser, à tout moment, à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations.
L'inertie de l'unique héritier de la succession à se positionner sur celle-ci retarde nécessairement le bon déroulement des opérations de succession et pourrait justifier, afin de préserver les intérêts des créanciers de la succession, qu'il soit fait droit à la demande de la société d'étude généalogique Guenifey de désignation d'un mandataire successoral.
Cependant, outre que la société d'étude généalogique Guenifey ne justifie pas de ses compétences et de celles de sa salariée Mme [I] [F] en matière de gestion de patrimoine qui permettraient de la désigner en qualité de 'personne qualifiée' au sens de l'article 813-1 susvisé, il apparaît qu'une telle désignation serait de nature à susciter un conflit d'intérêt dès lors que la société d'étude généalogique, qui revendique une créance à l'encontre de la succession, serait à la fois représentant des héritiers en sa qualité d'administrateur judiciaire et en position de réclamer la fixation d'une créance à son profit sur la succession.
Dans ses conditions, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a désigné Mme [I] [F], salariée de la société L'étude généalogique Guenifey, en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de feu [Z] [M], la cour observant qu'il n'est fait aucune demande subsidiaire aux fins de nommer un tiers comme mandataire successoral.
Sur les autres demandes
La société l'Etude généalogique Guenifey succombant en appel, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il convient en outre de la condamner à verser à M. [B] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision déférée,
Ecarte les fins de non-recevoir soulevés par M. [K] [B],
Déclare en conséquence recevable l'action de la SAS Etude généalogique Guenifey aux fins de désignation d'un mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de feu [Z] [M], décédé le 20 novembre 2018 à [Localité 10] ;
Déboute la SAS Etude généalogique Guenifey de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne la SAS Etude généalogique Guenifey aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SAS Etude généalogique Guenifey à payer à M. [K] [B] la somme de 2 500 euros aux titre de ses frais irrépétibles ;
Déboute la SAS Etude généalogique Guenifey de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier,Pour la présidente,
Delphine Verhaeghe.Céline Miller.