République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 15/09/2022
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N° de MINUTE :
N° RG 20/03469 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TFOR
Jugement (N° 18/03460) rendu le 02 juillet 2020
par le tribunal judiciaire de Valenciennes
APPELANTS
Monsieur [P] [C] [I]
né le 29 mai 1965 à [Localité 8]
et
Madame [J] [Z]
née le 24 novembre 1958 à [Localité 5]
demeurant ensemble, [Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Me Alexiane Potel, avocat au barreau de Cambrai
INTIMÉS
Monsieur [Y] [X]
né le 29 janvier 1971 à [Localité 8]
Madame [A] [N] épouse [X]
née le 27 avril 1984 à [Localité 7]
demeurant ensemble [Adresse 4]
[Localité 2]
représentés par Me Jonathan Daré, membre de la SELARL Grillet - Daré, avocat au barreau de Valenciennes
DÉBATS à l'audience publique du 30 mai 2022 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal, présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2022
****
Selon acte sous seing privé du 15 novembre 2016, M. [P] [I] et Mme [J] [Z] ont vendu à M. [Y] [X] et Mme [A] [N] épouse [X], un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 4] au prix de 185 000 euros.
La vente a été réitérée par devant Maître [H], notaire à [Localité 8], le 20 mars 2017.
Par acte d'huissier en date du 2 octobre 2018, les époux [X] ont assigné Mme [Z] et M. [I] devant le tribunal de grande instance afin d'obtenir leur condamnation solidaire à leur payer les sommes suivantes :
- 23 535, 36 euros à titre de dommages et intérêts principaux correspondant au montant de travaux de raccordement et de réfection ;
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires s'agissant du préjudice subi au titre du trouble de jouissance,
- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
.
Par jugement en date du 2 juillet 2020, le tribunal judicaire de Valenciennes a :
- dit que M. [I] et Mme [Z] ont manqué à leur obligation de délivrance conforme du bien immobilier situé [Adresse 4] ;
- Condamné M. [I] et Mme [Z] in solidum à payer aux époux [X] les sommes suivantes : 22 673,63 euros en réparation du préjudice matériel subi et 2 000 euros en réparation du trouble de jouissance subi ;
- rappelé qu'en application de l'article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
- condamné M.[I] et Mme [Z] in solidum à payer aux époux [X] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [I] et Mme [Z] aux entiers dépens de l'instance ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
M. [I] et Mme [Z] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 juin 2021, Mme [Z] et M. [I] demandent à la cour de :
- recevoir M. [P] [I] et Mme [J] [Z] en leur appel ;
- les déclarer bien fondés ;
- recevoir les époux [X] en leur appel incident ;
- les déclarer mal fondés ;
- infirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Cambrai en ce qu'il a :
« - Dit que M. [I] et Mme [Z] ont manqué à leur obligation de délivrance conforme du bien immobilier situé [Adresse 4] ;
- Condamné M. [I] et Mme [Z] in solidum à payer aux époux [X] les sommes suivantes : 22 673,63 euros en réparation du préjudice matériel subi et 2 000 euros en réparation du trouble de jouissance subi ;
- Rappelé qu'en application de l'article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
- Condamné M. [I] et Mme [Z] in solidum à payer aux époux [X] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [I] et Mme [Z] aux entiers dépens de l'instance »
Et, statuant de nouveau,
- débouter les époux [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire, au cas où la cour estimerait que M. [I] et Mme [Z] ont manqué à leur obligation de délivrance, réduire les prétentions des époux [X] ;
- les débouter de leur demande au titre du préjudice de jouissance et au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance et qu'en cause d'appel.
M. [I] et Mme [Z] soutiennent qu'ils ne sont pas des professionnels et qu'ils pensaient légitimement que leur immeuble était raccordé au réseau d'assainissement puisque la mairie avait installé un regard lors des travaux.
Ils précisent que des investigations ont dû être réalisées au moyen du passage d'une caméra pour que l'expert puisse affirmer que l'ensemble des réseaux du fonds n'est pas raccordé au réseau d'assainissement.
Ils ajoutent que les époux [X] ne pouvaient ignorer la situation puisqu'ils ont visité l'immeuble à plusieurs reprises, pris des mesures en prévision de leurs travaux et négocié le prix pour permettre leur réalisation et alors qu'un bordereau de vidange en date du 8 février 2017 était annexé à l'acte de vente.
A titre subsidiaire, ils exposent que les sommes accordées aux époux [X] sont disproportionnées par rapport au préjudice subi et que le préjudice subi doit être uniquement relatif au défaut de conformité du réseau d'assainissement et ne pas s'étendre à des travaux d'amélioration de l'immeuble déjà prévus avant tout litige par les nouveaux propriétaires.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 juin 2021, les époux [X] demandent à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 22 673,63 euros le préjudice matériel subi par M. [I] et Mme [Z] ;
- recevoir M. [Y] [X] et Mme [A] [N] en leur appel incident sur ce point.
Statuant à nouveau,
En conséquence,
- condamner solidairement M. [I] et Mme [Z] à payer aux époux [X] la somme de 23 535,36 euros à titre de dommages et intérêts, pour les travaux de raccordement et de réfection ;
- condamner solidairement M. [I] et Mme [Z] à payer aux époux [X] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- les condamner en tous les frais et dépens d'appel.
M. et Mme [X] soutiennent que l'acte notarié stipule que l'immeuble vendu dispose d'eaux ménagères raccordées au réseau public d'assainissement et que tant le rapport du contrôleur du SIAV que les opérations d'expertise amiable démontrent que l'immeuble n'était pas raccordé au réseau public d'assainissement, le bordereau de vidange n'étant relatif qu'aux eaux vannes et non aux eaux ménagères.
Ils précisent que la transmission en cause d'appel de photographies ne leur permet pas de justifier d'une délivrance conforme.
Ils ajoutent que les travaux de raccordement et de réfection ont été réalisés et qu'ils justifient d'un préjudice matériel réel.
Enfin, ils font valoir que les premiers juges ont, par erreur, retenu pour partie le montant hors taxes des travaux alors qu'ils ne sont pas assujettis à la TVA, celle-ci n'étant pas récupérable, et qu'ils ont subi un préjudice de jouissance résultant du temps et de l'ampleur des travaux.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la demande principale
Sur le fondement des articles 1604 et suivants du code civil, le vendeur est tenu d'une obligation de délivrance de la chose, c'est-à-dire de fournir à l'acheteur un bien conforme aux prévisions contractuelles.
'
En l'espèce, aux termes de l'acte authentique de vente, il est stipulé au paragraphe «'Assainissement'», pages 17-18 :
«' Le vendeur déclare sous sa seule responsabilité :
·'''''''' que l'immeuble est raccordé au réseau d'assainissement, mais ne garantit aucunement la conformité de l'installation aux normes actuellement en vigueur;
·'''''''' ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière à cette installation;
·''''''''qu'il n'a pas reçu des services compétents de mise en demeure de l'installation en conformité aux normes existantes.
'(...)
Concernant les eaux vannes, le vendeur déclare que l'immeuble est desservi par le réseau d'assainissement mais n'est pas raccordé»
'
En outre, le compromis régularisé par les parties le 15 novembre 2016 dispose en page 4, dans un paragraphe 'Assainissement':
' Concernant l'évacuation des eaux usées, le vendeur déclare que les biens vendus (cocher ma mention) sont raccordés directement et de manière autonome au réseau d'assainissement public, sans pouvoir garantir le conformité de cette installation'.
Par courrier en date 9 mai 2017, produit aux débats, le syndicat intercommunal d'assainissement de [Localité 8] (SIAV) a informé M. [X] des anomalies constatées lors de la visite du contrôleur en assainissement du 6 avril 2017, celui-ci ayant relevé que les eaux ménagères et eaux vannes en provenance de la propriété s'écoulent vers une fosse septique alors qu'elles doivent s'écouler vers le réseau public de collecte 'unitaire' de la [Adresse 6] par l'intermédiaire d'un regard de pied d'immeuble 'unitaire' à construire.
En outre, les acquéreurs produisent aux débats un rapport d'expertise extra-judiciaire établi 22 novembre 2017 par le cabinet Polyexpert après une réunion d'expertise réalisée contradictoirement, aux termes duquel les eaux usées de la cuisine et les eaux pluviales de l'extention correspondant à la cuisine se déversent dans le regard transitoire qui se déverse ensuite dans la citerne.
En outre, les conclusions de la société IRD Video relèvent que les contrôles par caméras des conduits d'évacuation des eaux usées, eaux vannes et eaux pluviales témoignent de l'existence d'un certain nombre d'anomalies sur les réseaux, précisant que le réseau des eaux usées de la salle de bain est obstrué à 75%, que le réseau des eaux vannes est totalement bouché, la caméra étant bloquée juste après la fosse en direction de la fosse toutes eaux, que le réseau d'évacuation des eaux usées de la cuisine est raccordé sur le réseau d'eau pluviale et enfin, que toutes ces eaux aboutissent dans la fosse toutes eaux en briques profonde de 3 mètres, aucun départ de cette fosse vers le domaine public n'ayant été observé et l'évacuation de celle-ci se produisant aux travers de la maçonnerie dans le terrain naturel ou par débordement en partie haute. L'expert extra-judiciaire en conclut que l'ensemble des réseaux du fonds [X] n'est pas raccordé au réseau d'assainissement.
De plus, si les vendeurs font valoir que les acquéreurs ne pouvaient ignorer l'existence d'une fosse septique alors qu'ils ont effectué plusieurs visites de l'immeuble en vue de la réalisation de travaux et qu'un bordereau de vidange en date du 8 février 2017 était annexé à l'acte de vente, il convient de relever que ce bordereau de vidange n'était relatif qu'aux eaux vannes et que tant le rapport d'expertise extra-judiciaire que les conclusions de la société ayant réalisé des contrôles par caméra, démontrent que la fosse septique était non fonctionnelle.
Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a jugé qu'en délivrant un immeuble non raccordé au réseau collectif d'assainissement alors qu'elle avait déclaré aux termes de la promesse de vente et de l'acte authentique de vente qu'il l'était, M. [I] et Mme [Z] ont manqué à leur obligation légale de délivrance conforme. En effet, le raccordement de l'immeuble au réseau collectif d'assainissement était bien une caractéristique convenue entre les parties, seule la non-conformité de l'installation raccordée à ce réseau n'étant pas garantie par les stipulations contractuelles précitées.
'
Dès lors que le bien vendu est présenté comme raccordé au réseau d'assainissement, les vendeurs sont tenus de livrer un bien conforme à cette caractéristique, et donc de prendre en charge le coût des travaux de raccordement au réseau d'assainissement. Les acquéreurs ont le droit d'être intégralement indemnisés de leur dommage constitué par l'absence de raccordement au réseau d'assainissement.
Ainsi, les époux [X] justifient avoir exposé les sommes suivantes au titre des travaux de mise en conformité de l'installation d'assainissement de leur fonds:
- la somme de 120 euros au titre du débouchage des canalisations
- la somme de 180 euros au titre de l'entretien de la fosse septique
- la somme de 4 085 euros au titre de la facture FA 170911 de la société Reflexeau
- la somme de 4 053,50 euros au titre de la facture FA 1709112 de la société Reflexeau
- la somme de 5 302 euros TTC au titre de la facture FA 1709113 de la même société
- la somme de 4 732,75 euros au titre de la facture de la société Jacquinet pour les travaux de réfection de la dalle terrasse
- la somme de 4 559,94 euros au titre de la facture de la même société pour les travaux de réfection de la terrasse en opus,
- la somme de 379 euros au titre de la facture de la société Axeo Pro Services pour les travaux d'engazonnement du terrain d'environ 80 m²,
- la somme de 4 463,44 euros au titre des travaux sur le domaine public tels qu'évalués par le devis du SIAV du 9 mai 2017,
Soit un montant total de 28 255,36 euros dont doit être déduite la somme de 4 720 euros au titre de la subvention perçue par les époux [X], soit la somme de 23 535,36 euros.
La décision entreprise sera donc infirmée quant au quantum de l'indemnisation accordée à M. et Mme [X].
Par ailleurs, le premier juge a justement relevé que les époux [X] rapportent la preuve d'un préjudice de jouissance résultant de l'importance des travaux réalisés ayant rendu hors d'accès leur terrasse et leur terrain pendant toute la durée des travaux et évalué ce préjudice à la somme de 2 000 euros, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement entrepris relatifs aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
M. [I] et Mme [Z], parties perdantes, seront solidairement condamnés à supporter les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de les condamner in solidum à verser à M. et Mme [X] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Mme [Z] et M. [I] seront déboutés de leur demande d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné in solidum M. [P] [I] et Mme [J] [Z] à payer à M. [Y] [X] et Mme [A] [N] épouse [Z] la somme de 22 673,63 euros en réparation de leur préjudice matériel,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne in solidum M. [P] [I] et Mme [J] [Z] à payer à M. [Y] [X] et Mme [A] [N] épouse [X] la somme de 23 535,36 euros en réparation de leur préjudice matériel,
Confirme les autres dispositions du jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne solidairement M. [P] [I] et Mme [J] [Z] aux dépens d'appel,
Condamne in solidum M. [P] [I] et Mme [J] [Z] à payer à M. [Y] [X] et Mme [A] [N] épouse [X] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Déboute M. [P] [I] et Mme [J] [Z] de leur demande d'indemnité de procédure.
Le greffierPour la présidente
Delphine VerhaegheCéline Miller