La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2022 | FRANCE | N°19/01820

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 24 juin 2022, 19/01820


ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 707/22



N° RG 19/01820 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SR23



PL/VM















AJ

















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

18 Juillet 2019

(RG 19/00009 -section 2)











































GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Lucie DELABY, avocat au barreau de [Localité 7]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19...

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 707/22

N° RG 19/01820 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SR23

PL/VM

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

18 Juillet 2019

(RG 19/00009 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Lucie DELABY, avocat au barreau de [Localité 7]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19/09837 du 01/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

SAS SAGA [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de [Localité 7]

DÉBATS :à l'audience publique du 27 Avril 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 décembre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

Après deux contrats de mission d'intérim, [D] [S] a été embauché, à compter du 20 février 2006, par contrat de travail à durée déterminée converti ultérieurement en contrat à durée indéterminée par la société Mercédès Benz devenue SAGA [Localité 7] en qualité d'opérateur préparation de véhicules neufs et d'occasion avec le statut d'employé-ouvrier, échelon 3 de la convention collective nationale des services de l'automobile.

 

Le 19 mai 2015, la société SAGA a infligé à [D] [S] un avertissement motivé par l'accrochage d'une panière avec le véhicule qu'il man'uvrait, ayant nécessité des réparations d'un montant de 1366,97 euros, la tenue de propos vexatoires envers un collègue de travail et la contestation récurrente des consignes données par son supérieur hiérarchique.

Le 5 février 2016, il a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une journée, fondée sur les motifs suivants ;

« Vous avez un comportement déplacé et oppressant vis-à-vis d'une de vos collègues de travail Madame [T] [H].

Cette dernière le vit, à juste titre, comme un harcèlement et nous ne pouvons le tolérer.

En effet, vous avez déposé le 24 décembre 2015, sur le bureau de votre collègue (en son absence et alors que son bureau est fermé à clé) un petit vase avec une fleur et une carte à son intention dans laquelle vous écrivez en parlant de la relation que vous souhaitez établir avec elle «je peux te le prouver» puis quelques mots plus loin en parlant de la bonne année « dommage qu'on ne la passe pas ensemble», Sans compter que sur cette même carte, vous avez indiqué sur le dessin d'un chat qui joue avec une souris le nom de votre collègue par une flèche vers la souris et votre nom par une flèche vers le chat. Sincèrement cela n'est pas un jeu ! Vous devez respecter vos collègues de travail.

Non content d'avoir déposé cette carte le 24 décembre 2015, vous avez envoyé une nouvelle carte à cette même collègue sur laquelle vous écrivez « je pense toujours à toi peu importe où je me trouve » et vous finissez en écrivant «moi pensez toujours à toi» « moi dingue de toi ». Ceci ne constitue pas une relation normale de travail mais du harcèlement que nous ne pouvons tolérer.

Sans compter que ces cartes ne sont pas les premières. En effet, au mois de septembre 2015, vous aviez envoyé toujours à cette même collègue qui avait été choquée une carte indécente et vulgaire sur laquelle était inscrit « J'te kisse tout partout », Nous avons pensé à la lecture de cette lettre qu'il s'agissait d'un acte déplacé isole, malheureusement à tort. Enfin votre collègue nous a interpellé sur le fait qu'à chaque fois que vous déplaciez un véhicule en préparation et que vous passiez devant la fenêtre de son bureau vous la fixiez de manière oppressante. Ceci n'est pas non plus admissible ».

[D] [S] a ultérieurement été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 avril 2016 à un entretien le 28 avril 2016 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 mai 2016.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous occupez le poste d'Opérateur préparation véhicule VNNO depuis le 20 février 2006 et à ce titre vous êtes notamment en charge de la préparation esthétique et technique des véhicules (nettoyage, rénovation ) et de travaux de petite mécanique (pression des pneus, fabrication et pose de plaques d'immatriculation, retouche'). Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes amenés à déplacer quotidiennement les véhicules et, à ce titre, vous êtes titulaire du permis de conduire Pourtant nous sommes au regret de constater que vous faites preuve d'une négligence fautive flagrante lorsque vous man'uvrez des véhicules.

En effet, le 5 avril 2016 vers 17h15, en sortant un véhicule client CLK 209 coupé de couleur grise ([Immatriculation 3]) de l'aire de lavage, vous percutez en marche arriéré un autre véhicule client C Break 204 de couleur bleue ([Immatriculation 6]) stationné devant l'aire de lavage. Le chef d'atelier [R] [U] a pu constater les faits de suite.

Les devis de réparation des deux véhicules s'élèvent à 966.26 € TTC pour le CLK 209 coupé (dépose et repose du bouclier arrière avec peinture .. ) et de 1563.62 € TTC pour le C Break 204 (dépose et repose du bouclier avant avec peinture, changement du bloc optique avant. .. ). Le chef d'atelier et son équipe réception ont dû gérer la restitution des véhicules aux clients mécontents de récupérer leurs véhicules dans cet état ; la concession devant prendre en charge la réparation des dommages causés aux véhicules

Lors de l'entretien du 28 avri12016, vous avez reconnu les faits.

Une telle négligence fautive n'est pas anodine En effet, nous vous avions déjà rappelé à plusieurs reprises oralement lors de divers petits accrochages de véhicules, ainsi que lors de la notification d'un avertissement en date du 19 mai 2015 pour des faits similaires, que vous deviez faire preuve de vigilance et de prudence lorsque vous man'uvrez un véhicule afin de respecter la sécurité des biens et des personnes de la concession.

Cette négligence fautive réitérée n'est pas admissible et constitue une faute dans l'exécution de votre contrat de travail.

De plus, vous faites preuve d'insubordination répétée et vous ne respectez pas les consignes de l'entreprise. A titre d'exemples pris sur ces dernières semaines, vous refusez de nettoyer les jantes conformément aux directives de votre responsable, vous prétextez que ce travail est trop dangereux alors que nous vous fournissons des EPI adaptés le que les consignes de lavages sont faites pour vous protéger.

Certains matins, vous refusez de nettoyer devant la porte d'entrée avant d'y placer les véhicules de courtoisie. Et le jour où devant l'insistance de vos collègues le la menace d'en référer au Directeur, Monsieur [R] [N], finalement vous vous exécutez, mais c'est pour ensuite prétexter que vous ne pouvez de ce fait préparer tous les véhicules de courtoisie.

Autre exemple, vous lavez en toute connaissance de cause certains véhicules au karcher alors que les consignes sont pour certains véhicules identifiés un lavage au rouleau.

Ou encore, on vous demande lorsque vous avez déposé les véhicules clients de revenir à l'espace de préparation rapidement, vous persistez, malgré des relances journalières à faire un grand tour par la carrosserie. Cela induit une perte de temps non négligeable.

Autre fait, vous retirez les clés de contact de certains véhicules en zone de préparation, ensuite vous ne savez plus où vous les avez mises et vous bloquez ainsi le travail de vos collègues.

De tels comportements ne vont absolument pas dans le sens de l'entreprise et ne sont pas acceptables.

Ils constituent des fautes dans l'exécution de votre contrat de travail.

Les faits décrits ci-dessus sont de plus préjudiciables aux intérêts même de la société et mettent en cause le bon fonctionnement de la concession.

Dans ces conditions, nous devons constater qu'il ne nous est plus possible de vous maintenir à votre poste sans compromettre les intérêts de notre société.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de l'entretien du 28 avril 2016 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Nous considérons que cette négligence et ces comportements fautifs, pris ensemble et séparément, constituent une cause réelle et sérieuse justifiant voire licenciement.»

 

Par requête reçue le 21 juillet 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy afin d'obtenir l'annulation de sa mise à pied, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 18 juillet 2019, le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande et l'a condamné aux dépens.

Le 28 août 2019, [D] [S] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 22 décembre 2021, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 27 avril 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 25 novembre 2019, [D] [S] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, l'annulation de la mise à pied en date du 23 février 2016, la remise d'un certificat de travail reprenant son ancienneté réelle, soit au 22 novembre 2005 et la condamnation de la société à lui verser

- 74,10 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied

- 7,41 euros au titre des congés payés

- 30000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation.

L'appelant expose que sa mise à pied disciplinaire doit être annulée, qu'il n'a pas eu un comportement déplacé envers [T] [H], qu'aucune plainte n'a été déposée par sa collègue auprès des services de police et qu'aucun élément n'est produit pour démontrer un quelconque préjudice de sa prétendue victime, qu'il n'a commis aucun agissement susceptible de constituer du harcèlement sexuel, qu'il ne nie pas être l'auteur de l'accident survenu le 5 avril 2016, qu'il n'était pas aisé de circuler au sein de l'établissement avec le véhicule alors qu'il avait la charge de la préparation de quinze à trente véhicules par jour, que l'employeur devrait produire un justificatif de la quantité d'accidents intervenus au sein de son établissement sur les dix ans de son activité, qu'il n'est pas démontré qu'il soit responsable des dommages ayant impliqué des réparations aussi élevées que celles qui sont indiquées dans la lettre de licenciement, qu'il a régulièrement reçu des primes satisfaction client, que la lettre de licenciement fait état d'autres griefs sans les dater, qu'il était victime du comportement inadmissible de la part de ses collègues, qu'il n'a jamais refusé de nettoyer le parking ou de donner un coup de balai, qu'il a continué à travailler malgré un arrêt de travail pourtant prescrit alors qu'il était blessé au bras droit en mai 2017, qu'il n'a pas hésité à proposer d'accomplir des heures supplémentaires au profit d'une association caritative, que toutefois cela n'a pas été accepté par l'entreprise, que les prétendus insubordination et non-respect des consignes sont des ajouts dans la lettre de licenciement en vue de se débarrasser de manière définitive de lui alors qu'il n'avait pas démérité, qu'il avait plus de dix ans d'ancienneté au moment de son licenciement et devait faire face à des charges personnelles, notamment un crédit souscrit en mars 2010, qu'il est toujours inscrit au Pôle emploi, que son employeur n'a pas respecté les prescriptions médicales relatives à la protection auditive des salariés et en outre, que les mesures de protection étaient insuffisantes et quelquefois même absentes, qu'en dix ans de présence au sein de l'entreprise, il n'a bénéficié d'aucune proposition de formation.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 19 février 2020, la société SAGA [Localité 7] intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient que l'appelant a accompli deux missions d'intérim au sein de la concession Mercédès Benz de Seclin, du 22 au 25 novembre 2005 puis du 5 décembre 2005 au 31 janvier 2006, avant son embauche par contrat à durée déterminée à compter du 20 février 2006, que le certificat de travail délivré avec la mention d'une date d'embauche le 20 février 2006, date du premier contrat à durée déterminée, est parfaitement régulier, que sa mise à pied est justifiée, qu'[T] [H] ne l'a jamais autorisé ni encouragé à lui adresser des cartes et des messages comportant des mentions inappropriées dans un contexte professionnel, qu'elle subissait un véritable harcèlement au quotidien, qu'en raison du comportement de l'appelant, elle a de nouveau alerté sa hiérarchie par courrier du 11 janvier 2016 remis en main propre, que le licenciement de ce dernier est motivé par sa négligence fautive dans la conduite des véhicules des clients et de l'accident qu'il a provoqué le 5 avril 2016, en percutant un véhicule stationné avec le véhicule qu'il conduisait et son refus répété d'obéir aux consignes de sa hiérarchie, caractérisant son insubordination, que la matérialité des faits et leur imputabilité sont indiscutables, que le défaut de maîtrise du véhicule qu'il conduisait dans le cadre de ses missions contractuelles et la man'uvre réalisée de manière très imprudente caractérisent un manquement fautif à ses obligations professionnelles, qu'il avait fait l'objet d'un avertissement le 19 mai 2015 à la suite du heurt d'une panière avec le véhicule d'un client qu'il était en train de man'uvrer, que le versement de primes, liées à la propreté et aux conditions de livraison des véhicules préparés, ne peut remettre en question l'existence et le caractère fautif des faits commis le 5 avril 2016, que la société verse aux débats le témoignage de [A] [Z], responsable préparation, qui rapporte avoir été confronté au refus de l'appelant d'exécuter les consignes de travail en vigueur dans l'entreprise et les directives de sa hiérarchie, qu'elle a toujours été soucieuse de la sécurité de ses salariés, que cette préoccupation a été systématiquement rappelée par [F] [C], responsable Qualité Hygiène Sécurité Environnement au sein de l'entreprise, à l'occasion des réunions du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, que l'appelant n'établit pas avoir subi la moindre atteinte à sa santé ni que la société ait commis le moindre manquement à son obligation de sécurité envers lui, qu'il a été formé à son poste de travail lors de son intégration au sein de l'entreprise par le biais d'un tutorat interne, qu'il a toujours exercé les mêmes fonctions pendant plusieurs années sans que son poste d'opérateur préparation de véhicules ne connaisse d'évolution, que la société n'avait donc pas à envisager de lui proposer une formation externe particulière pour l'accompagner dans l'évolution de son poste de travail.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L 1251-38 du code du travail que l'appelant, en sa qualité de travailleur intérimaire, a été salarié de l'entreprise de travail temporaire ADECCO du 22 au 25 novembre 2005 et du 5 décembre 2005 au 31 janvier 2006 ; que la société intimée devait mentionner sur le certificat de travail qu'elle a établi la date de la première embauche de l'appelant en son sein, soit le 20 février 2006 ; que la prise en compte de l'ancienneté acquise du fait qu'il avait travaillé antérieurement pour le compte de la société dans le cadre des deux contrats d'intérim ne concernait que le calcul des droits auxquels il pouvait prétendre à l'occasion de son licenciement ; qu'il n'y a donc pas lieu de rectifier le certificat de travail établi par l'employeur ;

Attendu en application de l'article L1233-2 du code du travail, sur la mise à pied disciplinaire, qu'elle est consécutive à une succession d'actes envers [T] [H], consistant, le 24 décembre 2015, après avoir pénétré dans le bureau de cette dernière, pourtant fermé à clé, en un dépôt d'un vase fleuri accompagné d'une enveloppe au nom d'[T] contenant une carte de bonne année représentant [P] et [M], deux héros de dessins animés, étroitement enlacés et censés être le couple qu'ils devaient former, carte dans laquelle l'appelant déclarait de nouveau avec une insistance gênante sa flamme à sa collègue de travail  ; que cet acte a été suivi de l'envoi d'une carte postale contenant des propos obsessionnels se terminant par la phrase suivante «moi dingue de toi» ; que ces différents agissements avaient été précédés en août 2015 par l'envoi d'Espagne d'une première carte postale représentant un personnage de bande dessinée et sur laquelle était imprimée la phrase «J'te Kiss tout partout» ; que dans son courrier dont il est démontré qu'il a été remis en main propre le 7 janvier et non le 7 juillet 2016, [T] [H] relate ces différents épisodes et le malaise qu'elle a ressenti alors que l'appelant ne pouvait ignorer qu'elle était mariée ; que l'appelant reconnaît avoir poursuivi de ses assiduités [T] [H] en réduisant toutefois leur portée à de simples déclarations immatures d'amour ; que si le choix des cartes postales envoyées démontre effectivement que, malgré son âge, l'appelant faisait preuve d'une immaturité certaine, il n'en demeure pas moins que le comportement qu'il a adopté était devenu obsessionnel et qu'il importunait bien de façon constante sa collègue de travail dont l'attitude n'avait pourtant jamais présenté de caractère équivoque à son égard ; qu'il a continué, durant des mois entiers, à faire le siège de sa victime au point que celle-ci a dû faire appel à son employeur pour y mettre fin en avertissant celui-ci que son mari était susceptible de prendre les choses en main si les débordements de l'appelant persistaient ; que les faits reprochés à ce dernier, qui ne sont pas prescrits, sont bien fautifs ; que la sanction infligée par l'employeur ne présente aucun caractère disproportionné ;

Attendu en application de l'article L1232-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont des actes de négligence fautive ayant occasionné des dommages à deux véhicules le 5 avril 2016, des petits accrochages, une insubordination répétée, caractérisée par le refus de nettoyer un véhicule ou le sol devant la porte d'entrée ou de procéder au lavage d'une automobile au karcher alors que l'opération devait être effectuée avec un rouleau, malgré un précédent avertissement infligé le 19 mai 2015 ;

Attendu sur le premier grief qu'il résulte des témoignages produits que le 5 avril 2016, en effectuant une man'uvre en marche arrière au volant du véhicule Mercédès de type CLK 209, l'appelant a tamponné avec le pare-chocs arrière gauche un autre véhicule Mercédès classe C break, en stationnement devant l'aire de lavage ; que les dommages infligés aux deux véhicules ont donné lieu à des photographies versées aux débats ; qu'ils ont nécessité des réparations estimées, pour le premier, à 966,26 euros T.T.C. et, pour le second, à 1563,62 euros T.T.C. selon les deux devis produits ; que le déplacement de ces véhicules entrait dans le cadre des missions de l'appelant en sa qualité de préparateur V/N comme le fait apparaître la fiche de fonction produite ; que la nature des dommages qui suppose un choc d'une ampleur certaine et l'attestation d'[V] [I], préparateur automobile, qui assure que seuls ces deux véhicules se trouvaient en stationnement pour un nettoyage démontrent la particulière négligence de l'appelant ; que les listes des véhicules dont il devait s'occuper et qu'il produit ne concernent pas le jour des faits ; que la photographie du site de la concession qu'il produit ne fait pas apparaître les difficultés qu'il allègue à circuler au sein de l'établissement alors qu'en outre le jour des faits, seuls les deux véhicules qu'il a endommagés étaient destinés à des opérations de lavage ; que les primes de satisfaction client dont il se prévaut correspondent en réalité à des primes collectives visant l'ensemble du service préparation auquel il appartenait ; que la négligence dont l'appelant a fait preuve n'était pas un acte isolé puisqu'il lui avait été notifié un avertissement le 19 mai 2015, sanctionnant notamment des faits similaires ayant occasionné des dommages pour une valeur de 1366,79 euros ; que de telles négligences étaient préjudiciables à l'image de l'entreprise et à la qualité de ses services ;

Attendu en conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs qui lui sont reprochés, que la négligence fautive imputable à l'appelant constitue bien une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu en application de l'article L4121-1 du code du travail, sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, que la société produit le procès-verbal de la réunion du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail du 16 décembre 2015 dans lequel la nécessité de porter les équipements de protection individuelle était rappelée et duquel il résulte que des « flyers» pour les E.P.I. seraient distribués à tous les salariés avec leur bulletin de paye et qu'en particulier les bouchons d'oreille qui, selon l'appelant, n'auraient pas été mis à sa disposition, étaient disponibles en atelier ; que l'attestation de [G] [W], assistant funéraire, produite par l'appelant pour démontrer que les conditions de travail au sein de la concession étaient nuisibles à la santé, est dépourvue d'intérêt puisqu'il n'est pas contesté que celui-ci avait démissionné de l'entreprise le 1er décembre 2010 ; qu'en outre, les conditions qu'évoque le témoin ne sont nullement relevées dans le procès-verbal précité dressé à la suite de la visite du site par les membres du comité ;

Attendu en application de l'article L6315-1 du code du travail dans ses dispositions en vigueur à la date du licenciement, sur le défaut de formation professionnelle de l'appelant, que tous les deux ans celui-ci devait bénéficier d'un entretien professionnel spécifique avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ; que cet entretien ne devait pas porter sur l'évaluation du travail du salarié ; que même si, comme le prétend la société, il a exercé des fonctions identiques pendant plusieurs années sans que son poste d'opérateur préparation de véhicules ne connaisse d'évolution, il appartenait à cette dernière d'organiser au moins un entretien dans les conditions définies par les dispositions légales précitées, ce qu'elle ne démontre pas ; que l'appelant a bien subi un préjudice de ce fait puisqu'il n'a pas été mis en mesure d'évoluer professionnellement ; qu'il convient en conséquence d'évaluer ce préjudice à la somme de 3000 euros ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

 

CONDAMNE la société SAGA [Localité 7] à verser à [D] [S] la somme de 3000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence d'entretien professionnel dans le cadre de la formation professionnelle continue,

 

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,

CONDAMNE la société SAGA [Localité 7] aux dépens.

LE GREFFIER

N. BERLY

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/01820
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.01820 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award