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24/06/2022 | FRANCE | N°19/00939

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 24 juin 2022, 19/00939


ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 705/22



N° RG 19/00939 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJIE



PL/VM















AJ

















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

14 Mars 2019

(RG 17/00128 -section 3)











































GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [T] [W]

Délégation locale de Lille de la Croix Rouge, [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d...

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 705/22

N° RG 19/00939 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJIE

PL/VM

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

14 Mars 2019

(RG 17/00128 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [T] [W]

Délégation locale de Lille de la Croix Rouge, [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/005421 du 14/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

Commune de [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 26 Avril 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Octobre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

[T] [W] a été recrutée, pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, par différents arrêtés de la Ville de [Localité 3] du 9 au 31 mars 2015, du 1er au 26 avril 2015 et enfin du 11 mai 2015 au 5 juillet 2015 en qualité d'agent non titulaire de droit public, pour occuper un emploi d'adjoint technique de 2éme classe. Le 1er septembre 2015, il a été conclu entre les parties un contrat à durée déterminée d'insertion pour une période de six mois, aux termes duquel [T] [W] était engagée en qualité d'agent d'entretien affectée au service propreté pour une durée hebdomadaire de travail de 26 heures, porté par avenant en date du 27 novembre 2015 à 28 heures, par semaine.

Dans la matinée du 24 septembre 2015, la salariée a été victime d'une agression sexuelle commise par [O] [M], l'un de ses collègues de travail, recruté également comme agent de voirie par contrat à durée déterminée d'insertion depuis le 1er septembre 2015.

A l'issue de l'entretien d'évaluation professionnelle du 1er février 2016 au cours duquel [N] [Z], responsable du service propreté extra muros de la ville, a fait connaître à la salariée sa décision d'émettre un avis défavorable au renouvellement de son contrat, celui-ci a pris fin le 29 février 2016.

Par requête reçue le 7 février 2017, [T] [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lille afin d'obtenir la requalification de la relation de travail, de faire constater l'illégitimité de la cessation de la relation de travail et l'existence d'un harcèlement moral et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 14 mars 2019, le Conseil de Prud'hommes l'a déboutée de sa demande mais a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 12 avril 2019, [T] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 20 octobre 2021, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 27 avril 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 22 novembre 2019, [T] [W] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la Ville de [Localité 3] à lui verser

- 5750,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L1235-5 du code du travail

- 958,47 euros à titre d'indemnité pour défaut de procédure sur le fondement de l'article L1235-2 du code du travail

- 958,47 euros à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L1245-2 du code du travail

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que le contrat à durée déterminée d'insertion est un contrat de travail spécifique par lequel l'employeur s'engage à accompagner efficacement le salarié recruté vers l'insertion professionnelle, que ce contrat aidé est marqué par une obligation spécifique de l'employeur de proposer au salarié, au cours de son contrat, des accompagnements professionnels et, par voie de conséquence, de veiller à sa formation professionnelle, que cette obligation de formation est un élément essentiel de la validité du contrat d'accompagnement dans l'emploi, que la Ville de [Localité 3] n'a pas veillé à la bonne exécution de ses obligations contractuelles, qu'elle ne l'a pas suivi professionnellement et, notamment n'a pas mis en place d'action de formation et professionnalisation en faveur de la salariée que ce soit en interne ou à l'extérieur de la structure d'accueil, que lors de son embauche, la Ville de [Localité 3] était à la recherche d'une main d''uvre flexible et peu coûteuse pour pallier les besoins du service sans s'intéresser réellement au but du recours à ce type de contrat de travail, à savoir l'insertion professionnelle de la salariée, que l'intimée a détourné de sa finalité le recours au contrat à durée déterminée d'insertion pour des raisons frauduleuses contribuant ainsi à accentuer la situation de précarité de l'appelante, que l'article L5132-15 du code du travail, qui fournit la définition légale de cette catégorie de contrats, envisage la formation professionnelle comme objet du contrat de travail, que l'intimée a recruté la salariée en mai 2015 dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée en restauration, qu'elle connaissait parfaitement la situation sociale et professionnelle de cette dernière avant la conclusion du contrat d'insertion au sein du service propreté, que des missions de formation et d'accompagnement dans l'emploi pouvaient donc être envisagées avec la salariée dès son embauche puisque ce contrat lui a été proposé en raison d'une situation socioprofessionnelle difficile, connue de l'employeur, que l'intimée n'avait pas à s'occuper du volet social de l'insertion de l'appelante puisque cette dernière était suivie par l'ABEJ ce que l'employeur connaissait parfaitement, que seul le volet professionnel devait l'intéresser, qu'il n'a pris aucune mesure en termes de formation ou de mise en situation professionnelle pour permettre à la salariée de développer cet aspect, que l'intimée a tenté de dénigrer la qualité de service de l'appelante par des propos mensongers et la production de pièces contradictoires afin de montrer qu'elle ne pouvait absolument rien envisager avec cette salariée sur le plan professionnel, que nombre d'attestations versées par celle-ci relatent son professionnalisme, sa rigueur et sa gentillesse dans toutes les tâches professionnelles qui ont pu lui être confiées par le passé et à la suite de son emploi au sein de la Ville de [Localité 3], que le comportement fautif de l'intimée dû à une absence de formation justifie la requalification du contrat à durée déterminée d'insertion en contrat à durée indéterminée de droit commun, que la Ville de [Localité 3] n'a suivi pas suivi la procédure de licenciement édictée par le code du travail et n'a notifié aucun motif de rupture à l'appelante de sorte que son licenciement est nécessairement sans cause réelle sérieuse, qu'elle a été contrainte d'élire domicile pendant plusieurs mois auprès de la délégation locale de la Croix Rouge basée à [Localité 3], qu'elle a depuis retrouvé un logement et perçoit des aides sociales pour en financer la location, qu'à la suite du dépôt de plainte effectué contre son agresseur, elle a été convoquée à plusieurs reprises, par sa hiérarchie, les 26 septembre 2015, 29 septembre 2015, 12 octobre 2015 et 14 janvier 2016, que l'objet de ces multiples entretiens était de lui faire signer un document dans lequel elle déclarait se rétracter de ses accusations, qu'elle a été menacée de ne pas voir son contrat de travail renouvelé dans l'hypothèse où elle ne se désisterait pas de sa plainte, que l'ensemble de ces agissements malhonnêtes laisse donc bien présumer l'existence d'un harcèlement moral caractérisé par de multiples tentatives d'intimidation et des insultes répétées auxquelles s'est livrée sa hiérarchie afin de protéger un salarié qui, quelques semaines plus tard, reconnaissait les faits et faisait donc l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Lille, que ce harcèlement opéré par sa hiérarchie a été particulièrement lourd de conséquences, qu'alors qu'elle était en état de choc à la suite de son agression sexuelle, elle a souffert d'un trouble de stress post traumatique secondaire à son agression, favorisé par la persistance de facteurs de stress professionnel, qu'elle verse aux débats un dépôt de plainte, rapporte les propos mensongers de la DRH au cours de la Mensuelle RH du 20 janvier 2016 ainsi que l'obligation qui lui était faite de se trouver quotidiennement en face de son agresseur dans les vestiaires, que la Ville de [Localité 3] a clairement méconnu son obligation de sécurité de résultat, qu'elle s'est totalement désengagée de la nécessaire prévention des faits de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, qu'elle a contraint le personnel féminin et masculin à se changer dans les mêmes vestiaires, qu'une telle situation lui avait été communiquée à plusieurs reprises par la salariée elle-même ainsi que par le syndicat CGT, que l'inaction de l'employeur est la cause de la dégradation de son état de santé.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 27 septembre 2019, la Ville de [Localité 3] intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante et à lui verser 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient que la demande de requalification est infondée, qu'elle a mis en place un système de tutorat, en la personne de [H] [A], pour permettre aux salariés recrutés en contrat à durée déterminée d'insertion de bénéficier d'un véritable accompagnement dans le cadre de l'exécution de leur prestation de travail, qu'elle a proposé à l'appelante plusieurs entretiens professionnels dans le cadre de son parcours d'insertion, que le non renouvellement du contrat n'a pas permis la poursuite de l'accompagnement professionnel par la proposition d'actions de formation, qu'il n'a pas été conclu un contrat d'accompagnement dans l'emploi mais un contrat à durée déterminée d'insertion, prévu par les articles L5132-15-1 et suivants et D5132-27 et suivants du code du travail, que depuis le 1er juillet 2014, les ateliers et chantiers d'insertion, activité mise en 'uvre par la Ville de [Localité 3] et dans le cadre de laquelle elle a recrutée l'appelante, doivent conclure des contrats à durée déterminée d'insertion, que ledit contrat n'a duré que six mois durant lequel la Ville de [Localité 3] a cherché à accompagner l'appelante sur le plan professionnel, que, dès le deuxième mois d'exécution de son contrat de travail et jusqu'à la fin de celui-ci, l'appelante a exprimé, à plusieurs reprises de la méfiance et une certaine opposition à l'égard du service des ressources humaines, rendant ainsi particulièrement difficile la relation contractuelle, que l'accompagnement socio-professionnel réalisé habituellement par le service Insertion Apprentissage Stage n'a pu être complètement mis en 'uvre, à titre subsidiaire, que le quantum des dommages et intérêts sollicités pour licenciement abusif doit être réduit à de plus justes proportions, l'appelante, dont le contrat litigieux n'avait duré que six mois, sollicitant une somme équivalente à six mois de salaires, que celle-ci n'établit aucun fait permettant de présumer l'existence du harcèlement dont elle prétend avoir été victime, qu'elle ne fournit pas le moindre commencement de preuve de la matérialité des menaces, pressions, agressions verbales alléguées, que les pièces produites par la ville, et notamment les comptes-rendus des entretiens avec l'appelante, signés par plusieurs agents de la ville, démontrent le caractère totalement fallacieux de ses accusations, qu'en outre, dès le 28 septembre 2015, la ville a changé l'affectation de l'appelante, afin qu'elle ne soit plus en contact avec [O] [M], son collègue, employé également en qualité d'agent de propreté par contrat à durée déterminée d'insertion, démontrant bien qu'elle agissait pour préserver la sécurité et la santé de cette dernière, que la ville lui a organisé le 6 octobre 2015 avec la psychologue de travail un rendez-vous annulé par l'appelante, que le courrier du 9 mars 2016 du docteur [U], Interne en psychiatrie, adressé au médecin traitant de cette dernière se borne à reprendre les déclarations de sa patiente, que la Ville de [Localité 3] a procédé à la rupture anticipée pour faute grave du contrat conclu avec [O] [M], dès qu'il a été déclaré coupable de faits d'agression sexuelle sur la personne de la salariée, que la Ville de [Localité 3] n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité, que l'agression sexuelle commise par [O] [M] a eu lieu hors temps et hors lieu de travail, que si [O] [M] a effectivement été condamné pour l'agression sexuelle commise le 24 septembre 2015, il ne l'a pas été pour des faits de harcèlement sexuel, que la ville conteste fermement l'assertion de l'appelante selon laquelle les personnels féminin et masculin se changeraient dans les mêmes vestiaires, que cette dernière, qui était la seule femme du service, disposait d'une clé personnelle pour son propre vestiaire, que dès l'altercation du 24 septembre 2015, [O] [M] et l'appelante ont été reçus par leur hiérarchie.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article L5132-15 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur que les ateliers et chantiers d'insertion conventionnés par l'Etat, visés à l'article L5132-4 dudit code, ont pour mission d'assurer l'accueil, l'embauche et la mise au travail sur des actions collectives des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières et d'organiser le suivi, l'accompagnement, l'encadrement technique et la formation de leurs salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable ;

Attendu qu'aux termes de l'article 9 du contrat à durée déterminée d'insertion conclu à compter du 1er septembre 2015, l'appelante devait bénéficier d'un suivi et d'un accompagnement socio-professionnel ; qu'elle pouvait être destinataire de propositions de formations internes et externes ; qu'elle acceptait enfin de recevoir toute information susceptible de concourir à sa formation et à sa recherche d'emploi ; que cet article s'inscrivait dans le cadre de la mission d'accompagnement dévolue à la Ville de [Localité 3] en application des dispositions légales précitées ; qu'il lui appartenait donc d'assurer non seulement l'accompagnement et l'encadrement technique de l'appelante mais aussi sa formation, visée expressément par ces dernières dispositions ; que l'intimée ne peut donc alléguer qu'elle n'était pas tenue à cette dernière obligation qui constitue en outre le corollaire à la mission d'accompagnement ; qu'elle prétend avoir mis en place un système de tutorat pour permettre aux salariés recrutés dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'insertion de bénéficier d'un accompagnement à l'occasion de l'exécution de leur prestation de travail, ajoutant que le tuteur de l'appelante était [H] [A], agent de maîtrise ; que toutefois aucune pièce versée aux débats ne démontre l'effectivité d'une telle responsabilité attribuée à ce dernier ; que l'attestation de celui-ci, dans laquelle il apparaît exclusivement en qualité de responsable du secteur Fives, n'a trait qu'aux problèmes relationnels que l'appelante avait pu rencontrer avec les autres agents et n'aborde à aucun moment le contenu de l'activité de tuteur de son auteur ; que l'intimée ajoute avoir proposé à l'appelante plusieurs entretiens professionnels dans le cadre de son parcours d'insertion ; que si des entretiens ont pu effectivement avoir lieu, comme le 14 janvier 2016 durant lequel a été dressé un diagnostic professionnel et social, ceux-ci ne pouvaient pallier l'absence de formation proposée à la salariée ; qu'enfin l'intimée ne peut soutenir que le non renouvellement du contrat de travail ne lui a pas permis de proposer des actions de formation, celles-ci devant être envisagées dès le début de la relation de travail et non à son terme ; que le non-respect de l'obligation de formation dont était débitrice la Ville de [Localité 3] conduit à la requalification du contrat à durée déterminée d'insertion en contrat de travail à durée indéterminée ;

Attendu en application de l'article L1245-2 alinéa 2 du code du travail qu'il n'est pas contesté que la rémunération brute mensuelle de référence pour le calcul de l'indemnité de requalification due à l'appelante soit de 958,47 euros ; qu'il convient donc dévaluer à cette somme cette dernière indemnité ;

Attendu en application de l'article L1235-5 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur, que par suite de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail devait survenir dans les conditions de l'article L1232-5 dudit code ; que l'absence de lettre de licenciement confère à celui-ci un caractère abusif ; que la procédure de licenciement est en outre affectée d'une irrégularité puisque les règles relatives à l'assistance du salarié prévues à l'article L1232-4 n'ont pas été respectées ; que l'appelante jouissait d'une ancienneté de six mois au sein de la Ville de [Localité 3] à la date de la cessation de la relation de travail ; que compte tenu de la précarité de sa situation personnelle, elle a subi, du fait de la perte de son emploi, un préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 2000 euros ; que de même l'irrégularité de la procédure de licenciement lui a occasionné un préjudice qui doit être évalué à 958 euros ;

Attendu en application de l'article L1154-1 du code du travail que les faits que présente l'appelante dans ses écritures, susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, sont de multiples convocations à des entretiens avec son employeur, à la suite de son agression par [O] [M], en vue de l'inciter à retirer sa plainte, des menaces répétées de non renouvellement de son contrat de travail, des tentatives d'intimidation et des insultes aggravant son état de santé psychique perturbé par l'agression subie antérieurement ; que toutefois, les insultes ou les agressions verbales dont aurait été victime l'appelante ne résultent que de ses propres déclarations enregistrées dans le second procès-verbal de plainte déposé le 31 octobre 2015 ; que l'intimée produit les trois documents établis à la suite des entretiens organisés les 25 septembre et 7 octobre 2015, et le 14 janvier 2016 dont fait état l'appelante ; que le premier entretien auquel assistait [N] [Z], responsable opérationnel, [S] [R], coordonnateur du service propreté, et [I] [P], chargée d'insertion professionnelle, porte principalement sur l'altercation survenue la veille avec [O] [M] et non sur l'agression sexuelle commise postérieurement ; qu'il a donné lieu à l'établissement d'un rapport dans lequel sont également retranscrits des propos tenus par l'appelante lorsqu'a été abordée la question de l'agression sexuelle ; que la salariée parait avoir minimisé ces derniers faits qu'elle aurait qualifiés de «privés» et à la suite desquels elle aurait reçu les excuses de leur auteur, ajoutant néanmoins qu'elle maintenait la plainte qu'elle avait déposée pour se protéger  ; qu'au terme de ce rapport, que l'appelante a refusé oralement de signer, son changement d'affectation avait été décidé à compter du 28 septembre 2015 afin qu'elle ne soit plus susceptible de collaborer avec [O] [M] ; qu'il résulte du compte rendu du deuxième entretien que celui-ci avait pour objet de présenter le précédent rapport ; que l'appelante a maintenu son refus de le signer, refus qui a été transcrit sur ledit rapport ; qu'enfin le troisième entretien organisé par [I] [P] et auquel a notamment assisté le représentant du syndicat Force Ouvrière, s'inscrit, selon l'intimée, dans le cadre du parcours d'insertion de l'appelante ; qu'il n'apparaît nullement de ces pièces que la salariée ait fait l'objet de la moindre incitation à effectuer un retrait de sa plainte ; que de même, les menaces répétées de non renouvellement du contrat de travail ne reposent sur aucun élément matériel ; qu'il apparaît en revanche des nombreuses pièces produites que l'appelante manifestait un manque total de confiance tant envers son employeur que ses collègues de travail ; qu'un tel climat de défiance, exacerbé au point de la conduire à souhaiter, à chaque entretien avec ses responsables, la présence d'un représentant syndical était difficilement compatible avec le maintien d'une relation de travail à l'expiration du contrat à durée déterminée d'insertion ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne présente pas de faits permettant dans leur ensemble de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Attendu en application de l'article L4121-1 du code du travail qu'il résulte de la plainte déposée le 24 septembre 2015 auprès de commissariat de police de [Localité 3] et de l'attestation de [X] [V] que l'agression dont a été victime l'appelante s'est déroulée alors qu'elle avait terminé son service et avait pris le métro avec son collègue [O] [M] ; que vers 16h 30, à la sortie de la station de métro de [Localité 4], après avoir tenu soudainement à son égard un langage grossier à connotation raciste et sexuelle, celui-ci s'était livré à des attouchements sur sa personne ; que dans le cadre de sa plainte, l'appelante souligne qu'elle avait été surprise par un tel comportement, [O] [M], avec lequel elle travaillait depuis le 1er septembre 2015, ayant toujours été correct avec elle ; que par courriel du 25 septembre 2015, [S] [R] a communiqué à [J] [C], directeur du service propreté, les informations provenant du commissariat de police de [Localité 3] à la suite du placement en garde à vue d'[O] [M] ; que [J] [C] a immédiatement souhaité la mise en place d'un suivi psychologique de l'appelante avant même la réception du résultat de l'enquête ouverte sur les faits ; qu'un rendez-vous avec le psychologue du travail a été fixé le 6 octobre 2015 que l'appelante a toutefois annulé ; qu'à la suite de l'entretien tenu le 25 septembre 2015, les responsables du service auquel appartenait l'appelante ont décidé de modifier son organisation de travail de façon à lui éviter de devoir collaborer avec [O] [M] ; que l'intimée a procédé à la rupture anticipée du contrat de travail pour faute grave à la suite de la condamnation le 21 juin 2016 de ce dernier pour les faits d'agression sexuelle ; que celle apparaît donc comme un acte isolé qui n'avait jamais connu de précédent aussi bien dans le cadre de la vie privée de la salariée que dans celui de sa vie professionnelle ; qu'aucun autre incident, de quelque nature qu'il soit impliquant l'appelante, n'a été relevé postérieurement au 25 septembre 2015 ; qu'il ne peut donc être imputé à la Ville de [Localité 3] de manquement à son obligation de sécurité ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU 

CONDAMNE la Ville de [Localité 3] à verser à [T] [W]

- 958,47 euros à titre d'indemnité de requalification

- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- 958 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

DÉBOUTE [T] [W] du surplus de sa demande,

CONDAMNE la Ville de [Localité 3] aux dépens.

LE GREFFIER

N. BERLY

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/00939
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.00939 ?
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