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08/07/2022 | FRANCE | N°19/02238

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 08 juillet 2022, 19/02238


ARRÊT DU

08 Juillet 2022







N° 1251/22



N° RG 19/02238 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWIG



GG/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DUNKERQUE

en date du

06 Novembre 2019

(RG F 17/00184 -section 2)











































GROSSE :



aux avocats



le 08 Juillet 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Pierre CORTIER, avocat au barreau de DUNKERQUE





INTIMÉE :



S.A.S. CATRY[I]

[Adresse 4]

repr...

ARRÊT DU

08 Juillet 2022

N° 1251/22

N° RG 19/02238 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWIG

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DUNKERQUE

en date du

06 Novembre 2019

(RG F 17/00184 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 08 Juillet 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Pierre CORTIER, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉE :

S.A.S. CATRY[I]

[Adresse 4]

représentée par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Pierre FONTUGNE, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS :à l'audience publique du 11 Mai 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 24 juin 2022 au 08 juillet 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juillet 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 avril 2022

EXPOSE

La société [I] a engagé M. [J] [U], né en 1981, par contrat à durée indéterminée du 28/06/2006, en qualité de chauffeur-livreur, aide magasinier, coefficient niveau 2 échelon 1, de la convention collective nationale de commerce de gros.

Par avenant du 16/07/2013, M. [U] est devenu magasinier, niveau III, échelon 2.

Une fusion est intervenue en 2014 entre les sociétés CATRY et [I], la SAS CATRY[I] venant aux droits de la société [I].

Le salarié a été victime d'un accident du travail le 11/01/2017, en l'espèce une hernie discale lors d'une manutention, pris en charge le 15/02/2017 par la caisse primaire d'assurance maladie, ayant entraîné plusieurs arrêts de travail pour motif professionnel du 11/01/2017 au 14/06/2017.

Par lettre du 06/03/2017, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement économique fixé au 15/03/2017. Le salarié a été hospitalisé du 14/03/2017 au 18/03/2017, l'entretien préalable étant avancé le 14/03/2017 à 11 heures.

Une proposition de reclassement du 13/03/2017 lui a été remise en main propre le 14/03/2017 pour un emploi de vendeur-magasinier dans l'établissement de la société DENFANS à [Localité 7].

Par lettre du 27/03/2017, M. [U] a été licencié pour motif économique, libellée comme suit :

«['] Aujourd'hui, nous sommes contraints de procéder à la fermeture définitive de l'établissement de [Localité 5] afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Ainsi, le motif économique est le suivant :

Dégradation des résultats du PDV de [Localité 6] et impact sur le résultat de Catry[I] :

1/Dégradation des résultats du PDV de [Localité 6] :

Depuis 2013, le CA de [Localité 6] ne cesse de diminuer :

Chiffre d'affaires :

2013 Le CA était de 1 019 631 € et la marge brute de 194 703 €.

2014 Le CA était de 532 428 € et la marge brute de 95 885 €.

2015 Le CA était de 315 749 € et la marge brute de 65 834 €.

2016 Le CA était de 257 977 € et la marge brute de 62 726 €.

Baisse de 47.78 % sur le CA de 2014 par rapport à 2013.

Baisse de 40.70 % sur le CA de 2015 par rapport à 2014.

Baisse de 18,29% sur le CA de 2016 par rapport à 2015.

Cette baisse s'accompagne d'une baisse de marge brute :

Marge brute :

Baisse de 50.75% de la marge brute de 2014/2013 soit une perte de 98 818 € en 2014.

Baisse de 31, 34% de la marge brute de 2015/2014 soit une perte de 30051 € en 2015.

Baisse de 4.72% de la marge brute de 2016/2015 soit une perte de pour 3108 € en 2016.

Soit une perte de 131 977 € entre 2013 et 2016 soit 67.78 % de perte.

Nous constatons une baisse continue du chiffre d'affaires au cours du dernier exercice qui se confirme sur 2017.

Impact sur le résultat de la société Catry[I] :

Cette diminution du chiffre d'affaires et de la marge du site de [Localité 6] n'a pas été compensée par une diminution proportionnelle de nos charges d'exploitation sur ce site, ce qui impacte de manière significative le résultat de la société.

Par ailleurs, le PDV de [Localité 6] est le seul PDV pour lequel les charges sont supérieures aux produits, ce qui vient dégrader d'autant plus le résultat de la société Catry[I], qui fait face à une dégradation de son CA et de son résultat d'exploitation depuis plusieurs années.

En effet, l'entreprise CATRY[I] voit son chiffre d'affaires net comptable pour 2014 à 19

273 k€ et pour l'année 2015 à 18 621 k€. Celui de 2016 est de 17 728 k€.

Quant au résultat d'exploitation pour l'Entreprise CATRY[I] celui-ci est de 1 141 k€ pour 2014 et de 775 k€ pour l'année 2015. Soit une baisse de 32%. L'année 2016 n'est pas, encore clôturée.

Pour l'année 2015, les seuls frais de bâtiment et personnel représentent 90 K€ pour une marge à 65.8 K€.

Pour l'année 2016, les seuls frais de bâtiment et personnel représentent 82 K€ pour une marge à 62.7 K€.

Cette réorganisation, nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise nous contraint d'envisager la fermeture du site de [Localité 5].

Nous envisageons par conséquent la suppression de votre poste de magasinier.

Concernant notre obligation de reclassement, une recherche a été opérée à la fois en interne ainsi que dans les entreprises suivantes composants le groupe DESENFANS : Société DESENFANS, Société ROBUSTO, Société Riche & Sébastien et l'entreprise SIEC.

Ces recherches et analyses nous ont permis de vous proposer un poste disponible et compatible avec votre profil chez DESENFANS à [Localité 7] dont nous vous avons remis le descriptif complet le jour de l'entretien.

Une formation étant prévue pour la partie commerciale.

Il s'agissait d'un poste de vendeur magasinier

Salaire brut mensuel : 1650 €uros + partie variable pouvant aller de 0 à 250 euros bruts/mois.

Statut : Employé Niveau III échelon 2

Temps complet : 151H 67 par mois.

Primes de juin et décembre 390 euros bruts chacune. Participation + Intéressement.

Mutuelle et prévoyance

Lieu de travail : [Adresse 1].

La mission principale de ce poste est la vente, le conseil, l'encaissement des produits que nous distribuons ainsi que divers travaux de magasinage.

Vous nous avez confirmé lors de l'entretien ne pas prendre ce poste sur [Localité 7] par manque de mobilité. Nous vous avons toutefois laissé jusqu'au Vendredi 24 mars 2017 pour nous faire part de votre acceptation, votre silence étant considéré comme un refus. Avec votre accord, nous allons également communiquer votre cv sur un réseau d'entreprises proche de votre domicile[...].

Estimant le licenciement infondé, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque, selon requête enregistrée le 19/05/2017.

Par jugement de départage du 06/11/2019, le conseil de prud'hommes a rejeté l'ensemble des demandes formulées par M. [U], l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la SAS CATRY[I] la somme de 80 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration du 18/11/2019, M. [U] a interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 24/09/2020, M. [J] [U] demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de juger que le licenciement économique est nul et subsidiairement abusif, et en conséquence de :

-condamner la SAS CATRY [I] à lui verser les sommes de :

-30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

-«sauf mémoire», la somme de 1.649,28 € à titre de rappel de salaire outre 164,92 € à titre de congés payés sur rappel de salaire ;

-2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

-fixer la rémunération mensuelle moyenne des trois derniers mois,

-ordonner à la SAS CATRY [I] de lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir.

Selon ses conclusions récapitulatives et responsives reçues le 22/12/2020, la SAS CATRY[I] demande à la cour de :

-confirmer la décision entreprise,

Y ajoutant,

-condamner M. [U] à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 20/04/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites et transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la classification

L'appelant explique avoir toujours été rémunéré en qualité de magasinier, alors qu'étant seul à l'agence il assurait d'autres tâches, telles que les commandes, la réception du matériel, la gestion de la caisse et de la trésorerie, ce qui correspond au niveau V échelon 3 de la convention collective, que le responsable d'agence M. [I] n'a pas été remplacé.

L'intimée explique que le niveau V n'est pas applicable, les tâches confiées au salarié correspondant à celles de vendeur-magasinier, et non à celles de responsable du point de vente, que M. [U] s'est retrouvé seul au sein de l'agence à compter de février 2017 et a pu compter jusqu'à cette date sur le soutien d'un ATC.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

L'appelant invoque principalement le fait qu'il était le seul salarié de l'agence. Il verse quatre courriels du 27/11/2015 au 29/09/2016, faisant part de demandes d'approvisionnement à la suite de commandes qui n'ont pu être satisfaites, ou encore tenant à des travaux d'aménagement de la vitrine. Il produit une demande de devis non datée.

L'accord du 5 mai 1992 relatif à la classification et au salaire conventionnel, figurant à l'annexe 1 de la convention collective applicable, modifié par l'avenant n° 1 du 14/12/2010, détermine quatre types de filières (logistique, commercial, administratif et technique) avec des niveaux de qualification déterminés en fonction des critères classants fondamentaux. Les qualifications des niveaux II à V sont les suivantes :

-niveau III : mise en 'uvre d'un savoir-faire impliquant maîtrise des procédures et prise d'initiative pour s'adapter aux situations courantes de l'emploi exercé ;

-le niveau IV : mise en 'uvre de techniques et de méthodes et prise d'initiative avec l'autonomie nécessaire à la réalisation d'un objectif spécifique à l'emploi ;

-le niveau V : exercice d'une fonction spécifique comportant réalisation de travaux très qualifiés, organisation et relations avec les autres services.

L'accord précité détermine des emplois repères parmi lesquels figurent pour la filière logistique de niveau III les emplois de cariste qualifié, de préparateur-vendeur, de réceptionnaire-vérificateur ou d'assistant approvisionneur («recueille de façon automatique les quantités à commander à partir des données qui lui sont fournies et émet les commandes correspondantes. Participe au suivi, à la relance et au contrôle des commandes en cours»).

Les emplois de niveau V sont les suivants : gestionnaire des stocks («Assure la gestion équilibrée de la gamme d'articles qui lui est confiée. Détermine, sous la responsabilité de son supérieur hiérarchique, les quantités à tenir en stock pour concilier la satisfaction des besoins de la clientèle avec les objectifs de rotation de la société et les contraintes du fournisseur. En liaison avec les services administratifs, suit les commandes en cours et les relance si nécessaire), et magasinier principal («Magasinier qui organise et coordonne, en sus de son propre travail, celui de plusieurs employés sur lesquels il exerce une autorité de compétence (équipe de 5 personnes au plus»).

Le niveau V de la filière commerciale correspond aux emplois de vendeur ou d'acheteur qualifié.

Il ne peut être retenu au regard des éléments versés par l'appelant une classification de niveau V. Les courriels produits se bornent à demander un approvisionnement en stock de radiateurs, ou encore de pièces détachées, sans mention des quantités requises, sans indication du stock en cours. En outre, l'employeur produit un document des effectifs faisant apparaître deux personnes à l'agence de [Localité 6] jusqu'en février 2017, sans réponse utile du salarié sur ce point. Il s'ensuit que M. [U] ne justifie pas d'avoir assuré de façon permanente dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique. Sa demande doit donc être rejetée. Le jugement est confirmé.

Sur la contestation du licenciement

L'appelant réitère son argumentation de première instance, faisant valoir un défaut de motivation de la lettre de licenciement, qui ne fait pas été de l'impossibilité de maintenir son poste, le fait que la fermeture du site était envisagée depuis la fusion, qu'il a assuré seul la gestion du point de vente depuis 2015, que l'employeur refusait de livrer le stock nécessaire au fonctionnement du point de vente, notamment de radiateurs, que la dégradation de la situation du site a été décidée par la société [I], que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement, en ne lui accordant pas un délai de réflexion suffisant, en l'espèce jusqu'au 24/03/2017 alors qu'il était hospitalisé jusqu'au 18/03/2017, le délai de réflexion étant au moins d'un mois selon la convention collective, un délai suffisant devant en toute hypothèse lui être laissé, que la recherche de reclassement n'est ni loyale ni suffisante, que l'avis du médecin du travail n'a pas été recueilli, qu'il a été reconnu travailleur handicapé.

L'intimée fait valoir en réplique que la dégradation de la société [I] est avérée depuis 2010, qu'une liquidation judiciaire a été évitée par la fusion, que le salarié n'a pas été laissé seul et a bénéficié de nombreuses formations, que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise est avérée, qu'aucun poste n'était disponible, une recherche ayant été effectuée auprès des entités du groupe DESENFANS, que les dispositions de l'article L1222-6 du code du travail ne trouve pas à s'appliquer, l'employeur n'étant pas tenu d'attendre le délai d'un mois pour la réponse à une modification du contrat de travail, que le salarié a indiqué qu'il n'était pas mobile géographiquement, qu'elle n'avait pas à mettre en 'uvre de critères de licenciement, que l'avis des délégués du personnel a été recueilli, que la reconnaissance de travailleur handicapé n'a été obtenue qu'un an après le licenciement.

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ou à la cessation d'activité de l'entreprise.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la lettre de licenciement expose que la fermeture définitive de l'établissement de [Localité 5] est nécessaire afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Elle détaille la dégradation du résultat et de la marge du site de [Localité 6], ainsi que les conséquences pour l'entreprise Catry[I], dont le résultat d'exploitation est en diminution. Outre la fermeture du site, elle indique envisager la suppression du poste de magasinier. Elle est par conséquent suffisamment motivée.

De plus, l'appelant n'apporte pas d'éléments autres que ceux développés en première instance, tendant à montrer que la société Catry[I] a contribué à la dégradation du chiffre d'affaires du point de vente de [Localité 5]. Les quatre courriels montrent en effet que M. [U] a sollicité un approvisionnement de radiateurs, recevant à une reprise pour une demande de PVC la réponse suivant «je pense qu'il n'y a pas d'urgence». Cette réponse ponctuelle ne démontre pas que le point de vente a été laissé à l'abandon.

Au contraire, les bilans comptables démontrent un résultat d'exploitation de l'entreprise, en diminution, de 1.140.561,94 € en 2014, puis de 775.309,79 € en 2015. Si le résultat apparaît être en hausse au 31/12/2016 (900.875,34 €), il n'en reste pas moins que l'entreprise [I] connaissait des difficultés importantes avant la fusion, et que le chiffre d'affaires net comptable est en diminution (19.272.865,71 € en 2014, 17.727.840,33 € en 2016). L'employeur prouve en conséquence la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

S'agissant du reclassement, l'article L1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

L'employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement.

Il est constant que l'employeur a remis au salarié le 14/03/2017 une proposition de reclassement, dans un poste de magasinier à [Localité 7], un délai étant laissé au salarié pour répondre au 24/03/2017. L'intimée est bien fondée à opposer à M. [U] que le délai d'un mois prévu par l'article L1222-6 du code du travail en cas de modification du contrat de travail ne s'applique pas lorsque l'employeur effectue une recherche de reclassement en raison d'une suppression de poste. La même analyse doit être retenue en ce qui concerne l'article 38 de la convention collective applicable.

En revanche, il doit être laissé au salarié un délai raisonnable pour répondre à la proposition de reclassement. En l'espèce, le salarié, en arrêt de travail en raison d'un accident du travail depuis le 11/01/2017, a demandé à ce que l'entretien préalable soit déplacé au 14/03/2017, 11 heures, avant d'être hospitalisé, l'employeur étant informé. Il ressort du compte-rendu opératoire du 15/03/2017 que l'intervention s'est déroulée sous anesthésie générale, le salarié restant hospitalisé jusqu'au 18/03/2017. Du fait des soins dispensés durant cette période, empêchant une réflexion sereine quant au reclassement envisagé, il restait 6 jours jusqu'au 24/03/2017 à M. [U] pour examiner la possibilité d'un reclassement, impliquant un relogement. Le délai laissé au salarié pour répondre à la proposition de reclassement apparaît ainsi insuffisant, d'autant qu'il n'est pas justifié de l'urgence à supprimer le poste de travail de l'appelant. De plus, la cour observe que l'information faite à la délégation unique de personnel ne précise pas que M. [U] est en arrêt-maladie en raison d'un accident du travail. Enfin, les recherches de reclassement opérées au moyen de lettres-type apparaissent très sommaires : ces lettres se bornent à mentionner un emploi de «magasinier, niveau 3 échelon 2, statut : employé». Le nom du salarié n'est pas précisé, pas plus que son ancienneté, son âge, son niveau de formation ou encore sa rémunération, ce qui ne permet pas aux entreprises concernées d'examiner avec attention la situation du salarié.

Il ressort de ces éléments que la recherche d'un reclassement n'a pas été loyale, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à 1.809,18 €, de son âge (36 ans), de son ancienneté (9 ans et 11 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, le salarié justifiant d'une situation de chômage au 03/09/2019, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 18.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail et d'ordonner le remboursement par la SAS CATRY[I] des indemnités versées par le Pôle emploi à hauteur de trois mois.

Sur les autres demandes

Succombant, la SAS CATRY[I] supporte les dépens de première instance et d'appel, les dispositions de première instance étant infirmées.

Il convient d'allouer à M. [U] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant infirmées.

Il y a lieu d'enjoindre à la SAS CATRY[I] de remettre à M. [U] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie confrmes au présent arrêt, sans qu'il n'y a lieu de prononcer une astreinte.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [J] [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la classification,

Statuant à nouveau, y ajoutant

DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS CATRY[I] à payer à M. [J] [U] les sommes de

-18.500 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et séreuse,

-2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE à la SAS CATRY[I] de rembourser au Pôle emploi les indemnités versées à M. [J] [U] dans la limite de trois mois,

ENJOINT à la SAS CATRY[I] de remettre à M. [J] [U] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes au présent arrêt,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE la SAS CATRY[I] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/02238
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;19.02238 ?
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