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08/09/2022 | FRANCE | N°20/03182

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 08 septembre 2022, 20/03182


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 08/09/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/03182 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TEVB



Jugement (N° 18/02807) rendu le 03 juin 2020

par le tribunal de grande instance de Dunkerque







APPELANTE



Madame [Y] [M]

née le 04 septembre 1982 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]>


représentée par Me Fanny Fauquet, avocat au barreau de Dunkerque, constituée aux lieu et place de Me Marie-Agnès Lestoille, avocat au barreau de Dunkerque





INTIMÉ



Monsieur [O] [E]

né le 12 janvier 1977 à [Localité...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 08/09/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/03182 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TEVB

Jugement (N° 18/02807) rendu le 03 juin 2020

par le tribunal de grande instance de Dunkerque

APPELANTE

Madame [Y] [M]

née le 04 septembre 1982 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fanny Fauquet, avocat au barreau de Dunkerque, constituée aux lieu et place de Me Marie-Agnès Lestoille, avocat au barreau de Dunkerque

INTIMÉ

Monsieur [O] [E]

né le 12 janvier 1977 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sylvie Cholet, avocat au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l'audience publique du 16 mai 2022 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal, présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 mai 2022

****

Madame [Y] [M] et Monsieur [O] [E] se sont mariés le 5 août 2006 à [Localité 8] après avoir souscrit un contrat de mariage portant adoption du régime de la séparation de biens, reçu le 17 juillet 2006 par Maitre [K] [C], notaire à [Localité 6].

Par jugement rendu le 15 novembre 2017 rectifié par jugement daté du 11 juin 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dunkerque a prononcé le divorce entre les époux sur le fondement de l'article 233 du code civil.

Par acte d'huissier de justice du 13 novembre 2018, Madame [M] a assigné Monsieur [E] sollicitant notamment du juge aux affaires familiales de voir condamner Monsieur [E] à lui restituer une somme de 50 000 euros outre intérêts de droit à dater de la décision à intervenir, sur le fondement des articles 1303 et suivants du code civil.

Par un jugement du 03 juin 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a notamment :

- Déclaré recevable la demande fondée sur les dispositions des articles 1303 et suivants du code civil ;

- Débouté Madame [M] de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [E] au titre de l'enrichissement injustifié de ce dernier à son détriment ;

- Condamné Madame [M] aux entiers dépens de la présente instance ;

- Condamné Madame [M] à verser Monsieur [E] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté Monsieur [E] de sa demande tendant à assortir la présente décision de l'exécution provisoire ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Rappelé qu'il appartient aux parties de faire signifier la présente décision par voie d'huissier de justice.

Madame [M] a interjeté appel de la décision.

Par ordonnance en date du 18 mai 2021, le conseiller de la mise en état a :

- débouté M. [E] de sa demande tendant à voir annuler la déclaration d'appel du 14 août 2020,

- dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de:

* statuer sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel et l'absence de saisine de la cour;

* statuer sur les fins de non-recevoir liées à l'autorité de la chose jugée et à l'existence d'une clause de non-recours dans le contrat adoptant la séparation de biens,

- réservé les dépens d'incident pour être joints à ceux de la procédure au fond.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 mai 2022, Madame [M] demande à la cour de :

- Déclarer recevable l'appel interjeté par Madame [M] ;

- dire bien appelé et partiellement mal jugé,

- réformer la décision en ce qu'elle a débouté Mme [Y] [M] de sa demande tendant à voir condamner M. [E] au titre de l'enrichissement injustifié à son détriment,

- réformer la décision en ce qu'elle a condamné Mme [M] à régler à M. [E] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant par dispositions nouvelles,

- condamner M. [E] à régler à Mme [M] la somme de 50 000 euros en vertu des dispositions des articles 1303 et suivants du code civil,

- condamner M. [E] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Mme [M] précise que par ordonnance en date du 18 mai 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [E] de sa demande de nullité de la déclaration d'appel.

En outre, elle soutient que ses extraits de compte démontrent qu'elle abandonnait l'intégralité de son salaire sur le compte joint alors qu'elle ne sollicite pas l'intégralité des versements réalisés mais la part correspondant à l'enrichissement injustifié.

De plus, elle expose qu'après le jugement de divorce, M. [E] se retrouve propriétaire d'un immeuble construit par la famille de Mme [M] et dont le terrain et les travaux ont été financés grâce à ses fonds et représentant une valeur plus élevée que la valeur initiale.

Elle ajoute que tous les travaux ont été financés par le couple et que l'ancienne habitation construite sur le terrain appartenant à M. [E] a été entièrement démolie et reconstruite grâce aux fonds communs.

Enfin, elle indique qu'elle ne bénéficie d'aucune prestation compensatoire et n'a pas d'autre moyen de se faire indemniser.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 avril 2022, Monsieur [E] demande à la cour de :

- Juger que l'appel n'emporte pas d'effet dévolutif ;

- Déclarer la Cour d'appel non valablement saisie ;

- Déclarer irrecevable Madame [M] en ses demandes en raison de l'autorité de chose jugée et du défaut de droit d'agir, mais encore eu égard de la clause de contribution aux charges et eu égard au principe de subsidiarité ;

- Dire recevable et bien fondé l'appel incident de Monsieur [E] ;

- Débouter Madame [M] de l'intégralité de ses demandes ;

- Infirmer la décision référentielle s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Madame [M] au paiement de la somme de 3 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile comprenant les frais de première instance et d'appel ;

- Condamner Madame [M] aux entiers dépens.

M. [E] soutient que l'appelante n'a pas précisé les chefs du jugement expressément critiqués de sorte que la déclaration d'appel est nulle et que la cour n'est pas valablement saisie.

Il précise que le contrat de mariage régularisé par les parties prévoit en son article 2 que 'les époux ne sont tenus à aucun compte entre eux et ne devront retirer, à ce sujet, aucune quittance l'un de l'autre. Ils seront réputés avoir fourni leurs parts respectives au jour le jour' de sorte que Mme [M] a renoncé à son droit d'agir sur le fondement de l'enrichissement sans cause ou en contribution aux charges.

En outre, il ajoute que Mme [M] a formulé une demande identique devant le juge aux affaires familiales de sorte que sa demande est irrecevable et se heurte à l'autorité de la chose jugée.

Par ailleurs, il expose que la demande de Mme [M] sur le fondement de l'enrichissement sans cause n'est corroborée par aucun élément alors qu'avant le mariage célébré le 5 août 2006, elle a vécu à titre gratuit dans le bien immobilier appartenant à M. [E] et que les échéances du prêt immobilier ont été prélevées sur son compte personnel jusqu'au 31 mars 2009, les parties ne disposant plus que d'un compte commun jusqu'en mars 2016.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur l'effet dévolutif de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas et la cour n'est pas saisie.

En outre, aux termes de l'article 910-4° du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n°2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant notamment les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans sa déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

En l'espèce, si la déclaration d'appel formée par Mme [M] ne reprend pas les chefs de jugement critiqués, elle précise quant à l''objet/portée de l'appel' : 'Appel en cas d'objet du litige indivisible'.

Alors que la déclaration d'appel fait expressément référence à l'indivisibilité du litige, s'agissant d'une action sur le fondement de l'enrichissement sans cause, il y a lieu de constater que l'effet dévolutif a opéré et que la cour est valablement saisie de l'appel formé par Mme [M].

Sur l'autorité de la chose jugée

Aux termes des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce, M. [E] fait valoir que la demande de Mme [M] se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Dunkerque le 15 novembre 2017.

Toutefois, si ce jugement définitif a débouté Mme [M] de sa demande tendant à voir constater que l'époux est redevable de récompenses vis-à-vis de la communauté et renvoyé les parties à saisir le notaire compétent, force est de constater que Mme [M] ne formule pas de demande de récompense dans le cadre du présent litige alors qu'aux termes de la décision sus-visée, le juge aux affaires familiales a relevé que la demande de Mme [M] ne relève pas de la compétence du juge du divorce.

Il y a donc lieu de rejeter la demande formée par M. [E] au titre de l'irrecevabilité de la demande de Mme [M] tenant à l'autorité de la chose jugée.

Sur la recevabilité de la demande de Mme [M]

Suivant contrat de mariage établi par acte notarié établi par Maître [C], notaire à [Localité 6], en date du 17 juillet 2006, les parties ont adopté le régime de la séparation de biens, l'article 1er de ce contrat disposant que chacun des époux 'conservera la propriété des biens meubles immeubles de toute nature lui appartenant actuellement et de ceux qui deviendront propriété durant le mariage'.

L'article 2 de ce contrat, intitulé 'Contributions aux charges du mariage', stipule que 'En application de l'article 214 du code civil, chacun des époux contribuera aux charges du mariage en proportion de sa propre faculté.

Ils ne seront tenus à aucun compte entre eux et ne devront retirer, à ce sujet, aucune quittance l'un de l'autre. Ils seront réputés avoir fourni leurs parts respectives au jour le jour.(...)'

Il résulte de ces dispositions que les parties ont convenu, en adoptant le régime de la séparation de biens, qu'ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive de sorte qu'aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auraient pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature.

Alors que cette disposition institue une présomption irréfragable de participation des époux aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives de sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux, Mme [M] ne peut, au soutien d'une demande de créance être admise à prouver l'insuffisance de la participation de M. [E] aux charges du mariage pas plus que l'excès de sa propre contribution (Cass civ1ère, 18 novembre 2020, n°19-15.353).

Alors que Mme [M] sollicite la reconnaissance d'une créance à son profit au titre de son appauvrissement et de l'enrichissement corrélatif de M. [E] résultant du remboursement au moyen de ses fonds propres des mensualités de l'emprunt immobilier ayant servi au financement de l'acquisition et de l'amélioration du logement familial, appartenant à titre personnel à M. [E], force est de constater que cette demande entre dans le champ d'application de l'article 2 du contrat de mariage qui prévoit une présomption irréfragable de participation des époux aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives de sorte qu'elle ne peut être combattue par la preuve contraire.

Dès lors, il y a lieu de débouter Mme [M] de sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause.

La décision entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Mme [M], partie perdante, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de la condamner à verser à M. [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Mme [M] sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Constate que la cour est valablement saisie de l'appel formé par Mme [Y] [M],

Rejette la demande de M. [O] [E] tendant à voir prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [Y] [M] au titre de l'autorité de la chose jugée ;

Statuant par substitution de motifs,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Y] [M] aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile;

Condamne Mme [Y] [M] à verser à M. [O] [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Pour la présidente,

Delphine Verhaeghe.Céline Miller.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/03182
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.03182 ?
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