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08/09/2022 | FRANCE | N°19/03388

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 08 septembre 2022, 19/03388


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 08/09/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 19/03388 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SNJC



Jugement (N° 18/01186) rendu le 30 avril 2019

par le tribunal de grande instance de Lille









APPELANTS



Monsieur [W] [C]

et

Madame [U] [J] épouse [C]

demeurant ensemble [Adresse 3]

[Adresse 3]

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représentés par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai







INTIMÉS



Madame [Y] [V] [I]

née le 07 avril 1947 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6]



représentée et assistée de Me Alban Poissonnier, membre...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 08/09/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/03388 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SNJC

Jugement (N° 18/01186) rendu le 30 avril 2019

par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTS

Monsieur [W] [C]

et

Madame [U] [J] épouse [C]

demeurant ensemble [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentés par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai

INTIMÉS

Madame [Y] [V] [I]

née le 07 avril 1947 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée et assistée de Me Alban Poissonnier, membre de la SCP SPPS Avocats, avocat au barreau de Lille, constitué aux lieu et place de Me Jean-Louis Poissonnier, avocat au barreau de Lille

Maître Hubert Bourgeois, notaire, membre de la SCP Vandenbroucke, Feront-Lecocq, Bourgeois

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Véronique Vitse-Boeuf, membre du cabinet Adekwa, avocat au barreau de Lille

ASSIGNES EN INTERVENTION FORCÉE

Madame [BB] [A] prise en qualité d'héritière de M. [M] [I] et en qualité de potentielle héritière de Madame [F] [DB] [N],

demeurant [Adresse 5]

[Adresse 5]

Déclaration d'appel signifiée le 19 décembre 2019 à domicile - n'ayant pas constitué avocat

Monsieur [HZ] [I] pris en qualité d'héritier de M. [M] [I] et en qualité de potentiel héritier de Madame [F] [DB] [N],

demeurant[Adresse 1]

[Adresse 1]

Déclaration d'appel signifiée le 10 décembre 2019 à l'étude d'huissier - n'ayant pas constitué avocat

Madame [CB] [X] pris en qualité de potentielle héritière de Madame [F] [DB] [N],

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

Déclaration d'appel signifiée le 28 novembre 2019 à l'étude d'huissier - n'ayant pas constitué avocat

Monsieur [S] [I], en qualité de potentiel héritier de Madame [F] [DB] [N] en qu'il pourrait, en sa qualité d'enfant, venir en représentation de Monsieur [M] [I] dans la succession de Madame [F] [DB] [N]

demeurant chez Madame [BB] [A]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

assigné en intervention forcée le 19 décembre 2019 à personne - n'ayant pas constitué avocat

DÉBATS à l'audience publique du 16 mai 2022 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal, présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022

****

Madame [Y] [V] [I] avait pour tante Madame [F] [DB] épouse [N], décédée le 7 juillet 2015 après avoir perdu son époux [E] [N], décédé le 14 août 2012, et la fille unique issue de cette union, [JB] [N], décédée le 1er septembre 2012.

Par acte d'huissier en date du 1er septembre 2016, Madame [V] [I] a fait assigner [W] [C] et [U] [J] épouse [C] devant le tribunal de céans en annulation, pour insanité d'esprit, de deux testaments établis par [F] [N] [DB] en faveur de ces derniers, les 30 juillet 2012 et 5 octobre 2012.

Le testament de Madame [F] [N] [DB] en date du 30 juillet 2012 institue en cas de décès de sa fille [JB] [N], en qualité de légataires universels, pour 65 % ensemble les époux [C], et pour 35 % ensemble, [Y] [I] épouse [V] et ses enfants : [HB], [U], [H] et [FB] [V].

Le testament du 5 octobre 2012 révoque toutes dispositions antérieures et institue légataires universels, pour moitié chacun, les époux [C], la part de l'un devant revenir à l'autre en cas de pré-décès de l'un d'eux ; et en cas de pré-décès des deux, leurs enfants, par parts égales.

Par acte d'huissier en date du 25 août 2016, Madame [Y] [V] [I] avait au préalable fait assigner Maître [G] [P], notaire associé à [Localité 12], en responsabilité professionnelle, en sa qualité de rédacteur des testaments litigieux.

Par jugement du 30 avril 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :

- prononcé la nullité des deux testaments authentiques de [F] [DB] épouse [N] en date des 30 juillet 2012 et 5 octobre 2012, sur le fondement de l'article 901 du code civil ;

- déclaré Mme [V] [I] irrecevable en ses demandes relatives au règlement de la succession de [F] [DB] épouse [N], en ce comprises, ses demandes aux fins de voir désigner un expert en la personne de Maître [B] [LB], notaire, aux fins de voir dire que les époux [C] seraient tenus de lui verser la valeur des biens qu'ils ont perçus dans la succession de Mme [F] [DB] [N], et aux fins de voir dire que Maître [P] serait tenu de la garantir des sommes dues par les époux [C] ;

- condamné les époux [C] à payer à Madame [V] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les époux [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise du Docteur [L] [K] ;

- condamné Madame [V] [I] à payer à Maître Hubert Bourgeois la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.

Les époux [C] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 juin 2021, les époux [C] demandent à la cour de :

- ordonner une expertise sur le fondement de l'article 143 du code de procédure civile, ou à défaut une contre-expertise ;

- désigner tel expert qui lui plaira ayant pour mission de : tous droits et moyens des parties réservées, entendre contradictoirement les parties et leurs conseils convoqués ; recueillir toutes informations orales et écrites de celles-ci ; se faire communiquer et examiner tous documents utiles ; répondre aux observations des parties ; entendre tous sachant ; prendre connaissance des dossiers et documents produits au débat et se faire communiquer les pièces relatives à Mme [F] [DB] épouse [N] et toutes pièces qu'il estimera nécessaire à l'accomplissement de sa mission ; après avoir examiné ses pièces, dire si à la date du 30 juillet 2012 et du 5 octobre 2012, Mme [F] [DB] épouse [N] possédait les capacités physiques, cognitives et intellectuelles suffisantes afin de signer et de comprendre la portée de ces deux testaments au sens de l'article 901 du code civil ;

- dire que l'expert dressera de ses opérations un rapport écrit dont il devra déposer l'original au greffe du service des expertises dans les six mois de sa saisine, sauf prorogation dûment accordée par le juge chargé du contrôle des expertises, et adresser copie aux parties, mention de cet envoi étant porté sur l'original ;

- inviter l'expert à faire connaître, dès l'acceptation de sa mission et au plus tard dès la première réunion d'expertise, le coût prévisible de sa mission ;

- dire que l'expert dressera un pré-rapport et devra répondre aux dires des parties le concernant ;

- dire qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement sur requête de la partie la plus diligente ;

- ordonner que les provisions sur les frais d'expertises soient réparties entre toutes les parties ;

- surseoir à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise.

Au fond,

- juger les époux [C] recevables et bien fondés en leur appel ;

- réformer le jugement de tribunal de grande instance de Lille en date du 30 avril 2019.

Et statuant à nouveau :

- débouter Mme [V] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [V] [I] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [V] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. et Mme [C] font valoir qu'ils produisent plusieurs éléments permettant de contredire l'appréciation portée par l'expert désigné en première instance, s'agissant de l'avis du Docteur [R], médecin traitant de la famille [N] de 1976 à 2012 et d'un procès-verbal de constat qui établit que Mme [N] savait lire et que ses propos étaient cohérents.

Ils précisent que [JB], fille de Mme [N], a passé toutes les fêtes de fin d'année avec la famille de M. [C] dont elle était la marraine et le témoin de mariage et que les liens entre les deux familles étaient très étroits.

Ils ajoutent que les époux [N] et leur fille [JB] ont rédigé au profit de M. [C] une procuration générale ainsi qu'un mandat de protection future et que si Mme [V]-[I] a saisi le juge des tutelles du tribunal d'instance de Tourcoing aux fins d'annulation du mandat de protection future et révocation du mandataire, elle a été déboutée de ses demandes par jugement du 14 janvier 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 1er juillet 2013.

En outre, ils soutiennent que Mme [N] a été classée en GIR5 le 24 septembre 2012 et que cette évaluation a été confirmée par l'équipe médicale du Conseil général le 8 octobre 2012. Ils exposent qu'elle n'a jamais été soignée pour la maladie d'Alzheimer et qu'on ne retrouve pas de diagnostic de troubles cognitifs établi, Mme [N] ayant simplement présenté un épisode de syndrome confusionnel lors de son hospitalisation en service de cardiologie.

Enfin, les époux [C] font état de ce que Mme [N], à la date du 30 juillet 2012 comme à celle du 5 octobre 2012, présentait des capacités cognitives et intellectuelles suffisantes pour signer et comprendre la portée de son engagement de sorte qu'elle était saine d'esprit au sens des dispositions de l'article 901 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 octobre 2020, Mme [Y] [V] [I] demande à la cour de :

- écarter des débats le travail du Docteur [UB] et tout extrait du document qu'elle a établi ;

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité des testaments des 30 juillet 2012 et 5 octobre 2012 ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [C] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise du docteur [K] ;

Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :

-déclaré Mme [Y] [V] [I] irrecevable en ses demandes relatives au « règlement » de la succession de [F] [DB] épouse [N] ;

- condamné [Y] [V] [I] à payer 2 000 euros à Maître [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.

Statuant à nouveau :

-ordonner la réouverture des opérations de règlement de la succession de Mme [F] [DB] épouse [N] ;

- désigner expert, en la personne de Maître [Z] [XD], notaire à [Localité 7], pour : réouvrir la succession de Mme [F] [DB] épouse [N] ; procéder aux opérations de liquidation de succession ; établir tout acte nécessaire ; réaliser toutes les formalités nécessaires ; décrire et estimer l'actif de la succession au moment du décès de Mme [F] [DB] [N] ; décrire et estimer le passif de la succession au moment du décès de Mme [F] [DB] [N] ; pouvoir interroger tout notaire ayant pu intervenir dans la succession afin de se faire remettre tout document utile ; se faire verser et récupérer toute somme en faisant partie ; solliciter le règlement ; se faire communiquer tout document utile ; interroger le fichier Ficoba ; interroger le fichier Ficovie ; interroger tout organisme bancaire et toute compagnie d'assurance ; déterminer les sommes qui aurait pu être perçues par une gestion optimisée des biens et notamment au titre des loyers et fermages relatifs aux biens qui existaient au moment du décès de Mme [DB] [N] pour la période s'écoulant entre la date du décès de Mme [DB] [N] et celle du règlement de la succession à intervenir ; déterminer le montant des biens mobiliers qui était indiqué au moment du règlement de la succession par Maître [P] ; déterminer les biens qui existaient au moment de la succession de Mme [F] [DB] [N] et qui ont ultérieurement été aliénés et en donner une valeur estimative et actualisée ; indiquer l'ensemble des sommes qui pourront s'avérer nécessaires du fait de la réouverture de la succession, notamment au niveau de la publicité foncière, au niveau des pénalités de retard fiscales et des démarches administratives ; pouvoir solliciter toute modification utile de sa mission ;

- attribuer à Maître [Z] [XD] tout pouvoir d'interrogation et notamment des parties, du ou des notaires intervenus dans le règlement de la succession de Mme [F] [DB] [N] , des organismes bancaires, des agences immobilières et des compagnies d'assurances ;

- donner également tout pouvoir à Maître [Z] [XD], notaire à [Localité 8], afin d'interroger le fichier des comptes bancaires sur la période s'écoulant du 1er juillet 2005 au 15 juillet 2015 concernant Madame [F] [ZD] [DB], épouse [N], née à [Localité 10], le 9 juillet 1928 ;

- attribuer à Maître [Z] [XD] tout pouvoir pour percevoir et se faire verser toute somme :

- subsidiairement attribuer la même mission et les mêmes pouvoirs à tout autre notaire pouvant être désigné ;

- dire que Maître [P] a commis une faute en ne demandant aucun élément médical probant et en ne réalisant aucun interrogatoire de précaution pour s'assurer de l'état de santé mentale de Mme [F] [DB]-[N] alors que celle-ci était gravement malade ;

- subsidiairement dire que Maître [P] et les époux [C] seront condamnés aux dépens en ce compris les frais d'expertise du docteur [K] ;

- dire que suite à l'annulation des testaments, et au dépôt du rapport d'expertise, les époux [C] seront tenus de verser à Madame [Y] [V] [I] la valeur des biens qu'ils ont perçus dans la succession de Mme [F] [DB]-[N] et qui ne pourront réintégrer en nature le patrimoine de Mme [Y] [V] [I] ;

- dire que Maître [P] sera tenu de garantir Mme [Y] [V] [I] des sommes qui seront dues par les époux [C] ;

- condamner solidairement les époux [C] et Maître [P] à verser à Mme [V] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner chacun de Mme [BB] [A], Mme [CB] [I], M. [HZ] [I] et M. [S] [I] à verser à Madame [V] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 en ce que ces derniers refusent de participer spontanément à la procédure et complexifient volontairement la procédure ;

- condamner solidairement les époux [C], Maître [P], Mme [BB] [A], Mme [CB] [I], M. [HZ] [I] et M. [S] [I] aux entiers dépens.

Mme [V] [I] soutient qu'elle est l'héritière légale de Mme [F] [N], épouse de M. [E] [N]. Elle précise que M. et Mme [N] et leur fille unique, [JB], vivaient en vase clos et que Mme [N] était complètement dépendante de son mari et de sa fille.

Elle ajoute que la santé de Mme [N] a commencé à se dégrader à compter de l'année 2011 et qu'elle a été hospitalisée en février 2012 à la suite d'un malaise, l'un des médecins du centre hospitalier de [Localité 11] ayant relevé que Mme [N] était 'désorientée', présentait 'une détérioration cognitive' avec 'possible maladie d'Alzheimer sur ajoutée'.

Elle fait valoir qu'alors que M. [N] a été hospitalisé en juillet 2012 et que [JB] était alitée, en phase terminale d'un cancer, Mme [N] était extrêmement fragilisée pendant cette période et que l'ingérence des époux [C] a été grandissante.

Elle expose que Maître [P] aurait dû refuser de recueillir les dernières volontés de Mme [N], cette dernière ne jouissant pas de son libre arbitre et qu'il n'a pris aucune précaution préalable.

En outre, Mme [V] [I] indique que Maître [P], comme les époux [C], sont mal fondés à critiquer le rapport d'expertise qui est particulièrement clair et se base sur des éléments médicaux solides.

De plus, elle soutient que les circonstances imposaient à Maître [P] de faire preuve de prudence pour la rédaction des testaments litigieux et précise que les liens affectifs unissant la famille [N] aux époux [C] ne le dégageait pas de son devoir de prudence.

Enfin, elle argue que Maître [P] n'a pris aucune précaution pour vérifier les capacités mentales de Mme [N] dans le cadre de son office et que le simple fait de se déplacer à son domicile aurait dû attirer sa vigilance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 décembre 2019, Maître [G] [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce que :

L'action de Mme [V] [I] aux fins de rechercher la responsabilité civile professionnelle de Maître [P] a été rejetée ;

Mme [V] [I] a été déboutée de sa demande tendant à voir dire que Maître [P] sera tenu de la garantir des sommes dues par les époux [C] ;

Mme [V] [I] a été déclarée irrecevable en ses demandes relatives au « règlement » de la succession de [F] [DB] [N] ;

- infirmer le jugement déféré en ce que Maître [P] a été débouté de sa demande formée à l'encontre de Madame [V] [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuant à nouveau, condamner Mme [V] [I] à verser à Maître [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;

En conséquence,

- Constater, dire et juger que Mme [V] [I] ne rapporte pas la preuve d'une faute qui aurait été commise par Maître [P] en sa qualité de rédacteur des testaments authentiques des 30 juillet 2012 et 5 octobre 2012 ;

- constater, dire et juger que Mme [V] [I] ne justifie pas d'un préjudice en lien de causalité avec la faute reprochée à Maître [P] ;

- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de Me [V] [I], l'en débouter ;

- la condamner à verser à Maître Bourgeois la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de l'expertise judiciaire et de première instance.

Maître [P] soutient qu'il était le notaire de la famille [N] depuis plus de dix ans et qu'il n'a pas constaté d'insanité d'esprit affectant la testatrice lors de la régularisation des testaments litigieux en juillet et octobre 2012.

Il précise que Mme [V] ne démontre pas de manière objective en quoi il aurait manqué à son devoir de prudence en recevant le testament de Mme [N] et qu'au regard du contexte familial dont il était informé, le choix de Mme [N] n'avait rien de surprenant et apparaissait comme cohérent avec ce qu'elle avait pu exprimer dans le passé.

Il ajoute qu'il est d'usage pour les notaires de se déplacer au domicile de leurs clients âgés de plus de 80 ans.

Il fait valoir que ni le juge des tutelles ni l'équipe médico-sociale ayant entendu Mme [N] dans les suites immédiates de la rédaction du second testament du 5 octobre 2012 n'ont remis en cause la sanité d'esprit de Mme [N].

Enfin, il expose que les contestations ayant conduit à la présente procédure émanent de membres de la famille qui n'avaient que des liens très distants avec la famille [N].

Mme [Y] [V] [I] a fait assigner en intervention forcée Mme [BB] [A], Mme [CB] [I] épouse [X], M. [HZ] [I] et M. [S] [I] es qualité d'héritiers de M. [M] [I] es qualité de potentiels héritiers de Mme [F] [DB] [N] par actes d'huissier de justice en date des 28 novembre, 10 et 19 décembre 2019. Ces derniers n'ont pas constitué avocat devant la cour.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la demande de nullité des testaments

Il résulte des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Aux termes des dispositions de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.

La charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en annulation du testament.

Mme [V] [I], nièce de Mme [F] [N], invoque la nullité des deux testaments établis par cette dernière par actes authentiques en date des 30 juillet et 5 octobre 2012 en faisant valoir que Mme [N] ne disposait pas des capacités cognitives et intellectuelles pour tester.

En cause d'appel, M. et Mme [C] sollicitent en premier lieu la réalisation d'une nouvelle expertise en faisant valoir que de nouveaux éléments contredisent l'appréciation par l'expert judiciaire en première instance.

Il convient de relever que si aux termes de leurs dernières écritures devant la cour, les époux [C] font état d'un certificat établi par le Docteur [R], médecin traitant de la famille [N], ainsi que d'un procès-verbal de constat ces pièces ne sont pas produites aux débats et ne figurent pas au bordereau annexé aux conclusions.

Il en résulte que les époux [C] ne rapportent pas la preuve d'éléments médicaux de nature à remettre en cause les conclusions expertales.

En outre, le premier juge a justement retenu qu'alors que le Docteur [L] [K] a été désigné en qualité d'expert avec pour mission notamment d'entendre les parties et leurs conseils, ainsi que tous sachants, de se faire communiquer tous documents utiles et notamment les documents médicaux relatifs à Mme [F] [N] afin de 'dire si à la date du 30 juillet 2012 et du 5 octobre 2012, Mme [F] [DB] possédait les capacités physiques, cognitives et intellectuelles suffisantes afin de signer et de comprendre la portée de son engagement et si celle-ci était saine d'esprit à la date d'établissement de ces deux testaments, au sens de l'article 901 du code civil', l'expert ne s'est pas limité à un recueil de donnés médicales mais a reconstitué de manière circonstanciée le parcours de vie et la personnalité de Mme [N], celle-ci ayant dû faire face concomitamment à l'hospitalisation de son époux le 15 juillet 2012, à son décès survenu le 15 août 2012 ainsi qu'au décès de sa fille unique, [JB], survenu le 1er septembre 2012, et a répondu aux principaux motifs soutenus par les époux [C], le tribunal ayant relevé avec pertinence qu'il est dommage que les époux [C] n'aient pas participé directement aux opérations d'expertise à l'instar des membres de la famille de Mme [V] [I].

Si M. et Mme [C] font valoir qu'on ne retrouve pas d'antécédents de troubles cognitifs établis dans les antécédents médicaux de Mme [F] [N], s'agissant d'un épisode de syndrome confusionnel réversible après correction des troubles liés à une hyponatrémie, il résulte des termes du courrier du centre Hospitalier de [Localité 11] en date du 10 février 2012, repris par l'expert, que Mme [N] a été hospitalisée du 8 au 10 février 2012 que des troubles cognitifs ont été relevés ainsi que la réduction de son autonomie dans les tâches domestiques et ménagères avec une désorientation temporo-spatiale et des propos inadaptés.

De plus, l'expert a relevé que l'analyse de l'état de santé de Mme [F] [N], au moins dans le courant de l'année 2012, permet de retenir le diagnostic d'une dégradation cognitive progressivement croissante, cette dégradation constatée lors de son hospitalisation en février 2012 étant confirmée et majorée lors de son hospitalisation en octobre 2012 au service de gériatrie du CHRU de [Localité 9] du 18 au 31 octobre 2012 pour chutes à domicile et confusion, l'examen montrant un MMS à 8/30 témoignant d'une démence sévère, les certificats établis par le Docteur [D] le 5 novembre 2012 et le Docteur [O] le 10 novembre 2012 attestant de troubles cognitifs considérés comme définitifs et justifiant l'ouverture d'une mesure de tutelle.

L'expert précise en outre qu'il existe une linéarité chronologique pathologique concernant la dégradation cognitive de Mme [N] du mois de février 2012 au mois d'octobre, soit sur une période encadrant les deux testaments litigieux et que tant le 30 juillet 2012 que le 5 octobre 2012, Mme [F] [N] présentait des troubles de la compréhension et de l'expression du langage oral et du langage écrit, des troubles des différentes capacités attentionnelles ainsi que des capacités mnésiques, des fonctions exécutives, du jugement et du discernement et conclut qu'à ces deux dates, Mme [N] ne possédait pas les capacités cognitives (ou intellectuelles) suffisantes pour signer et comprendre la portée de son engagement, n'étant pas saine d'esprit au sens des dispositions de l'article 901 du code civil.

Par ailleurs, si les époux [C] font valoir que Mme [N] avait été reconnue autonome par l'équipe médico-sociale et faisait l'objet d'une classification dans le groupe 5, le classement en GIR5 correspondant à une personne ayant seulement besoin d'une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que plusieurs éléments repris par l'expert attestent d'une perte d'autonomie déjà installée début 2012, l'expert précisant aussi que ce n'est que secondairement que les troubles cognitifs altèrent l'autonomie dans la gestion administrative et financière, la conduite automobile et les relations sociales ainsi que l'autonomie personnelle (toilette, habillage...) et que les capacités cognitives utilisées pour le quotidien sont largement inférieures à celles nécessaires pour souscrire un contrat d'assurance, contracter un emprunt ou établir un acte notarié tel un testament.

Il en va de même s'agissant du caractère définitif de la détérioration cognitive, l'expert judiciaire ayant relevé que les certificats établis par le Docteur [D] le 5 novembre 2012 puis le Docteur [O] le 10 novembre 2012 attestent sans aucune ambiguïté de troubles cognitifs, considérés comme définitifs et justifiant la mise en place d'une mesure de tutelle alors que le premier juge a relevé avec pertinence que M. [C] a lui-même sollicité l'activation du mandat de protection future consenti par Mme [N] à son profit dès le mois de novembre 2012, soit quelques jours suivant la rédaction du second testament.

Ainsi, si la réalité et la qualité de la relation de confiance existant entre la famille [N] et les époux [C] ne sauraient être valablement remises en cause, il n'en demeure pas moins que Mme [V] [I] rapporte la preuve aux débats de l'insanité d'esprit de Mme [N] au sens des dispositions de l'article 901 du code civil au jour de la rédaction des deux testaments en date des 30 juillet et 5 octobre 2012.

En conséquence, il y a lieu de débouter M. et Mme [C] de leur demande de réalisation d'une nouvelle expertise médicale et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité des deux testaments.

Sur les demandes formées à l'encontre du notaire

Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a retenu qu'aucune pièce produite aux débats ne permet de constater que Maître [P] avait connaissance des troubles cognitifs repérés chez Mme [N] pour la première fois à l'occasion de son hospitalisation de deux jours en février 2012, que la confiance active manifestée par l'ensemble de la famille [N] vis-à-vis à des époux [C] était un gage de solidité des actes tendant à confier à ces derniers la gestion de leur patrimoine au moyen du pacte de protection future puis sa transmission et enfin, que la perte d'autonomie de Mme [N] dans les gestes du quotidien n'était pas nécessairement visible à l'occasion des déplacements du notaire qui avaient pour objet, non une évaluation des facultés cognitives de la personne mais l'établissement d'un testament authentique, à sa demande.

Ainsi, la cour relève que les seuls éléments produits aux débats ne permettent pas de caractériser l'existence d'une négligence fautive de Maître [P] dans l'établissement des deux testaments en date des 31 juillet et 5 octobre 2012.

La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur les demandes afférentes aux opérations de règlement de la succession de Mme [F] [N] et la désignation du notaire

En cause d'appel, Mme [V] [I] conteste le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes relatives au règlement de la succession à défaut de preuve de sa qualité à agir seule, le tribunal ayant relevé qu'il existe une totale incertitude relative au nombre et à l'identité des héritiers de Mme [F] [N].

Si Mme [V] [I] a assigné en intervention forcée devant la cour Mme [BB] [T], Mme [CB] [I] épouse [X], M. [HZ] [I] et M. [S] [I], force est de constater qu'elle ne produit pas aux débats un acte de notoriété permettant tant de justifier de sa qualité d'héritière que de justifier de la mise en cause de l'ensemble des héritiers de Mme [F] [N], le seul arbre généalogique produit aux débats étant insuffisant à en rapporter la preuve.

En outre, la cour relève, à l'instar du premier juge, que la question de la validité des deux testaments litigieux constitue un préalable indispensable à l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession sans qu'il puisse être préjugé de l'avancée des opérations de règlement amiable de ladite succession.

En conséquence, il y a lieu, en l'absence de tout nouvel élément de preuve produit en cause d'appel, de déclarer Mme [V] [I] irrecevable en ses demandes relatives au règlement de la succession de [F] [DB] veuve [N], en ses demandes aux fins de voir désigner un notaire, aux fins de dire que les époux [C] seront tenus de lui verser la valeur des biens qu'ils ont perçus dans la succession et aux fins de dire que Maître [P] sera tenu de la garantir des sommes dues par les époux [C], la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

Par ailleurs, Mme [V] [I] sera aussi déclarée irrecevable en sa demande de voir désigner Maître [Z] [XD], notaire à [Localité 7], en qualité d'expert, le jugement déféré étant complété sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à la condamnation aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [C], parties perdantes, seront condamnés à supporter les dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise du Docteur [L] [K] en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner M. et Mme [C] à payer à Mme [V] [I] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Mme [V] [I] succombant en son appel incident, il n'apparaît pas inéquitable de la condamner à verser à Maître Bourgeois la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

M. et Mme [C] seront déboutés de leurs demandes d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [W] [C] et Mme [U] [J] épouse [C] de leur demande d'expertise,

Déboute Mme [Y] [V] [I] de sa demande de désignation de Maître [Z] [XD], notaire à [Localité 7], en qualité d'expert ;

Condamne M. [W] [C] et Mme [U] [J] épouse [C] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [W] [C] et Mme [U] [J] épouse [C] à verser à Mme [Y] [V] [I] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne Mme [Y] [V] [I] à verser à Maître Hubert Bourgeois la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Déboute M. [W] [C] et Mme [U] [J] épouse [C] de leur demande d'indemnité de procédure.

Le greffier,Pour la présidente,

Delphine Verhaeghe.Céline Miller.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/03388
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;19.03388 ?
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