La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2022 | FRANCE | N°18/02520

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 24 juin 2022, 18/02520


ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 1102/22



N° RG 18/02520 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RYFT



GG/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

04 Juillet 2018

(RG 15/01607 -section 2)







































r>


GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANTES :



S.C.M. MARTIN ET [B] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ETABLISSEMENTS BREVIER

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avoc...

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 1102/22

N° RG 18/02520 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RYFT

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

04 Juillet 2018

(RG 15/01607 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTES :

S.C.M. MARTIN ET [B] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ETABLISSEMENTS BREVIER

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substituée par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Jean-françois FENAERT, avocat au barreau de LILLE

Société ETABLISSEMENTS BREVIERE en liquidation judiciaire

INTIMÉES:

Mme [R] [E] [C]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Anne laury LEQUIEN, avocat au barreau de LILLE

UNEDIC AGS CGEA LILLE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS :à l'audience publique du 04 Mai 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Avril 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE, qui assurait une activité de déménagements, et appliquait la convention collective des transports routiers, a engagé par contrats à durée déterminée du 24 avril 2012 jusqu'au 23 juillet 2012, puis à compter du 4 septembre 2012, Mme [R] [C] née [E] en qualité de secrétaire commerciale, coefficient 140, groupe 8, la relation de travail se poursuivant pour une durée indéterminée à compter du 6 novembre 2012 au poste d'assistante de direction.

Mme [C] a écrit à l'employeur le 29/11/2013 pour déplorer une attitude de discrimination, depuis le départ de son époux qui travaillait comme commercial dans l'entreprise, à la suite d'une rupture conventionnelle, expliquant que son bureau avait été fouillé et ses missions diminuées, celle-ci n'ayant plus accès à la comptabilité, l'employeur ayant répondu à cette correspondance le 05/12/2013.

Par lettre remise en main propre le 31/08/2015, Mme [R] [C] a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 08/09/2015, avec mise à pied conservatoire.

Mme [C] a contesté les conditions de remise de sa convocation et de la mise à pied conservatoire, expliquant ne pas connaître les griefs éventuels de l'employeur.

L'employeur a notifié à Mme [R] [C] par lettre du 11/09/2015 pour faute grave aux motifs suivants : «[...] dans le cadre de recherches d'économies depuis le début de l'année sur l'ensemble de nos fournisseurs et face à la situation de la société Brevière, que vous connaissez clairement, nous avons réalisé une étude sur les coûts de communication et donc de téléphonie sur la flotte professionnelle. Lors de cette étude, nous avons pu constater une évolution croissante des coûts de facturation téléphonique fixe et mobile de la flotte, qui nous a conduit a une analyse plus détaillée des temps de communication. Cette analyse nous a permis notamment de relever :

-un temps de communication depuis votre mobile professionnel vers des téléphones mobiles hors flotte, et pendant les heures de travail, représentant jusqu'à 50 % du temps total de communication de toute la flotte. Ces temps de communication pouvant atteindre 22 h sur un mois (la moyenne des autres mobiles ne dépassant pas les 3h de communication), ce qui est complètement abusif et en total désaccord avec vos engagements professionnels.

-cette analyse nous a également fait constater que parmi ces appels récurrents vers des numéros privés, l'un d'entre eux appartient à l'ancienne dirigeante de la société Brevière avec laquelle la société est toujours en procédure juridique, ce que vous ne pouvez ignorer, et à propos de laquelle, la direction actuelle vous a ordonné, ainsi qu'a l'ensemble des employés administratifs, de n'avoir aucun échange, dans l'intérêt de l'entreprise Brevière et des procédures juridiques en cours.

Lors de l'entretien, vous m'avez confirme avoir eu cette directive mais n'en avoir pas tenu compte, développant même, au contraire, les échanges et relations avec l'ancienne dirigeante.

Ces faits représentent à eux seuls un non-respect de vos engagements professionnels, et plus grave encore, sont de nature à mettre en péril l'ensemble de l'exploitation de la société Brevière.

Nous devons également noter votre attitude de refus de communication des codes d'accès de votre téléphone professionnel, pendant votre mise à pied et jusqu'à l'entretien, et ce, malgré nos multiples relances ; ainsi que votre propre reconnaissance de ces faits lors de cet entretien ainsi que la reconnaissance de points divers, tels que :

-votre journée de CP du 13 juillet non déclarée,

-la facturation globale de garde-meubles oubliée début juillet,

-des doubles facturations dont vous avez entendu parler sans pour autant réagir et apporter aucune correction,

Votre attitude lors de cet entretien, vos remarques et observations, ne nous ont pas permis de comprendre vos différents agissements. En conséquence, nous avons le regret de vous informer que nous prenons la décision de vous licencier pour les motifs évoqués ci-dessus qui correspondent à une faute grave [...] »

Par lettre du 20/10/2015, Mme [C] a contesté les griefs exposés, puis a saisi par requête du 10/12/015 le conseil de prud'hommes de Lille de diverses demandes indemnitaires afférentes à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 04/07/2018, le conseil de prud'hommes a  :

-dit que le licenciement de Mme [R] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE à payer à Mme [R] [C] :

-15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

-848 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

-1.179 euros au titre des rappels de salaires, outre 117,93 euros au titre des congés payés y afférents,

-4.240 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 424 euros au titre des congés payés y afférents,

-6.500 euros au titre du préjudice moral,

-1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-lesdites somme emportant intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances de nature salariale et du prononcé de ta présente décision, pour les créances de nature indemnitaire,

-ordonné à la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE de délivrer à Mme [R] [C] le certificat de travail, le solde de tout compte, l'attestation Pôle Emploi et la dernière fiche de paie rectifiés en fonction du présent jugement sous 15jours à compter du prononcé et sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents,

-débouté Mme [R] [C] du surplus de ses demandes,

-débouté la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE de l'ensemble de ses demandes,

-limité l'exécution provisoire à ce que de droit,

-condamné la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 01/08/2018, la société ETABLISSEMENTS BREVIERE a interjeté appel de la décision précitée.

Le tribunal de commerce de Lille a ouvert par jugement du 16/03/2020 une procédure de redressement judiciaire de la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 02/09/2020, Me [O] [B] étant nommé en qualité de liquidateur.

Selon ses dernières conclusions reçues le 16/06/2021, la SCM Philippe Martin & [O] [B] représenté par Me [O] [B] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

A titre principal :

-dire et juger que le licenciement de Mme [R] [C] repose sur une faute grave,

-débouter Mme [R] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

-dire et juger que le licenciement de Mme [R] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire :

-si par extraordinaire la Cour venait à juger que le licenciement de Madame [R] [C] est sans cause réelle et sérieuse, limiter à six mois de salaire soit 12.720 euros le montant des dommages et intérêts octroyés à Mme [R] [C],

En tout état de cause et à titre reconventionnel :

-condamner Mme [R] [C] à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [R] [C] aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 30/06/21, Mme [R] [C] demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

-dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société ETABLISSEMENTS BREVIERE à lui payer :

-848 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

-1.179 euros au titre des rappels de salaires sur la mise à pied conservatoire, outre 117,93 euros au titre des congés payes y afférents,

-4.240 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 424 euros au titre des congés payes y afférents,

-1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-lesdites somme emportant intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances de nature salariale et du prononcé de ta présente décision, pour les créances de nature indemnitaire,

-ordonné à la société ETABLISSEMENTS BREVIERE de délivrer à Mme [R] [C] le certificat de travail, le solde de tout compte, l'attestation Pôle Emploi et la dernière fiche de paie rectifiés en fonction du présent jugement sous 15jours à compter du prononcé et sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents,

-limité l'exécution provisoire a ce que de droit,

-condamné la société ETABLISSEMENTS BREVIERE aux dépens de l'instance,

Concernant le quantum des dommages et intérêts, elle s'en rapporte a la sagesse de la Cour :

-le Conseil lui a octroyé la somme de 15.000 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse sur une demande de 25.440 euros (12 mois),

-et 6.500 euros au titre du préjudice moral sur les 10.000 euros de dommages et intérêts demandes en première instance,

En tout état de cause :

-si besoin est, fixer les sommes qui pourront être nouvellement octroyées par la Cour au passif de la liquidation judiciaire de la société ETABLISSEMENTS BREVIERE,

-fixer au passif de la société ETABLISSEMENTS BREVIERE représentée par Me [B] ès-qualités la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour la présente procédure, outre les entiers frais et dépens,

-dire l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA de Lille.

Selon ses dernières conclusions du 30/04/2021, l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de Lille demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [R] [C] du surplus de ses demandes, et statuant à nouveau de :

A titre principal :

-débouter Mme [R] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la Cour estimait que le licenciement de Madame [C] est dénué de cause réelle et sérieuse,

-juger que les dommages et intérêts sollicités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont manifestement disproportionnés

-réduire le quantum des dommages et intérêts sollicités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal,

En tout état de cause :

-débouter Mme [R] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

Très subsidiairement :

-juger que les dommages et intérêts sollicités pour préjudice moral distinct sont manifestement disproportionnés,

-réduire le quantum des dommages et intérêts sollicités pour préjudice moral distinct à de plus justes proportions,

En toute hypothèse :

-dire que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L 143.11.1 et suivants du code du travail) et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du code du travail), et ce toutes créances du salarié confondues,

-juger que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail,

-statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 13/04/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

L'appelante indique avoir été confrontée en 2015 à des difficultés financières ; elle expose avoir constaté une évolution croissante de ses coûts de facturation téléphonique, qui l'a poussée à réaliser une étude, qu'elle a constaté un temps de communication depuis le mobile professionnel de Mme [C] pendant ses heures de travail représentant plus de 50 % du temps total de communication, à destination de sa mère, de son époux et d'un autre salarié de l'entreprise M. [T] [I], ces appels ne relevant pas de ses fonctions, que certains appels étaient à destination de Mme [V], ancienne dirigeante de l'entreprise, avec laquelle elle se trouve en litige au titre de la garantie d'actif et de passif, les salariés ayant pour instruction de n'avoir aucune communication avec cette dernière, qu'il apparaît que Mme [V] a eu accès à des informations comptables qu'il lui était impossible d'obtenir sans le soutien d'une source interne à l'entreprise, que la salariée a refusé de restituer son téléphone portable lors de la mise à pied conservatoire, que de multiples erreurs concernant la déclaration de congés payés ont été relevées, ainsi qu'en matière de facturation.

Le CGEA rappelle que l'utilisation répétée d'un téléphone professionnel à des fins personnelles est susceptible de constituer une faute grave, et s'associe à l'argumentation du liquidateur.

L'intimée explique avoir été mise à pied devant la porte de l'entreprise à son retour de congés, qu'aucune explication ne lui a été donnée, qu'elle a demandé à récupérer ses données personnelles sur le téléphone sans réponse de l'employeur sur ce point, que ni la faute grave ni la cause réelle et sérieuse ne sont caractérisées, que la gestion des appels téléphoniques relève de ses attributions, que le licenciement présente un caractère vexatoire et a eu des conséquences sur son état de santé, que la procédure commerciale est instrumentalisée en raison du présent litige, qu'il n'est relevé aucun surcoût pour l'employeur, qu'elle n'a jamais communiqué d'informations sur l'entreprise à Mme [V], qu'une erreur a été commise concernant un jour de congés payés qui a été rectifiée, ainsi que pour la double facturation.

Sur ce, la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.

Afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis ; lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il ressort de la lettre de licenciement du 11/09/2015, fixant les limites du litige, que l'employeur reproche à Mme [C] les faits suivants :

-un temps de communication depuis son mobile professionnel vers des téléphones mobiles hors flotte, et pendant les heures de travail, représentant jusqu'à 50 % du temps total de communication de toute la flotte, ces temps de communication pouvant atteindre 22 h sur un mois contre 3 heures en moyenne pour les autres salariés,

-des appels récurrents vers l'ancienne dirigeante de la société Brevière, alors que la direction actuelle lui a ordonné, ainsi qu'à l'ensemble des employés administratifs, de n'avoir aucun échange, dans l'intérêt de l'entreprise Brevière et des procédures juridiques en cours.

-le refus de communication des codes d'accès du téléphone professionnel, pendant la mise à pied et jusqu'à l'entretien,

-une journée de congés payés du 13 juillet non déclarée,

-la facturation globale de garde-meubles oubliée début juillet,et des des doubles facturations non corrigées.

Il convient de revenir sur chacun des griefs.

Pour preuve de la faute grave, l'employeur verse les facturations détaillées des mois de janvier à juillet 2015, comportant des mentions manuscrites du temps de communication imputable à Mme [C]. Toutefois, il n'est pas apporté de réponse précise de l'employeur à l'argumentation de Mme [C] résultant de sa correspondance du 20/10/2015 dans laquelle elle indique utiliser le téléphone portable précisément pour éviter d'utiliser la ligne fixe dans la mesure où les communications sont illimités, et précisant être amenée à contacter de nombreux clients dans le cadre de livraisons. De plus le contrat de travail du 04/09/2012 attribue notamment à Mme [C] la gestion des lignes téléphoniques, cette mention devenant le 06/11/2012 « gestion des litiges téléphoniques « (sic). L'utilisation du téléphone relève donc de ses attributions.

En outre, les factures produites ne démontrent aucunement l'existence d'un surcoût en lien avec les appels téléphoniques incriminées. Enfin, la lettre de licenciement incrimine un temps de communication important sans se référer précisément à l'utilisation personnelle du téléphone confiée à Mme [C]. Il convient cependant d'indiquer sur ce point, que Mme [C] est salariée de l'entreprise depuis plus de trois ans, que l'employeur a accès aux facturations détaillées, qu'il n'a jamais mis en garde la salariée relativement à l'utilisation personnelle du téléphone, la salariée indiquant appeler sa mère qui a des problèmes de santé et son époux lors de sa pause déjeuner, M. [I] étant pour sa part responsable du service manutention.

La cour observe en outre que l'employeur verse aux débats le règlement intérieur de l'entreprise du 17/09/2007 interdisant une utilisation personnelle du matériel de l'entreprise. Or, ce document n'est pas signé. Il comporte le nom de M. [G] [S], ce qui pose une difficulté dans la mesure où il ressort des pièces versées par Mme [C], que les parts détenue par Mme [V] et M. [P] ont été cédées à la société VERKOM, dont M. [S] est le dirigeant, par un protocole de cession du 06/02/2012. En outre, ni l'inspecteur du travail ni le greffier du conseil de prud'hommes de Lille n'ont enregistré de dépôt du règlement intérieur. Il ressort de ces éléments que le grief n'est pas établi.

S'agissant des communications téléphoniques avec Mme [V], il ressort du courriel du 18/03/2013 que l'employeur demande aux salariés de « ne donner aucune suite à aucune requête de quelque ordre que ce soit émanant de Mme [V] ou M. [P] ». Mme [C] admet avoir une relation amicale avec Mme [V] mais conteste la transmision de toute information concernant l'entreprise, l'employeur n'apportant aucune preuve à cet égard, ainsi que l'a exactement relevé le premier juge. Le grief n'est pas établi.

S'agissant de l'absence de restitution des codes du téléphone portable durant la mise à pied à titre conservatoire, il ressort des échanges de courriels et de la correspondance de contestation du licenciement du 20/10/2015 que Mme [C] a demandé à récupérer ses données personnelles, notamment des photos de vacances et courriels, l'employeur ayant pris possession du téléphone le 31/08/2015. Il ressort de l'attestation de M. [I] que Mme [C] a donné les codes de déverrouillage du téléphone le jour de l'entretien préalable, et surtout que Mme [C] a écrit à l'employeur le 01/09/2015 pour proposer une rencontre avant l'entretien afin de pouvoir récupérer ses données sur un disque dur, proposition à laquelle l'employeur n'a pas donné suite. Le grief n'est pas établi.

Mme [C] admet un oubli concernant la journée de congés payés du 13/07/2015, ainsi que celle d'un autre salarié. S'agissant des factures, l'employeur verse celles des 18/06/2015 et 01/07/2015 (M. et Mme [U]) et du 01/07/2015 et 27/07/2015 (Mme [N]) visant la même prestation. Cependant, le caractère intentionnel de ces erreurs, dont Mme [C] indique qu'elles ont été rectifiées et que des avoirs ont été émis, sans démenti sérieux sur ce point, n'est pas établi, et ne peut justifier en toute hypothèse ni la faute grave alléguée ni même constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Enfin, aucun élément n'est apporté relativement à l'oubli de la facturation globale de l'activité de garde-meuble.

Le licenciement est donc privé de cause réelle et sérieuse comme l'a retenu le premier juge. Le jugement sera confirmé.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

Le premier juge a fait une exacte appréciation, par une argumentation que la cour fait sienne, des indemnités allouées au titre de la rupture du contrat de travail, lesquelles ne sont pas sérieusement discutées par le CGEA. Les sommes allouées au titre de l'indemnité légale de licenciement (848 €), de l'indemnité compensatrice de préavis de (4.240 € et 424 € de congés payés afférents), du rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée (1.179 € et 117,93 € de congés payés afférents). Le jugement est confirmé sauf à fixer ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société ETABLISSEMENTS BREVIERE.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C] (2.120 €), de son âge, de son ancienneté (3 ans et 2 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, le premier juge a exactement apprécié le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant son préjudice à la somme de 15.000 €. Le jugement est confirmé.

En vertu de l'article 1147 du code civil ancien, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il ressort de la correspondance du 20/10/2015 que Mme [C] explique sans être sérieusement démentie, explique qu'elle a été évincée de l'entreprise devant ses collègues, sans aucune explication, malgré ses pleurs, outre le fait que la procédure a été diligenté à son retour de congés. Elle verse un compte-rendu à la suite de l'hospitalisation du 7 au 09/10/2015 pour fléchissement thymique important et une recrudescence anxieuse de son licenciement, ce compte-rendu évoquant les conséquences du licenciement mais également la mise à pied qui s'avère injustifiée. Mme [C] rapporte ainsi la preuve de circonstances constituant une atteinte à la dignité de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi. Son préjudice moral sera plus exactement indemnisé par la somme de 3.000 €. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE.

Le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS, CGEA de Lille, qui devra sa garanties dans les limites légales et réglementaires.

Les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Il convient en application de l'article 700 du code de procédure civile de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance au titre des frais irrépétibles et des dépens étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE à payer à Mme [R] [C] la somme de 6.500 € au titre du préjudice moral, et sauf à préciser que les créances salariales seront fixées au passif de l'état des créances de la liquidation judiciaire de la SAS ETABLISSEMENTS BREVIERE,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

INFIRME le jugement déféré pour le surplus,

FIXE au passif de la SAS ETABLISEMENTS BREVIERE les sommes qui suivent :

-3.000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral distinct,

-2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en appel,

DECLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS, CGEA de Lille, qui devra sa garantie dans les limites et plafonds légaux.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 18/02520
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;18.02520 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award