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07/07/2022 | FRANCE | N°20/00670

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 juillet 2022, 20/00670


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/07/2022



****



SUR RENVOI DECASSATION



N° de MINUTE :

N° RG 20/00670 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4FY



Jugement (N° 09/05052) rendu le 28 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Lille

Arrêt du 21 avril 2016 rendu par la cour d'appel de Douai

Arrêt du 28 novembre 2018 rendu par la Cour de cassation

Arrêt du 10 mars 2022 rendu par la prem

ière chambre civile section 1 de la cour d'appel de Douai





DEMANDEURS AU RENVOI DE CASSATION-APPELANTS



Monsieur [VZ] [G]

né le 09 avril 1961 à [Localité 27]

demeurant [A...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/07/2022

****

SUR RENVOI DECASSATION

N° de MINUTE :

N° RG 20/00670 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4FY

Jugement (N° 09/05052) rendu le 28 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Lille

Arrêt du 21 avril 2016 rendu par la cour d'appel de Douai

Arrêt du 28 novembre 2018 rendu par la Cour de cassation

Arrêt du 10 mars 2022 rendu par la première chambre civile section 1 de la cour d'appel de Douai

DEMANDEURS AU RENVOI DE CASSATION-APPELANTS

Monsieur [VZ] [G]

né le 09 avril 1961 à [Localité 27]

demeurant [Adresse 24]

[Localité 10]

Monsieur [J] [N]

né le 10 septembre 1971 à [Localité 28]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 12]

Madame [UK] [N]

née le 08 avril 1973 à [Localité 26]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 12]

Madame [CB] [M]

née le 1er janvier 1944 à Mestry (14428)

demeurant [Adresse 6]

[Localité 4]

Monsieur [P] [VL]

né le 11 janvier 1964 à [Localité 18]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 16]

Madame [KT] [TX]

née le 22 mai 1946 à [Localité 25]

demeurant [Adresse 13]

[Localité 11]

Monsieur [UY] [EU]

né le 27 juillet 1962 à [Localité 30]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 9]

Monsieur [B] [EU]

né le 18 septembre 1937 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 15]

[Localité 9]

Monsieur [H] [A]

né le 08 juillet 1953 à [Localité 23]

demeurant [Adresse 20]

[Localité 3]

Madame [R] [A]

née le 10 novembre 1947 à [Localité 21]

demeurant [Adresse 20]

[Localité 3]

La SAS Groupe Limoise Distribution prise en la personne de son representant légal

ayant son siège social, [Adresse 29]

[Localité 8]

représentés par Me Jean-Pierre Congos, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Nicolas Lecocq-Vallon, membre de la SCP Lecocq-Vallon-Feron-Poloni, avocat au barreau de Paris

DEFENDERESSES AU RENVOI DE CASSATION - INTIMÉES

La SELAS MJS Partners prise en la personne Me [SF] [YE], pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA Géomarket anciennement dénommée SA Dubus

ayant son siège social [Adresse 14]

[Localité 9]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil, Me Eric Delfly, membre du cabinet Vivaldi Avocat, avocat au barreau de Lille

La société Chubb European Group SE, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social, [Adresse 7]

[Adresse 22]

[Localité 17]

assignée en intervevention forcée

représentée par Me Emmanuel Masson, membre de la SCP Masson-Dutat, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Matthieu Patrimonio, membre de la SCP Raffin et Associés, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Christophe Laverne, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 02 mai 2022

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 juillet 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 octobre 2021

****

Rappel des faits et de la procédure

[XR] [C], gérant de la société Euroconseil, conseiller en gestion de patrimoine, a proposé à ses clients, [LG] [T], [D] [L], [VZ] [G], [X] [ZI], [R] et [H] [A], [J] et [UK] [N], [IA] [U], [XD] [O], la société Rêve Concept, [CB] [M], [V] et [NL] [IN], [P] [VL], [Y] et [F] [FH], [I] et [KT] [TX], [UY] [EU], [B] [EU], la société Groupe Limoise Distribution, la société [S], [W] et [DK] [HM] et [E] [RS], la conclusion d'un mandat de gestion avec la société CPLC, société de gestion de portefeuille canadienne, représentée par [XR] [K].

Les requérants ont conclu un mandat de gestion avec CPLC puis ont ensuite été mis en contact avec la société Dubus par l'intermédiaire de [XR] [C] et ont conclu une convention de compte titres entre juillet 2007 et septembre 2008.

Les opérations sur les comptes sont intervenues durant la période de retournement de la bourse (crise des subprimes et krach boursier de l'automne 2008) de sorte que les clients ont subi des pertes sur les placements opérés sur des valeurs spéculatives au comptant.

Considérant que la société Dubus avait gravement manqué à ses obligations légales et commis un certain nombre de fautes ayant entraîné pour eux un grave préjudice, soit :

- ne pas avoir vérifié l'agrément de la société CPLC,

- avoir accepté des ordres ne provenant pas directement des titulaires des contrats,

- avoir permis une gestion illégale des comptes des requérants,

- ne pas avoir respecté les règles de bonne conduite et les obligations qui s'imposent à tout prestataire de service d'investissement,

Les requérants ont assigné la société Dubus devant le tribunal de grande instance de Lille selon acte du 28 mai 2009 aux fins de la condamnation de la défenderesse à les indemniser de leur entier préjudice.

La société Géormarket est intervenue aux droits de la société Dubus.

Par jugement du 28 juin 2012, le tribunal de grande instance de Lille a débouté [LG] [T], [D] [L], [VZ] [G], [X] [ZI], [J] et [UK] [N], [IA] [U], [XD] [O], la société Rêve Concept, [CB] [M], [V] et [NL] [IN], [P] [VL], [Z] et [F] [FH], [I] et [KT] [TX], [UY] [EU], [B] [EU], la société Groupe Limoise Distribution, la société [S], [W] et [DK] [HM] et [E] [RS] de l'ensemble de leurs demandes ainsi que de celles formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés, de ce chef à payer chacun à la société Dubus la somme de 500 euros ainsi qu'aux entiers dépens.

Par arrêt du 21 avril 2016, la cour d'appel de Douai, par adoption de motifs, a confirmé le jugement entrepris et condamné chacun des appelants à payer 500 euros à la société Géormarket au titre des frais irrépétibles exposés en appel et in solidum aux dépens.

La cour a relevé que les investisseurs avaient déclaré disposer d'une expérience et de connaissances suffisantes pour pouvoir opérer sur les marchés à terme et ne pas vouloir confier la gestion de leur compte à un mandataire professionnel ; qu'ils avaient fait fonctionner leur compte dans des conditions démontrant qu'ils étaient parfaitement maîtres du mécanisme boursier ; qu'ils avaient eu une information complète sur le risque inhérent à ce genre d'opération et avaient confié à un tiers professionnel la gestion de leurs comptes et le soin d'effectuer les ordres via le login et le mot de passe, pourtant personnels, qui leur avaient été délivrés par la société Dubus ; qu'il s'en déduisait qu'ils s'étaient comportés comme des investisseurs avertis ; que tous les intéressés avaient conclu une convention assortie d'un formulaire comportant seize questions sous la rubrique 'évaluation des aptitudes', ces questions portant notamment sur l'expérience du contractant en matière d'investissement et sur ses objectifs prioritaires et lui demandant de préciser s'il entendait décider seul de ses investissements ou sur conseil ; qu'il était prévu que plusieurs mentions soient reproduites et paraphées en ce qui  concerne l'aptitude à pratiquer des ventes à découvert ainsi qu'à passer des ordres directs ; qu'il avait été répondu à ces questions par chacun des investisseurs ; que les conventions critiquées comportaient une note détaillée sur le service de règlement différé et des explications sur son effet de levier ainsi qu'une note détaillée sur les ventes à découvert, avec un exemple des risques encourus dans ce type de transaction ; qu'il s'en déduisait que l'ensemble des informations était clair et compréhensible pour tout lecteur normalement attentif.

Elle a également relevé que les investisseurs avaient confié la gestion occulte de leurs comptes à la société CPLC de sorte qu'à supposer que la société Dubus ait failli à son obligation d'information et de mise en garde, cette faute était sans lien avec les pertes envisagées ; qu'ils soutenaient que les ordres passés en cours d'exécution des conventions étaient des ordres complexes mais n'évoquaient aucune opération concrète réalisée pour leur compte, tandis qu'au contraire, la société Dubus, sans être démentie, exposait qu'il s'agissait d'opérations simples ; que la plupart des ordres avaient été passés au comptant et qu'aucun des quelques ordres à règlement différé n'avait été exposé à une insuffisance de couverture.

Par arrêt du 28 novembre 2018, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 21 avril 2016 seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [G], M. et Mme [A], Mme [M], M. [VL], MM. [EU], Mme [TX], M. et Mme [N] et la société Groupe Limoise Distribution et en ce qu'il a statué, à leur égard, sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la SELAS [YE], prise en la personne de M. [SF] [YE] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Geomarket aux dépens.

La Cour de cassation a estimé qu'il ne résultait des éléments produits aux débats ni que les investisseurs étaient des investisseurs avertis lors de la signature des conventions et la réalisation d'opérations spéculatives ni que la société Dubus les avait, lors de l'ouverture des comptes-titres, mis en garde contre les risques encourus dans les opérations spéculatives envisagées.

Par déclaration en date du 4 février 2020, Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N], Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A], Madame [R] [A], Madame [ZW] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution ont saisi la cour intimant La SA Geomarket anciennement Dubus SA, la SELAS Bernard et [SF] [YE], représente par Maître [SF] [YE] en qualité de liquidateur de la société Geomarket anciennement Dubus SA.

Par conclusions notifiées le 4 août 2020, la société Géormarket et la SELAS MJS Partners prise en la personne de M [SF] [YE] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Geomarket (anciennement Dubus) demandent à la cour de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes et d'ordonner la confirmation de la décision querellée en toutes ses dispositions.

Subsidiairement, elles sollicitent la désignation d'un expert aux frais des appelants avec mission de :

. identifier, pour chaque client, les sommes déposées et retirées,

. identifier la date à laquelle les comptes ont été clôturés,

. identifier la méthode d'évaluation retenue par les demandeurs pour l'évaluation du préjudice et notamment la date à laquelle, le préjudice a été arrêté,

. identifier les opérations, le montant des investissements, réalisés au comptant, les pertes et les gains qui ont pu être constatés,

. identifier le montant des opérations à terme éventuellement les gains et les pertes qui ont pu être constatés,

. donner son avis sur les auteurs des ordres passés par les appelants ou leur mandataire occulte.

Elle sollicitent la condamnation de chacun des appelants à payer à la S.E.L.A.S. MJS Partners, prise en la personne de Me [SF] [YE] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Geomarket (anciennement SA Dubus), une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux dépens.

Par exploit d'huissier du 28 janvier 2021, les requérants ont assigné la société Chubb European Group en intervention forcée devant la cour de renvoi aux termes de laquelle, elle demande à la cour de :

vu les articles 331 et suivants du code de procédure civile,

- prendre acte de l'intervention forcée de la société Chubb European Group SE à la procédure introduite par les concluants et enrôlée devant la cour d'appel de Douai sous le numéro RG 20/00670 ;

- prononcer la jonction de la présente procédure avec l'affaire RG n° 20/00670 ;

- juger que la société Géormarket SA n'a pas vérifié l'agrément de la société de gestion CPLC ;

- juger que la société Géormarket SA a permis une gestion illégale des comptes des concluants ;

- juger que la société Géormarket SA n'a pas respecté les règles de bonne conduite et les obligations qui s'imposent à tout prestataire de services d'investissement ;

- juger que la société Géormarket SA a manqué à ses obligations légales et commis une faute à l'origine du préjudice subi par chacun des concluants ;

- juger que la société Geomarket SA a manqué à ses obligations légales et a commis une faute à l'origine du préjudice subi par chacun des concluants ;

- débouter la société Geomarket de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner in solidum la société Chubb European Group SE et la société Géormarket SA à réparer l'entier préjudice subi par chacun d'entre eux :

En ce qui concerne la condamnation de la société Geomarket, de :

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 567 192 euros de Monsieur [G] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 373 816 euros de Monsieur et Madame [N] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 1 597 29,15 euros de Monsieur et Madame [A] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 329 478 euros de Madame [M] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 93 064 euros de Monsieur [VL] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 218 171 euros de Madame [TX] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 190 670 euros de Monsieur [UY] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA de 584 070 euros de Monsieur [B] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 1 396 319 euros de la société Groupe Limoise Distribution à titre de dommages et intérêts ;

- condamner in solidum la société Géormarket SA et la société Chubb European Group SE à payer aux concluants les intérêts sur ces sommes à compter de la réalisation de chacun des investissements effectués par les concluants ;

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'acte introductif d'instance ;

- condamner in solidum la société Geomarket SA et la société Chubb European Group SE à payer à chacun des concluants la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fixer cette créance des concluants au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA ;

- condamner in solidum la société Geomarket SA et la société Chubb European Group SE, cette dernière en sa qualité d'assureur de la société Géormarket SA, au titre de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la société Geomarket SDA ;

- condamner la société Géormarket SA aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Congos et Lemaire.

Par conclusions notifiées le 15 octobre 2021, les appelants demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles 555 et 700 du code de procédure civile et L 123-4 du code des assurances de rejeter les conclusions d'irrecevabilité de la société Chubb European Group SE en date du 3 mai 2021et renvoyer l'affaire devant la première chambre première section de la cour d'appel de Douai et, subsidiairement, de juger recevables les demandes qu'ils ont formées à l'encontre de cette dernière et de la condamner à leur payer à chacun d'eux une indemnité de procédure de 2 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Congos et Lemaire.

Par conclusions n° 4, notifiées le 22 octobre 2021, Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N], Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A], Madame [R] [A], Madame [ZW] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution demandent à la cour, au visa des articles 314-1 et suivants et 322-du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, L. 321-1, L.531-1, L.532-1, L. 532-2, L.533-10, L.533-11 et L.533-13 du code monétaire et financier, de l'instruction n°2005-09 du 1er décembre 2005, des articles 1147 et 1154 du code civil et 700 du code de procédure civile,

au conseiller de la mise en état de :

- désigner tel expert qu'il plaira, aux frais de la société intimée, avec pour mission de :

- identifier pour chaque client les sommes déposées et retirées ;

- identifier, pour chaque client, le montant des opérations réalisées au comptant depuis l'ouverture du compte jusqu'à l'arrêt de la gestion spéculative constatée sur ledit compte, soit à la date de rupture du mandat de gestion de la société CPLC (arrêtée selon les courriers de rupture des relations contractuelles adressés aux clients, ou à défaut, à la date du changement des codes d'accès au site Internet décidé par la SA Géormarket SA) ;

- identifier, pour chaque client, le montant des gains ou pertes corrélés à ces opérations au comptant ;

- identifier, pour chaque client, le montant des opérations à terme réalisées depuis l'ouverture du compte jusqu'à l'arrêt de la gestion spéculative constatée sur ledit compte ;

- identifier, pour chaque client, le montant des gains ou pertes corrélés à ces opérations à découvert.

à la cour d'appel de Douai de :

- constater que la société Géormarket SA n'a pas vérifié l'agrément de la société de gestion CPLC ;

- constater que la société Géormarket SA a permis une gestion illégale des comptes des concluants ;

- constater que la société Géormarket SA n'a pas respecté les règles de bonne conduite et les obligations qui s'imposent à tout prestataire de services d'investissement ;

- dire et juger que la société Géormarket SA a manqué à ses obligations légales et commis une faute à l'origine du préjudice subi par chacun des concluants ;

- débouter la société Géormarket SA de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter la société Chubb European Groupe SE de l'ensemble de ses demandes ;

en conséquence :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Géormarket SA à réparer l'entier préjudice subi par chacun d'entre eux :

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 567 192 euros de Monsieur [G] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 373 816 euros de Monsieur et Madame [N] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 1 597 29,15 euros de Monsieur et Madame [A] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 329 478 euros de Madame [M] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 93 064 euros de Monsieur [VL] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 218 171 euros de Madame [TX] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 190 670 euros de Monsieur [UY] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA de 584 070 euros de Monsieur [B] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 1 396 319 euros de la société Groupe Limoise Distribution à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Géormarket SA à payer aux concluants les intérêts sur ces sommes à compter de la réalisation de chacun des investissements effectués par les concluants ;

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'acte introductif d'instance ;

- condamner la société Chubb European Group SE à payer aux concluants la totalité des sommes auxquelles la société Géormarket sera condamnée ou fixées au passif de sa liquidation judiciaire ;

- condamner la société Géormarket SA à payer à chacun des concluants la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fixer cette créance des concluants au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA ;

- condamner la société Géormarket SA aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Congos et Lemaire.

Par conclusions signifiées le 30 septembre 2021, la société Chubb European Group SE demande à la cour, au visa des articles 555 et 789 du code de procédure civile et 2224 du code civil, de juger irrecevables les demandes présentées à son encontre, de débouter Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N], Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A], Madame [R] [A], Madame [ZW] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution de leurs demandes et de les condamner in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que les demandes formées à son encontre sont irrecevables au visa de l'article 555 du code de procédure civile, les requérants ne démontrant pas la circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieurement à celui-ci susceptible de modifier les données juridiques du litige de nature à rendre recevable l'intervention forcée.

Elle souligne qu'il s'agirait en réalité plus d'une recherche de la garantie d'assurance de la société Chubb et expose que dans chacun des sept contrats conclus en 2007 par les appelants, il est indiqué que la société Dubus dispose d'une garantie responsabilité civile professionnelle auprès de la compagnie Ace Europe ; que cette dernière a racheté la société Chubb le 15 janvier 2016 en conservant la dénomination de Chubb ; qu'ils n'ont pas agi contre la société Chubb alors que par courrier du 6 mai 2019, le conseil des appelants lui écrivait en sa qualité d'assureur responsabilité civile de Geomarket.

Subsidiairement, elle fait valoir que les demandeurs ont introduit leur action en mai 2009 et disposaient dès lors d'un délai de deux ans pour mettre en cause la société Ace et soutient que leur demandes présentées plus de 10 ans plus tard sont prescrites.

A titre infiniment subsidiaire, elle indique reprendre à son compte l'intégralité des moyens développés par la société Géormarket.

Par conclusions notifiées le 4 novembre 2021, la société Chubb European Group SE demande à la cour, au visa des articles 15, 555 et 789 du code de procédure civile et 2224 du code civil, à titre liminaire de rabattre et rapporter l'ordonnance de clôture et de reporter la clôture à la date des plaidoiries fixées au 15 novembre 2021, de juger irrecevables les demandes présentées à l'encontre de la société Chubb European Group SE, de débouter Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N], Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A], Madame [R] [A], Madame [ZW] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution de leurs demandes.

Elle sollicite la condamnation in solidum Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N], Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A], Madame [R] [A], Madame [ZW] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Le conseil de la société Geomarket et de la SELAS MJS Partners ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Geomarket ont indiqué, par mail, s'en remettre à la cour sur la recevabilité des conclusions des appelants du 22 octobre 2021.

Par arrêt du 10 mars 2022, la cour d'appel de Douai a rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture, déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société Chubb Européen Group SE le 4 novembre 2021, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur la recevabilité des conclusions d'appel n° 4 signifiées par les appelants le 22 octobre 2021. Elle a renvoyé l'affaire à l'audience du 2 mai 2022 à 14 heures en collégiale.

Par conclusions signifiées le 19 puis le 27 avril 2022, la société Chubb European Group SE demande à la cour de juger irrecevables les conclusions n° 4 des appelantes en date du 22 octobre 2021 et celles signifiées le 27 avril 2022.

Elle fait valoir que les appelants ont signifié le vendredi 22 octobre 2021 à 17 h 14 des conclusions d'appel n° 4 contenant une argumentation nouvelle, invoquant le fait que la société Chubb et son assuré se seraient livrés à des agissements frauduleux qui priverait la concluante de son droit à invoquer la prescription alors que la clôture était annoncée le lundi 25 octobre 2021 et qu'elle-même avait opposé son moyen de prescription, à titre subsidiaire, par conclusions du 30 septembre 2021 et que les appelants avaient tout loisir pour y répondre et enfin, que sa demande de report de clôture n'avait pas été acceptée.

Par conclusions signifiées le 27 avril 2022, les appelants demandent à la cour de juger recevables les conclusions n° 4 qu'ils ont signifiées le 22 octobre 2021.

Ils font valoir que la société Chubb European Groupe SE a disposé de plus de deux jours pour répondre à des conclusions ne présentant aucune nouvelle pièce et seulement un court développement relatif à la prescription et que la cour d'appel de céans avait considéré dans la présente affaire que les intimés avaient bénéficié d'un délai suffisant pour répondre aux conclusions des 'intimés' (sic) dès lors qu'elle n'avait pas fait droit à la demande de rabat de l'ordonnance de clôture sollicitée par les intimés plus de deux jours après la signification des conclusions des appelants.

SUR CE,

A titre liminaire

L'intimée sera désignée sous le nom de Dubus, société qui a conclu les conventions de compte.

Il est rappelé à toutes fins utiles que la cour a souligné, dans son arrêt du 10 mars 2022, que la clôture de l'instruction était intervenue par ordonnance du 25 octobre 2021 et l'audience de plaidoirie fixée au 15 novembre 2021 à 14 heures, en collégiale et qu'en prononçant la clôture à la date prévue du 25 octobre 2021, la présidente de la chambre avait nécessairement entendu refuser la demande de report ; que le greffe en avait informé les avocats le 4 novembre 2021 ; que la décision par laquelle la présidente de la chambre avait prononcé la clôture de l'instruction relevait de son pouvoir propre et ne pouvait être remise en cause devant la formation collégiale de sorte que la cour n'a pas fait droit à la demande de report sollicitée devant elle.

Il convient de souligner que la cour avait sollicité les parties afin qu'elles concluent sur la recevabilité des conclusions n° 4 signifiées par les appelants et non qu'elles concluent au fond, l'ordonnance de clôture n'ayant pas, au surplus, été révoquée.

Ainsi, il ne saurait être tenu compte des demandes formées par la société Chubb et les appelants dans leurs conclusions signifiées respectivement les 19 et 27 avril 2022 à l'exception de celles tendant à voir déclarer, pour la société Chubb, ces conclusions irrecevables et pour les appelants, à les voir déclarer recevables.

La demande de la société Chubb tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions des appelants signifiées le 27 avril 2002 alors qu'au surplus, elle signifie un deuxième jeu de conclusions le même jour, est dès lors sans objet.

Sur la recevabilité des conclusions n° 4 des appelants notifiées le 22 octobre 2021

En application de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elle invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans la décision, les moyens et explications et documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la cour d'appel n'a pas considéré que les intimés avaient bénéficié d'un délai suffisant pour répondre aux conclusions des 'intimés' (sic) dès lors qu'elle n'a pas fait droit à la demande de rabat de l'ordonnance de clôture sollicitée par les intimés plus de deux jours après la signification des conclusions des appelants mais estimé que la décision de clôture de l'instruction de la présidente de la chambre relevait de son pouvoir propre et ne pouvait être remise en cause devant la formation collégiale de sorte que la cour n'a pas fait droit à la demande de report sollicitée devant elle.

Il y a lieu dès lors de rejeter les conclusions d'appel n° 4 signifiées tardivement par les appelants le 22 octobre 2021 et contenant un moyen nouveau alors que la clôture était prévue et a été prononcée le lundi 25 octobre 2021 et que les intimés étaient dans l'impossibilité d'y répondre.

Sera donc seule prise en considération l'assignation en intervention forcée délivrée par les appelants à l'encontre de la société Chubb European Group SE en date du 28 janvier 2021 signifié aux parties le 8 février 2021, valant conclusions récapitulatives aux termes desquelles, Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N], Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A], Madame [R] [A], Madame [ZW] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution demandent à la cour, au visa des articles 314-1 et suivants et 322-du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, L. 321-1, L.531-1, L.532-1, L. 532-2, L.533-10, L.533-11 et L.533-13 du code monétaire et financier, de l'instruction n°2005-09 du 1er décembre 2005, des articles 1147 et 1154 du code civil et 700 du code de procédure civile,

au conseiller de la mise en état de :

- désigner tel expert qu'il plaira, aux frais de la société intimée, avec pour mission de :

- identifier pour chaque client les sommes déposées et retirées ;

- identifier, pour chaque client, le montant des opérations réalisées au comptant depuis l'ouverture du compte jusqu'à l'arrêt de la gestion spéculative constatée sur ledit compte, soit à la date de rupture du mandat de gestion de la société CPLC (arrêtée selon les courriers de rupture des relations contractuelles adressés aux clients, ou à défaut, à la date du changement des codes d'accès au site Internet décidé par la SA Géormarket SA) ;

- identifier, pour chaque client, le montant des gains ou pertes corrélés à ces opérations au comptant ;

- identifier, pour chaque client, le montant des opérations à terme réalisées depuis l'ouverture du compte jusqu'à l'arrêt de la gestion spéculative constatée sur ledit compte ;

- identifier, pour chaque client, le montant des gains ou pertes corrélés à ces opérations à découvert.

à la cour d'appel de Douai de :

- constater que la société Géormarket SA n'a pas vérifié l'agrément de la société de gestion CPLC ;

- constater que la société Géormarket SA a permis une gestion illégale des comptes des concluants ;

- constater que la société Géormarket SA n'a pas respecté les règles de bonne conduite et les obligations qui s'imposent à tout prestataire de services d'investissement ;

- dire et juger que la société Géormarket SA a manqué à ses obligations légales et commis une faute à l'origine du préjudice subi par chacun des concluants ;

- débouter la société Géormarket SA de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter la société Chubb European Groupe SE de l'ensemble de ses demandes ;

en conséquence :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- condamner in solidum la société Chubb European Groupe SE et la société Géomarket à réparer l'entier préjudice subi par chacun d'eux ;

en ce qui concerne la condamnation de la société Géormarket SA :

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 567 192 euros de Monsieur [G] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 373 816 euros de Monsieur et Madame [N] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 1 597 29,15 euros de Monsieur et Madame [A] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 329 478 euros de Madame [M] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 93 064 euros de Monsieur [VL] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 218 171 euros de Madame [TX] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 190 670 euros de Monsieur [UY] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA de 584 070 euros de Monsieur [B] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA la créance de 1 396 319 euros de la société Groupe Limoise Distribution à titre de dommages et intérêts ;

- condamner in solidum la société Géormarket SA et la société Chubb European Group SE à payer aux concluants les intérêts sur ces sommes à compter de la réalisation de chacun des investissements effectués par les concluants ;

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'acte introductif d'instance ;

- condamner in solidum la société Geormarket SA et la société Chubb European Groupe SE à payer à chacun des concluants la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fixer cette créance des concluants au passif de la liquidation judiciaire de la société Géormarket SA ;

- condamner in solidum la société Geormarket SA et la société Chubb European Group SE, cette dernière en sa qualité d'assureur de la société Geomarket, SA au titre de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la société Geomarket ;

- condamner la société Geomarket SA aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Congos et Lemaire.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Geomarket venant aux droits de la société Dubus représentée par son mandataire liquidateur

Sur les fautes alléguées à l'encontre de la société Dubus

Les appelants reprochent à la société Dubus de :

- ne pas avoir vérifié l'agrément de la société CPLC,

- avoir accepté des ordres ne provenant pas directement des titulaires des contrats,

- avoir permis une gestion illégale des comptes des requérants,

- ne pas avoir respecté les règles de bonne conduite et les obligations qui s'imposent à tout prestataire de service d'investissement et d'avoir toléré la gestion illégale de la société CPLC.

Les appelants soutiennent, au visa de l'article L 332-2 du RGAMF que la société Dubus aurait accepté de retransmettre des ordres en provenance non pas des clients mais d'une société CPLC sans que cette dernière société ait rempli une attestation signée par le titulaire et le mandataire suivant un modèle défini par une instruction de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Ils soutiennent que la société Dubus avait une parfaite connaissance de la gestion pratiquée par la société CPLC sur les comptes titre dès lors que tous les intervenants ont été mis en relation par la même personne, Monsieur [C] ; qu'elle ne pouvait qu'être interpellée en sa qualité de professionnelle, en constatant via son système de surveillance « SPY » que les ordres d'achat et de vente étaient pour chacun des clients exactement les mêmes (même proportion, même moment, même action atypique), sans qu'ils puissent se concerter, faute de se connaître ne pouvait que s'étonner qu'aucun d'eux ne confirme leur propre accord sur les éléments de leur ordre alors que la convention de compte passée avec la société Dubus l'exige ; que son attention aurait dû être attirée par la rotation considérable des portefeuilles des concluants qui ont entraîné de frais très importants que la société Dubus n'a pas manqué d'encaisser.

Elle fait valoir que la société Dubus ne pouvait pas ignorer que la société CPLC gérait leurs comptes-titres alors que ses honoraires de gestion ont été prélevés directement sur le compte de certains des concluants ; que certains d'entre eux ont même demandé par courriers ou par mail à la société Dubus de régler le montant des commissions dues à la société CPLC et informant certains de ses clients qu'elle ne souhaitait plus effectuer de paiements directs depuis leur compte en faveur de CPLC pour le règlement des notes d'honoraires.

La société Geomarket et son liquidateur exposent que la gestion sous mandat qui s'oppose à la gestion directe d'un portefeuille auquel ont souscrit l'ensemble des appelants peut intervenir sous 3 formes :

- le client peut confier la gestion de son portefeuille à Dubus SA qui en sa qualité de prestataire de services d'investissement (PSI) dispose d'un agrément en matière de gestion de portefeuille,

- le client peut confier la gestion de son portefeuille à un tiers non-professionnel. Dans ce cas, il lui faut obligatoirement remplir les conditions posées à l'article L 332-6 précité. Il suffit en fait de suivre le formalisme indiqué dans le dossier client, - le client peut donner mandat à une société de gestion de portefeuille (ci-après « SGP ») qui n'est pas un PSI mais qui doit être agréé par l'AMF pour opérer à titre professionnel, la gestion sous mandat. Dans une telle hypothèse, le dépôt et la conservation se font au nom et pour le compte du client, mais la négociation est réalisée par l'intermédiaire du SGP, qui a accès à une plate-forme de gestion collective sans rapport avec ce qui a été mis à disposition des clients de Dubus.

Ils font valoir que CPLC qui dispose d'agrément en matière de gestion de portefeuille au Canada et en Amérique du Nord, n'aurait pas dû avoir accès à la plate-forme de négociation de Dubus, faute de disposer d'un agrément de SGP délivré en France par l'AMF.

Ceci étant exposé, les dossiers clients ont, en l'espèce, été remplis et signés au titre d'une gestion directe d'un portefeuille, à des dates distinctes allant du 11 juillet 2007 au 3 décembre 2007, sans qu'il soit fait mention de l'existence d'un mandat de gestion au profit de la société CPLC mais seulement d'un apporteur d'affaire la société Euroconseil et sans dénonciation ultérieure du mandat de gestion signé avec CPLC pour quatre d'entre eux postérieurement à la convention (M. [G], M. et Mme [N], Mme [M] et Mme [TX]), étant souligné que l'un d'entre eux (M. [VL]) n'a pas produit le mandat et alors que la convention fait clairement référence à la nécessité de déclarer l'existence d'un mandat de gestion de portefeuille aux termes d'une formule :

'Je donne mandat de gérer l'ensemble des actifs reposant sur le compte n° .....

J'atteste avoir donné mandat de gérer M. ...... par une convention en date du ........

(en cas de modification ou de fin du mandat, merci de nous faire parvenir en tant que de besoin une nouvelle attestation ou signification de fin de mandat'.

La société Dubus a transmis à ses 11 clients un login et un mot de passe leur permettant de procéder sur le site de bourse en ligne Dubus SA, à des opérations d'achat et de vente de titres financiers.

Les appelants ont indiqué que ce login et ce mot de passe avaient été transmis à CPLC mais aussi à Euroconseil qui les avaient utilisés pour passer des ordres en direct sur le site Dubus SA.

Ils reconnaissent le caractère occulte des mandants confiés à la société CPLC tout en reprochant à la société Dubus de les avoir tolérés.

Cependant, les appelants ne rapportent pas la preuve que la société Dubus ait eu connaissance de l'existence d'un mandat de gestion régularisé entre ses clients et la société CPLC, les mandats antérieurs à la signature de la convention avec la société Dubus ayant été manifestement conclus en dehors d'elle et ne figurant pas dans les conventions d'ouverture de comptes conclues entre eux et ceux conclus postérieurement, dans un temps très court après la signature de la convention, avec la société Dubus n'ayant fait l'objet d'aucune signification à cette dernière.

Au surplus, il convient de souligner que la connaissance par la société Dubus de l'existence de ce mandat de gestion l'aurait conduite à transmettre au seul mandataire le login et le mot de passe.

Le partage des logins et des mots de passe fait que les donneurs d'ordres pouvaient être soit les mandants (les appelants), la société CPLC ou même la société Euroconseil et qu'il était impossible dès lors pour la société Dubus d'identifier les donneurs d'ordre.

Les courriers échangés entre les appelants et leur CIF et leur SGP n'ont jamais été communiqués à Dubus SA.

La copie des ordres de virement donnés par courrier de Monsieur [H] [A] à Dubus au profit de CPLC portent, pour celui du 16 janvier 2008 sur la somme de 10 508,90 euros et pour celui du 17 février 2008 sur la somme de 11 561,75 euros. Or, d'une part, si le relevé de compte produit par les époux [A] établit la réalité du virement de 11 571,75 euros et d'un virement sur la Bred de 45 000 euros, aucun justificatif de virement concernant la somme de 10 508,90 euros n'est produit. D'autre part, ces virements ne comportent aucune information sur la cause de ceux-ci, le second ordre étant en outre, accolé à un ordre de virement pour 45 000 euros vers le compte personnel Bred des époux [A].

Le mail adressé par M. [G] le 11 février 2008 n'est pas une demande de virement adressée à Dubus mais un mail adressé à CPLC indiquant qu'il 'fait un fax cette semaine à Dubus pour procéder au règlement de vos factures'. Aucune demande n'est adressée en ce sens à Dubus SA.

Ainsi, l'unique virement en faveur de CPLC, justifié en cause d'appel, est insuffisant à démontrer que la société Dubus SA était informée de l'existence d'un mandat de gestion. Le courrier adressé par M. [K] de la société CPLC à M. [G] aux termes duquel il informe ce dernier que la société Dubus ne souhaite plus effectuer de paiements directs depuis son compte en faveur de CPLC pour le règlement de ses notes d'horaires ne saurait rapporter cette preuve, d'une part en l'absence de tout élément venant prouver cette allégation et d'autre part, en raison du fait que le refus de la société Dubus de tout autre virement n'illustre pas ipso facto la connaissance par cette dernière de l'existence d'un mandat de gestion.

Ainsi que le soulignent les intimés, on peut légitimement s'interroger sur la raison pour laquelle, les appelants ont réglé directement à CPLC pendant la première période d'exécution de leur contrat puis ,tout à coup, procédé à des demandes de virement au profit de CPLC.

Le fait que M. [C], gérant de la société Euroconseil apparaisse en qualité d'apporteur d'affaires dans les différentes conventions ne saurait établir la connaissance par la société Dubus de l'existence des mandats de gestion conclus avec la société CPLC, les appelants ne prouvant pas en outre, contrairement à ce qu'ils affirment dans leurs écritures, qu'ils n'auraient jamais signé les conventions avec la société Dubus sans l'intermédiaire de CPLC.

Les appelants soutiennent que la société Dubus ne saurait prétendre sans mauvaise foi que celle-ci ne pouvait qu'ignorer la gestion par CPLC des comptes de ses clients dans la mesure où les ordres d'achat et de vente étaient systématiquement les mêmes pour tous les clients alors que ceux-ci ne se connaissaient pas, attestant d'une gestion collective, avec recours à la technique de la vente à découvert, des ordres concernant des actions qui sont loin de faire partie des grandes capitalisations de la bourse de New-York ; qu'aucune demande de confirmation des ordres passés ne semble avoir été adressée par la société Dubus auprès de ses clients, de la rotation considérable des portefeuilles, des volumes démesurés pour un effet de levier au coefficient exorbitant, caractéristiques de l'intervention d'un professionnel de la finance ; par le système de surveillance 'Spy' et la transmission de nouveaux codes d'accès internet aux comptes par courriers des 27 et 28 octobre 2008, ce qui a provoqué la rupture du mandat de gestion par CPLC qui ne pouvait plus avoir accès aux comptes.

Or, ainsi que l'exposent les intimés, l'intervention d'un CIF ou même la présence d'un club d'investissement peut illustrer une stratégie d'investissement commune, ce qui est tout à fait différent d'un mandat de gestion occulte et que c'est en toute logique que le groupe a pu passer certains ordres identiques sans que la société Dubus n'ait pu l'identifier clairement et alors que la quasi totalité des ordres ont été fait au comptant concernant des entreprises cotées au NYSE et qu'à l'exception des OSRD utilisés marginalement, aucune opération complexe n'a été réalisée de type warants, future ou autre marchés ultra-spéculatifs et que l'accumulation des opérations d'achat et de vente au comptant entrait dans le cadre d'une administration de portefeuille active mais ordinaire.

Les appelants sont dès lors mal fondés à reprocher à Dubus qui ignorait l'existence des mandats conclus avec la société CPLC, d'avoir accepté d'exécuter les opérations sous mandat, ce qui suppose que tous les ordres auraient été passés par la seule société CPLC alors que cette société ne disposait d'aucun agrément en droit français et à prétendre qu'elle serait responsable des pertes consécutives aux ordres illégalement acceptés dont la responsabilité incomberait au mandataire. Ils ne sauraient non plus dès lors reprocher à la société Dubus de s'être abstenue de vérifier l'agrément de la société CPLC et de régulariser une attestation de gestion de portefeuille.

Ils sont également mal fondés à invoquer d'une absence d'information et de mise en garde et de conseil par la société Dubus pour des opérations qui ont été réalisées dans le cadre d'une gestion directe puisqu'ils soutiennent à titre principal que les ordres ont été passé par CIF ou la SGP à l'aide des login et mots de passe qu'il leur ont transmis.

. Sur le respect du droit français des conventions

Les appelants distinguent entre les conventions de comptes signées avant le 1er novembre 2007 et celles signées postérieurement à cette date qui marquent le point de départ d'application des textes qui ont transposé en droit français, la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers autrement appelés MIFID ou en France MIF et soutiennent que, pour les conventions ouvertes avant le 1er novembre 2008, Dubus SA avait l'obligation de procéder par avenant à l'aménagement des conventions pour tenir compte des modifications de texte, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte qu'elle aurait manqué une obligation d'information devenue obligatoire depuis la transposition de la MIF.

Or, ainsi que le soutient la société Dubus, il n'y a eu aucune mise à jour dès lors que les conventions étaient déjà à jour des obligations posées par la MIFID qui ont ensuite été transposées en droit français.

. Sur l'obligation de l'appréciation de l'expérience en matière d'investissement

Les appelants font valoir que le questionnaire d'évaluation qu'ils ont rempli ne permet pas d'évaluer leur niveau d'expérience et de connaissance requis pour apprécier les risques des instruments financiers proposés ; qu'aucune question n'est posée sur le type de services, transactions et instruments financiers qui sont familiers au client ni sur la nature, le volume et la fréquence des transactions réalisées par le client et ne permet pas de recueillir des informations élémentaires permettant une évaluation précise des réelles capacités du client à utiliser les outils financiers proposés ; qu'au regard de la complexité des opérations (gestion en day ou en swing trading, opérations à découvert) et de leurs risques particulièrement élevés de perte en capital, ce n'est pas une simple information que la société Dubus aurait dû leur fournir mais bien des conseils renforcés ; que dès lors qu'un investisseur a confié la gestion de son portefeuille titres à un professionnel, habilité à exécuter des ordres sur son compte, les modalités de gestion de ce compte, et en particulier les opérations réalisées ne peuvent par hypothèse permettre de caractériser le caractère averti de l'investisseur mandant qui a délégué à un tiers la gestion de ses avoirs.

La société Dubus souligne que les clients se sont déclarés comme disposant d'une expérience et de connaissances suffisantes pour pouvoir opérer sur les marchés à terme et qu'ils ont confié la gestion de leur compte à un mandataire professionnel et fait fonctionner leur compte dans des conditions indiquant qu'ils étaient parfaitement maîtres du mécanisme boursier ; qu'ils ont été informés par la société Dubus sur le risque inhérent à ce genre d'opérations ; qu'ils ont confié à un tiers professionnel la gestion de leurs comptes et le soin d'effectuer les ordres, via le login et le mot de passe pourtant personnels qui leur avaient été délivrés par la société Dubus ; que le questionnaire qu'elle a fait remplir à ses clients dans la convention de compte titre suffit à démontrer que ces derniers avaient les connaissances suffisantes pour passer seuls les ordres litigieux et qu'elle était fondée à se fier à ces éléments déclaratifs.

Ceci étant exposé, l'article L.533-13 du code monétaire et financier dispose que « Les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leur connaissance et de leur expérience en matière de service d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation. »

Cette obligation de s'enquérir de la situation et des objectifs du client, en particulier du client potentiel, est distincte de l'obligation plus générale d'information qui pèse également sur le prestataire de services d'investissement, ainsi que du devoir de conseil auquel il est astreint.

L'obligation d'évaluation est un préalable à ces deux autres obligations, puisque c'est à partir des données et informations recueillies auprès de son client que le prestataire de services d'investissements pourra lui proposer le service le mieux adapté à sa situation ainsi qu'aux buts poursuivis par ce dernier.

Il doit procéder à une analyse concrète et personnalisée de la situation, des compétences et des objectifs de ce dernier, afin d'être en mesure de connaître de la façon la plus précise possible le profil de son client et de lui fournir les produits et informations adéquats ainsi que des informations concernant leur situation financière.

Si un client ne fournit pas d'informations suffisantes sur sa situation, ou des informations manifestement erronées ou contradictoires, le professionnel doit, soit le relancer, soit refuser de lui prêter son concours, puisque dans une telle hypothèse, ne disposant pas des informations nécessaires pour connaître avec précision la situation de son client, il n'est pas en mesure de lui fournir un conseil adapté à celle-ci et de lui proposer le produit y correspondant le mieux.

Des dispositions spécifiques sont également prévues dans le règlement général de l'AMF en ce qui concerne l'évaluation de l'adéquation et du caractère approprié du service à fournir. Ainsi, le prestataire de services d'investissement doit interroger son client pour obtenir des informations lui permettant d'avoir une connaissance suffisante des faits essentiels le concernant. Ces informations doivent permettre au prestataire si la transaction qu'il entend recommander ou le service de gestion de portefeuille qu'il envisage de fournir répond à certains critères. » (AMF, règl art 314-44).

L'article L.533-12 du code monétaire et financier dispose que toutes les informations doivent présenter un « contenu exact, clair et non trompeur ».

Il précise que « les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'investissement proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leur décisions d'investissement en connaissance de cause ».

La société de conseil financier ne peut être dispensée de l'obligation d'information ou de mise en garde contre les risques inhérents aux opérations boursières du client que si celui-ci est un opérateur averti, la qualification d'opérateur averti ne dépendant pas des qualités supposées de l'intéressé mais de sa pratique du marché considéré.

Ceci étant exposé, il ressort de la lecture du questionnaire d'évaluation que celui-ci ne pose pas de questions précises relatives au type de services, de transactions et d'instruments familiers des clients ni au volume et à la fréquence des transactions réalisées par ceux-ci ni à leur maîtrise des opérations spéculatives envisagées. La société Dubus ne peut se contenter de faire état des connaissances suffisantes et des risques encourus dans ces opérations par les clients et qu'elle leur avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation permettant d'apprécier l'expérience des clients en matière d'investissements financiers alors qu'en sa qualité de prestataire de services d'investissement, elle avait l'obligation de s'enquérir de la réelle expérience de ses clients et de leurs objectifs et capacités à utiliser les outils financiers proposés.

La société Dubus a donc manqué son obligation de renseignement sur l'expérience de ses clients en matière d'investissements.

. Sur le devoir de conseil de mise en garde

Les appelants font valoir que le devoir de mise en garde de la société Dubus se justifiait tant en raison du caractère non averti de ses clients qu'en raison de la complexité des opérations qui leur étaient proposés.

Ils soutiennent que la société Dubus n'a pas respecté ses obligations dès lors qu'elle n'a pas alerté les clients de l'inadaptation des opérations réalisées au regard de leurs déclarations alors que le devoir de mise en garde impose au professionnel de déconseiller, voire de refuser une opération lorsqu'elle n'est pas conforme à l'intérêt du client et que cette obligation de refuser les opérations à découvert est également stipulée à l'article 6 de la convention de compte titre des concluants passée avec la société Dubus ce qu'elle n'a pas fait, ayant autorisé ses clients sans aucune expérience financière à effectuer des opérations de découvert.

Les appelants invoquent une accumulation d'achats et redwood, Trust Inc, Nordic American Tanker Shipping, Freddy Mac, Front line (représentées dans les relevés de compte par les anagrammes ACHCP/VTECP), une proportion bien plus significative que 5% d'achats et de ventes à terme, caractérisant des opérations à découvert, portant sur des actions Société Générale et Crédit Agricole (représentées dans les relevés de compte par les sigles LEVE et LIVRE) qui ont généré des pertes très substantielles, correspondant dans la majorité des cas à la totalité des moins-values constatées pour les clients, dans des conditions qui seront ultérieurement exposées.

Ils soutiennent que, compte tenu de la complexité des opérations à découvert et de la gestion en day ou swing trading (consistant à multiplier les transactions à très court terme afin de maximiser le rendement) et de leur caractère hautement spéculatif et des risques particulièrement élevés de perte en capital que les opérations litigieuses comportaient, la société Dubus étaient tenue de fournir aux concluants un conseil approprié et renforcé.

Ils invoquent également des opérations de bourse, notamment à terme sur le marché à règlement mensuel (qualifiées d'opérations SRD : services à règlement différé), dites à levier, dont les professionnels soulignent l'extrême complexité et le caractère purement spéculatif ; qu'une telle gestion n'a rien en commun avec une gestion « classique » que pourrait représenter un investissement en actions en attendant que les cours augmentent ou en attendant chaque année dividendes et qu'elle ne peut être qualifiée « d'ordinaire » car incompatible avec l'objectif de constitution d'un portefeuille classique exprimé par les clients. Ils ajoutent qu'ils n'avaient aucune connaissance, ni expérience en matière de produits financiers, et encore moins en matière de ventes à découvert, ce que la société Dubus n'aurait pas dû ignorer si elle avait effectué les vérifications nécessaires ; que les marchés boursiers connaissaient une période de forte spéculation, suite au krach boursier lié à la crise des « subprimes », que la société Dubus avait un intérêt personnel à la réalisation de ces opérations puisqu'elle percevait indépendamment de leur rentabilité un montant important de frais de gestion.

Ils reprochent à la société Dubus de n'avoir pas stipulé que la société de gestion devait avoir un agrément délivré par l'AMF et les conditions d'obtention telles que décrites précédemment (nécessité d'avoir son siège social en France par exemple) et ont ainsi perdu la possibilité de s'interroger sur l'agrément de CPLC, interrogation qui n'aurait pas manqué de provoquer un changement de gestionnaire.

Ils demandent à la cour de constater qu'en faisant souscrire une convention de compte titres autorisant les opérations de vente à découvert non conforme aux objectifs des clients visant à la constitution d'un portefeuille classique ou d'un complément de retraite, la société Dubus a commis des fautes engageant sa responsabilité et directement à l'origine de leur déconfiture financière. Ils ajoutent que la SA Dubus a laissé les concluants intervenir seuls, avec la facilité que représentent les ordres passés par le biais du réseau internet, dans des opérations à règlement différé entraînant une prise de risque mal évaluée par eux au regard de leurs capacités financières.

La société Dubus soutient que les appelants invoquent des ordres complexes passés en cours d'exécution des conventions mais n'évoquent aucune opération concrètement réalisée pour leur compte et soutient qu'il s'agissait d'opérations simples et précises ; que la plupart des ordres ont été passés au comptant et qu'aucun des quelques ordres à règlement différé passés n'a été exposé à une insuffisance de couverture.

Elle affirme que les pertes 'alléguées' par les concluants portent sur des opérations simples, '95 %' des pièces versées aux débats concernant des opérations au comptant portant sur des actions.

Ceci état exposé, tout prestataire de services d'investissement est débiteur d'une obligation de conseil à l'égard de son client.

Le prestataire de service d'investissement doit notamment « examiner la situation de son client avec une attention particulière, le prévenir du caractère douteux des valeurs que celui-ci le charge d'acheter. Lorsque celui-ci s'engage de manière excessive, il doit insister sur la portée de cet engagement, voire le dissuader de souscrire un tel engagement. Le prestataire de services d'investissement est également tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de son client s'agissant de la souscription de valeurs spéculatives.

Le prestataire de service d'investissement est par ailleurs tenu de s'interdire la conclusion de conventions de compte-titres ne correspondant pas à la situation et aux objectifs des clients.

Le devoir de mise en garde tel que consacré par la jurisprudence suppose d'une part, une analyse de la situation du client et d'autre part, une vérification de l'opportunité de l'opération en fonction des intérêts du client, ce qui impose de s'assurer que les supports offerts soient appropriés à leurs objectifs et situation financière.

Ceci étant exposé, les appelants qui ont confié à un tiers professionnel, la société CPLC, la gestion de leurs comptes et le soin d'effectuer des ordres via le login et le mot de passe pourtant personnels qui leur avaient été délivrés par la société Dubus, ne sauraient reprocher de les avoir laissé intervenir seuls alors qu'au regard de leurs écritures, il apparaît que les ordres passés l'ont été par la société CPLC ou de M. [C].

Ils ne sauraient non plus reprocher à la société Dubus SA de ne pas avoir refuser les opérations à règlement différé dès lors qu'elle n'a pas été confrontée à une insuffisance de provision ni encore de ne pas les avoir alertés sur le défaut d'agrément de la société CPLC dont l'existence n'était pas connue de la société Dubus.

Sur les préjudices subis par les concluants

Les appelants soutiennent que le préjudice découlant d'un manquement aux obligations d'information et de renseignement, doit être réparé en prenant en compte la perte totale des investissements. Ils sollicitent la condamnation de la société Dubus à réparer la totalité du préjudice qu'ils ont éprouvé par chacun des appelants résultant des fautes commises d'une part à l'occasion des placements litigieux qui n'auraient jamais du être opérés dans le cadre de la convention de compte titres signée par chacun d'entre eux, d'autre part des fautes professionnelles reposant notamment sur les obligations d'information et de conseil, de renseignement, de mise en garde pesant sur tout prestataire de services d'investissement, à hauteur de la différence calculée entre la somme investie par chacun d'entre eux et la situation de leurs contrats au moment de la rupture du mandat de gestion de CPLC et en conséquence de l'arrêt des opérations hautement spéculatives effectuées sur leurs compte-titres.

La société Dubus font valoir que les appelants soutiennent sans véritablement le démontrer une symétrie des ordres passé sur l'ensemble des comptes ce qui supposerait que la totalité des opérations soient versée aux débats au titre des pièces communiquées, ce travail étant loin d'avoir été réalisé ; que la méthode algébrique ne repose sur aucun raisonnement, que le préjudice invoqué est consécutif à un défaut de mise en garde du client alors que ce n'est pas lui qui a passé l'ordre, le lien de causalité entre la faute et le préjudice faisant défaut ; qu'il faudrait procéder à une distinction entre les opérations au comptant et celles à terme ; que cette méthode conduit à assimiler les retraits du compte à des pertes constatées sur le compte ; que les pertes ne tiennent pas compte des cours de bourse pendant la période litigieuse , précisant que même un bon père de famille aurait perdu de l'argent en investissant en bourse au cours d'une telle période ; que les préjudices invoqués ne peuvent s'analyser que comme une perte de chance de mieux investir ses capitaux qu'il appartient au client de déterminer.

Ceci étant exposé, la violation par la société Dubus de son obligation de conseil a entraîné une perte de chance de ne pas conclure de convention avec la société Dubus qui sera, compte tenu de l'existence d'un mandat de gestion conclu avec la société CPLC, évaluée à 10 % de la perte subie.

Les appelants ont régulièrement déclaré leurs créances.

L'inscription au passif de la procédure collective de la société Géormarket anciennement Dubus sera ordonnée à hauteur des sommes suivantes :

- 567 192 euros x 10 % = 56 719, 20 euros, au profit de Monsieur [G] à titre de dommages et intérêts ;

- 373 816 euros x 10 % = 37 381, 60 euros, au profit de Monsieur et Madame [N] à titre de dommages et intérêts ;

- 1 597 929,15 euros x 10 % = 319 585,83 euros, au profit de Monsieur et Madame [A] à titre de dommages et intérêts ;

- 329 478 euros x 10 % = 32 947,80 euros au profit de Madame [M] à titre de dommages et intérêts ;

- 93 064 euros x 10 % = 9 306,40 euros, au profit de Monsieur [VL] à titre de dommages et intérêts ;

- 218 171 euros x 10 % = 21 817,10 euros, au profit de Madame [TX] à titre de dommages et intérêts ;

- 190 670 euros x 10 % = 19 067 euros, au profit de Monsieur [UY] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- 584 070 euros x 10 % = 58 407 euros, au profit de Monsieur [B] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- 1 396 319 euros x 10 % = 139 613,90 euros, au profit de la société Groupe Limoise Distribution à titre de dommages et intérêts.

Il ne saurait y avoir lieu à intérêts et capitalisation de ceux-ci à compter de l'acte introductif d'instance, les créances étant fixées au jour de l'arrêt.

Sur la recevabilité des demandes en paiement formées à l'encontre de la société Chubb

La société Chubb soutient que les demandes formées à son encontre par les appelants sont irrecevables en application des articles 544 et 545 du code de procédure civile et que l'action est prescrite.

En application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. Celles-ci peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation quand l'évolution du litige implique leur mise en cause qui ne peut être caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige.

En l'espèce, les appelants ont diligenté la présente procédure à l'encontre de la société Dubus devenue Geomarket en mai 2009 donnant lieu à un jugement de première instance du 28 juin 2012. La cour d'appel a rendu son arrêt le 21 avril 2016 et la Cour de cassation son arrêt le 28 novembre 2018.

Ce n'est que par exploit d'huissier du 28 janvier 2021 qu'ils ont attrait à la procédure la société Chubb, venue aux droits de la société Ace Europe, assureur originel de la société Dubus en 2015, aux fins de garantie des créances sollicitées en faisant valoir l'apparition d'éléments nouveaux au cours de l'instance et soutenant qu'ils sont bien fondés à rechercher la responsabilité de la société Chubb.

Les contrats conclus en 2007 par les appelants avec la société Dubus contiennent une clause aux termes de laquelle la société Dubus dispose d'une garantie responsabilité civile professionnelle de 20 000 000 euros auprès de la compagnie d'assurance Ace Europe. La société Ace Europe n'a cependant pas été mise en cause en première instance alors que les requérants ne pouvaient pas ignorer l'existence de l'assureur. Il ressort du courrier adressé par le conseil des appelants à la société Chubb le 6 mai 2019 qu'il s'adressait à cette dernière en sa qualité d'assureur responsabilité civile de Géomarket, ex-société Dubus attestant également que les appelants n'ignoraient pas le changement de dénomination de l'assureur. Les appelants ne justifient donc pas de la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

Les demandes en paiement formées par les appelants à l'encontre de la société Chubb sont dès lors irrecevables.

A titre surabondant, si le délai de prescription biennale ne s'applique qu'aux relations assureur - assuré, la prescription de l'action directe contre l'assureur responsabilité du tiers responsable se prescrit dans le même délai que celui applicable contre le responsable du dommage, soit en l'espèce cinq ans en application de l'article 2224 du code civil, de sorte que l'action à l'encontre de la société Chubb est prescrite.

***

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Les créances des appelants au titre des indemnités pour frais irrépétibles, ayant fait l'objet d'une déclaration, seront fixées au passif de la procédure collective, seront fixées à la somme de 1 000 euros pour chacun d'eux.

Les appelants seront condamnés in solidum à payer à la société Chubb une indemnité de procédure de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Vu l'arrêt rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation le 28 novembre 2018,

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 10 mars 2022,

Statuant dans les limites de la saisine,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Geomarket les créances suivantes :

- 567 192 euros x 10 % = 56 719, 20 euros, au profit de Monsieur [VZ] [G] à titre de dommages et intérêts ;

- 373 816 euros x 10 % = 37 381, 60 euros, au profit de Monsieur [J] [N] et Madame [UK] [N] à titre de dommages et intérêts ;

- 1 597 929,15 euros x 10 % = 319 585,83 euros, au profit de Monsieur [H] [A] et Madame [R] [A] à titre de dommages et intérêts ;

- 329 478 euros x 10 % = 32 947,80 euros au profit de Madame [CB] [M] à titre de dommages et intérêts ;

- 93 064 euros x 10 % = 9 306,40 euros, au profit de Monsieur [P] [VL] à titre de dommages et intérêts ;

- 218 171 euros x 10 % = 21 817,10 euros, au profit de Madame [KT] [TX] à titre de dommages et intérêts ;

- 190 670 euros x 10 % = 19 067 euros, au profit de Monsieur [UY] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- 584 070 euros x 10 % = 58 407 euros, au profit de de Monsieur [B] [EU] à titre de dommages et intérêts ;

- 1 396 319 euros x 10 % = 139 613,90 euros, au profit de la société Groupe Limoise Distribution à titre de dommages et intérêts.

Dit n'y avoir lieu à intérêts et à capitalisation de ceux-ci ;

Déclare irrecevables les demandes en paiement de Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N] et Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A] et Madame [R] [A], Madame [CB] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution formées à l'encontre de la société Chubb European Group SE ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Geomarket ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Geomarket les créances au titre de l'article 700 du code de procédure civile suivantes :

- 1 000 euros au profit de Monsieur [VZ] [G] ;

- 1 000 euros au profit de Monsieur [J] [N] et Madame [UK] [N] ;

- 1 000 euros au profit de Monsieur [H] [A] et Madame [R] [A] ;

- 1 000 euros au profit de Madame [CB] [M] ;

- 1 000 euros, au profit de Monsieur [P] [VL] ;

- 1 000 euros, au profit de Madame [KT] [TX] ;

- 1 000 euros, au profit de Monsieur [UY] [EU] ;

- 1 000 euros, au profit de Monsieur [B] [EU] ;

- 1 000 euros, au profit de la société Groupe Limoise Distribution.

Condamne in solidum Monsieur [VZ] [G], Monsieur [J] [N] et Madame [UK] [N], Monsieur [H] [A] et Madame [R] [A], Madame [CB] [M], Monsieur [P] [VL], Madame [KT] [TX], Monsieur [UY] [EU], Monsieur [B] [EU] et la société Groupe Limoise Distribution à payer à la société Chubb Europen Group SE la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/00670
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.00670 ?
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