La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°20/02265

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 22 septembre 2022, 20/02265


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 22/09/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/02265 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBNC



Jugement (N° 18/01638) rendu le 27 juin 2019

par le tribunal de grande instance de Lille





APPELANTE



Madame [P] [B] veuve [L]

née le 02 août1954 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

p

lacée sous curatelle renforcée suivant jugement du juge des tutelles de Roubaix en date du 22 mars 2018

assistée de son curateur Monsieur [W] [L]

demeurant, [Adresse 3]

[Localité 6]



représenté par Me William Watel, ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 22/09/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02265 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBNC

Jugement (N° 18/01638) rendu le 27 juin 2019

par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

Madame [P] [B] veuve [L]

née le 02 août1954 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

placée sous curatelle renforcée suivant jugement du juge des tutelles de Roubaix en date du 22 mars 2018

assistée de son curateur Monsieur [W] [L]

demeurant, [Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me William Watel, avocat au barreau de Lille

INTIMÉ

Monsieur [D] [J] exerçant sous l'enseigne Renov Tout Pour Vous

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Mathieu Masse, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 31 mars 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 après prorogation du délibéré du 23 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 mars 2022

****

Suivant devis en dates des 12 novembre 2015, 19 janvier 2016, 22 février 2017 et 10 avril 2017, Madame [P] [B], veuve [L], a commandé à Monsieur [D] [J], exerçant sous l'enseigne Renov'Tout Pour Vous, des travaux au sein de sa maison d'habitation sise [Adresse 1] à [Localité 4].

Madame [B] a réglé l'ensemble des factures à l'exception de celle du 10 avril 2017 pour laquelle elle a versé un unique acompte de 1 600 euros.

Madame [B] a été placée sous sauvegarde de justice le 1er juin 2017 avec désignation de son fils [W] [L] en qualité de mandataire spécial.

Une expertise amiable en présence de Monsieur [J] a été réalisée au titre de la protection juridique de Madame [B] par Monsieur [X] [A]. Ce dernier a déposé un rapport le 11 juillet 2017 aux termes duquel il conclut à la conformité de la facturation aux devis acceptés par l'intéressée mais à des prix pratiqués presque quatre fois plus élevés que les prix du marché.

*

Par acte d'huissier en date du 21 février 2018, Monsieur [W] [L], agissant en qualité de mandataire spécial de sa mère Madame [B], a fait assigner Monsieur [J] devant le tribunal de grande instance de Lille à titre principal en nullité du contrat, en l'absence de mention du délai de rétractation dans les devis litigieux signés dans le cadre d'un démarchage à domicile.

*

Le même jour, Monsieur [W] [L] a également fait assigner Monsieur [J] devant le juge des référés afin de voir désigner un expert au motif que les travaux réalisés au domicile de sa mère étaient surévalués et inutiles. Par ordonnance de référé du 5 juin 2018, il a été fait droit à la demande présentée, Madame [C] [S] étant désignée en qualité d'expert aux fins essentiellement d'examiner les travaux et donner son avis sur leur coût réel.

Madame [C] [S] a déposé son rapport daté du 8 janvier 2019 aux termes duquel elle retient un coût réel des travaux d'un montant global de 4 500 euros au lieu des 16 620 euros facturés.

*

Par jugement en date du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :

- Déclaré Madame [B] assistée par son curateur, [W] [L], recevable en son intervention volontaire ;

- Débouté Madame [B] assistée par son curateur, [W] [L], de ses demandes principales ;

- Condamné Monsieur [J], exercant sous l'enseigne Renov'ToutPourVous à payer à Madame [B] assisté par son curateur, [W] [L], la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

- Débouté Madame [B] assisté de son curateur, [W] [L], du surplus de sa demande au titre de son préjudice moral ;

- Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;

- Dit que chacune des parties aura également à sa charge la moitié des frais d'expertise judiciaire ainsi que des dépens de l'instance en référé ;

- Laissé à chacune des parties la charge des frais irrépétibles, non compris dans les dépens, par elles exposés ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Rejeté toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, des parties.

Madame [P] [B], assistée de son curateur, M. [W] [L], a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 avril 2021, Madame [B] assistée de son curateur M. [W] [L], demande à la cour, au visa des articles L.121-8, L221-5 et L221-20 du code de la consommation et 1104, 414-1 et 1129 du code civil, de :

- Juger Madame [L] assistée de Monsieur [L] recevable en son appel ;

- Dire bien appelé mal jugé ;

- Réformer le jugement en date du 27 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Lille ;

- Débouter Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre principal,

- Constater l'absence de consentement de Madame [L] assistée de Monsieur [L] ;

- Dire que Madame [L] assistée de Monsieur [L] n'était pas psychologiquement en état d'évaluer avec pertinence, la nécessité et le coût des prestations ;

- Constater l'insanité d'esprit de Madame [L] assistée de Monsieur [L] au moment de la souscription des contrats ;

- Constater la nullité des contrats ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous à restituer à Madame [L] assistée de Monsieur [L] la somme de 12 720 euros ;

Subsidiairement,

- Juger que Monsieur [J] a usé de man'uvres frauduleuses afin de faire contracter Madame [L] ;

- Constater la nullité des contrats ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous à restituer à Madame [L] assistée de Monsieur [L] la somme de 12 720 euros ;

- Constater la rétractation opérée par Madame [L] assistée de Monsieur [L] ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous à restituer à Madame [L] assistée de Monsieur [L] la somme de 12 720 euros.

A titre infiniment subsidiaire,

- Constater la nullité des contrats ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous à restituer à Madame [L] assistée de Monsieur [L] la somme de 12 720 euros ;

- Constater la rétractation opérée par Madame [L] assistée de Monsieur [L] ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous à restituer à Madame [L] assistée de Monsieur [L] la somme de 12 720 euros ;

En toute hypothèse,

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne Renov'ToutPourVous au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au profit de Madame [L] assistée de Monsieur [L] ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne Renov'ToutPourVous au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Madame [L] assistée de Monsieur [L] ;

- Condamner Monsieur [J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ainsi que les dépens tant de la première instance, de la présente instance ainsi que de l'instance de référé ;

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution.

Soutenant à titre principal que les contrats qu'elle a conclus avec M.[J] exerçant sous l'enseigne de Renov'ToutPourVous doivent être annulés pour défaut de consentement, elle expose que M. [J] a profité de sa vulnérabilité en se présentant successivement à quatre reprises à son domicile entre le 24 novembre 2015 et le 10 avril 2017, pour lui soumettre des devis à des prix exhorbitants qu'elle a signés, mue par sa crédulité et sa peur ; qu'elle a été placée sous sauvegarde de justice le 1er juin 2017 et sous curatelle renforcée le 22 mars 2018, soit peu de temps après ; que l'expertise judiciaire a montré que le prix demandé par l'entreprise était disproportionné avec les prix du marché et qu'il lui a été surfacturé la somme de 8 185 euros par rapport à la réalité des prestations effectuées.

A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation des contrats pour dol et abus de faiblesse, M. [J] ayant utilisé des manoeuvres dolosives et des mensonges afin de la convaincre de contracter des travaux inutiles à un prix totalement disproportionné et ce alors qu'elle ne se trouvait pas psychologiquement en état d'évaluer avec pertinence tant la nécessité que le coût des travaux qui lui étaient proposés.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la nullité des contrats sur le fondement du manquement à l'obligation d'information précontractuelle résultant des dispositions de l'article L221-5 du code de la consommation, s'agissant de démarchages à domicile. Elle fait valoir que de nombreuses mentions obligatoires, telles que le droit de rétractation de 14 jours ne figurent pas au contrat et qu'en leur absence, le contrat encourt la nullité sur le fondement de l'article L221-29 du code de la consommation, ces dispositions étant d'ordre public.

Elle ajoute que le délai de rétractation n'ayant pu commencer à courir en l'absence de mention de ce dernier, elle est en droit de se rétracter des contrats.

En tout état de cause, elle fait valoir que le comportement de M. [J], qui a profité de son état de santé fragile et de son apparente vulnérabilité pour lui facturer des prestations à un prix quatre fois supérieur au coût attendu pour ce type de prestations, a eu des répercussions néfastes sur sa santé et sollicite des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 janvier 2021, Monsieur [J] demande à la cour, au visa des articles L121-8, L221-1 et suivants du Code de la consommation, 1104, 414-1 et 1129 du Code civil, de :

- Débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 27 juin 2019 en ce qu'il a condamné « M. [D] [J] exerçant sous l'enseigne Renov' Tout Pour Vous à payer à [P] [L] assistée par son curateur, [W] [L], la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral » ;

- Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 27 juin 2019 en ce qu'il a dit que chacune des parties aura également à sa charge la moitié des frais d'expertise judiciaire ainsi que des dépens de l'instance de référé et mettre ces frais et dépens à la charge de Mme [L].

- Condamner M. [W] [L] et Mme [P] [L] à payer à M. [D] [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [W] [L] et Mme [P] [L] aux entiers frais et dépens d'instance.

Il expose qu'il est intervenu pour la première fois en novembre 2015 au domicile de Mme [L], à la demande de celle-ci, pour effectuer des travaux de pose de carrelage ; que celle-ci a accepté et réglé son devis ; qu'étant satisfaite de ses prestations, elle l'a par la suite contacté à plusieurs reprises pour d'autres travaux à son domicile ; que lors de sa dernière prestation, il a été chassé du domicile de Mme [L] par le fils de celui-ci et que sa dernière facture du 10 avril 2017 a été partiellement réglée à hauteur de 1 600 euros ; que l'expertise judiciaire a montré que les travaux commandés avaient été réalisés conformément aux devis sans aucune malfaçon, l'expert relevant cependant que le prix des prestations serait inapproprié.

Il soutient que la preuve n'est pas rapportée d'un état d'insanité d'esprit de Mme [L] au cours des trois années ayant précédé sa mise sous curatelle et pendant lesquelles se sont étalées ses prestations.

Il ajoute que les manoeuvres dolosives dont il se serait rendu coupable à l'encontre de Mme [L] ne sont pas démontrées et que le simple fait de citer un avis étonnament subjectif de l'expert judiciaire qui relève que les travaux réalisés répondent à des angoisses de Mme [L] ne saurait emporter la preuve d'un dol. Il fait valoir que l'expertise a au contraire démontré que les travaux avaient bien été réalisés et qu'il est illégitime de vouloir fixer les prix d'un travailleur indépendant dès lors que les tarifs sont libres. Il soutient enfin que les allégations d'abus de faiblesse faites à son encontre sont inacceptables alors qu'aucune plainte n'a été déposée à son encontre et qu'il est intervenu à la demande de Mme [L] et a effectué ses travaux dans les règles de l'art.

Il fait valoir que l'absence d'informations pré-contractuelles n'entraîne pas la nullité des contrats ; que la sanction du manquement à l'obligation d'information sur le droit de rétractation est spécifiquement prévue à l'article L221-20 du code de la consommation et consiste en un report du délai de rétractation de douze mois après l'expiration du délai de rétractation initial ; qu'en l'espèce, les prestations ayant été exécutées il y a plus de douze mois, une telle rétractation n'est plus possible ; qu'en vertu de l'article L221-28 de ce code, l'exercice du droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens qui, après avoir été livrés et de par leur nature, sont mélangés de manière indissociable avec d'autres articles, ce qui est le cas de la pose de carrelage.

Il ajoute que c'est sur la base d'une interprétation subjective de l'expert judiciaire et sans aucune preuve que le tribunal de grande instance de Lille a estimé que Mme [L] avait subi un préjudice moral alors qu'elle n'a jamais exprimé une quelconque déception sur les travaux effectués et que c'est bien parce qu'elle était satisfaite de ses prestations qu'elle a de nouveau fait appel à ses services à plusieurs reprises, sans que M. [J] ne la force en aucune manière ; qu'enfin, il a été reconnu par l'expert que les travaux avaient été bien réalisés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité des contrats pour absence de consentement

Aux termes de l'article 414-1 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

De même, l'article 1129 dudit code dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dispose que conformément à l'article 414-1, il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat.

Il est constant que Mme [P] [L], qui a passé contrat avec M. [D] [J] exerçant sous l'enseigne 'Renov tout pour vous' aux termes de quatre devis signés respectivement les 24 novembre 2015, 19 janvier 2016, 24 février et 10 avril 2017 aux fins de réalisation de travaux dans son domicile, a été placée sous sauvegarde de justice par ordonnance du juge des tutelles de Roubaix du 1er juin 2017 puis sous curatelle renforcée par ordonnance du même juge du 22 mars 2018.

Il résulte du certificat médical établi par le Docteur [Y] [T] le 26 avril 2017 dans le cadre de la demande de mise sous protection de l'intéressée que Mme [P] [L] présente des antécédents de troubles anxio-dépressifs et de personnalité suivis depuis quelques années, que ses fonctions intellectuelles sont perturbées avec des troubles de l'attention, de concentration, de mémoire, avec quelques oublis mais n'apparaissent pas déficitaires, qu'un début de détérioration peut être envisagé du fait des difficultés à appréhender certaines réalités, faisant évoquer quelques troubles du jugement, qu'elle sait lire, écrire, compter, peut s'exprimer, comprendre ses interlocuteurs, qu'elle a la notion de l'argent mais qu'elle ne peut plus percevoir seule ses revenus pour les affecter à ses dépenses, une mesure de curatelle renforcée étant préconisée pour l'aider dans la gestion de ces biens.

Aucun autre élément médical n'est versé aux débats.

Or un tel certificat ne permet pas de caractériser un trouble mental d'une importance telle qu'il faille considérer que Mme [L] n'était pas en capacité d'exprimer sa volonté au moment des actes contestés, ce d'autant que ces actes ont été conclus sur une période de temps s'étalant du 24 novembre 2015 au 10 avril 2017. Et quand bien même les deux derniers devis, en date des 24 février et 10 avril 2017, sont contemporains du certificat médical, ce dernier ne fait état que de troubles du jugement mais pas de l'incapacité de l'intéressée à exprimer sa volonté.

Enfin, les travaux réalisés au domicile de Mme [L] à sa demande ne portent pas en eux-même la preuve d'un trouble mental, s'agissant de travaux de carrelage des marches menant à la cave, de peinture d'un bandeau de rive sur la façade de la maison, de la pose d'une V.M.C. dans la cave et enfin de la réfection des toilettes avec dépose des cloisons en bois et pose d'une cloison en placo.

La circonstance que les travaux aient été acceptés par Mme [L] alors qu'ils étaient surévalués ne porte pas en elle-même preuve de l'existence d'un trouble mental de nature à abolir le consentement.

Dès lors, il convient de débouter Mme [P] [L] assistée de son curateur M. [W] [L] de sa demande de nullité des contrats pour défaut de consentement.

Sur la demande de nullité des contrats pour dol

En vertu de l'article 1109 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux deux premiers devis en date des 14 novembre 2015 et 19 janvier 2016 et de l'article 1130 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable aux devis des 24 février et 10 avril 2017, il n'y a point de consentement valable si le consentement a été surpris par dol.

Le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1137 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dispose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que Mme [P] [L] a commandé à M. [D] [J] des travaux pour son domicile à quatre reprises entre le 14 novembre 2015 et le 10 avril 2017, pour un prix de total de 16 620 euros surfacturé selon l'expert à hauteur de 8 185 euros.

Cependant, il n'est pas contesté que Mme [P] [L] a bien commandé ces travaux et que les travaux réalisés ont été effectués sans malfaçons et de manière conforme aux devis.

Or, Mme [P] [L] qui allègue avoir conclu ces contrats du fait de manoeuvres dolosives de M. [J], ne précise pas en quoi consistent les manoeuvres qu'elle allègue et ne verse pas de pièces de nature à démontrer l'existence de telles manoeuvres.

Par ailleurs, le seul fait pour le prestataire d'avoir présenté à son client des devis surévalués que celui-ci a acceptés n'est pas de nature à caractériser des manoeuvres dolosives, dès lors qu'en vertu du principe de liberté contractuelle, la fixation des prix est libre et que le client est libre de ne pas les accepter.

Dès lors, il convient de débouter Mme [P] [L] assistée de son curateur M. [W] [L] de sa demande de nullité des contrats pour dol.

Sur la demande de nullité des contrats pour abus de faiblesse

Aux termes de l'article L122-8 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 1er juillet 2016, transposé ensuite aux articles L121-8 et 132-13 du même code, quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, sera puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. (...) Lorsqu'un contrat est conclu à la suite d'un abus de faiblesse, celui-ci est nul et de nul effet.

L'abus de faiblesse est une infraction pénale qui n'a en l'espèce pas été caractérisée, la plainte versée aux débats par Mme [L] concernant la société Patrimoine et Habitat du Nord et M. [O] [H] et non pas M. [D] [J] exerçant sous l'enseigne 'Renov tout pour vous'.

Il n'apparaît par ailleurs pas démontré que M. [D] [J] aurait abusé d'un état de vulnérabilité de Mme [L], apparent ou connu de lui, pour lui faire souscrire les devis contestés, dès lors d'une part que le certificat médical versé aux débats, contemporain des deux derniers devis, mentionne que Mme [L] était en état d'exprimer sa volonté et d'autre part, que la seule surfacturation des travaux dans les devis n'est pas caractéristique d'un abus de faiblesse.

Sur le manquement à l'obligation d'information pré-contractuelle

Aux termes de l'article L221-5 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : (...)lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'article L221-8 ajoute que dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

L'article L221-9 précise que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L221-5 et est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné à cet article.

L'article L221-18 prévoit que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L221-23 à L221-25. Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

Enfin, il résulte de l'article L221-20 que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L221-18.Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient pendant cette prolongation, le délai de rétractation expire au terme d'une période de quatorze jours à compter du jour où le consommateur a reçu ces informations.

En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge, après avoir constaté d'une part que les quatre contrats conclus entre Mme [P] [L] et M. [D] [J] les 24 novembre 2015, 19 janvier 2016, 24 février 2017 et 10 avril 2017 l'avaient été hors établissement au sens des dispositions du code de la consommation et d'autre part, que M. [J] n'avait pas informé Mme [L] de l'existence d'un droit de rétractation et a fortiori des modalités et délais de son exercice, a rappelé que la sanction applicable n'était pas la nullité du contrat mais la sanction spécifiquement rappelée à l'article L221-20 du code de la consommation précité et qu'il a débouté en conséquence Mme [P] [L] de sa demande de nullité des contrats formée sur ce fondement.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [P] [L] assistée de son curateur M. [W] [L] de ses demandes de nullité des contrats par elle conclus avec M. [D] [J].

Sur l'exercice du droit de rétractation

En vertu de l'article L221-20 du code de la consommation, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L221-18.

Par ailleurs, aux termes de l'article L221-28 du code de la consommation, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens qui, après avoir été livrés et de par leur nature, sont mélangés de manière indissociable avec d'autres articles.

En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les prestations commandées consistant en la pose de carrelage, la mise en peinture d'un bandeau de bois, la fourniture et la pose d'une VMC et la dépose d'un placage en bois avec pose de placos et mise en peinture, ces travaux impliquaient la fournitures de matériaux qui, une fois livrés et posés, sont 'mélangés de manière indissociable avec d'autres articles' au sens de l'article L221-28 du code de la consommation, de sorte que l'exercice du droit de rétractation ne pouvait être mis en oeuvre une fois la prestation réalisée.

Par ailleurs, plus de douze mois se sont écoulés depuis l'expiration du délai de rétractation de chacun des contrats contestés.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [L] de sa demande subsidiaire de restitution des sommes payés du fait de sa rétractation.

Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il incombe à celui qui réclame une indemnisation sur ce fondement de rapporter la preuve de la faute de son adversaire, du préjudice qu'il a subi et du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que 'les travaux réalisés répondent aux angoisses de Mme [P] [L] (humidité dans la cave, insectes dans les toilettes) et non à de véritables besoins', l'expert précisant qu'il ne servait à rien d'installer une ventilation mécanique dans une cave dépourvue d'humidité anormale et faisant état d'un habillage de plaques de plâtres réalisé dans le seul but de faire barrage au passage d'insectes sur un mur pourtant en bon état d'origine.

Cependant, la circonstance que Mme [L] ait été une dame âgée, seule, sans connaissance des prix du marché et qu'elle ait accepté les devis aux tarifs surévalués de M. [J] ne suffit pas à démontrer l'existence d'un comportement fautif de la part de celui-ci, ni même l'existence d'un préjudice moral subi par Mme [L] alors que, visiblement satisfaite des travaux réalisés par M. [J], elle a fait appel à ses services à quatre reprises sur une période d'un an et demi.

Dans ces conditions, il convient de débouter Mme [L] assistée de son curateur M. [W] [L] de sa demande de dommages et intérêts, la décision entreprise étant infirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

Mme [L] succombant en appel, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

Cependant, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Déclaré Madame [P] [B] veuve [L] assistée de son curateur, M. [W] [L], recevable en son intervention volontaire ;

- Débouté Madame [P] [B] veuve [L] assistée de son curateur, M. [W] [L], de ses demandes principales ;

- Laissé à chacune des parties la charge des frais irrépétibles, non compris dans les dépens, par elles exposés ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Déboute Madame [P] [B] veuve [L] assistée de son curateur, M. [W] [L], de sa demande complémentaire de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- Condamne Madame [P] [B] veuve [L] assistée de son curateur, M. [W] [L], aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise ;

Y ajoutant,

- Condamne Madame [P] [B] veuve [L] assistée de son curateur, M. [W] [L], aux entiers dépens d'appel,

- Déboute Madame [P] [B] veuve [L] assistée de son curateur M. [W] [L] et M. [D] [J] exerçant sous l'enseigne 'Renov tout pour vous' de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles.

Le greffier,Pour la présidente,

Delphine Verhaeghe.Céline Miller.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/02265
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;20.02265 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award