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30/08/2022 | FRANCE | N°21/00002

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 30 août 2022, 21/00002


ARRÊT DU

30 Août 2022







N° 1179/22



N° RG 21/00002 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TLPX



PL/CL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

28 Octobre 2020

(RG F20/00165 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Août 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Mme [A] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Nadia KHATER, avocat au barreau de SEINE-SAI...

ARRÊT DU

30 Août 2022

N° 1179/22

N° RG 21/00002 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TLPX

PL/CL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

28 Octobre 2020

(RG F20/00165 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Août 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Mme [A] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Nadia KHATER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022020010110 du 08/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

E.P.I.C. OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DU NORD OFFICE PUBLIC DE l'HABITAT DU NORD dont le nom commercial est PARTENORD HABITAT

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Paule WELTER, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 24 Mai 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Août 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 30 Mars 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[A] [V] épouse [X] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2012 en qualité de chargée d'entretien et de maintenance par l'Office public PARTENORD HABITAT.

Le 3 septembre 2014, la salariée a été victime d'une agression sur son lieu de travail et a déposé plainte à la suite de ces faits. Elle a alors fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 6 septembre 2014 jusqu'au 20 septembre 2014 pour syndrome anxieux. Le 8 septembre 2014, l'arrêt de travail a été déclaré en accident du travail. Le 22 septembre 2014, à la reprise de son travail, la salariée a de nouveau été victime d'une agression commise par la même personne. Elle a été placée en arrêt de travail pour accident du travail du 24 septembre 2014 au 20 octobre 2015. A la suite d'une visite médicale organisée le 23 octobre 2015, le médecin du travail l'a déclarée apte à la reprise de son travail. Par avenant du 29 octobre 2015 avec effet à compter du 9 novembre 2015, elle a été affectée sur le site de [Localité 8]. Elle a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie du 25 novembre au 27 novembre 2015, puis à compter du 8 décembre 2015, après une courte reprise du travail du 30 novembre 2015 au 7 décembre 2015. Son arrêt maladie s'est prolongé et a pris fin le 21 février 2016.

A la suite de la visite médicale de reprise en date du 23 février 2016, le médecin du travail a conclu en un seul examen à l'inaptitude de la salariée à son poste et à son aptitude à un autre en ces termes : «faisant suite aux agressions du 3/09/2014 et 22/09/2014 (accident de travail), à la visite de pré-reprise du 01/02/2016 (cf. courrier recommandé), à l'étude de poste téléphonique ce jour avec Mme [Z], aux différentes études de poste 'EI' site des [Adresse 9] (dernière réalisée le 23/11/2015), Mme [X] est définitivement inapte au poste d'Employée d'Immeuble. Son état de santé lui permet d'occuper tout emploi au sein de l'entreprise, en accord avec ses compétences, ne comportant pas de contact clientèle physiquement en directe. Elle peut réaliser des tâches administratives, bureautique, accueil téléphonique, entretien des locaux du siège' ».

En vue de la réunion organisée le 24 mars 2016, l'Office a transmis aux délégués du personnel l'avis d'inaptitude, la liste des postes disponibles, le compte-rendu de la visite médicale de pré-reprise ainsi qu'un descriptif détaillé du parcours de la salariée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2016, la salariée a été informée de l'impossibilité de son reclassement au sein de l'entreprise et a été convoquée à un entretien le 20 avril 2016 en vue d'un éventuel licenciement pour inaptitude. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 avril 2016.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Par la présente, nous faisons suite à l'entretien préalable du 20 avril courant relative à une éventuelle mesure de licenciement en raison de votre inaptitude physique. Lors de cet entretien, votre assistance était assurée par Madame [C], membre du personnel.

Au préalable, vous avez été reçue en date du 23 février 2016 par le docteur [U], médecin du travail, dans le cadre de votre première visite d'inaptitude. Lors de cette visite, vous avez été déclarée inapte au poste d'employée d'immeubles.

Conformément à l'article R. 4624-31 du code du travail, l'inaptitude peut résulter d'un seul examen, dans la mesure où l'examen de pré reprise en date du 1er février a eu lieu dans un délai inférieur à trente jours.

Aussi le médecin du travail indique que vos capacités restantes vous permettent d'occuper tout emploi au sein de l'entreprise en accord avec vos compétences, ne comportant pas de contact physique direct avec la clientèle. Il précise que vous pouvez réaliser des tâches administratives, de bureautique, d'accueil téléphonique, l'entretien des locaux du siège'

Nous avons donc engagé des recherches de reclassement au sein du siège et des agences PARTENORD HABITAT.

Lors de l'entretien du 3 mars 2016, se déroulant en présence de Monsieur [W] en sa qualité de responsable recrutement et de Madame [Z], Responsable RH de proximité, nous vous avons évoqué les possibilités de reclassement en tenant compte des préconisations médicales et de vos compétences professionnelles. Nous avons également effectué une série de tests (français ; Word ; Excel) afin d'évaluer plus précisément les postes que vous seriez en mesure d'occuper.

Compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail, des indications qu'il formule et après un examen et des recherches approfondis, nous ne sommes pas en mesure de procéder à un reclassement sur un autre poste.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail et sans qu'aucun reclassement ne soit possible, y compris par mutation transformation, adaptation de poste ou aménagement des horaires.

Votre état de santé ne vous permettant pas d'effectuer le préavis, la rupture de votre contrat de travail intervient à la date de notification du licenciement, soit au jour de l'envoi de la présente».

Par requête reçue le 28 juillet 2016, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lille afin de faire constater le non-respect par l'Office de son obligation de reclassement, l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 28 octobre 2020, le conseil de prud'hommes a condamné l'Office à lui verser

6000 euros au titre du non-respect de l'obligation de sécurité à l'égard de la salariée

1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a débouté la salariée du surplus de sa demande et a laissé les parties à leurs éventuels frais et dépens.

Le 29 décembre 2020, [A] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 30 mars 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 24 mai 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 24 septembre 2021, [A] [V] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et

à titre principal

sa réintégration au sein de l'Office PARTENORD HABITAT et la condamnation de celui-ci à lui payer 19463,04 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

à titre subsidiaire

la condamnation de l'Office à lui verser 19463,04 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de la procédure de licenciement,

la confirmation du le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'Office à lui verser 6.000 euros au titre du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

en tout état de cause, la condamnation de l'Office à lui verser

5000 euros en réparation du préjudice distinct subi en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil

4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que son appel est recevable, que son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, que celle-ci n'était pas limitée à tout poste impliquant un contact avec la clientèle et devait comprendre des postes pouvant prévoir l'accueil téléphonique et l'entretien des locaux, qu'il n'a entrepris aucune recherche quant au reclassement de sa salariée, que l'état de santé de cette dernière lui permettait d'occuper tout emploi au sein de l'entreprise, en accord avec ses compétences, ne comportant pas de contact clientèle physiquement en directe, qu'elle pouvait réaliser des tâches administratives, bureautique, accueil téléphonique, entretien des locaux du siège, que l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur devient exigible à compter de l'avis médical de reprise du médecin du travail, que ce n'est que le 23 février 2016, que l'Office s'est entretenu téléphoniquement avec le médecin du travail, sans pour autant avoir effectué des démarches afin d'assurer le reclassement de sa salariée depuis sa visite médicale de reprise, que malgré l'importance du groupe PARTENORD HABITAT, l'intimé n'a justifié d'aucune recherche de reclassement, n'a procédé à aucune consultation de l'ensemble des établissements du groupe et n'a versé aux débats aucune correspondance au siège, aux directions territoriales, aux agences, que l'obligation de reclassement lui imposait de rechercher des postes disponibles sur l'ensemble de son périmètre d'exploitation, qu'il n'a formulé aucune proposition de reclassement, que bien avant l'engagement de la procédure de licenciement et dans le délai légal de recherche d'un reclassement, il avait connaissance d'autres postes disponibles qu'il n'a pas soumis à l'avis des délégués du personnel et qu'il n'a pas proposé à sa salariée qui aurait pu bénéficier d'un reclassement, que l'appelante pouvait se prévaloir de compétences multiples puisqu'elle avait le niveau bac pro secrétariat, avait suivi une formation Word-Excel et une formation d'hôtesse d'accueil service après-vente, avait une équivalence C.A.P. gardien d'immeubles et été reçue au concours d'adjoint de sécurité de la police nationale, que l'Office n'a pas régulièrement sollicité l'avis des délégués du personnel, qu'il ne verse pas aux débats l'ensemble du compte rendu de la réunion des délégués du personnel et ne démontre pas leur avoir fourni les informations nécessaires quant au reclassement de l'appelante, que les délégués du personnel, insuffisamment informés sur les postes disponibles, s'étaient orientés vers un avis défavorable au licenciement et avaient proposé le suivi d'une formation, que l'employeur est tenu de notifier par écrit au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement, que cette formalité doit être accomplie avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, qu'en l'espèce elle n'a pas été respectée, que l'appelante a subi nécessairement un préjudice moral, ayant été maintenue dans la croyance que son employeur entreprenait les recherches nécessaires à son reclassement, mais également un préjudice matériel, du fait de la perte de son emploi, que l'intimé n'a pas respecté la procédure de licenciement, en évoquant dès l'entretien préalable, sa décision de licencier la salariée, allant jusqu'à procéder au calcul de l'indemnisation de son licenciement et lui remettant le document établi, que depuis son licenciement, l'appelante n'a pu retrouver un emploi, malgré ses recherches, qu'elle est inscrite comme demandeur d'emploi et perçoit, depuis le 5 août 2016, l'allocation d'aide au retour à l'emploi, soit environ la somme mensuelle de 960,90 euros, qu'elle a subi un préjudice distinct, qu'elle avait déménagé pour vivre à proximité de son travail et s'est ainsi éloignée de sa famille, que son employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité, qu'à la reprise de son travail, le 19 septembre 2014, il n'a pris aucune disposition afin de protéger la santé physique et morale de sa salariée qui était contrainte de reprendre son poste, que les faits dont elle a été victime n'étaient pas isolés, que des cas similaires avaient déjà eu lieu, que ces problèmes étaient connus et nécessitaient l'intervention de l'employeur, que celui-ci n'a mis en place aucune organisation et moyens adaptés, qu'après ces agressions sur son lieu de travail, l'appelante a subi un préjudice, puisqu'elle a développé un syndrome anxiodépressif.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 7 décembre 2021, l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT dénommé PARTENORD HABITAT intimé et appelant incident conclut à l'irrecevabilité de l'appel, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande sur le défaut de recherche de reclassement et sur le non-respect de la procédure de licenciement pour inaptitude, à l'infirmation pour le surplus ou à la réduction du montant de l'indemnité à deux mois de salaires maximum, sollicite à titre très subsidiaire, que la cour constate que l'indemnité prévue à l'article 1226-15 ne se cumule pas avec une réintégration, qu'elle prenne acte du refus de PARTENORD HABITAT de réintégrer l'appelante dans ses effectifs, et en tout état de cause qu'elle condamne l'appelante à lui verser 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'intimé soutient qu'il a parfaitement rempli son obligation de reclassement au sein de l'entreprise, qu'à réception du courrier du médecin du travail du 1er février 2016, il a commencé des recherches de reclassement notamment sur des postes disponibles en adéquation avec les capacités de l'appelante et les recommandations du médecin du travail, afin d'anticiper au mieux une éventuelle inaptitude définitive de cette dernière, qu'elle a été reçue le 3 mars 2016 par le Responsable recrutement et la Responsable de la proximité aux ressources humaines pour évoquer les éventuelles possibilités de reclassement qui pouvaient s'offrir à elle et, plus précisément, évaluer les postes qu'elle serait en mesure d'occuper, qu'il lui a été indiqué que les postes disponibles n'étaient pas sur la liste de ceux autorisés par la médecine du travail car ils impliquaient tous un contact direct avec le client, qu'elle a été également informée de la difficulté d'accéder à certains postes, en dépit d'une formation pointue et de l'absence de poste à caractère administratif disponible à ce moment-là, qu'il lui a aussi été proposé de réaliser des tests pour évaluer ses aptitudes professionnelles afin d'analyser les possibilités de mutation, transformation ou d'adaptation de poste en fonction des compétences professionnelles réelles de la salariée, que 14 avril 2016, PARTENORD HABITAT a procédé à une dernière recherche de reclassement avant la tenue de l'entretien préalable en vue de l'éventuel licenciement, que les postes disponibles étaient en contact avec la clientèle ou incompatibles avec les compétences professionnelles de l'appelante, qu'étant un E.P.I.C. ne faisant partie d'aucun groupe, PARTENORD HABITAT ne dispose d'aucun «établissement», qu'en dépit d'une recherche de reclassement sérieuse et exhaustive, il n'a pu être proposé aucun poste à la salariée, que la procédure de licenciement a bien été respectée, que les délégués du personnel ont été informés et consultés sur le reclassement envisagé de l'appelante, qu'il leur a été transmis l'avis d'inaptitude, la liste des postes disponibles, le compte-rendu de la visite médicale de pré-reprise ainsi qu'un descriptif détaillé du parcours de la salariée, qu'aucune proposition de poste disponible n'a été formulée par les délégués du personnel, qu'ils se sont bien prononcés sur le reclassement ainsi qu'il ressort d'un compte rendu du 24 mars 2016, que PARTENORD HABITAT a notifié à la salariée les motifs à l'appui de l'impossibilité de son reclassement, que les seules pièces produites par celle-ci sont insuffisantes pour démontrer que l'employeur aurait évoqué, dès l'entretien préalable, une décision définitive de la licencier, que le service paie établit systématiquement le calcul des indemnités de rupture lors de la tenue d'entretien préalable à la demande des organisations syndicales, à titre subsidiaire que la réintégration et le versement d'une indemnité pour licenciement abusif ne se cumulent pas, que l'Office n'a pas commis de manquement à son obligation de sécurité, que dès le premier jour de sa reprise, la même personne a, de nouveau, agressé verbalement sur son lieu de travail l'appelante, que le 29 septembre 2014, l'incident dont elle a été victime a été évoqué par les représentants du personnel, lors d'une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que le 2 octobre 2014, elle a été informée de son changement d'affectation à compter du 7 octobre 2014 sur le site d'[Localité 5], qu'avant le second incident, aucun changement d'affectation n'avait été envisagé dans la mesure où la personne incriminée était extérieure à la résidence dont l'appelante avait la charge, que les employés d'immeubles disposent d'un téléphone portable dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions et peuvent ainsi joindre toutes personnes utiles en cas de difficultés, comme y a procédé l'appelante, que PARTENORD HABITAT a pris toutes les mesures nécessaires et suffisantes pour préserver la santé et la sécurité de la salariée, qu'elle n'a subi aucun préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'elle a quitté son logement pour des raisons familiales, qu'aucun congé ne lui avait été donné.

MOTIFS DE L'ARRET

 

Attendu en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;

Attendu que l'intimé sollicite dans le dispositif de ses conclusions que l'appel soit déclaré irrecevable sans toutefois développer de moyens à l'appui de sa demande de ce chef ;

Attendu en application de l'article L1226-10 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'à la suite de la seconde agression verbale dont l'appelante a été victime et qui a été commise par la même personne étrangère à l'immeuble où elle était affectée en qualité de chargée d'entretien et de maintenance, elle a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail pour accident du travail motivé par une dépression ; que lors de la visite médicale de reprise organisée le 22 mars 2016 le médecin du travail a conclu en un seul examen à l'inaptitude de la salariée à son poste d'employée d'immeuble mais à son aptitude à un autre poste ne comportant pas de contact physique avec la clientèle ; que l'obligation de recherche de reclassement ne s'imposait à l'employeur qu'à compter de l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail lors de la visite médicale de reprise ; que pour démontrer qu'il n'a commis aucun manquement cette obligation, l'intimé se fonde sur une communication par courriel du 23 mars 2016 de [E] [I], responsable des relations sociales, destinée aux délégués du personnel dressant la liste des postes disponibles en vue d'établir qu'ils ne pouvaient être proposés à l'appelante du fait qu'ils supposaient une formation et des compétences spécifiques dont ne disposait pas la salariée ; qu'il s'agissait des postes suivants : responsables des secteurs [Localité 10] et [Localité 4], commerciaux des secteurs [Localité 7] et [Localité 6], développeur social et comptable ; que toutefois durant l'entretien organisé le 3 mars 2016 avec [P] [Z], dont le compte rendu en date du 23 mars 2016 est communiqué, celle-ci a fait état également d'un poste d'agent social sur [Localité 10] et de deux postes de commercial de secteur sur le littoral qui toutefois ne pouvaient être proposés à l'appelante car ils n'étaient pas compatibles avec les restrictions émises par le médecin du travail puisqu'ils impliquaient un contact face à face avec le client ; que l'intimé n'explique pas les raisons pour lesquelles il a justifié par des motifs différents le refus de proposer des postes de commercial de secteur, invoquant pour les premiers l'absence de compétence de la salariée et pour les seconds, le contact avec la clientèle ; que par ailleurs, il ne communique aucune pièce de nature à démontrer qu'il s'est livré à des recherches sérieuses en vue d'identifier des postes susceptibles d'être proposés à la salariée dans le respect de l'avis du médecin du travail du 23 février 2016 ; que le statut d'Etablissement public industriel et commercial dont jouit l'intimé ne l'affranchissait pas de l'obligation d'effectuer des recherches au sein des entités qui le composent et dont les activités l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'au demeurant il ne conforte par aucun élément de preuve son affirmation selon laquelle il aurait effectué des recherches au sein du siège et des agences de PARTENORD HABITAT ; que puisque selon l'attestation de [Y] [O], responsable de la gestion prévisionnelle des Ressources Humaines, sa direction centralisait et gérait l'ensemble des demandes de recrutement, il lui était aisé d'interroger les directions territoriales et les directions des services du siège sur les possibilités de reclassement de la salariée en leur sein ; qu'il convient en conséquence de constater que le licenciement de l'appelante a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à son reclassement  ;

Attendu en application de l'article L1226-15 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur qu'il convient de donner acte à l'intimé de son refus de réintégrer l'appelante ; qu'à la date de suspension de son contrat de travail, celle-ci percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1621,92 euros ; que la somme qu'elle sollicite au titre du non-respect par son employeur des obligations mises à sa charge correspond à l'indemnité minimum prévue par l'article précité et à laquelle elle peut prétendre, soit douze mois de salaire ; qu'il convient en conséquence de faire droit à sa demande ;

Attendu que l'appelante n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct ; qu'en particulier elle ne démontre pas le rapport entre la perte de son emploi et l'impossibilité dans laquelle elle prétendait se trouver de demeurer dans l'appartement qu'elle avait choisi pour résider alors que par ailleurs le contrat de bail arrivait à son terme le 12 août 2016 ;

Attendu en application de l'article L 4121-1 du code du travail sur les manquements de l'intimé à son obligation de sécurité de résultat qu'il résulte des différents procès-verbaux dressés à la suite de la plainte déposée par l'appelante que la première agression survenue le 3 septembre 2014 est consécutive à une remarque que celle-ci avait adressé à [L] [F] qui, bien que n'habitant pas l'immeuble, avait utilisé les poubelles de celui-ci pour y déposer deux gros sacs de détritus ; qu'en raison de l'attitude menaçante de ce dernier et des injures grossières qu'il lui avait adressées, la salariée avait tenté d'appeler au moyen de son portable [J] [H], son supérieur hiérarchique ; que [L] [F] le lui avait arraché des mains et avait tenté de le briser ; que le 22 septembre 2014, ayant eu connaissance de la plainte que l'appelante avait déposée à son encontre, [L] [F] est venue la rencontrer sur son lieu de travail, pour l'injurier et la menacer de représailles ; que ce jour-là, [J] [H] se trouvait aux côtés de cette dernière et est intervenu pour tenter de ramener sans succès à la raison l'agresseur particulièrement énervé ; qu'à la suite de la première agression, le 5 septembre 2014, l'Office a porté la première agression à la connaissance des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'appelante a fait l'objet d'une prise en charge à plusieurs reprises entre les 5 et le 11 septembre 2014 par le cabinet de conseils Toit de soi ; que les deux agressions étaient imprévisibles puisqu'elles ont été commises par une personne étrangère à l'immeuble et non par des locataires ; que lors de la seconde agression survenue le jour de la reprise de son travail, l'appelante n'avait pas été laissée seule puisqu'elle était assistée de son supérieur hiérarchique ; que pour éviter tout nouvel incident, il convenait d'affecter la salariée sur un autre site ; que le 7 octobre 2014, la salariée a été informée de son changement d'affectation sur le site d'[Localité 5] puis sur celui de [Localité 8] ; qu'elle a d'ailleurs eu l'occasion de travailler sur ce dernier site du 9 au 23 novembre 2015 sans qu'elle soit victime du moindre incident durant cette période ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'intimé a donc pris les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de l'appelante et n'a donc commis aucune manquement à son obligation de résultat à ce titre ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelante les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

DECLARE recevable l'appel interjeté par [A] [V],

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU,

DONNE ACTE à l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT dénommé PARTENORD HABITAT de son refus de réintégrer [A] [V],

CONDAMNE PARTENORD HABITAT à verser à [A] [V] 19463,04 euros à titre d'indemnité par suite de son licenciement en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues par l'article L1226-10 du code du travail,

DEBOUTE [A] [V] du surplus de sa demande,

CONDAMNE PARTENORD HABITAT à verser à [A] [V] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00002
Date de la décision : 30/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-30;21.00002 ?
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