La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2022 | FRANCE | N°19/02208

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 08 juillet 2022, 19/02208


ARRÊT DU

08 Juillet 2022







N° 1249/22



N° RG 19/02208 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWCG



GG/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

29 Octobre 2019

(RG 19/00131 -section 5)





































>




GROSSE :



aux avocats



le 08 Juillet 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [D] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



SARL [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représe...

ARRÊT DU

08 Juillet 2022

N° 1249/22

N° RG 19/02208 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWCG

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

29 Octobre 2019

(RG 19/00131 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 08 Juillet 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [D] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SARL [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE,

Substitué par Me Jérémy DAVID, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 11 Mai 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a éé prorogé du 24 Juin 2022 au 8 Juillet 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juillet 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Avril 2022

EXPOSE

La SARL [J] qui exerce une activité de coulage de dalles et de planchers en béton, et applique la convention collective nationale des ouvriers-employés du bâtiment, a engagé le 06/12/1994 sans contrat de travail écrit, M. [D] [N] en qualité d'ouvrier. Dans le dernier état de la relation de travail, M. [N] exerçait la fonction de polisseur.

Le 12/07/2018, M. [N] a mis en demeure l'employeur de procéder à son licenciement pour motif économique, faisant valoir un entretien du 26/06/2018, la baisse de l'activité de l'entreprise depuis deux ans, le fait que les intempéries sont utilisées pour pallier le manque d'activité, ce qui conduit à une irrégularité du paiement du salaire.

Par lettre du 24/08/2018, M. [N] a pris acte de la rupture du contrat de travail, dans les termes suivants :

« Dans une lettre de mise en demeure préalable qui vous a été adressée le 13 juillet dernier, je vous notifiais les faits et manquements imputables à votre qualité d'employeur de la SARL [J] et qui sont en contradiction avec les obligations et responsabilités inhérentes à votre fonction d'employeur dans le cadre du contrat de travail, à savoir : la non fourniture de manière régulière de travail au salarié, prévu au contrat ; l'utilisation excessive des intempéries, qui plus est majorée à 25 %, pour pallier au manque d'activité ; le non-paiement des heures supplémentaires effectuées ; le non-respect du droit au repos compensatoire alors même que les quotités de travail quotidien excèdent très régulièrement 12 heures d'activité.

Ne pouvant continuer à travailler dans ces conditions, j'ai sollicité, lors de notre entretien du 26 juin dernier, un licenciement économique si la situation financière de l'entreprise le justifiait. Je vous ai réitéré ma demande par écrit dans le courrier de mise en demeure préalable qui vous a été adressé le 13 juillet dernier. Sans réponse de votre part à ce jour, je me vois dans l'obligation de mettre fin à mon contrat de travail.

En effet, les faits précités dont la responsabilité incombe entièrement à la SARL [J] me contraignent à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail. Cette rupture est entièrement imputable à la SARL [J] puisque ces faits constituent un grave manquement aux obligation contractuelles de votre entreprise considérant le contenu de mon contrat de travail[...].

Par requête reçue le 22/11/2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de plusieurs demandes indemnitaires afférentes à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 29/11/201919, le conseil de prud'hommes de Tourcoing

a :

-dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [D] [N] produit les effets d'une démission ;

-condamné la SARL [J] à payer à M. [N] les sommes suivantes :

-592.08€ de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

-59.21€ au titre des congés payés y afférent,

-500€ d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [D] [N] de ses autres demandes,

-débouté la SARL [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SARL [J] aux dépens.

Suivant déclaration du 14/11/2019, M. [N] a interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 27/01/2020, M. [N] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de juger que la prise d'acte du contrat de travail du 24/08/2018 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société [J] à lui payer :

-4.461,58 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-446,15 € au titre des congés payés s'y rapportant,

-15.146,98 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Au titre de l'exécution défectueuse du contrat de travail par la société [J] :

-3.608 € à titre de rappel de salaire correspondant à la réintégration des jours d'intempéries abusivement retenus sur sa rémunération,

-360,80 € au titre des congés payés s'y rapportant,

-881,65 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période de mars à août 2018.

-88,16 € au titre des congés payés s'y rapportant,

-424,71 € à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur.

-5.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles sur les durées journalières et hebdomadaires maximales de travail.

-13.384,74 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article L.8223-1 du code du travail,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué la somme de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, pour les frais exposés en cause d'appel, condamner la société [J] à lui payer la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon ses conclusions d'intimées reçues le 24/06/2021, la SARL [J] demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [D] [N] produit les effets d'une démission, et l'a débouté de ses autres demandes,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [N] les sommes de 592.08€ de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, 59.21€ au titre des congés payés y afférent, 500€ d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens,

En conséquence,

-débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Si la Cour d'appel faisait droit aux demandes pécuniaires de M. [N],

-réduire à de plus justes proportions ses demandes pécuniaires,

En tout état de cause,

-débouter M. [N] de sa demande de condamnation à lui verser une somme de 5.000 € pour dépassement d'amplitude,

-débouter M. [N] de sa demande de voir condamnée la société [J] à lui verser une somme de 13.384,74 € au titre du travail dissimulé et la somme de 3.608 € au titre de la réintégration des journées d'intempéries,

-condamner M. [N] à lui verser en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3.000 € s'agissant des exposés par ladite société en première instance et la somme de 3.000 € pour les frais exposés en cause d'appel, outre les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 20/04/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites et transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

-Sur le régime des intempéries

L'appelant explique que le chiffre d'affaires de l'entreprise a diminué, ce qui a entraîné une chute des effectifs, qu'il lui est arrivé de devoir travailler 70 heures par semaine, et parfois 12 à 13 heures sans repos, ni paiement des heures supplémentaires, qu'à l'inverse en raison du manque de travail l'employeur a détourné le système des congés intempéries utilisé comme variable d'ajustement compensant l'irrégularité de son activité, que la comparaison des relevés météorologiques et des bulletins de paie démontre des anomalies.

L'intimée fait valoir en réplique que ses plannings démontrent la réalité d'intempéries, que le salarié commet des erreurs s'agissant des bulletins météorologiques transmis qui ne concernent pas les communes sur lesquels se trouvaient les chantiers, que ces pièces ne constituent que des prévisions, que le salarié pouvait saisir une commission spéciale pour faire valoir ses réclamations.

Selon l'article L5424-8 du code du travail, sont considérées comme intempéries, les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu'elles rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir.

L'article L5424-9 du code du travail dispose que l'arrêt du travail en cas d'intempéries est décidé par l'entrepreneur ou par son représentant sur le chantier après consultation du comité social et économique.

La notion d'intempéries ne se réduit pas aux conditions atmosphériques anormales, mais s'entend des circonstances extérieures qui rendent effectivement impossible l'accomplissement du travail compte tenu de sa nature

En application des articles L5424-8 et L5424-9 du code du travail, il appartient à l'employeur qui a décidé de l'arrêt de travail pour le motif d'intempéries de démontrer par tous moyens que l'existence de conditions atmosphériques susceptibles de relever de cette qualification l'a conduit à prendre une telle décision.

En l'espèce, l'employeur verse des extraits d'agendas comportant la mention manuscrite « intempéries », les bulletins de paie correspondant du salarié, et les déclarations à la caisse des congés payés pour les périodes qui suivent :

-22 et 23/09/2015 pour un chantier à [Localité 6],

-17 et 18/02/2016 chantier à [Localité 4],

-17 au 24/01/2017 pour un chantier à [Localité 5],

-10/01/2018 pour un chantier au Val de Scarpe,

-31/01 au 14/02/2018 pour un chantier à [Localité 7].

soit 154 heures.

Si ces pièces sont de nature à établir de possibles intempéries aux dates précisées, le salarié verse pour sa part un décompte accompagné de relevés météorologiques, faisant état d'autres périodes d'indemnisation d'intempéries. Les décomptes de la caisse des congés intempéries font apparaître le paiement de 90 heures du 01/04/2015 au 31/03/2016, 190 heures du 01/04/2016 au 31/03/2017 et 358 heures du 01/04/2017 au 31/03/2018, les bulletins de paie démontrant la déduction aux périodes correspondantes figurant au relevés du salarié du salaire.

Aucune justification utile n'est apportée par l'employeur pour les périodes complémentaires qui s'étendent du 01/04/2015 au 28/03/2018, étant précisé qu'il n'est pas non plus justifié d'un contrôle par la caisse des jours d'intempéries déclarées par l'employeur.

En conséquence les retenues opérées par l'intimée sont injustifiées, la cour dispose des éléments suffisant pour fixer le rappel de salaire à 2.834,86 € outre 283,49 € au titre des congés payés afférents, sur la base du décompte effectué par l'appelant, et des attestations de la caisse, soit 484 heures de retenues. Le jugement est infirmé et la SARL [J] est condamnée au paiement de ces sommes.

-sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

 

L'appelant produit un décompte pour les périodes du 5 au 08/03/2018, puis du 12/07/2018 au 31/08/2018, faisant apparaître les heures de début et de fin de travail. Ce décompte est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments justificatifs.

L'intimée se borne à indiquer que le salarié ne justifie pas que les heures supplémentaires non rémunérées ont été effectuées avec au moins son accord implicite.

Toutefois, le décompte fait état à plusieurs reprises de départ et de retour au dépôt, l'employeur ne pouvant dès lors ignorer les heures effectivement réalisées par le salarié. De plus, M. [N] produit deux photographies d'un registre d'entrée pour les journées du 19 et 20/07/2018 faisant apparaître les heures de prise en compte et de restitution (exemple : le 19/07/2018, 6h33 et 19h38), ce qui corrobore de plus fort sa réclamation. Enfin, l'employeur ne peut se fonder sur l'attestation de M. [J] [V] indiquant que le salarié « devait néanmoins s'arranger pour ne pas dépasser les horaires journaliers ou hebdomadaires[...] », le contrôle des horaires relevant des prérogatives de l'employeur.

En conséquence, la cour dispose des éléments suffisants pour accueillir le rappel de salaire au titres des heures supplémentaires non rémunérées aux sommes de 881,65 € et 88,16 € au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé et la SARL [J] est condamnée au paiement de ces sommes.

-Sur le repos compensateur

L'appelant expose que ne serait-ce qu'en raison des heures supplémentaires structurelles de 17h33 par mois, le contingent annuel de 180 heures a nécessairement été dépassé, le bulletin de paie ne faisant pas apparaître de surcroît le droit au repos compensateur.

Il n'est pas répondu au moyen par l'intimée.

Il ressort des bulletins de paie que le salarié a effectué mensuellement des heures supplémentaires structurelles à hauteur de 17,33 heures par mois, outre les heures supplémentaires non rémunérées évoquées plus haut. La demande en paiement de la somme de 424,71 € doit être accueillie. Le jugement est infirmé, et la SARL [J] est condamnée au paiement de ces sommes.

-Sur l'amplitude de travail

L'appelant expose avoir été exposé à de nombreux dépassements d'amplitude fréquents, et se réfère aux attestations d'autres salariés de l'entreprise.

L'intimé explique que le salarié ne produit aucun élément pertinent, et conteste les attestations des salariés qui ne relatent pas de faits personnellement constatés.

Selon l'article 3-15 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 du 8 octobre 1990, sauf dérogations éventuelles accordées par l'inspection du travail, les plafonds suivants ne peuvent être dépassés :

-la durée maximale journalière du travail ne peut pas dépasser 10 heures ;

-la durée maximale du travail au cours d'une même semaine ne peut pas dépasser 48 heures[...].

Il ressort du décompte précité du salarié que les horaires de travail du salarié ont excédé à plusieurs reprises ces limites (à titre d'exemple : 63h50 de travail du 16 au 20/07/2018, 33h30 en continu les 7 et 8 mars 2018, 18h30 heures en continu la journée du 12/07/2018).

L'employeur n'apporte pas plus d'élément contraire, et ne justifie pas du repos du salarié dont la preuve lui incombe.

Il en résulte une faute dans l'exécution du contrat de travail, causant un préjudice au salarié, qui sera réparé par la somme de 2.000 € de dommages-intérêts.

-sur le travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

L'existence d'un litige relativement aux heures supplémentaires et l'absence de justification d'intempéries pour certaines périodes ne permet cependant pas d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur de dissimuler l'emploi salarié de M. [N]. La demande est donc rejetée, et le jugement est confirmé.

Sur la prise d'acte

Il découle de l'article L. 1231-1 du Code de travail que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Seul un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail est de nature à justifier la prise d'acte. Il incombe au salarié d'établir la réalité des faits qu'il invoque à l'appui de sa prise d'acte.

Dans sa lettre du 24/08/2018, M. [N] invoque les griefs suivant : la non fourniture de manière régulière de travail et utilisation excessive du régime des intempéries pour compenser le le manque d'activité ; le non-paiement des heures supplémentaires effectuées ; le non-respect du droit au repos compensatoire alors même que les quotités de travail quotidien excèdent très régulièrement 12 heures d'activité.

Les griefs allégués par M. [N] sont établis. Il sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. La lettre de prise d'acte du 24/08/2018 produit en principe immédiatement ses effets à la date de son envoi.

Il est constant que M. [N] a repris le travail le 27/08/2018 jusqu'au 31/08/2018, ce dernier précisant que son employeur lui a demandé de poursuivre son activité jusqu'au 31/08/2018, ce qu'il a accepté pour ne pas laisser ses collègues en difficultés. Il ne peut toutefois être tiré de ces circonstances, les parties ayant accepté de reporter la date de fin de contrat, l'employeur ayant fait figurer la date de sortie du 31/08/2018 sur le bulletin de paie du mois d'août 2018, ce qui peut s'expliquer par l'importante ancienneté du salarié, une renonciation du salarié au bénéfice de la prise d'acte. Celle-ci produit par conséquent, les griefs étant justifiés, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture

La prise d'acte produisant les effets du licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] est bien fondé en sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de 4.461,58 €, outre 446,15 € de congés payés y afférents.

L'indemnité conventionnelle de licenciement calculée conformément aux stipulations de l'article 10.3 de la convention collective du bâtiment s'établit à la somme réclamée de 15.146,98 €, ce montant n'étant pas utilement critiqué.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [N] (2.230,79 €), de son âge (47 ans), de son ancienneté (23 ans et 10 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, M. [N] ne précisant pas sa situation postérieurement au licenciement, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issu de l'ordonnance du 22/09/2017, une somme de 26.769,48 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

Succombant, la SARL [J] supporte les dépens d'appel, les dispositions de première instance étant confirmées.

Il convient d'allouer à M. [N] pour ses frais irrépétibles d'appel une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [D] [N] de sa demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau, y ajoutant

DIT que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL [J] à payer à M. [D] [N] les sommes qui suivent :

-2.834,86 € de rappel de salaire au titre des retenues pour intempéries,outre 283,49 € au titre des congés payés afférents,

-881,65 € de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 88,16 € au titre des congés payés afférents,

-424,71 € de rappel de salaire au titre du repos compensateur,

-2.000 € de dommages-intérêts au titre de l'amplitude de travail,

-4.461,58 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 446,15 € de congés payés y afférents,

-15.146,98 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-26.769,48 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour oùl'employeur a eu connaissance de la demande, et les sommes à caractére indemnitaire à compter du présent arrêt;

CONDAMNE la SARL [J] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/02208
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;19.02208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award