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08/07/2022 | FRANCE | N°19/02209

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 08 juillet 2022, 19/02209


ARRÊT DU

08 Juillet 2022







N° 1248/22



N° RG 19/02209 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWCI



GG/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

15 Octobre 2019

(RG 18/00263 -section 3)






































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GROSSE :



aux avocats



le 08 Juillet 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [X] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Aurélie GOEMINNE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. CADRES BLANCS G&B

[Adresse 1]

[Adres...

ARRÊT DU

08 Juillet 2022

N° 1248/22

N° RG 19/02209 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWCI

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

15 Octobre 2019

(RG 18/00263 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 08 Juillet 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [X] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Aurélie GOEMINNE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. CADRES BLANCS G&B

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aude WALLON-LEDUCQ, avocat au barreau de LILLE, Assistée de Me Elise DELAUNAY, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS :à l'audience publique du 11 Mai 2022

Tenue par [J] [K]

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

[J] [K]

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 24 Juin 2022 au 8 Juillet 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juillet 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Avril 2022

EXPOSE

La SA G&B AFFICHAGE, devenue la SAS CADRES BLANCS G&B, qui exerce une activité d'affichage publicitaire extérieur, emploie habituellement plus de 10 salariés, et applique la convention collective nationale de la publicité, a engagé M. [X] [R], né en 1960, par contrat à durée indéterminée du 19/02/1999 en qualité d'attaché technico-commercial. En dernier lieu, M. [R] occupait un emploi d'attaché commercial.

Une lettre d'observations a été adressée au salarié le 17/10/2013. Puis l'employeur a infligé au salarié un avertissement le 15/01/2014, suivi d'une lettre d'observation le 10/02/2014. Le 24/01/2017 un avertissement était notifié au salarié pour insuffisance de résultats, puis un autre le 25/08/2017.

Après convocation par lettre du 04/04/2018 à un entretien préalable fixé au 13/04/2018, lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire, M. [R] a été licencié pour faute grave aux motifs suivants :

«[...] En premier lieu, nous avons pu constater depuis le début de l'année 2018 un désinvestissement total de vos fonctions, qui confirme votre absence de motivation et votre volonté de ne plus travailler pour l'entreprise, qui visiblement a disparu définitivement lorsque nous avons été contraints de refuser votre demande de rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Vos résultats au titre du 1er trimestre 2018 sont en chute libre dès lors que vous avez atteint seulement 58% de l'objectif ce qui correspond à un chiffre d'affaires de 71,6 K€, soit un différentiel de 45,1K€ par rapport au premier semestre de l'année 2017, au cours duquel vous aviez atteint 116,7K€.

Si ce résultat du premier trimestre de l'année 2017 était déjà décevant en comparaison des résultats de vos collègues, celui du premier trimestre 2018 est catastrophique et ce d'autant plus que le secteur d'activité ne rencontre pas de difficultés particulières.

En effet, et malgré un résultat de votre part très insuffisant et impactant nécessairement le résultat global, l'ensemble des sociétés CADRES BLANCS a atteint un objectif de 104% au premier trimestre 2018 et Cadres Blancs G&B 96%.

En outre, et surtout vos collègues de travail sur l'agence de [Localité 9] ont atteint leur objectif à hauteur de 90% au premier semestre 2018.

Par courrier en date du 24 janvier 2017, nous avions déjà été contraints de vous notifier un avertissement sur ce point.

Ce manque d'implication de votre part ayant des répercussions importantes sur le chiffre d'affaires effectué dans votre secteur ne peut plus être toléré.

En deuxième lieu, nous vous avons reproché à plusieurs reprises que vos rendez-vous clients étaient quantitativement et qualitativement très insuffisants, causant des pertes de chiffres d'affaires avérées, et notamment par avertissements en date des 24 janvier et 25 août 2017 (bon de commande erroné ayant fait perdre à l'entreprise plus de 1.500 €).

Nous vous avons en outre rappelé à plusieurs reprises l'importance d'avoir plus de rigueur dans la tenue de vos dossiers et de préparer vos rendez-vous clients en amont.

Ces demandes n'ont pas été suivies d'effet.

D'ailleurs, le suivi de formations internes et d'une formation commerciale dispensée en plusieurs sessions à la fin de l'année 2017, ayant pour objectif de vous accompagner en ce domaine, n'y ont rien changé.

Nous avons par ailleurs été particulièrement interloqués d'apprendre des évaluations faites par la formatrice à l'issue de la dernière formation, votre manque certain d'implication et un niveau jugé très bas.

Le manque d'efficacité des rendez-vous (du fait de l'absence de préparation en amont) démontre votre volonté délibérée de cesser de remplir correctement les fonctions pour lesquelles vous avez été embauché et ce depuis plusieurs mois.

Ce comportement ayant un impact certain sur l'image et les résultats de l'entreprise ne peut être accepté, puisque nos clients n'ont à l'évidence aucun intérêt à poursuivre leur commande auprès de notre société si notre représentant fait preuve de nonchalance et d'une absence totale de motivation.

En troisième lieu, nous avons malheureusement dû faire face à des remontées de plusieurs clients mécontents de votre travail, et ayant demandé à changer d'interlocuteur.

Un des clients a notamment indiqué que vous aviez une attitude déplacée et que vos pratiques commerciales manquaient d'honnêteté (ex : proposition de renouvellement du contrat alors que la période de rétractation était déjà dépassée).

L'image de notre société étant véhiculée par nos commerciaux, nous ne pouvons tolérer ce genre de comportement, et il semble que vous souhaitiez en adoptant cette attitude nous contraindre à vous licencier faute d'avoir pu négocier une rupture conventionnelle dans des conditions avantageuses à votre profit.

Enfin, l'ensemble de ces manquements s'inscrivent dans le prolongement d'une attitude non respectueuse de votre hiérarchie qui vous a été rappelée par le passé (avertissements des 15 janvier et 10 février 2014) [...]. »

Estimant le licenciement infondé, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix par requête du 05/11/2018 de diverses demandes indemnitaires au titre de la rupture.

Par jugement du 15/10/2019, le conseil de prud'hommes a requalifié le licenciement de M. [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse, fixé le salaire moyen à 3.460,45 €, et condamné la SAS CADRES BLANCS G&B à payer à M. [R] :

-6.920, 90 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 692,09 € pour les congés payés afférents,

-22.665,94 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

-1.653,04 € de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 165,30 € pour les congés payés afférents,

-acté la remise du bulletin de paie et d'un règlement de 7.930,54 € au titre des commissions du 1er trimestre 2018,

-débouté le salarié de sa demande au titre de rappel de commission,

-ordonné à la SAS Cadres Blancs G&B en la personne de son représentant légal en exercice de remettre à M. [X] [R] un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi rectifiés,

-précisé que les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal :

-à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale,

-à compter de la présente décision pour toute autre somme,

-rappelé qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R.1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois,

-condamné la SAS Cadres Blancs G&B en la personne de son représentant légal en exercice à la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-décidé que chaque partie supportera ses propres dépens à la présente instance,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Suivant déclaration du 14/11/2019, M. [X] [R] a interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions responsives reçues le 24/06/2021, M. [X] [R] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de ROUBAIX du 15/10/2019 en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, acté la remise du bulletin de paie et d'un règlement de 7.930.54€ au titre des commissions du 1er trimestre 2018, l'a débouté de sa demande au titre de rappel de commission, et a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Et statuant à nouveau,

Dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner la SAS CADRES BLANCS G&B à lui verser les sommes suivantes :

-51.906,75 € nets d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-8025.66 € de rappel de salaire sur commissions,

-802,56 € de congés payés afférents,

-2.500€ d'article 700 du code de procédure civile,

-ordonner la capitalisation des intérêts par voie judiciaire,

-dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation desdits intérêts du moment qu'ils sont dus pour une année entière.

Selon ses conclusions reçues le 11/05/2020, la SAS CADRES BLANCS G&B demande à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'a condamnée au paiement des sommes de 6.920,90 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 692,09 € de congés payés afférents ; 22.665,94 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; 1.653,04 € au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 165,30 € de congés payés afférents ; 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et l'a déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.500 € ;

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 51.906,75 € nets ;

-acté la remise du bulletin de paie et d'un règlement de 7.930,54 € au titre des commissions du 1er trimestre 2018 ;

-débouté le salarié de sa demande au titre des commissions ;

Statuant de nouveau,

Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail :

- DIRE et JUGER le licenciement de Monsieur [R] parfaitement justifié et aucunement vexatoire ;

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement, dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire, dans la seule hypothèse où une absence de cause réelle et sérieuse serait retenue, limiter les dommages et intérêts pouvant être alloués à la somme de 3 mois de salaire,

Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

-ACTER que la société CADRES BLANCS G&B a remis un bulletin de paiement et un chèque de 7.930,54 € relatifs aux commissions 2018 dues à M. [R] ;

-DEBOUTER M. [R] du surplus de sa demande de rappel de commissions ;

En tout état de cause

-DEBOUTER Monsieur [R] du surplus de ses demandes ;

-CONDAMNER Monsieur [R] au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-LAISSER les entiers dépens à la charge de Monsieur [R].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20/04/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites et transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'effet dévolutif

En vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ainsi, si la société CADRES BLANCS G&B invoque l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel en l'absence de demande d'infirmation ou de confirmation, le dispositif de ses conclusions ne comporte aucune prétention à cet effet.

Au surplus, la déclaration d'appel comporte les chefs de jugements critiqués, à savoir : -requalifie le licenciement de M. [X] [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse -acté la remise du bulletin de paie et d'un règlement de 7.930,54€ au titre des commissions du 1°trimestre 2018 ; débouté le salarié de sa demande au titre de rappel de commission ; débouté les parties du surplus de leurs demandes. Elle emporte donc dévolution du litige pour les chefs de jugement critiqués, peu important l'absence de mention des termes précités, puisque l'appel tend nécessairement à l'infirmation ou à la confirmation de la décision déférée, ce que mentionnent les conclusions de l'appelant.

Sur le paiement des commissions

L'appelant demande le paiement de commissions faisant suite à la signature de contrats, dont le paiement n'avait pas été encaissé lors de la rupture.

L'intimée explique être redevable de la somme de 7.930,54 € au titre des commissions 2018.

En vertu de l'article 1353 du code civil modifié, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

L'appelant verse les bons de commandes régularisés, sans toutefois expliquer son calcul.

L'employeur explique que M. [R] a conclu des contrats avec des clients en situation financière délicate, la société CADRES BLANCS G&B ayant fourni des prestations d'affichage d'un montant de 4.391,65 € qui n'ont jamais été réglées. La demande est en conséquence fondée à hauteur de la somme de 7.930,54 €, cette somme ayant été réglée au salarié suivant chèque du 12/03/2019. Le jugement est confirmé.

Sur la contestation du licenciement

L'appelant fait valoir que l'employeur a souhaité modifier en 2011 les conditions de la part variable de rémunération, ce qu'il a refusé, que son secteur géographique a ensuite été modifié, que l'employeur a envisagé une rupture conventionnelle, un entretien ayant lieu le 19/01/2018, sans qu'un accord ne soit trouvé, que l'employeur ne démontre pas que les résultats obtenus résultent d'une mauvaise volonté délibérée, que le secteur est en souffrance, que le manque de rigueur n'est pas démontré, que le grief de dénigrement n'est pas démontré.

L'intimée fait valoir que la mauvaise volonté délibérée est établie, compte-tenu de nombreux rappels à l'ordre, de l'expérience professionnelle du salarié, du contexte de la rupture, le salarié ayant fait part de demandes exorbitantes durant les pourparlers de rupture conventionnelle, que la baisse du chiffre d'affaires est imputable au désinvestissement du salarié, sa remplaçante n'ayant pas rencontré de difficultés, que la baisse de rendez-vous clients démontre un non-respect des consignes, que plusieurs clients se sont plaints du comportement du salarié.

Sur ce, la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.

Afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis ; lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il ressort de la lettre de licenciement du 19/04/2018 que l'employeur reproche au salarié :

-un désinvestissement et une absence de motivation, ayant entraîné une baisse des résultats,

-des rendez-vous clients quantitativement et qualitativement très insuffisants, causant des pertes de chiffres d'affaires avérées, ce qui démontre la volonté délibérée du salarié de cesser de remplir correctement ses fonctions,

-des remontées de plusieurs clients mécontents du travail du salarié, et ayant demandé à changer d'interlocuteur.

S'agissant du premier grief, il convient de rappeler que l'insuffisance de résultats peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais non une faute grave, si elle procède soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié, l'employeur s'étant en l'espèce placé sur le terrain disciplinaire.

L'employeur verse notamment les tableaux de comparaison des résultats du 1er semestre 2017 et du 1er semestre 2018, les résultats du salarié au titre des années 2017 et 2018, et un tableau de comparaison avec les résultats des salariés de [Localité 9].

Il résulte de ces documents, qu'une baisse de résultats peut être constatée pour le premier trimestre 2018 (objectif atteint à hauteur de 58 % contre 96 % au premier trimestre 2017), la comparaison avec les salariés de l'agence de [Localité 9] faisant apparaître également un écart (25 % contre 90%). Pour l'année 2017, M. [R] a validé ses objectifs à hauteur de 96 %, le tableau produit par l'employeur faisant cependant apparaître de nombreuses variations en cours de l'année (ex : 79 % en mai et 119 % en juin). Cette variation est observée en ce qui concerne Mme [Y] qui remplace M. [R] (exemple au troisième trimestre 2019 : 92 %, 62 % et 73 %, soit des objectifs non atteints pour ce trimestre).

Il apparaît que le salarié est affecté depuis 2011 aux agglomérations suivantes : [Localité 3], [Localité 4], [Localité 5], [Localité 6], [Localité 7], [Localité 8], [Localité 10], [Localité 11], [Localité 12] et [Localité 13]. Aucune précision n'est apportée par l'employeur quant aux forces et faiblesses de ce secteur, et de celui de l'agence de [Localité 9], alors que le salarié a fait valoir durant l'entretien préalable, selon l'attestation de M. [L], une baisse de chiffre d'affaire par un « manque de place sur les dispos en local ». En outre M. [R] verse l'attestation de M. [T], ancien directeur commercial de l'entreprise, qui indique que le salarié a continuellement entretenu et développé la clientèle « malgré une concurrence accrue et un nombre de panneaux en baisse sur son secteur ». A cet égard, M. [R] dans sa lettre de contestation du 27/02/2017 de l'avertissement du 24/01/2017, indiquait que les objectifs pour 2016 n'étaient pas réalisables, en raison de la fermeture de nombreux magasins, du Grenelle de l'environnement et d'une nouvelle concurrence (société Publimat 3D).

Il s'ensuit que la comparaison avec les autres salariés n'apparaît pas pertinente en l'absence de précision sur les secteurs et objectifs de chacun. En outre, la baisse ponctuelle de chiffre d'affaire pour le premier trimestre 2018 est avérée, mais rien ne démontre qu'elle soit imputable à une faute du salarié. Le grief n'est pas établi.

Sur le deuxième grief tenant à une insuffisance qualitative et quantitative des rendez-vous clients, du fait de l'absence de préparation en amont, l'employeur fait valoir les consignes et directives données et rappelle les antécédents disciplinaires du salarié.

A cet égard, l'avertissement du 15/01/2014 concerne un accident de la circulation et est sans rapport avec ce grief. Les lettres d'observations des 17/10/2013 et 10/02/2014 concernent les appels de clients par le salarié, en rendez-vous avec un autre commercial, ou affecté à un autre commercial, ce qui est là encore sans rapport.

L'avertissement du 24/01/2017 est afférent à des résultats insuffisants en 2016, et début 2017, et enjoint au salarié de faire faire preuve d'une plus grande rigueur dans la gestion des dossiers, à savoir une meilleure préparation de chaque entretien, et d'obtenir un minimum de 12 rendez-vous par semaine.

Le salarié a contesté l'avertissement par lettre du 27/02/2017, contestant notamment le manque de préparation et expliquant le peu d'entretiens par l'étendue de sa zone géographique.

Le courriel du 09/08/2017 comporte une interrogation du salarié sur une vente à perte. L'avertissement du 25/08/2017 sanctionne la perte de 1.522 € de chiffre d'affaire en lien avec un problème de bon de commande, ce qui tend à démontrer un manque de rigueur, à cette époque. Toutefois, l'employeur ne produit aucun élément postérieur démontrant un manque de rigueur dans la préparation des entretiens avec les clients.

S'agissant du nombre de rendez-vous, il ressort des comptes rendus d'activité pour la période du 01/01/2018 au 05/03/2018 que le nombre de 12 rendez-vous hebdomadaires n'a pas toujours été respecté. Ces documents démontrent en outre que le nombre de rendez-vous de prospection est insuffisant, ce que tend à confirmer l'attestation de M. [S], qui indique que « la prospection téléphonique demandée est pratiquement inexistante ».

Toutefois, dans sa lettre de contestation précitée de l'avertissement du 24/01/2017, si M. [R] reconnaît effectuer « peu de rendez-vous prospects », il l'explique par le fait que sa zone géographique est très importante. Aucun élément en réponse n'est apporté en par l'employeur sur ce point. Surtout, rien n'établit que le manque de prospection soit lié à une faute du salarié. Enfin, l'évaluation de M. [R] par la formatrice, qui a décelé « une difficulté au niveau de la fermeté de sa position lors de l'annonce du prix puis d'une signature de contrats avec le clients » ne démontre pas un manque d'implication fautif. La faute du salarié n'étant pas démontrée, le grief n'est pas établi.

S'agissant du troisième grief, en l'espèce des plaintes de clients à l'égard du salarié, et ayant demandé à changer d'interlocuteur, outre une attitude déplacée et malhonnête relevée par un client, l'employeur verse un courriel du 07/02/2018 de M. [F] indiquant, qu'un client M. [M] ne veut plus être suivi par M. [R], et faisant part de propos virulents le concernant (« S. [R], le roi du panneau, à l'ancienne, pas toujours dans un état de fraîcheur' il suce pas que de la glace ») ainsi que de critiques (« ne se déplaçait jamais, spécialiste pour venir le voir, 4, 5 jours après la date limite d'annulation de la LC. Très cavalier dans ses rendez-vous, limite aimable, je l'ai foutu à la porte »). Ce courriel démontre certes le mécontentement d'un client à l'égard de M. [R]. Toutefois, il n'a été suivi d'aucun entretien avec le salarié pour vérifier les faits allégués, en particulier en ce qui concerne le renouvellement tardif des contrats de location. Aucune pièce n'est produite sur ce point. Le surplus du message relève d'une appréciation toute subjective du client. En conséquence, la preuve d'un comportement fautif du salarié n'est pas rapportée.

En l'absence de preuve des fautes imputées au salarié, la faute grave n'est pas démontrée, pas plus que la cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

En vertu de l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [R] (3.460,45 €), de son âge (58 ans), de son ancienneté (19 ans et trois mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, le salarié ne justifiant pas de sa situation professionnelle postérieurement au 30/09/2018, il y a lieu de lui allouer, une somme de 41.525,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

Succombant, la SAS CADRES BLANCS G&B supporte les dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [R] une indemnité de 2.000 € pour ses frais irrépétibles en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a requalifié le licenciement de M. [X] [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

INFIRME le jugement sur ce point,

Statuant à nouveau, y ajoutant

DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS CADRES BLANCS G&B à payer M. [X] [R] les sommes de :

-41.525,40 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

-2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS CADRES BLANCS G&B aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/02209
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;19.02209 ?
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