République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 08/09/2022
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N° de MINUTE :
N° RG 20/05335 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLD5
Jugement (N° 20/03570) rendu le 09 novembre 2020
par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANT
Monsieur [P] [K]
né le 21 janvier 1958 à Saigon (Vietnam)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
représenté et assisté de Me Mario Califano, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
La SARL Solariaa prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier Berne, avocat au barreau de Lille
assistée de Me Valérie Pichon, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 19 mai 2022 tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal, présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 mai 2022
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Par acte authentique du 5 juin 2013, Monsieur [P] [K] a conclu avec la SARL Solariaa, représentée par Monsieur [Y] [K], une vente en l'état futur d'achèvement portant sur les lots 8 (un appartement) et 54 (un garage) dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 6], moyennant le prix de 179 232 euros.
Les lots ont été livrés le 24 février 2015 et un procès-verbal de livraison incluant une quittance du solde du prix de vente payé entre les mains du notaire a été établi.
Un état de réserves a également été dressé, suivi, le 28 février 2015, d'un procès-verbal de levée des réserves.
Monsieur [Y] [K] a été révoqué de ses fonctions de gérant de la société Solariaa le 26 octobre 2017.
Le 26 novembre 2018, la société Solariaa a adressé à Monsieur [P] [K] une mise en demeure de payer le solde du prix de vente, soit 17 928,20 euros.
Par acte d'huissier de justice du 11 janvier 2019, la SARL Solariaa a fait assigner Monsieur [P] [K] devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir principalement le paiement du solde du prix de l'appartement.
Par jugement du 09 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :
- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription ;
- Condamné Monsieur [P] [K] à payer à la SARL Solariaa la somme de 17 923,20 euros au titre du solde du prix de vente des lots de copropriété de l'ensemble immobilier situé [Adresse 6] avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018 ;
- Condamné Monsieur [P] [K] à payer à la SARL Solariaa la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [P] [K] à supporter les dépens de l'instance ;
- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.
Monsieur [P] [K] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 mai 2022, Monsieur [P] [K] demande à la cour de :
- Accueillir sa fin de non-recevoir et juger l'action engagée par la société Solariaa à son encontre prescrite ;
Subsidiairement,
- Débouter la société Solariaa de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre reconventionnel,
- Condamner la société Solariaa à lui payer la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Monsieur [K] invoque l'article L 218-2 du code de la consommation qui reprend à l'identique l'ancien article L 137-2 dudit code et prévoit une prescription biennale de l'action des professionnels pour les biens fournis aux consommateurs et qui s'applique, selon la jurisprudence établie de la Cour de cassation, à la vente d'immeuble. Il fait valoir que l'instance a été introduite plus de deux ans après la fourniture de l'immeuble par le vendeur professionnel qu'est la société Solariaa alors que lui-même n'a acquis ce bien qu'à titre personnel. Il indique que s'il a pu louer l'immeuble, cela lui a procuré un revenu foncier et non un bénéfice industriel ou commercial au sens fiscal. Il déclare qu'il perçoit des salaires et que la location de l'appartement n'a représenté qu'un accessoire de moins de 2 % de ses revenus.
Il estime que la mise en demeure n'a pas pu interrompre la prescription, celle-ci étant déjà acquise avant son émission.
Sur le fond, il fait valoir que le procès-verbal de réserves établi le 24 février 2015 contenait de nombreuses réserves et qu'il avait trouvé un accord en date du 2 mars 2015 avec la société Solariaa aux termes duquel il faisait son affaire des travaux restant à effectuer, en contrepartie de quoi celle-ci abandonnait le solde restant dû. Il ajoute qu'en application de cet accord, la société Solariaa a émis un avoir à son profit. Il relève que le procès-verbal de levée des réserves versé aux débats par la société Solariaa ne correspond pas à son appartement mais à celui de son frère [P], qu'il n'est pas justifié d'un procès-verbal de levée des réserves le concernant et que les pièces adverses semblent établir que la société Solariaa estimait elle-même qu'il ne lui était plus rien dû.
Il soutient enfin qu'aucune preuve de sa mauvaise foi n'est rapportée.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 mai 2022, la SARL Solariaa demande à la cour de :
- Juger nul et de nul effet et subsidiairement inopposable à la société Solariaa « l'annexe sur les travaux non faits et pénalités » ;
- Ecarter des débats l'«avoir» produit par Monsieur [P] [K] car non probant ;
- Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé Monsieur [P] [K] de son appel.
En conséquence,
- Confirmer les termes du jugement rendu le 9 novembre 2020.
En conséquence,
- Condamner Monsieur [P] [K] à lui payer la somme de 17 923,20 euros au titre du solde du prix de vente de l'appartement qu'il a acquis [Adresse 6]) avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018 ;
- Condamner Monsieur [P] [K] à payer à la société Solariaa la somme de 1 400,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
- Condamner Monsieur [P] [K] à payer à la société Solariaa la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;
- Le condamner, en outre, aux entiers dépens d'instance et d'appel.
La SARL Solariaa expose que du temps de la signature des actes litigieux, Monsieur [Y] [K] était en charge de sa gestion mais également, via sa société JNC patrimoine, du recouvrement des créances impayées. Elle soutient que le défaut de paiement du solde de la dette de M. [P] [K] n'est apparu que postérieurement à la révocation de M. [Y] [K] de ses fonctions de gérant intervenue le 26 octobre 2017.
Elle demande à la cour de déclarer nul et de nul effet le document intitulé 'annexe sur les travaux non faits et pénalités', qui n'a été produit aux débats qu'en cause d'appel, fait état d'un prétendu accord intervenu entre elle et Monsieur [P] [K], aux termes duquel celui-ci serait dispensé de s'acquitter du prix de vente à hauteur de 10 %, la société Solariaa étant dispensée de réaliser les travaux non finis dans son appartement (dont la nature n'est pas précisée) et dispensée du paiement de la pénalité de retard prévue dans un autre accord, et de la pénalité de retard pour les travaux non terminés dans les parties communes alors que M. [P] [K] n'avait aucune qualité pour réclamer des intérêts de retard pour la compte de la copropriété et que celui-ci ayant précédemment régularisé un procès-verbal de levée des réserves le 25 février 2015, il n'y avait aucun intérêt pour Solariaa à régulariser ce document, lequel a été élaboré pour les besoins de la cause et ne constitue pas une véritable transaction en l'absence de concessions réciproques réelles.
Elle ajoute que les dispositions de l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 régissant les conventions réglementaires lui permettent de contester une convention régularisée par le dirigeant de la société avec un membre de sa famille si elle n'a pas été déclarée et à condition qu'elle emporte une clause en faveur de son contractant, ce qui est le cas en l'espèce, M. [P] [K] entendant se prévaloir d'avantages dont pourtant aucun autre acquéreur n'a bénéficié alors que la société Solariaa, qui disposait d'un document soldant le dossier, n'avait aucun intérêt à y souscrire, aucun contentieux n'étant naissant entre les parties. Elle soutient que les accords dont tente de se prévaloir M. [P] [K] n'ont pas été signés par une autre personne que son propre frère, M. [Y] [K], alors co-gérant de la société Solariaa et octroient à M. [P] [K] des avantages disproportionnés dès lors que les intérêts de retard allégués ne pouvaient prospérer en raison de la force majeure résultant des fouilles archéologiques rendues nécessaires lors de la construction de l'immeuble et alors que les réserves alléguées ne couvraient pas le prix de la retenue, lequel n'avait d'ailleurs pas été consigné par M. [P] [K]. Elle soutient encore que l'avoir dont entend se prévaloir M. [P] [K] n'a jamais été accepté par M. [L] [C] (dirigeant de Citagone, actionnaire majoritaire), celui-ci n'ayant accepté qu'un modèle et l'échange de courriels versé aux débats pour en rapporter la preuve est tronqué. Elle souligne que, contrairement aux allégations de M. [P] [K], M. [L] [C] n'était pas présent lors de la rédaction des procès-verbaux et que sa signature n'est pas apposée sur les documents litigieux. Elle ajoute enfin que M. [P] [K] ne rapporte pas la preuve des travaux qu'il aurait prétendument pris en charge en lieu et place de la société Solariaa avec le solde de son prêt.
Elle soutient enfin que l'accord prétendument intervenu n'a pas date certaine car établi entre deux frères, qu'il n'a jamais été produit ni même allégué auparavant par aucun d'entre eux auprès de la société Solariaa, que le seul accord allégué bien que non justifié est celui visé aux termes du procès-verbal de levée de réserves et serait daté du 23 février 2015, de sorte qu'en l'état, le document contesté, dont elle n'a au demeurant pas eu d'exemplaire alors qu'il s'agit d'une convention synallagmatique, ne saurait constituer une preuve.
Répliquant à la fin de non-recevoir qui lui est opposée, la SARL Solariaa estime que Monsieur [P] [K] n'est pas un consommateur au sens de l'article L 218-2 du code de la consommation puisque l'appartement était destiné à être loué et lui procurer des profits dont il n'est pas établi qu'ils seraient accessoires à ses revenus. Quant au point de départ du délai de prescription, elle considère qu'il doit être fixé à sa première réclamation du 26 novembre 2018 (étant rappelé qu'aucune facture du solde n'a été émise) et non à l'achèvement des travaux, de sorte que l'action n'est pas prescrite dans la mesure où l'exploit introductif d'instance a été délivré le 11 janvier 2019. Elle souligne que Monsieur [K] ne peut se contredire en soutenant le contraire et, en même temps, en soutenant que le solde du prix n'est pas exigible à raison du défaut d'exécution de travaux.
En outre, elle fait valoir que le bénéfice de la protection accordée aux consommateurs ne peut être reconnu en cas de mauvaise foi et qu'en signant un document attestant du paiement du prix qu'il savait faux, M. [P] [K] était nécessairement de mauvaise foi. Elle ajoute que l'avoir dont tente de se prévaloir M. [P] [K] ne correspond à aucune facture qui aurait pourtant dû être émise par Solariaa ; que M. [Y] [K] était en charge des opérations de suivi des travaux, des livraisons d'appartements et de la facturation ; qu'il est prétendu qu'il ne faisait qu'exécuter les instructions qui lui étaient données mais qu'il n'est cependant pas justifié de l'accord voire des instructions données lui permettant d'abandonner 10% du prix de la vente de l'appartement acquis par son frère et indiquant qu'aucune facture ne devait être émise ; que cet accord pris par M. [Y] [K] au nom de Solariaa sans validation de la société a été dissimulé, de sorte que le délai de prescription ne peut courir qu'à compter de la découverte de la dissimulation et que la demande ne peut être prescrite.
Elle ajoute, s'agissant des parties communes de l'immeuble, qu'il est justifié d'un accord intervenu entre la société Solariaa et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en date du 5 juillet 2019, actant la levée des réserves sur les travaux des parties communes ; qu'ainsi, à suivre le raisonnement de M. [P] [K] qui soutenait que le solde du prix n'était pas exigible tant que ces travaux n'étaient pas achevés, le point de départ du délai de prescription devrait courir à compter de cette date.
Elle soutient en outre qu'il est avéré que la société Solariaa ne pouvait avoir connaissance de l'existence de son action en paiement de telle sorte que le délai de prescription était suspendu jusqu'à la révocation de M. [Y] [K] intervenue le 26 octobre 2017 en raison de l'impossibilité de la société Solariaa d'agir à son encontre compte tenu de son lien de parenté avec son gérant.
Pour finir, elle indique que le décompte du notaire n'établit pas le paiement de la totalité du prix mais à l'inverse le paiement de 161 308,60 euros, ce qui démontre le bien-fondé de sa réclamation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'ancien article L137-2 devenu l'actuel article L218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
En vertu de l'article liminaire du code de la consommation, pour l'application de ce code on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et par professionnel, toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.
L'article L218-2 précité étant de portée générale, l'action d'une société, professionnelle de l'immobilier, en règlement du prix de l'immeuble vendu à un consommateur est soumise aux règles de prescription édictées par ce texte.
Il n'est pas contesté que dans le cadre des relations entre les parties, la société Solariaa a la qualité de professionnel et que celle-ci a fourni à M. [P] [K], personne physique, un immeuble en l'état futur d'achèvement.
Afin de déterminer si les dispositions de l'article L137-2 devenu l'actuel article L218-2 du code de la consommation sont applicables à la vente intervenue entre les parties, il y a donc lieu de déterminer si la qualité de consommateur peut être reconnue à celui-ci.
A cet égard, c'est à juste titre que le premier juge, ayant constaté à la lecture des avis d'imposition 2019 pour les revenus 2018 et de revenus fonciers 2018 de M. [P] [K] que celui-ci percevait des salaires pour un montant de 65 693 euros et des loyers à hauteur de 9 060 euros lesquels, après déduction des charges, taxes foncières et intérêts d'emprunt, lui procuraient un revenu foncier net de 1 862 euros et que ce revenu de nature fiscale et non commerciale était accessoire au regard du niveau des salaires de l'intéressé, en a déduit qu'il avait acquis l'immeuble à des fins personnelles n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, de sorte qu'il était bien fondé à se prévaloir de la qualité de consommateur dans le cadre de la vente litigieuse et par voie de conséquence, de l'application des dispositions de l'article L137-2 devenu L218-2 du code de la consommation.
La délai de prescription concernant M. [P] [K] a commencé à courir le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action à savoir, s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement, à la levée des réserves intervenue le 4 mars 2015 et non le 28 février 2015 comme allégué par la SARL Solariaa, le document produit par celle-ci en pièce 5 étant relatif à l'acquisition des lots A02 et G11 par M. et Mme [K], qui doivent être entendus comme étant M. [Y] [K] et son épouse [B] [O] alors que M. [P] [K] a fait seul l'acquisition des lots A 11 et G24 mentionnés dans les procès-verbaux d'état des réserves du 24 février 2015 et de levée des réserves en date des 2 et 4 mars 2015.
Cependant, il résulte de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
En l'espèce, la cour ne peut que constater, à l'instar du premier juge, que bien que la somme réclamée ait été exigible depuis 2015, la société Solariaa dont M. [Y] [K], frère de l'appelant, était le gérant n'a émis aucune facture ni aucune réclamation contre M. [P] [K] ; que M. [Y] [K], qu'il ait été gérant unique ou co-gérant, était tenu en cette qualité d'appeler ou de faire appeler les fonds dus par son frère quand bien même un accord serait par la suite intervenu pour solder les comptes entre les parties et enfin, que le fait qu'il s'en soit abstenu alors qu'il était un représentant légal de la société a effectivement fait obstacle à l'action de la société jusqu'à sa révocation intervenue le 26 octobre 2017.
La cour ajoute que dans le cadre de la convention d'assistance commerciale et de gestion conclue le 30 septembre 2012 entre la SARL Solariaa représentée par l'un de ses co-gérants M. [N] [T] et la SARL JNC Patrimoine représentée par son gérant M. [Y] [K], ce dernier a été chargé de fournir son concours et son assistance à la société Solariaa, notamment pour le suivi des tâches comptables réalisées par Solariaa, en relation avec son expert-comptable, à savoir en particulier la remise des règlements à l'encaissement et la gestion des effets à recevoir, le suivi des impayés et procédures de recouvrement, les rapprochements bancaires, ainsi que pour des tâches administratives comportant l'établissement des demandes de versements auprès des acquéreurs conformément au tarif et au calendrier d'échelonnement des paiements arrêtés par la société Solariaa, l'ouverture et le suivi des dossiers des acquéreurs et le contrôle des dossiers de crédit des acquéreurs. Il résulte ainsi de ces éléments que les fonctions occupées par M. [Y] [K] au sein de la société JNC Patrimoine lui permettaient également de faire obstacle à l'action en paiement de la société Solariaa à l'encontre de son frère.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que le cours de la prescription à l'égard de M. [P] [K] avait été suspendu jusqu'au 26 octobre 2017, date de la révocation de M. [Y] [K] de ses fonctions de co-gérant de la société Solariaa.
L'action de la société Solariaa contre M. [P] [K], introduite par acte d'huissier du 11 janvier 2019, soit moins de deux ans après la révocation de M. [Y] [K], n'est donc pas prescrite.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur la demande principale en paiement
Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable aux relations entre les parties, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1315 dudit code dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Suivant contrats successifs de réservation des 26 décembre 2011 et 4 novembre 2012, réitérés par acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement en date du 25 juin 2013, M. [P] [K] a fait l'acquisition auprès de la SARL Solariaa d'un appartement de type T3 (lot A11) et d'un garage (lot n° 54) dans une résidence à construire sise à [Adresse 6], moyennant un prix de 179 232 euros payable de manière fractionnée (5 % à la réservation, 20 % à la signature chez le notaire, 10 % à l'achèvement des fondations, 25 % à l'achèvement des murs, 10 % à la mise hors d'eau, 10 % au cloisonnement, 10 % à la plomberie, électricité menuiserie, 5 % à l'achèvement de la construction, 5 % à la signature du procès-verbal de réception).
Il résulte de l'acte authentique de vente que la partie du prix immédiatement exigible, à savoir 44 808 euros représentant 25% du prix, a été payée comptant entre les mains du notaire et que pour l'exigibilité du solde, à savoir 134 424 euros, la société venderesse devait notifier à l'acquéreur la réalisation des événements dont dépendait l'exigibilité des fractions du prix stipulées payables à terme.
Il résulte par ailleurs du décompte établi le 15 janvier 2018 par Maître [J], notaire chargé de la vente, que la somme totale de 161 308,60 euros a été versée par M. [P] [K] à la SARL Solariaa en paiement du prix de vente, de sorte que restait à payer la somme de 17 923,40 euros représentant 10% du prix de vente, laquelle devait être libérée à l'achèvement de la construction et lors de la levée des réserves.
Il n'est pas contesté que M. [P] [K] n'a pas provisionné le montant de ce solde entre les mains du notaire.
Prétendant être libéré de son obligation au paiement de ce solde, M. [P] [K] se prévaut d'un accord intervenu avec la société Solariaa aux termes de deux documents intitulés 'constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un appartement' en date des 2 et 4 mars 2015, faisant suite à un état des réserves établi entre lui-même et la société le 24 février 2018.
La société Solariaa conteste la validité d'un tel accord dont elle prétend n'avoir jamais eu connaissance et qui aurait été régularisé par M. [Y] [K], frère de l'acquéreur et alors gérant de la société.
A cet égard, la cour ne peut que constater que si M. [P] [K] produit un échange de courriels entre M. [Y] [K] et M. [L] [C], représentant de la société Citagone, actionnaire majoritaire de Solariaa, aux termes duquel M. [Y] [K] demande une aide pour la réception à intervenir et M. [L] [C] indique qu'il sera présent en tant que représentant maître d'ouvrage et maître d'oeuvre pour les réceptions des logements, il n'en demeure pas moins que tant le procès-verbal d'état des réserves établi entre Solariaa et M. [P] [K] le 24 février 2015 que les annexes relatives à la 'constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un appartement' en date des 2 et 4 mars 2015 ne portent que les signatures de M. [P] [K] en sa qualité d'acquéreur et de M. [Y] [K] en qualité de gérant de la société Solariaa. Ni la signature de M. G. [T], deuxième co-gérant de Solariaa, ni celle de M. [L] [C] ne sont apposées sur les documents dont il s'agit.
La société Solariaa entend se prévaloir des dispositions de l'article 50 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, relatif aux conventions réglementées, lequel a cependant été abrogé par ordonnance du 21 septembre 2000 antérieure à l'accord contesté.
Cet article est devenu l'article L223-19 du code de commerce lequel, dans sa version en vigueur depuis le 3 août 2014, applicable aux relations entre les parties, dispose que :
'Le gérant ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Toutefois, s'il n'existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu'un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions [délibérations].
Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
Les dispositions du présent article s'étendent aux conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la société à responsabilité limitée.'
Or la cour ne peut que constater que l'état des réserves en date du 24 février 2015 et les deux annexes portant constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un appartement en date des 2 et 4 mars 2015 ne peuvent être qualifiées de 'conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés', aucun élément ne permettant d'établir que M. [Y] [K], gérant de Solariaa et frère de l'acquéreur, ait été intéressé directement ou indirectement à l'opération.
Au surplus, à supposer qu'une telle convention ait dû être autorisée par les associés, il résulte du texte de l'article précité que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler la convention du 2 mars 2015 critiquée par la société Solariaa.
Le procès-verbal d'état des réserves en date du 24 février 2015 annexé au procès-verbal de constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un logement établi le même jour entre la SARL Solariaa représentée par M. [Y] [K] en sa qualité de gérant et M. [P] [K] en sa qualité d'acquéreur, fait état des réserves suivantes :
'- Peinture à refaire sur tous les murs de l'appartement,
- Peinture de porte de la chambre,
- Parquet à refaire, énorme dénivelé dans une des chambres,
- Manque des joints sur les fenêtres,
- Pas de fermeture sur la porte de la salle de bains,
- Nettoyage à faire,
- Plusieurs dalles du balcon bougent,
- Porte de la baie vitrée ferme mal,
- Peinture du balcon,
- Mur des toilettes enfoncé.'
Cet état des réserves est cohérent avec le contenu des courriels échangés le 2 février 2015 entre M. [Y] [K], gérant de Solariaa et M. [L] [C], architecte et représentant de la société Citagone, actionnaire principal de Solariaa, lesquels évoquent notamment pour l'ensemble de l'immeuble des reprises d'enduits et de peinture à faire, des problèmes de finitions concernant notamment le tour des fenêtres et les carrelages, outre des malfaçons ou non façons sur les parties communes.
Dans la première annexe portant constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un appartement en date du 2 mars 2015, il est stipulé que 'concernant l'appartement, M. [K] [P] et l'entreprise Solariaa se sont mis d'accord sur le point suivant : M. [K] [P] ne devra pas verser les derniers 10% soit la somme de 17 923,20 euros qui sont normalement dus pour l'achat de l'appartement A11. En échange, M. [P] [K] accepte que les travaux liés aux réserves sur son appartement ne soient pas réalisés et que les pénalités de retard prévues dans un précédent accord ne soient pas payées par Solariaa.'
La seconde annexe portant constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un appartement en date du 4 mars 2015 stipule que 'l'acquéreur M. [K] et la société venderesse SARL Solariaa représentée par M. [K] et M. [C] dûment mandatés se sont réunis le 4 mars 2015 sur le lieu des travaux [Adresse 5] afin de constater que l'ensemble des réserves mentionnées au procès-verbal de constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un logement daté du 25 février 2015 dont copie jointe, n'est pas levé totalement. En conséquence, et suite à un accord entre les parties daté du 2 mars 2015, l'acquéreur accepte toutefois de lever les réserves.'
Si la société Solariaa conteste aujourd'hui cet accord dont elle prétend n'avoir pas eu connaissance alors qu'il aurait été établi en trois exemplaires, elle n'établit pas en quoi celui-ci serait dénué de concessions réciproques, la dispense de M. [P] [K] de paiement du solde du prix de vente, d'un montant de 17 923,20 euros, étant la contrepartie de la levée par celui-ci des réserves listées précisément dans l'état des réserves du 24 février 2015.
Par ailleurs, la cour constate que si un avoir correspondant au montant du solde restant dû par M. [P] [K] a été émis par M. [Y] [K] alors gérant de Solariaa alors qu'aucune facture n'avait été établie par Solariaa pour le règlement du solde de la facture, il résulte de l'échange de mails intervenus entre M. [Y] [K] pour JNC Patrimoine et M. [L] [C] entre le 20 juin 2017 et le 12 juillet 2017 que M. [Y] [K] a bien soumis à M. [C] trois avoirs, dont celui établi au profit de son frère et que celui-ci ne prétend pas lui avoir opposé de fin de non-recevoir.
Enfin, le bilan comptable de la société Solariaa projeté au 13 juillet 2017 versé en pièce 15 par M. [P] [K] montre que celui-ci n'est pas le seul parmi les clients de la société à avoir bénéficié de remises ou avoirs dans un contexte de fin de chantier difficile objectivé par les échanges de courriels précédemment évoqués, tandis que la société Solariaa reconnaît elle-même avoir concédé une remise de 30 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble en règlement pré-contentieux d'un litige relatif à des travaux non achevés.
Dans ces conditions, l'accord intervenu ne paraissant pas manifestement disproportionné en ce qui concerne les droits respectifs des parties et les concessions réciproques intervenues, il y a lieu de constater que cet accord a valablement eu pour effet de dispenser M. [P] [K] du paiement du solde du prix de vente.
L'arrêt entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné M. [P] [K] à payer à la SARL Solariaa la somme de 17 923,20 euros au titre du solde du prix de vente des lots de copropriété de l'ensemble immobilier sis [Adresse 6] et la cour statuant à nouveau, la SARL Solariaa sera déboutée de sa demande en paiement formée à l'encontre de M. [P] [K].
Sur les autres demandes
Infirmant la décision entreprise, la SARL Solariaa sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle sera par ailleurs condamnée à payer à M. [P] [K] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles par lui exposés en première instance et en appel.
Enfin, elle sera déboutée de ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription ;
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la SARL Solariaa de sa demande en paiement formée à l'encontre de M. [P] [K];
Condamne la SARL Solariaa aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SARL Solariaa à payer à M. [P] [K] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Solariaa de ses demandes sur ce fondement.
Le greffier,Pour la présidente,
Delphine Verhaeghe.Céline Miller.