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07/07/2022 | FRANCE | N°19/02233

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 juillet 2022, 19/02233


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/07/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 19/02233 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJMA



Jugement (N° 17/040108)

rendu le 05 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Béthune







APPELANTES



Madame [I] [W]

née le 23 juin 1960 à [Localité 18]

et

Madame [K] [J]

née le 27 juillet 1964 à Tbili

ssi (Georgie)

demeurant ensemble [Adresse 9]

[Localité 11]



représentée par Me Hortense Fontaine, avocat au barreau de Béthune





INTIMÉS



Monsieur [B] [E]

né le 12 novembre 1945 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 16]

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/07/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/02233 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJMA

Jugement (N° 17/040108)

rendu le 05 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Béthune

APPELANTES

Madame [I] [W]

née le 23 juin 1960 à [Localité 18]

et

Madame [K] [J]

née le 27 juillet 1964 à Tbilissi (Georgie)

demeurant ensemble [Adresse 9]

[Localité 11]

représentée par Me Hortense Fontaine, avocat au barreau de Béthune

INTIMÉS

Monsieur [B] [E]

né le 12 novembre 1945 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 16]

[Localité 14]

Madame [O] [E] épouse [M]

née le 21 février 1948 à [Localité 17]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 14]

Madame [V] [E]

née le 20 avril 1950 à Molinghem (62330)

demeurant [Adresse 15]

[Localité 13]

bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 591780022019006849 du 09/07/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai

représentés par Me Hervé Leclercq, membre de la SCP DCL Avocats, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

Maître [D] [Y], Notaire

demeurant [Adresse 7]

[Localité 12]

représenté par Me Lynda Peirenboom, membre de la SELARL Herbaux - Peirenboom - Debert, avocat au barreau de Béthune

DÉBATS à l'audience publique du 28 avril 2022 tenue par Christine Simon-Rossenthal magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 juillet 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 avril 2022

****

Rappel des faits et de la procédure

Le 12 février 2016, Mesdames [I] [W] et [K] [J] ont, par acte authentique dressé par Madame [D] [Y], notaire à [Localité 12], acquis un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 2], propriété indivise de Monsieur [B] [E], Madame [O] [E], épouse [M], et de Madame [V] [E] au prix de 74 000 euros.

Dès le mois d'avril suivant, les acquéreurs relevaient des traces de moisissures sur les murs et le plancher de l'habitation. Le 3 avril 2017, à l'occasion de travaux de réfection du plancher du salon du rez-de-chaussée, il était révélé la présence d'un champignon dont l'étendue obligeait d'interrompre les travaux. Une expertise amiable relevait la présence d'un champignon identifié comme la mérule et fixait à la somme de 6 336 euros le montant du traitement de ce parasite.

Les démarches en faveur d'une solution amiable auprès des vendeurs n'ont pas prospéré.

Suivant acte en date du 23 octobre 2017, Mesdames [I] [W] et [K] [J] ont assigné Monsieur [B] [E], Madame [O] [E] et Madame [V] [E].

Par jugement en date du 5 mars 2019, le tribunal de grande instance de Béthune a déclaré irrecevables Mesdames [W] et [J] en la totalité de leurs demandes et débouté Monsieur [E], Madame [O] [E], Madame [V] [E] et Madame [D] [Y] de leur demande indemnitaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a estimé qu'il ressortait de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955 que le défaut de publication d'une action judiciaire dont l'objet était l'annulation d'une vente immobilière soumise à publication au service de publicité foncière, constituait une fin de non-recevoir, laquelle pouvait être soulevée par toute partie au procès et qu'en l'espèce, il n'était pas établi par les éléments de la procédure, ni même allégué par Mesdames [W] et [J] qu'elles aient fait notifier leur assignation aux fins de résolution de la vente.

Madame [W] et Madame [J] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 17 décembre 2019, le conseiller de la mise en état de la première chambre de la cour d'appel de Douai a ordonné une expertise aux fins notamment de décrire les désordres allégués, d'en déterminer l'origine, dire s'ils résultent d'un vice caché, dire s'ils sont de nature à rendre l'immeuble impropre à l'usage auquel il est destiné ou s'il en diminue l'usage, s'ils sont de nature à compromettre la solidité de l'immeuble ou son habitabilité et désigné à cet effet Monsieur [S] [A].

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 mars 2022, Madame [W] et Madame [J] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déclarées irrecevables en la totalité de leurs demandes, dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire du présent jugement  et en ce qu'il les a condamnées aux entiers dépens de l'instance.

Elles demandent à la cour de :

- dire recevable l'action diligentée par Mesdames [W] et [J] recevable compte tenu de la publication de l'assignation au service des hypothèques ;

- prononcer la résolution de la vente intervenue le 12 février 2016 par acte de Maître [D] [Y] entre Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Mesdames [W] [I] et [J] [K] portant sur l'immeuble situé [Adresse 2] cadastré Préf [Cadastre 10] Section AL n°[Cadastre 3] ;

- en conséquence condamner solidairement Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K] la somme de 84 783,05 euros ;

- condamner solidairement Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K] la somme de 2 377,58 euros au titre des frais de travaux engagés ;

- condamner solidairement Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K] la somme de 500 euros par mois au titre du préjudice de jouissance depuis le 12 février 2016 jusqu'à restitution des clés ;

- débouter Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier et des frais d'expertise judiciaire.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 avril 2021, Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] et Madame [V] [E] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Madame [W] et Madame [J] pour défaut de justification de publication de leur assignation.

Ils demandent à la cour, en tout état de cause, de :

- débouter Madame [W] et Madame [J] de l'intégralité de leurs demandes non fondées ;

- dire qu'en tout état de cause, la clause de non garantie des vices cachés a vocation à s'appliquer ;

- rejeter les demandes.

- reconventionnellement, condamner Madame [W] et Madame [J] solidairement au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 avril 2021, Madame [Y] demande à la cour de :

à titre liminaire,

- constater qu'à l'époque du jugement, l'assignation n'était pas publiée de sorte que l'irrecevabilité retenue par le tribunal était fondée ;

- statuer ce que de droit, compte tenu de la publication de l'assignation en cours d'appel.

à titre principal,

- juger que Maître [D] [Y] n'a commis aucune faute professionnelle lors de la vente de l'immeuble appartenant aux consorts [E] au profit de Madame [I] [W] et Madame [K] [J] en lien avec un quelconque préjudice ;

- débouter Madame [I] [W] et Madame [K] [J] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner solidairement Madame [I] [W] et Madame [K] [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente instance ;

à titre subsidiaire,

- débouter Madame [I] [W] et Madame [K] [J] de leur demande de remboursement du prix de vente à l'encontre de Maître [D] [Y];

- ramener à de biens plus justes proportions le préjudice de jouissance, surtout en ce qui concerne le passage ;

- débouter Madame [I] [W] et Madame [K] [J] de leur demande au titre des frais d'expertise judiciaire dans l'hypothèse où seule la problématique du passage serait retenue ;

- statuer ce que de droit sur les frais et dépens.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action

L'article 126 du code de procédure civile dispose que 'dans le cas où la situation donnant lieu à un fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.'

Le défaut de publication d'une demande tendant à la résolution d'une vente immobilière constitue une fin de non-recevoir pouvant être régularisée avant que le juge statue, l'article 126 du code de procédure civile ne faisant aucune distinction entre la procédure de première instance et celle d'appel.

Mmes [W] et [J] justifient à hauteur d'appel de la publication de l'assignation le 8 août 2019 auprès du service des hypothèques de Béthune. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il les a déclarées irrecevables en leur action.

Sur la demande de résolution de la vente

. Sur la mérule

Les appelantes invoquent la garantie des vices cachés et exposent que le rapport d'expertise relève la présence de mérule au sein de l'habitation ; que la structure du plancher est attaquée et fragilisée et que sa stabilité est compromise et rend l'immeuble impropre à sa destination ; que le vice n'était pas détectable par un acquéreur non professionnel ; qu'elles ignoraient ce vice.

Elle invoquent, à titre subsidiaire, un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance conforme.

Ceci étant exposé, aux termes des dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice :

- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,

- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,

- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,

- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu ' des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' conformément à l'article 1642 du code civil.

Il appartient à Mmes [W] et [J] de rapporter la preuve d'un vice caché affectant l'immeuble et des différents caractères de ce vice.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'expert a constaté dans les deux pièces donnant sur la rue de nombreuses dégradations du parquet causées par la présence de mérule dont les causes sont des infiltrations entre le trottoir et le mur de façade devenu partiellement enterré lors du rehaussement du trottoir, l'eau imbibant ce mur contre lequel sont posées les lames de parquet, des infiltrations immédiates par les châssis de menuiserie par défaut d'étanchéité : joints entre bâtis et maçonnerie, absence de rejingots, bouchement des trous d'évacuation ; les taux d'humidité des bois constituant les planchers indiquant une quasi saturation de ceux-ci.

L'expert ajoute que la mérule se développe sous des conditions spécifiques, à savoir, un taux d'humidité du bois à partir de 22 % jusqu'à 40 %, une température comprise entre 20° et 26°, une atmosphère confinée et l'obscurité.

Il note que les entreprises spécialisées n'ont pas pu ne pas avoir remarqué la présence de ces désordres avant d'entreprendre les travaux et qu'à fortiori, un acquéreur non professionnel ou vendeur ont pu ne pas les avoir décelés.

Il indique que le traitement ne peut être appliqué avec sécurité que si les travaux de mise hors d'eau des bâtiments sont effectués et la source d'infiltration supprimée. Les appelantes versent aux débats un devis établi par la société Valmi pour un montant 470 euros pour le traitement du mérule et de 60 489,51 euros pour les travaux réparatoires.

Il indique que la structure du plancher étant attaquée et fragilisée, sa stabilité est compromise rendant l'immeuble impropre à l'usage auquel il est destiné.

Il ressort en outre du rapport de l'expert de la Macif, assureur de Mme [W] et de Mme [J], établi suite à des constatations établies contradictoirement, que les volumes d'eau minimum nécessaire à la croissance du mérule générant les dommages constatés établissent que le fait générateur a pris naissance avant la vente.

Ainsi, la présence de mérule affectant la structure du plancher et sa stabilité que ne pouvait déceler les acheteuses, le sol étant recouvert de moquette, constitue un vice caché existant antérieurement à la vente, rendant l'immeuble impropre à l'usage d'habitation auquel il est destiné qui justifie la résolution de la vente.

. Sur le droit de passage

Les appelantes font valoir que, pour accéder à leur garage, elles devaient emprunter une servitude de passage appartenant à Monsieur [U] tel qu'il ressort de l'acte authentique en date du 3 juillet 2015 et que cet élément déterminant n'a pas été porté à leur connaissance et que, selon l'expert, le garage est devenu impropre à sa destination faute d'accès au terrain. Elles font valoir que la consultation du cadastre permet d'identifier cette servitude de passage qui existe et que même si une tolérance s'est appliquée jusqu'alors, elle ne saurait prévaloir sur une servitude inscrite de manière officielle.

Les consorts [E] avancent que les acheteuses étaient parfaitement informées de la situation et qu'en outre, le simple examen des lieux permet de montrer que l'accès au garage par l'arrière de l'immeuble se fait par un chemin qui ne fait pas partie de la maison proprement dite. Ils font valoir qu'elles sont titulaires d'une assiette de passage incontestable acquise par prescription ayant été utilisé depuis plus de 50 années sans discontinuer qu'il ne s'agit pas d'un chemin d'exploitation.

Ils ajoutent qu'aucune contestation n'a été faite par le propriétaire du terrain, Monsieur [U] et qu'il apparaît que la tolérance qui date de plus de 50 années est maintenue et qu'il n'existe donc aucun préjudice pour Mesdames [W] et [J] permettant d'asseoir une demande d'annulation de vente et que si la tolérance cessait, celles-ci justifieraient de la possibilité de défendre et de revendiquer un droit de passage constitué à leur profit sans difficulté.

Ceci étant exposé, il résulte du rapport d'expertise que Mmes [W] et [J] sont obligés de passer par la parcelle cadastrée AK [Cadastre 8] apprenant à Monsieur [P] [U] pour pouvoir accéder à leur garage. Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par les parties.

Il n'est pas non plus contesté que l'acte de vente ne comporte aucune mention relative à un droit de passage

La création ou l'existence d'une servitude au profit d'un fond dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant, peu importe qu'il n'en soit pas fait mention dans le titre de propriété du fonds dominant.

Il résulte de l'extrait cadastral annexé à l'acte authentique de vente qu'entre la maison d'habitation vendue à Mmes [W]-[J] située sur la parcelle référencée AL [Cadastre 3] et le garage dont on peut supposer qu'il s'agit de la parcelle [Cadastre 5] (aucune référence cadastrale s'agissant du garage dont l'existence est mentionnée dans l'acte de vente, n'étant indiquée), se situe la parcelle [Cadastre 4]. Les intimés relèvent d'ailleurs qu'il existe un garage entre la maison d'habitation et le garage des appelantes.

Or, il résulte de l'acte de vente authentique conclu le 3 juillet 2015 entre les époux [R]-[Z] et M. [P] [U], produit pas les appelantes en pièce n° 17, concernant la parcelle AK [Cadastre 8] dont la nature est 'terrain à usage de passage' que le fonds souffre d'une servitude de passage au seul profit de la parcelle cadastré AK [Cadastre 4] appartenant à Monsieur et Madame [C], la servitude étant réelle et perpétuelle dont l'assiette porte sur la totalité de la parcelle AK [Cadastre 8] et bénéficiant à Monsieur et Madame [C] ainsi qu'à tous les propriétaires du fonds enclavé pour se rendre à celui-ci et en revenir avec tout véhicule ou autre.

Ainsi, aucune servitude de passage n'existe au profit de la parcelle AL[Cadastre 3] des consorts [W]-[J].

Les intimés sont mal fondés à invoquer la prescription acquisitive de l'assiette de la servitude dès lors qu'il n'existe pas de servitude au profit du fonds des appelantes et qu'en tout état de cause, en application de l'article 691 du code civil, les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes ne peuvent s'établir que par titres, seuls l'assiette et le mode de passage pouvant faire l'objet d'une acquisition par la possession trentenaire.

Ainsi, faute d'indication dans l'acte de vente de la référence cadastrale du garage et de son caractère d'enclave et de toute mention relative à la tolérance alléguée du propriétaire de la parcelle AK[Cadastre 6], les intimés ne démontrent pas que les appelantes aient été parfaitement informées de la situation d'enclave de leur parcelle faisant usage de garage, étant précisé au surplus que ni les photos ni les attestations produites par les intimés établies par Messieurs [B] [E], [L] [G] et [N] [H] aux termes desquels ces derniers affirment avoir vu le véhicule des appelantes garé devant la maison, dans la [Adresse 2] ou sur le parking de l'Eglise ou près de leur domicile et non dans le garage, ne rapportent pas la preuve de la tolérance de passage de M. [U].

Cet état d'enclave que les vendeurs connaissaient parfaitement constitue donc un vice caché rendant le garage impropre à l'usage auquel il est destiné, à savoir abriter un véhicule, qui justifie la résolution de la vente.

En conséquence, les appelantes sont bien fondées à solliciter la résolution de la vente intervenue le 12 février 2016 portant sur l'immeuble situé [Adresse 2] cadastré Préf [Cadastre 10] section AL n°[Cadastre 3] et la condamnation solidaire à leur restituer le prix de vente de 74 000 euros outre les frais notariés et droits d'enregistrement, selon décompte notarié du 22 août 2012, soit la somme de totale de 84 783,05 euros.

Sur les demandes de dommages et intérêts

En application de l'article 1645 du code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose, reste tenu, outre de la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le contrat de vente de l'immeuble dispose en son article intitulé 'Etat du bien', page 8, une clause d'exclusion de garantie des vices cachés rédigée comme suit :

'L'acquéreur prend le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance, tel qu'il l'a vu et visité, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment pour mauvais état de la ou des constructions pouvant exister, du sol ou du sous-sol, vices même cachés, erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance cadastrale, toute différence excédât-elle un vingtième devant faire son profit ou sa perte.'.

Les appelantes soutiennent que les vendeurs connaissaient ce vice en ce qu'ils chauffaient leur maison à 26-27 degrés afin de stopper la croissance du mérule, qu'il ont recouvert les planchers de moquettes et de lino servant d'incubateur. Elles invoquent le peu de ventilation de l'habitation avec obstruction des systèmes de ventilation au sous- sol, la présence de boudins à chaque ouverture et la présence d'infiltrations d'eau dans les murs de la façade. Elles soutiennent que dès lors, l'habitation est impropre à sa destination puisque le plancher est détérioré au rez-de-chaussée, comprenant deux chambres et le salon, pièces de vie importantes.

Les intimés font valoir qu'il s'agissait de la vente d'un immeuble de leur mère y ayant vécu de façon constante pendant 50 ans. Ils réfutent la volonté de cacher tout vice en ce que les revêtements au sol étaient posés depuis de nombreuses années et en ce que l'immeuble n'avait subi aucun gros travaux depuis 10 ans ; qu'aucun arrêté n'a été pris par la commune d'Isbergues concernant la présence du mérule et que la découverte du champignon est un fait malencontreux et qu'en qualité de vendeurs non professionnels, il ne sont pas garants puisque la clause de non garantie a vocation à s'appliquer.

Maître [Y] avance que le prix de vente de l'immeuble n'est pas un préjudice indemnisable, n'étant que la contrepartie du retour de l'immeuble dans le patrimoine du vendeur. Elle ajoute qu'il ne saurait être fait droit à la demande du préjudice de jouissance à compter de l'acquisition puisque les appelantes n'avaient pas l'intention d'y vivre immédiatement, y entreprenant des travaux.

Ceci étant exposé, le rapport de l'expert de la Macif versé aux débats par les appelantes, mentionne que le limon d'escalier présente une altération résultant de l'attaque par le mérule et que le contre-limon sous l'escalier ne présente aucun caractère décoratif et vise à conforter le limon de l'escalier en vue de contrecarrer une perte de capacité portante ; que le local débarras derrière la cuisine présente différentes traces d'humidité et des décollements de peinture ; que les sociétaires ont évoqué le fait que le logement était chauffé à une température de 28° sans être contredites, leurs contradicteurs invoquent qu'un tel usage était dans le droit des vendeurs.

A hauteur d'appel, les intimés ne contestent pas ce fait tout comme ils ne contestent pas la présence d'un déshumidificateur et du bouchage des aérations, indiquant que le déshumidificateur était nécessaire compte tenu du fait que la maison n'était pas occupée. L'expert de la Macif souligne que, selon l'Agence Qualité Construction, le champignon stoppe sa croissance lorsque la température dépasse 26 °, cette donnée étant d'ailleurs confirmée par l'expert judiciaire qui indique que la mérule se développe avec une température comprise entre 20° et 26°.

Le constat d'huissier établi le 5 avril 2017 à la requête des appelantes mentionne le mauvais état des boiseries se trouvant sous l'escalier.

Si l'expert judiciaire indique que le vendeur a pu ne pas avoir décelé la présence de mérule, force est de constater que la présence de mérule sur le limon de l'escalier, le chauffage de la maison à une température de 28° et le bouchage des aérations de nature à stopper l'évolution de la mérule, établissent que les vendeurs ne pouvaient pas ignorer la présence de mérule dans l'habitation.

La clause contractuelle d'exclusion de garantie des vices cachés sera dès lors écartée.

Les appelantes sollicitent au titre des frais engagés pour le début des travaux la somme de 2 377,58 euros.

Elles sont bien fondées à solliciter la condamnation solidaire des vendeurs à les indemniser à hauteur de la somme de 303,09 euros au titre des frais d'établissement du constat d'huissier. A défaut de rapporter la preuve du lien de causalité entre les vices cachés invoqués et les tickets de caisse produits relatifs à l'achat d'outillage, les appelantes seront déboutées du surplus de leur demande.

S'agissant du préjudice de jouissance invoqué, il convient de souligner que l'état de pourrissement des planchers dans deux pièces rendait inhabitable la maison qui en comporte trois et que les appelantes ont nécessairement subi un préjudice de jouissance même s'il n'est pas contesté qu'elles s'y sont rendues plusieurs fins de semaine comme l'indiquent les attestations produites par les intimés. Il n'est pas contesté non plus qu'il s'agissait d'une résidence secondaire. Les appelantes ne justifient pas que Mme [J] avait l'intention d'installer son activité d'art thérapeute et d'en faire sa résidence principale.

Aussi convient-il de fixer le préjudice de jouissance à hauteur de 200 euros par mois, à compter de la découverte du vice, soit le 3 avril 2017 jusqu'à ce jour, à la somme de 12 400 euros à parfaire au jour de la restitution du prix de vente.

Sur la responsabilité du notaire

Les appelantes font valoir que le notaire est intervenu en qualité de négociateur et de rédacteur de l'acte et a été en charge des visites par l'intermédiaire de son négociateur ; qu'il a manqué à son obligation de conseil en ne les informant pas de la portée et des effets d'une tolérance de passage.

Maître [D] [Y] fait valoir qu'aucun élément ne permettait, lors des visites de l'immeuble, de déceler la présence de la mérule dans l'immeuble. Elle ajoute que l'immeuble ne se situe pas dans une zone de présence de risque de la mérule ; qu'elle a fait établir un diagnostic amiante, plomb, électricité, gaz et DPE par la société Artois Giagimo et qu'il n'y avait aucune obligation de faire établir un diagnostic mérule de l'immeuble ; qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle souligne que pour entrer en voie de condamnation en matière de responsabilité notariale, il est nécessaire d'établir une faute, un préjudice et un lien de causalité et qu'en l'espèce, aucun préjudice n'est établi en ce que les appelantes bénéficient du passage et que compte tenu de la servitude au profit de la parcelle AK[Cadastre 4], ce passage ne peut être entravé. Elle ajoute que rien n'établit que l'erreur évoquée porte sur une qualité essentielle du contrat.

Ceci étant exposé, le notaire, en sa qualité de rédacteur d'acte, est soumis à des obligations dont certaines ont pour objectif d'assurer l'efficacité de l'acte en question. En tant que négociateur rémunéré au titre paragraphe 'Négociation' de l'acte de vente, Maître [Y] était tenue d'une obligation de conseil.

En omettant d'indiquer la référence cadastrale du garage dans l'acte de vente, le caractère d'enclave de la parcelle correspondante et l'absence de droit de passage, Maître [Y] a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle.

Cependant, Maître [Y] ne saurait être tenue à la restitution du prix de vente conséquence de la résolution de la vente pour vice caché. Le préjudice subi pas les consorts [W]-[J] ne peut s'analyser que comme une perte de chance de contracter ou bien d'acquérir le bien à un prix inférieur au prix réglé, préjudice qui n'est pas invoqué par les appelantes.

En conséquence, les appelantes seront déboutées de leurs demandes en paiement formées à l'encontre de Maître [Y].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le tribunal a dans les motifs de sa décision indiqué que Mesdames [W] et [J] étaient condamnés aux dépens mais sans l'indiquer dans dispositif du jugement.

Ainsi, il convient de statuer sur les dépens de première instance.

Les consorts [E] seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel comprenant les dépens de l'incident ayant donné lieu à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 décembre 2019 et des frais et honoraires d'expertise.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [E] seront déboutés de leur demande d'indemnité de procédure et condamnés, sur ce même fondement, à payer aux appelantes la somme de 4 000 euros.

Il n'est pas inéquitable de débouter Maître [Y] de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare Madame [I] [W] et Madame [K] [J] recevables en leur action ;

Prononce la résolution de la vente intervenue le 12 février 2016 par acte de Maître [D] [Y] entre Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Mesdames [W] [I] et [J] [K] portant sur l'immeuble situé [Adresse 2] cadastré Préf [Cadastre 10] section AL n°[Cadastre 3] ;

En conséquence condamner solidairement Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K] la somme de 84 783,05 euros au titre de la restitution du prix de vente et des frais notariés et droits d'enregistrement ;

Condamner in solidum Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Me [D] [Y] à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K] la somme de 303,09 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner in solidum Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et à verser à Mesdames [W] [I] et [J] [K], en réparation de leur préjudice de jouissance, la somme de 200 euros par mois, à compter du 3 avril 2017 jusqu'à ce jour, soit la somme de 12 400 euros, à parfaire au jour de la restitution du prix de vente ;

Ordonne la restitution par Madame [I] [W] et Madame [K] [J] à Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E], dès restitution du prix de vente et des frais notariés et droits d'enregistrement, l'immeuble situé [Adresse 2] cadastré Préf [Cadastre 10] section AL n° [Cadastre 3] ;

Déboute Madame [I] [W] et Madame [K] [J] de leurs demandes en paiement formées à l'encontre de Maître [D] [Y] ;

Condamne solidairement Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] aux dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront les dépens de l'incident ayant donné lieu à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 décembre 2019 et des frais et honoraires d'expertise ;

Déboute Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] et Maître [D] [Y] de leur demande d'indemnité de procédure ;

Condamne in solidum Monsieur [B] [E], Madame [O] [M] née [E], Madame [V] [E] à payer à Madame [I] [W] et Madame [K] [J] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/02233
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.02233 ?
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