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24/06/2022 | FRANCE | N°19/01753

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 24 juin 2022, 19/01753


ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 709/22



N° RG 19/01753 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQYE



PL/VM

















Article 700-2 du CPC















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

15 Juillet 2019

(RG 16/01361 -section 2)


































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GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. GD DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE , assistée de Me J. BENAZERAH, avo...

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 709/22

N° RG 19/01753 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQYE

PL/VM

Article 700-2 du CPC

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

15 Juillet 2019

(RG 16/01361 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. GD DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE , assistée de Me J. BENAZERAH, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Marie-Leïla DJIDERT, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

Mme [P] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE, substituée par Me Hélène DORANGEON, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19/09794 du 01/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

DÉBATS :à l'audience publique du 27 Avril 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 Décembre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

[P] [A] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 mars 2014 en qualité de responsable de stand, statut agent de maîtrise, catégorie A par la société GD France, exploitant l'enseigne Gérard Darel.

Par jugement en date du 15 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société GD France, puis, le 26 octobre 2015, a ordonné la cession des actifs de la société au profit de la société holding GDLMA.

[P] [A] a fait l'objet d'un avertissement notifié par courrier en date du 25 février 2015 et fondé sur une altercation avec [T] [K], membre de son équipe, ayant éclaté le 8 janvier 2015 dans la surface de vente du magasin Les Galeries Lafayette en présence de clients. [T] [K] avait reçu le 3 février 2015 un avertissement motivé par un non-respect de ses horaires de travail.

[P] [A] a ensuite été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 décembre 2015 à un entretien le 21 décembre 2015 en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à son licenciement pour faute grave. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 janvier 2016.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«le 23 novembre 2015 vous avez été mutée sur le stand du Printemps de [Localité 5] en tant que Responsable de stand.

Vous avez-vous-même convenu que cette mutation était une opportunité qui vous a été offerte compte-tenu de l'image de marque du Printemps de [Localité 5].

Cependant, dès les premiers jours de votre arrivée, votre responsable hiérarchique a eu à déplorer de votre part un manque de professionnalisme dans le cadre de vos fonctions de responsable. En effet, vous avez tout de suite remis en cause les plannings de l'équipe, et ce pour des convenances personnelles. Votre responsable vous avait pourtant précisé que la salariée en poste sur le stand avait un horaire à temps partiel et contractuel, il n'était donc pas flexible, mais qu'elle acceptait de voir avec vous un planning cohérent selon l'activité commerciale et si possible selon vos contraintes personnelles. Malgré cela, vous vous êtes emportée en ayant des propos tels que : « c'est encore elle qui va gagner ».

Nous sommes plus que surpris par vos propos qui, d'une part, ne sont pas dignes de vos fonctions de responsable et qui, d'autre part, créent un climat néfaste vis-à-vis de votre collaboratrice.

Nous regrettons votre attitude qui est d'autant plus dommageable aux vues de la situation actuelle de l'entreprise qui, nous vous le rappelons, nécessite la mobilisation de tous.

De plus, nous avons été alertés par la Direction du Printemps d'une mésentente avec votre collaboratrice déjà en poste sur ce stand. En effet, le samedi 28 novembre 2015, vous avez eu avec cette collaboratrice une vive altercation dans la réserve de la marque. Le ton de votre échange était tellement fort qu'il était audible depuis la surface de vente. Une démonstratrice d'une autre marque a dû intervenir pour vous demander de cesser cet échange.

Là encore, alors que ça ne faisait que quelques jours que vous aviez intégré vos fonctions, nous avons été interloqués d'avoir déjà des remontées vous concernant. Votre responsable régionale a même dû intervenir pour apaiser la situation entre cette collaboratrice et vous.

Cette attitude est d'autant plus regrettable que nous vous avions déjà notifié un avertissement pour des faits similaires en février 2015.

Nous ne pouvons accepter un tel comportement qui, d'une part, nuit à notre image de marque que nous nous devons vis-à-vis de notre clientèle et de notre partenaire commercial et, d'autre part, n'est pas admissible dans le cadre de vos fonctions de responsable.

Compte tenu de ce qui précède et dans la mesure où vous ne respectez pas vos obligations contractuelles, nous sommes contraints de vous notifier par le présent courrier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.»

A la date de son licenciement, [P] [A] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1950,89 euros.

Par requête reçue le 18 octobre 2016, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin d'obtenir l'annulation de l'avertissement en date du 25 février 2015, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 15 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a condamné la société GD DISTRIBUTION, substituée dans les droits de la Société GD France, au paiement de

- 10000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a débouté la salariée du surplus de sa demande et condamné la société aux dépens.

Le 6 août 2019, la société GD DISTRIBUTION a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 22 décembre 2021, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 27 avril 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 1er avril 2020, la société GD DISTRIBUTION sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a octroyé à la salariée des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'intimée à lui verser 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que le licenciement n'est pas nul, que le contrat de travail de l'intimée faisait partie du périmètre de reprise par la Société GD Distribution et ne se trouvait pas dans un contexte de redressement judiciaire, que l'avertissement du 25 février 2015 n'avait jamais été contesté, qu'il est justifié par la gravité de l'altercation, que la réalité de cet incident est démontrée par l'échange de mails entre la responsable des ressources humaines et la responsable du département sur lequel se trouve le stand Gérard Darel, aux Galeries Lafayette de [Localité 5], que l'intimée a été licenciée pour un manque de professionnalisme dans le cadre de ses fonctions de responsable et par suite de son comportement sur le stand nuisant à l'image de marque de la société, qu'elle a remis en cause, dès son arrivée, les plannings de l'équipe, que de nouveau, elle a eu une virulente altercation avec l'une de ses collègues, [C] [H], le 28 novembre 2015, soit cinq jours après sa prise de fonctions au sein du Printemps de Lille, que ce comportement est corroboré par l'attestation de [L] [G], vendeuse sur le stand Gérard Darel au Printemps de Lille et par différents courriels, que quelques jours plus tard une autre altercation s'est produite à la caisse du stand, devant les clientes, qu'une telle attitude de la part d'une responsable sur un corner important nuit à l'image de la marque auprès des partenaires commerciaux de la société, que l'intimée jouissait d'une ancienneté inférieure à deux ans au moment de son licenciement, que sa demande d'indemnisation n'est pas justifiée par les pièces versées aux débats.

 

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 20 avril 2020, [P] [A] intimée et appelante incidente, sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, et conclut à l'annulation de l'avertissement, à la nullité de son licenciement ou à titre subsidiaire à la constatation qu'il ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 1950,89 euros nets à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié, ainsi que,

* à titre principal

à appliquer à son bénéfice l'ensemble des mesures du plan de sauvegarde mis en place en 2015, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et notamment

l'aide à la formation dans la limite de 2500 euros

l'aide à la mobilité géographique plafonnée à 2500 euros

l'aide à la création ou reprise d'activité d'un montant de 2500 euros

la cellule de reclassement pour un budget individuel de 3500 euros

la convention d'allocation temporaire dégressive

l'aide forfaitaire au reclassement d'un montant de .000 euros,

* à titre subsidiaire

10000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de pouvoir bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place en 2015

24000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

la confirmation pour le surplus

et la condamnation de la société GD DISTRIBUTION à lui verser 2500 euros nets au titre des dispositions combinées de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'en tous les frais et dépens avec droit de recouvrement au profit de Maître Anne DURIEZ conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'à la suite de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi de la société, validé par l'Inspection du travail, elle a appris qu'elle n'en bénéficierait à raison de son âge et du fait qu'elle avait un enfant à charge mais qu'elle serait mutée au Printemps en remplacement de la responsable de stand Gérard Darel qui avait demandé son départ volontaire, que le véritable motif de licenciement est économique et non pas disciplinaire, que la société a entendu commettre une fraude à la loi afin d'éluder les dispositions impératives des articles L1235-10 et suivants du code du travail imposant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement d'au moins dix salariés sur une période de trente jours, qu'elle a augmenté le préjudice de l'intimée en l'empêchant de bénéficier de ces dispositions, qu'il doit être ordonné à la société de mettre en place les mesures prévues par le plan au profit de l'intimée, qu'à défaut, celle-ci doit être indemnisée du préjudice subi du fait de la perte de chance de pouvoir en bénéficier, à titre subsidiaire qu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour un prétendu manque de professionnalisme et pour une mésentente avec sa collègue de travail, que le fait de demander à son employeur de pouvoir bénéficier d'un jour de congé hebdomadaire lui permettant de continuer à exercer ses fonctions en toute sérénité ne s'apparente pas à un manque de professionnalisme, qu'en outre, elle s'est uniquement renseignée sur la possibilité de changer les horaires de travail d'un salarié travaillant à temps partiel et n'a plus abordé la question lorsqu'il lui a été indiqué que cela était impossible, que les seules problématiques d'horaires de travail évoquées portaient sur les horaires de [C] [H], que cette dernière est l'instigatrice et l'actrice unique de la violente prise à partie dont a fait l'objet l'intimée, que la société n'évoque pas la nouvelle altercation au mois de Janvier 2017 entre [C] [H] et sa nouvelle responsable de stand, que six jours après l'arrivée de l'intimée et alors qu'elles ne travaillaient ensemble que depuis une dizaine d'heures, [C] [H] n'a eu de cesse de la provoquer et de faire preuve d'irrespect à son égard, que l'investissement professionnel et le professionnalisme de l'intimée ressortent de nombreux éléments versés aux débats, qu'au jour de son licenciement elle avait près de deux années d'ancienneté et était âgée de 57 ans, qu'elle a subi également un préjudice moral, que, de son embauche à sa mutation au sein du Printemps, elle a dû faire face à des difficultés avec [T] [K], sa collègue de travail, sur le stand Gérard Darel aux Galeries Lafayette, qu'elle a dû la recadrer à la suite d'une nouvelle provocation de cette dernière à son encontre le 8 janvier 2015, que l'avertissement est injustifié puisqu'elle a été victime de provocations.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu que le contrat de travail de l'intimée a été repris par la société GD DISTRIBUTION à la suite du jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 octobre 2015, ayant ordonné la cession des actifs de la société qui l'employait jusque-là au profit de la société holding GDLMA ; que l'intimée ne peut donc se prévaloir du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi concernant la société GD France ni invoquer une perte de chance d'avoir pu en bénéficier ;

Attendu en application de l'article L1233-2 du code du travail, sur l'avertissement en date du 25 février 2015 consécutif à une altercation qui serait survenue le 8 janvier précédent entre l'intimée et [T] [K], qu'il résulte du courriel adressé le 15 février 2014 à [Z] [U], responsable régionale Nord et Normandie Belgique par cette dernière, qu'elle ambitionnait de devenir responsable des ventes et faisait valoir son expérience et son investissement qui justifiaient, selon elle, que ce poste lui soit attribué ; que l'embauche de l'intimée à cet emploi à compter du 31 mars 2015 a conduit à rendre immédiatement exécrables leurs relations professionnelles qui ont été émaillées de multiples incidents énumérés dans le courriel de l'intimée du 16 décembre 2014 à [Z] [U], sa supérieure hiérarchique ; qu'en conclusion, l'intimée s'interrogeait même sur la possibilité de continuer à travailler avec sa collègue dans de telles conditions ; que la société a partiellement reconnu le bien fondé des critiques de l'intimée puisqu'elle a infligé à [S] [K] le 3 février 2015 un avertissement qu'elle n'a pas versé aux débats mais dont la teneur peut se déduire du courrier du 25 février 2015 qu'elle produit, notifiant le maintien de la sanction, à la suite de sa contestation par la salariée ; que cette mesure était fondée sur le non-respect des horaires de travail ; qu'en outre, dans le courrier précité, l'employeur relevait de façon pudique l'existence d'un «apparent problème de communication» de la salariée avec sa responsable directe, en l'occurrence l'intimée, et prévoyait l'organisation avec [Z] [U] d'une réunion prochaine qui ne s'est jamais tenue ; que la société n'a donc adopté aucune mesure pour apaiser le climat conflictuel qui régnait et dont [S] [K] impute, dans son courrier manuscrit produit par l'intimée, la responsabilité à [Z] [U], qui n'aurait jamais donné de suite à ses différentes demandes d'entretien alors que par ailleurs la situation économique précaire de la société était génératrice de stress ; que par ailleurs, l'altercation imputée qui se définit comme un échange bref et brutal de propos vifs ou de répliques désobligeantes supposait que [T] [K] ait nécessairement participé à cet échange ; qu'elle a ainsi contribué par ses propos à le rendre «houleux» comme le qualifie la société ; qu'elle a d'ailleurs reconnu dans son courrier précité que la responsabilité de l'intimée ne pouvait être recherchée ; qu'en outre, les propos virulents et subjectifs reprochés à cette dernière et qui caractériseraient l'altercation ne sont pas communiqués ; qu'enfin le courriel du 29 janvier 2015 de [B] [I], salariée des Galeries Lafayette, sur lequel se fonde la société ne fait nullement apparaître la part de responsabilité de l'intimée dans l'incident ; que le témoin se formalise essentiellement de ce qu'il ait eu lieu sur la surface de vente en présence de clients ; qu'en conséquence l'avertissement du 25 février 2015 est injustifié et donc être annulé ;

Attendu que le défaut de justification de la sanction infligée à l'intimée, sans que soit recherché l'origine de l'incident sur lequel cette mesure est fondée, a bien occasionné à cette dernière un préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 1000 euros ;

Attendu en application de l'article L1235-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont un manque de professionnalisme de l'intimée dans le cadre de ses fonctions de responsable et un comportement sur le stand nuisant à l'image de marque de la société ;

 

Attendu que le premier grief repose sur la remise en cause par l'intimée, pour convenance personnelle, des plannings de l'équipe, peu après sa mutation le 23 novembre 2015 sur le stand du Printemps de [Localité 5] en tant que responsable de stand ; que ces accusations sont rapportées dans le courriel du 8 décembre 2015 de [Z] [U] adressé à la responsable des ressources humaines ; qu'elles visent exclusivement l'organisation du travail de [C] [H] se trouvant employée à temps partiel, quatorze heures par semaine du jeudi au samedi, depuis deux ans ; que toutefois l'appelante ne précise pas les modifications du planning de [C] [H] que l'intimée voulait mettre en 'uvre ; qu'au demeurant si, comme le soutient l'appelante qui se prévaut du compte rendu d'entretien préalable établi par [N] [W], déléguée du personnel, l'intimée s'était renseignée auprès de cette dernière sur la possibilité de modifier les horaires de travail d'un salarié à temps partiel, cette modification étant destinée à lui permettre de continuer à bénéficier du lundi comme jour de repos et non du mardi, jour imposé par [Z] [U], cette démarche, qui n'a pas été suivie d'autres contestations, ne saurait être assimilée à un fait fautif ; qu'en outre, elle était destinée, comme il est rapporté dans le compte rendu précité, à permettre à l'intimée de pouvoir assister aux conférences téléphoniques organisées par sa responsable le mardi justement ; qu'enfin il ne peut être reproché à l'intimée d'avoir voulu s'immiscer dans l'établissement du planning de travail des membres de son équipe, de telles responsabilités relevant normalement de ses fonctions alors qu'elles étaient dévolues à [Z] [U], responsable régionale ; que par ailleurs les propos rapportés par [Z] [U] dans son courriel du 8 décembre 2015 et attribués à l'intimée ne caractérisent pas le grief allégué ;

Attendu sur le second grief, que l'altercation reprochée est survenue le 28 novembre 2015 alors que l'intimée occupait le poste de responsable du corner Darel et Pablo depuis le 23 novembre ; qu'elle n'avait eu l'occasion de se trouver avec [C] [H] que pendant quelques heures puisque cette dernière bénéficiait d'un travail à temps partiel ; que pour caractériser les faits reprochés à l'intimée, l'appelante produit l'attestation de [L] [G], vendeuse sur le stand Gérard Darel, et le courriel du 7 décembre 2015 de [Y] [R], responsable du plateau et salariée du Printemps ; que toutefois cette dernière se borne à attirer l'attention de [Z] [U] sur le survenance d'altercations devant la clientèle au sein de son équipe depuis l'arrivée de l'intimée, sans se prononcer sur le degré de responsabilité de cette dernière, et à déplorer cette situation, préjudiciable selon elle à l'image du magasin et des marques commercialisées ; que dès le 1er décembre 2015, par un courriel adressé à [Z] [U], l'intimée lui a relaté l'incident l'ayant opposé à [C] [H] le 28 novembre ; qu'elle y rapporte les nombreuses critiques que la salariée lui avait adressées durant l'entretien organisé dans la remise à la demande de cette dernière ce samedi vers 18 heures ; qu'elle ajoute que [C] [H] avait tellement haussé le ton que [L] [G] avait dû les alerter, car la dispute était audible dans le magasin ; que le 3 décembre une réunion, dont l'initiative revient à l'intimée, a été organisée avec [C] [H], l'intimée et [Z] [U] ; qu'il résulte de l'attestation de [L] [G] que celle-ci n'a assisté qu'à la fin de l'altercation, lorsque celle-ci s'est poursuivie dans le magasin ; qu'en outre la provocation qu'elle impute à l'intimée semble ne résulter que des seuls propos suivants que celle-ci aurait tenus à l'endroit de la salariée : «si tu veux tu peux être responsable à ma place» ; qu'ils n'ont rien de provocant et ne sont que la manifestation de l'exaspération à laquelle avait été portée l'intimée ; que par ailleurs celle-ci produit l'attestation de [Y] [E], présente sur les lieux le 28 novembre, et qui témoigne de l'attitude arrogante adoptée par [C] [H] envers l'intimée en présence de clients dans le magasin ; que le courriel de [Z] [U] du 8 décembre 2015 adressé à [F] [O], responsable des ressources humaines, est confus puisqu'il est fait état d'un nouvel incident le 30 novembre en caisse consistant en la tenue des propos que relate [L] [G] et qui s'inscrivent en réalité dans le cadre de l'altercation du 28 novembre 2015 ; que si une altercation a bien eu lieu, la part de responsabilité de l'intimée n'est pas suffisamment établie pour qu'elle puisse être sanctionnée par une mesure de licenciement ;

Attendu en conséquence que le licenciement de l'intimée est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu en application de l'article L1235-5 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur que l'intimée qui jouissait d'une ancienneté de 21 mois à la date de son licenciement était âgée de plus de 57 ans ; que compte tenu de son âge, la possibilité de retrouver un emploi s'avérait particulièrement aléatoire ; que d'ailleurs, elle a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage qui lui ont été accordées jusqu'à son départ à la retraite à compter du 1er juillet 2020 ; que les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par l'intimée par suite de la perte de son emploi ;

Attendu en application des articles 700 2° du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, que l'équité commande d'allouer au profit de Me Anne DURIEZ, conseil de [P] [A], 2500 euros nets au titre des frais que l'intimée aurait dû exposer en cause d'appel si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

 

REFORME le jugement déféré,

ANNULE l'avertissement en date du 25 février 2015,

CONDAMNE la société GD DISTRIBUTION à verser à [P] [A] 1000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'avertissement injustifié,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

 

ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société GD DISTRIBUTION à verser à Me Anne DURIEZ 2500 euros nets au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que [P] [A], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, aurait exposés si elle n'avait pas eu cette aide en application de l'article 700 2° du code de procédure civile,

DIT que si Me Anne DURIEZ recouvre cette somme, elle renoncera à percevoir la part contributive de l'Etat et que si elle n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée viendra en déduction de la part contributive de l'Etat,

DIT que si à l'issue du délai de quatre ans à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, Me Anne DURIEZ n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, elle sera réputée avoir renoncé à celle-ci,

CONDAMNE la société GD DISTRIBUTION aux dépens.

LE GREFFIER

N. BERLY

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/01753
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.01753 ?
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