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24/06/2022 | FRANCE | N°19/01913

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 24 juin 2022, 19/01913


ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 1101/22



N° RG 19/01913 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STOA



GG/GL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

12 Septembre 2019

(RG F 18/00186 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Alain FOULON, avocat au barreau D'arras





INTIMÉE :



Mme [U] [D] épouse...

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 1101/22

N° RG 19/01913 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STOA

GG/GL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

12 Septembre 2019

(RG F 18/00186 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Alain FOULON, avocat au barreau D'arras

INTIMÉE :

Mme [U] [D] épouse [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Tal LETKO BURIAN, avocat au barreau D'arras

DÉBATS :à l'audience publique du 04 Mai 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 avril 2022

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [P] née [D], née en 1955, a été engagée par l'association ASPTT ARRAS le 13/11/2006 en qualité de secrétaire générale de section, qui comportait une section basket.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée indiquant « reprise du contrat ASPTT », l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ a repris l'activité de la section de basket et a engagé Mme [P] par contrat du 01/07/2008, en qualité de responsable administrative et financière statut cadre, de la convention collective nationale du sport.

Le 18 mai 2018, Mme [U] [P] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour faute grave, fixé au 4 juin 2018.

Par lettre du 25 juin 2018, Mme [U] [P] a été licenciée pour faute grave aux motifs suivants :

« [...]Vous avez été engagée au sein de notre Association par contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2008, avec reprise de votre ancienneté rétroactivement au 13 novembre 2006, afin d'y exercer les fonctions de responsable administrative et financière avec le statut cadre.

En cette qualité et disposant des compétences reconnues, vous avez assuré durant plusieurs années vos responsabilités à la pleine satisfaction du Conseil d'Administration et du Président de l'Association.

Il s'ensuit que c'est avec d'autant plus d'incompréhension et de profonde déception que nous avons été amenés à découvrir au cours des dernières semaines des négligences et des dérives inadmissibles dans l'exécution de vos missions et ce après des incidents plus anciens qui furent néanmoins dommageables pour le club sportif tels que notamment l'omission d'inscription de l'équipe cadette en Coupe de France pour la saison 2017-2018.

De fait, nous devons déplorer aujourd'hui :

-l'utilisation de l'outil informatique de l'Association pendant le temps de travail pour réaliser des travaux pour une autre association (en l'occurrence ENVOL),

-la radiation incompréhensible - que nous avons découverte toute dernièrement - de Mademoiselle [O] [V] du contrat de prévoyance dit mutuelle alors même qu'elle jouait pour le club et se trouvait ainsi dépourvue d'une couverture complémentaire frais de santé,

-l'absence de mise à jour des statuts de l'Association en préfecture et ce depuis 2016, s'agissant en particulier des co-présidents,

-la divulgation d'informations notamment financières auprès d'un large public alors que vous êtes normalement tenue à une obligation générale de confidentialité,

-et enfin, en dernier lieu, vous avez pris l'initiative inacceptable de parapher et signer en lieu et place du président des documents qui engageaient l'Association vis-à-vis de la commune d'ARRAS ; ladite signature étant d'autant plus intolérable qu'il s'agit manifestement d'une imitation et non d'une signature par procuration ou pour ordre et ce alors qu'en tout état de cause vous ne disposez d'aucune délégation de signature.

De tels agissements sont constitutifs d'une faute grave puisqu'ils ne sauraient permettre la poursuite de nos relations contractuelles, ne fût-ce que pendant la seule durée d'un préavis.

Ajoutons que les quelques explications que vous avez formulées lors de l'entretien - lorsque vous ne reconnaissiez pas les faits exposés - ne nous ont nullement convaincus[...] »

Mme [U] [P], après avoir contesté le licenciement par lettre du 03/07/2018 restée sans réponse, a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras par requête du 03/09/2018 de diverses demandes tenant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 12/09/2019, le conseil de prud'hommes a :

-déclaré le licenciement de Mme [U] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-condamné l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ à payer à Mme [U] [P] les sommes suivantes :

-27.000 euros nets a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-8.654,39 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-8.574.99 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 857,49 euros bruts de congés payes y afférents,

-3.715,53 euros bruts de rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire, outre 371,55 euros bruts au titre des congés payes y afférents,

-3.000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour retard de paiement de salaires et de remise tardive de documents de 'n de contrat,

-2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ à établir les documents de fin de contrat rectifiés et à les remettre à Mme [P] dans les 15 jours suivant la noti'cation du jugement, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents pendant le délai d'un mois, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit, la présente juridiction se réservant le droit de liquider l'astreinte ordonnée,

-débouté Mme [P] de ses autres demandes,

-débouté l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-précisé que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal : à compter de la demande de réception de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation soit le 19/09/2018 pour toutes les sommes de nature salariale, à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme,

-dit qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est exécutoire dans la limite de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l'article R.1454-1-5 du code du travail, calculés sur la base du salaire moyen des trois derniers mois soit 2.858.33 euros bruts,

-condamné l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ aux dépens de 1'instance.

Par déclaration du 01/10/2019, l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ a interjeté appel du jugement précité.

Selon ses conclusions du 19/05/2021, l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ demande à la cour de :

-infirmer pour partie le jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes,

-dire et juger qu'elle a rapporté la réalité des négligences et dérives inadmissibles commises par Mme [U] [P] dans l'exécution de ses fonctions,

-dire et juger que ces négligences et dérives étaient bien constitutives d'une faute grave justifiant le licenciement de la salariée,

-dire et juger que ledit licenciement n'a nullement été vexatoire,

-dire et juger que Mme [U] [P] n'a nullement été victime d'une quelconque violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

-dire et juger que Mme [U] [P] n'a subi aucune difficulté financière avérée liée à la remise de ses documents de fin de contrat,

-débouter par suite Mme [U] [P] de l'ensemble de ses prétentions,

-ordonner à Mme [U] [P] de reverser à son ancien employeur la somme de 16.242,89 euros qu'elle a perçue dans le cadre de l'exécution provisoire,

-condamner Mme [U] [P] à titre reconventionnel à lui payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ce pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel,

-condamner Mme [U] [P] également aux éventuels frais et dépens.

Selon ses conclusions récapitulatives et responsives reçues le 07/06/2021, Mme [U] [P] demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu le 12/09/2019 par le conseil de prud'hommes d'Arras sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives au caractère vexatoire de son licenciement, au manquement de son employeur à l'obligation de sécurité et a limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 27.000 euros,

-juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-juger que la rupture du contrat de travail est vexatoire,

-juger que l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ a manqué à son obligation de sécurité

En conséquence,

-condamner l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ à lui payer :

-8.654,39 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

-8.574,99 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 857,49 euros bruts a titre de congés payés y afférents,

-30.012,46 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5.716,66 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

-3.000 euros de dommages et intérêts pour retard de paiement de salaire et de remise des documents de fin de contrat,

-3.715,53 euros bruts au titre du maintien de salaire pendant la mise a pied conservatoire, outre 371,55 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

-5.716,66 euros nets au titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

-juger que les sommes dues à titre de dommages et intérêts et de l'indemnité pour frais non répétibles, porteront intérêts judiciaires à compter de l'arrêt à intervenir,

-juger l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes,

-juger que les intérêts dus sur plus d'une année se capitaliseront pour produire eux-mêmes des intérêts,

-condamner l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ à lui payer 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ aux entiers frais et dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 13/04/2022

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Au soutien de son appel incident, Mme [P] expose avoir fait l'objet d'un harcèlement par un membre du conseil d'administration ce qui a entraîné des répercussions sur son état de santé, qu'elle a subi plusieurs arrêts de travail en raison de souffrance au travail.

L'employeur conteste tout manquement, critique l'avis du médecin, indique que l'arrêt de travail est survenu après la demande de remise du talon de chèque, que l'attestation de M. [C] est contestable.

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail :

« L 'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 ° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d'information et de formation,

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

Mme [P] produit une lettre de son médecin indiquant avoir dû la placer en arrêt maladie du 24/01/2018 jusqu'à fin mars 2018 en raison d'une souffrance au travail, un nouvel arrêt de travail ayant dû être délivré le 22 mai suivant. Elle verse l'attestation du coach M. [C] qui relate avoir entendu crier M. [J] et Mme [I], le premier indiquant « tu sers à rien. Tu fais du sabotage depuis plusieurs années. Si [L] [Z] est parti c'est de ta faute etc etc », Mme [P] étant abattue sur son siège.

Cette attestation est toutefois combattue par celle de M. [J], versée par l'employeur, qui fait notamment état de l'agressivité de Mme [P] et de son opposition à produire les souches de carnets de chèques, en lien avec le paiement de l'inscription de l'équipe cadette en coupe de France.

Les arrêts de travail apparaissent consécutifs à la demande écrite du conseil d'administration du 18 janvier 2018, puis à l'engagement de la procédure de licenciement. Au regard de ces éléments, le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité n'apparaît pas démontré. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la contestation du licenciement

L'appelante expose que l'équipe cadette qui avait gagné cette compétition en 2016-2017 n'a pas été inscrite l'année suivante à la coupe de France, Mme [P] n'ayant pas procédé à l'inscription, ce qui a terni l'image du club et a fait l'objet d'articles de presse, elle précise se fonder sur une suite de négligences pour prendre en compte un fait antérieur au délai de deux mois de l'article L1332-4 du code du travail, que la salariée a commis depuis les faits d'autres « négligences et dérives inadmissibles », que Mme [P] n'a pas déféré à la demande du conseil d'administration du 19/01/2018 de remettre le talon du chèque de paiement des frais d'inscription, qu'elle n'a pas établi le chèque d'inscription, le talon ayant été dégrafé, que la salariée a tenté de maquiller son oubli en s'appuyant sur un chèque qui avait très probablement été annulé au mois de mars précédent, que la salariée qui devait justifier de l'établissement du chèque est « tombée inopinément malade à compter du 24 janvier 2018 d'où il suit qu'elle ne donna en fait jamais suite à cette demande », qu'elle n'a alerté le président du club qu'en novembre 2017, qu'à la suie de ces faits Mme [P] a signé une convention le 10/04/2018 sans en informer le président M. [B] dont elle ne justifie pas de l'absence et en imitant sa signature, que la salariée a utilisé son outil informatique pour des travaux au profit d'une autre association, qu'une joueuse a été radiée du contrat de prévoyance et de couverture santé alors qu'elle était licenciée du club, que les statuts du club n'ont pas été mis à jour.

L'intimée conteste les faits et invoque au demeurant leur prescription, observant que les faits dans la lettre de licenciement ne sont pas datés, que l'employeur invoque des faits de même nature pour tenter de contourner la prescription, qu'en particulier aucune date n'est indiquée concernant la prétendue utilisation de l'outil informatique, que concernant la radiation d'une joueuse, les faits se sont produits en mai 2017 soit près d'un an avant le licenciement

-Sur la prescription des faits fautifs

L'article L1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Ces dispositions ne s'opposent pas à la prise en considération d'un fait antérieur de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai, l'employeur ne pouvant invoquer des faits antérieurs prescrits lorsque les faits reprochés dans le délai ne revêtent pas en eux mêmes un caractère fautif.

Enfin, lorsque les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.

En l'espèce, la procédure disciplinaire a été engagée le 18 mai 2018. La convention d'objectifs et de moyens 2018 a été signée le 10 avril 2018. Ces faits ne sont donc pas prescrits.

S'agissant des faits concernant l'utilisation de l'ordinateur, l'employeur produit un procès-verbal de constat d'huissier du 5 juin 2018. Les faits qui paraissent avoir été découverts après l'engagement de la procédure disciplinaire ne sont pas prescrits.

En revanche, en l'état des justificatifs produits par l'employeur, les faits concernant la radiation d'une joueuse durant la saison 2017-2018 (courriel du 19/02/2018), l'absence de mise à jour des statuts de l'association depuis 2016, la divulgation d'information financières (article de presse du 19/01/2018) ou encore l'omission de l'inscription de l'équipe cadette en coupe de France (article de la Voix du Nord du 12/07/2017), sont prescrits. L'appelante est toutefois fondée à s'en prévaloir, dans la mesure où ces faits se rattachent à des « négligences et dérives inadmissibles » de la salariée dans l'exécution de ses missions.

-Sur les griefs invoqués par l'employeur

La faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.

Afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis ; lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient de revenir sur chacun des griefs évoqués dans la lettre de licenciement.

S'agissant de l'omission d'inscription de l'équipe cadette en coupe de France, l'employeur verse :

-la demande d'inscription du 14/06/2017,

-l'article de presse du 12/07/2017, indiquant que l'équipe « Arras pays d'Artois » ne disputera pas la coupe de France faute de réception de l'inscription par la ligue régionale,

-la lettre du 19/01/202018 demandant à Mme [P] la remise du talon du chèque destiné à l'inscription de l'équipe, ainsi que les codes d'accès à la boite mail et tous les codes nécessaires au bon fonctionnement du club, pour le 23/01/2018,

-la copie de plusieurs talons de chèques non datés et des relevés de compte bancaire,

-un relevé des dépenses par chèques pour la saison 2017-2018 dressé par Mme [P],

-des échanges de courriels du 22/09/2017 de Mme [P] afférents à l'inscription en coupe de France,

-un procès-verbal d'assemblée générale du 08/11/2017,

-une attestation de M. [J].

Il ressort de ces pièces, et des explications des parties que la demande d'inscription pour la coupe de France a été remplie le 14/06/2017, mais que ce document accompagné d'un chèque d'inscription de 89 € n'est pas parvenu à la ligue régionale. Mme [P] précise qu'elle a adressé ces documents en lettre simple, qui s'est perdue. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'appartient pas à la salariée de prouver qu'elle a remis à M. [B], président du club, le talon du chèque demandé par le conseil d'administration. Il n'est justifié d'aucune relance postérieure à la correspondance du 19/01/2018 demandant à Mme [P] la remise du talon du chèque, ainsi que des identifiants et mots de passe, après le 23/01/2018.

Rien ne démontre que Mme [P] a égaré le talon du chèque, alors qu'elle explique l'avoir dégrafé pour le remettre à M. [B].

L'attestation de M. [J] est insuffisante à démontrer que Mme [P] a pris le talon du chéquier à domicile, la visite de ce dernier ayant été l'occasion selon l'intimée d'une altercation.

Enfin, les incohérences soulevées par l'appelante concernant la chronologie des chèques reste insuffisante à établir la prétendue dissimulation par Mme [P] de l'omission de l'inscription, cette dissimulation n'étant au demeurant pas visée dans la lettre de licenciement.

En effet, l'employeur indique que la salariée s'est appuyée sur un chèque (n° 6446281) qui « avait très probablement été, quelle qu'en fut la raison, annulé au mois de mars précédent ». Il s'agit donc d'une supposition. Enfin, l'utilisation de correcteur sur le relevé des chèques pour l'année 2017-2018 ne permet pas d'aller au delà d'une interrogation concernant les mentions apposées par la suite par la salariée. Il subsiste donc un doute concernant l'imputabilité du grief à Mme [P]. Il n'est donc pas établi.

S'agissant de l'utilisation de l'ordinateur de l'association à des fins personnels durant le temps de travail, l'employeur verse un constat d'huissier du 5 juin 2018 faisant état, dans le dossier « document », d'un fichier « trésorerie 2018 ENVOL ».

Contrairement à ce que soutient l'intimée, aucun élément ne permet d'établir la consultation d'un fichier « martine perso » qui aurait justifié la présence de l'intéressée. En revanche, l'employeur ne démontre aucunement que le document a été réalisé par la salariée durant son temps de travail, ou encore un usage abusif de l'outil informatique, cette preuve lui incombant. Le grief n'est pas établi.

S'agissant de l'absence d'assurance complémentaire frais de santé pour une joueuse du club, Mlle [O] [V], il ressort des documents produits par l'employeur (courriel de Mme [P] du 09/10/2017 indiquant « je poste la déclaration trimestrielle de mutuelle pour un montant de 628,64 € » et échanges de courriels du 19/02/2018 au 22/02/2018), un défaut d'affiliation de la joueuse, jusqu'à sa réaffiliation le 22/02/2018. Le grief est établi.

S'agissant de la mise à jour de statut de l'association depuis 2016, l'employeur ne produit pas les statuts, et ne précise pas quelles modifications devaient y être apportées. Le grief n'est pas établi.

Il en est de même pour la divulgation d'informations, notamment financières, auprès de tiers : l'employeur n'apporte aucun élément utile pour justifier cette divulgation, qui ne peut résulter d'une intervention dans la presse régionale de M. [B].

S'agissant du dernier grief, à savoir le fait de parapher et de signer en lieu et place du président des documents engageant l'association vis-à-vis de la commune d'ARRAS, et le fait que la signature du président a été imitée, l'employeur verse la convention d'objectifs et de moyens 2018 entre la ville d'Arras et l'association Arras Pays d'Artois Basket ball, qui alloue notamment à cette dernière une subvention de 180.000 € au titre de la saison sportive. Mme [P] admet avoir signé la convention en vertu d'une délégation de signature, n'avoir pas imité la signature qui est la superposition de ses initiales, et paraphé le document en le préparant pour M. [B], qui n'a jamais donné suite à ses appels.

La cour constate que l'ancien président M. [Z] a autorisé le 03/11/2010 Mme [P] à signer les documents en son absence «  à destination de la fédération ou des instances fédérales ainsi qu'envers les institutionnels », à condition de l'appeler en amont pour l'en informer.

Ce mode de fonctionnement n'a pas été modifié à l'issue du changement de président dans la structure.

Toutefois, la cour observe que le document a été paraphé par Mme [P] avec les lettres BP qu'elle ne devait pas utiliser dans le cadre de sa délégation. Il ne lui appartenait pas de préparer le document sur ce point, le paraphe incombant à son auteur. En outre la signature sur ce document sous la mention « le président » n'est pas celle de Mme [P]. Elle est en effet distincte de celle figurant sur les documents professionnels (contrat de travail ou encore la lettre de contestation du licenciement du 03/07/2018). Elle n'est pas précédée de la mention « P/O ». Surtout, elle présente des points de ressemblance avec celle de l'actuel président M. [B]. Il résulte de ces éléments que Mme [P] a imité la signature du président de l'association sur un document engageant l'association, peu important que la signature de cette convention allouant une subvention soit indispensable au fonctionnement de l'association. Le grief est constitué et caractérise un défaut de loyauté à l'égard de l'employeur.

Les griefs établis, à savoir un défaut d'assurance maladie complémentaire d'une joueuse, et l'imitation de la signature du président sur un document, ne rendent pas impossible la poursuite du contrat de travail y compris durant le temps du préavis, compte-tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise (11 ans et 7 mois) et de l'absence de tout antécédent disciplinaire. Elle constitue en revanche une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement est donc infirmé sur point.

Mme [P] sera déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu de confirmer pour le surplus les sommes allouées par le premier juge, non utilement critiquées, au titre de l'indemnité légale de licenciement (8.654,39 euros nets), de l'indemnité compensatrice de préavis (8.574.99 euros bruts et 857,49 euros bruts de congés payes y afférents), au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire qui s'avère infondée en l'absence de faute grave (3.715,53 euros bruts, outre 371,55 euros bruts au titre des congés payes y afférents).

Sur le préjudice moral tenant aux conditions vexatoires du licenciement

A l'appui de son appel incident, Mme [P] réitère son argumentation de première instance et se réfère aux attestations de Mme [Y] et de M. [R] indiquant que le président du club envisageait en décembre 2017 de la licencier. Toutefois, ces éléments ne démontrent pas de circonstances vexatoire à l'occasion du licenciement engagé le 18 mai 2018. Il n'est donc pas justifié d'une préjudice moral distinct. La demande est rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur le retard de paiement de salaire et de remise des documents de fin de contrat

Mme [P] indique n'avoir plus perçu de salaire depuis le mois de mars, une lettre de mise en demeure ayant été envoyée le 03/07/2018 et n'ayant pas été retirée par l'association, ce qui l'a placée dans une situation délicate, les documents de fin de contrat ne lui ayant été adressés que début août.

L'employeur estime que la salariée ne justifie pas de son préjudice.

C'est par une argumentation pertinente que la cour fait sienne que le premier juge a retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de paiement des salaires. De plus l'attestation Pôle emploi comporte une erreur le licenciement datant du 25/06/2018 et non du 13/06/2018, ce qui a entraîné un retard d'indemnisation. Le jugement est confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 3.000 € de dommages-intérêts venant réparer le préjudice de la salariée.

Il n'y a pas lieu compte-tenu de la confirmation partielle du jugement d'ordonner le remboursement par Mme [P] des sommes versées au titre de l'exécution provisoire. L'association Arras Pays d'Artois Basket sera déboutée de sa demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Partie perdante, l'association Arras Pays d'Artois Basket supporte les dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à Mme [P] une indemnité de 3.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance au titre des frais irrépétibles et des dépens étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [U] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ à payer à Mme [U] [P] 27.000 euros nets a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

INFIRME le jugement sur ce point,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [U] [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE Mme [U] [P] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ de sa demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

CONDAMNE l'association ARRAS PAYS D'ARTOIS BASKET FEMININ aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [U] [P] une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/01913
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.01913 ?
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