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23/06/2022 | FRANCE | N°20/02826

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 23 juin 2022, 20/02826


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 23/06/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/02826 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TDQA



Jugement (N° 18/00607)

rendu le 17 septembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe







APPELANTS



Monsieur [K] [U]

né le 13 novembre 1961 à [Localité 5]

Madame [X] [E] épouse [U]

demeurant ensem

ble [Adresse 6]

[Localité 5]



représentée par Me Jonathan Daré, membre de la SELARL Grillet Daré Coulon, avocat au barreau de Valenciennes





INTIMÉES



Madame [C] [U]

née le 06 février 1995 à [Localité 8]

demeura...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 23/06/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02826 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TDQA

Jugement (N° 18/00607)

rendu le 17 septembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe

APPELANTS

Monsieur [K] [U]

né le 13 novembre 1961 à [Localité 5]

Madame [X] [E] épouse [U]

demeurant ensemble [Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Jonathan Daré, membre de la SELARL Grillet Daré Coulon, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉES

Madame [C] [U]

née le 06 février 1995 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Madame [A] [U]

née le 07 juillet 1989 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

représentées par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Joanes Louis, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 04 avril 2022 tenue par Christine Simon-Rossenthal magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 07 mars 2022

****

Rappel des faits et de la procédure

Monsieur [L] [U] est décédé le 6 février 2016 à [Localité 5] et a laissé pour lui succéder son unique fils, [K] [U].

Par testament du 28 mars 2008, reçu par Maître [R], notaire à [Localité 8], Monsieur [L] [U] a institué légataires à titre particulier ses deux petites filles : [A] et [C] [U], chacune pour moitié indivise de la nue-propriété de l'immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 5].

Par acte du 23 mars 2018, Mesdames [A] et [C] [U] ont fait assigner Monsieur [K] [U] et Madame [X] [E], épouse [U] aux fins de voir, au principal, déchoir Monsieur [U] de l'ensemble de ses droits d'usufruitier sur l'immeuble.

Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe a :

- dit que le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe est compétent pour connaître de la demande relative à l'expulsion de Monsieur [K] [U] et Madame [E] ;

- déclaré que le jugement est commun à Madame [E] ;

- débouté Mesdames [A] et [C] [U] de leur demande relative à la déchéance des droits d'usufruitier de Monsieur [K] [U] ;

- débouté Monsieur [U] et Madame [U] de leur demande relative à l'incompétence du président du tribunal au titre de la demande d'expulsion ;

- débouté Mesdames [A] et [C] [U] de leur demande d'expulsion ;

- rejeté les demandes de dommages et intérêts ;

- rejeté les demandes de dommages et intérêts tendant à l'inapplicabilité du testament du 28 mars 2008 ;

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation de l'indivision existant entre les consorts [U] ;

- désigné pour procéder à ces opérations, Maître [F] [Y], notaire à [Localité 9] ;

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire désigné, il appartiendra au président de ce tribunal, saisi par simple requête, de procéder à son remplacement ;

- rappelé les dispositions de l'article 1368 du code de procédure civile ;

- dit que le notaire désigné pour procéder aux opérations de liquidation partage devra reconstituer la masse active de la succession afin de procéder à la réduction éventuelle des libéralités excédant la quotité disponible ;

- désigné le juge commis au contrôle des opérations de partage judiciaire de ce tribunal pour faire rapport en cas de contestations, en application des articles 1364 et suivants du code de procédure civile ;

- rappelé les dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile ;

- dit que Maître [Y] aura pour mission, ensuite, après paiement du passif, de répartir l'actif subsistant entre les héritiers selon leurs parts et droits ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [U] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique 19 avril 2021, les époux [U] demandent à la cour de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes de dommages et intérêts ; rejeté la demande tendant à l'inapplicabilité du testament du 28 mars 2008, reçu par Maître [I] [R], notaire à [Localité 8] ; débouté les parties du surplus de leurs demandes ; laissé à chaque partie la charge de ses dépens et dit n'y a voir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent à la cour de :

- juger que le testament du 28 mars 2018 ne peut trouver à s'appliquer, en raison de la charge pesant sur l'héritier réservataire ;

- en conséquence, débouter Mesdemoiselles [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

subsidiairement, déclarer Mesdemoiselles [A] et [C] [U] prescrites en leur action en délivrance de legs, par application des articles 1014 et 2224 du code civil  et, en conséquence, débouter Mesdemoiselles [U] de l'ensemble de leurs demandes ;

- à défaut, et très subsidiairement, dire que le notaire aura la charge d'évaluer l'immeuble et de proposer une valeur de l'usufruit suivant la méthode économique.

en toute hypothèse,

- déclarer le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe incompétent au profit juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Maubeuge sur la demande d'expulsion formulée contre les appelants ;

- ordonner la disjonction des procédures ;

- condamner Mesdemoiselles [A] et [C] [U] à payer à M. [K] [U] la somme de 8 644,34 euros au titre du coût des grosses réparations payées pour l'entretien de l'immeuble ;

- condamner Mesdemoiselles [A] et [C] [U] en tous les frais et dépens de première instance et d'appel  et à payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Ils soutiennent que l'action en délivrance du legs est prescrite.

Ils sollicitent la condamnation de [A] [U] et [C] [U] à leur payer la somme de 8 644,34 euros au titre des grosses réparations payées pour l'entretien de l'immeuble.

Ils demandent, à titre subsidiaire, la réduction de la libéralité.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 mai 2021, Madame [C] [U] et Madame [A] [U] demandent à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande tendant à l'inapplicabilité du testament du 28 mars 2008 ;

Elle demandent à la cour de :

- juger que les dispositions du testament du 28 mars 2018 sont parfaitement valides et trouveront en l'espèce application ;

- juger irrecevables et mal fondés Monsieur [K] [U] et Madame [X] [U] en leur demande de prescription de l'action en délivrance du legs à l'égard de Mesdemoiselles [A] [U] et [C] [U] et les en débouter ;

- débouter Madame [X] [U] et Monsieur [K] [U] de l'ensemble de leurs demandes,

faisant droit à l'appel incident des concluantes et infirmant ce faisant le jugement entrepris,

- juger que la cour d'appel est parfaitement compétente pour ordonner l'expulsion de Monsieur [U] et de Madame [E] épouse [U] ainsi que tous occupants de leur chef de l'immeuble sis [Adresse 6] ;

- juger que Monsieur [K] [U] et Madame [X] [U] ont causé des dégradations sur l'immeuble et ont manqué à leurs obligations d'entretien sur l'immeuble sis au [Adresse 6] ;

- condamner solidairement [K] [U] et Madame [X] [U] à verser à Mesdemoiselles [A] [U] et [C] [U] la somme de 22 000 euros au titre des dommages causés sur l'immeuble sis au [Adresse 6] ;

- déchoir Monsieur [K] [U] de l'ensemble de ses droits d'usufruitier sur l'immeuble sis au [Adresse 6] en raison de sa volonté délibérée de déprécier la valeur du bien immobilier en le dégradant ;

- ordonner l'expulsion de Monsieur [K] [U] et de Madame [X] [U] ainsi que tous occupants de leur chef de l'immeuble sis [Adresse 6] notamment afin que Mesdemoiselles [A] [U] et [C] [U] puissent mandater un huissier pour faire un état des lieux des dégâts causés par l'incendie et du danger que représente le logement pour les enfants du couple ;

- ordonner à Monsieur [K] [U] et Madame [X] [U] à réaliser les travaux de réparation et de remise en état de la toiture de l'immeuble sis [Adresse 6] ;

- condamner à 200 euros d'astreinte par jour de retard Monsieur [K] [U] et Madame [X] [U] en cas de non-exécution des travaux de remise en état de la toiture par une entreprise professionnelle habilitée à faire ces travaux et disposant de la garantie décennale ;

- le délai de l'astreinte débutera 15 jours à la date de signification de l'arrêt ;

- se réserver la compétence exclusive pour liquider l'astreinte ;

- dire que l'indemnité de réduction sera fixée à 4 879 euros et que cette somme viendra en déduction du montant des condamnations au titre des dommages causés sur l'immeuble par Madame [X] [U] et Monsieur [K] [U] ;

- rejeter la demande de liquidation et partage de la succession [L] [U], en ce que le partage et la liquidation de l'astreinte porterait atteinte à la volonté morale de Monsieur [L] [U] ;

- restreindre la mission du président des notaires avec faculté de délégation qu'à l'opération de compte de la succession [L] [U].

En tout état de cause, condamner solidairement Monsieur [K] [U] et Madame [X] [U] à verser à Mesdemoiselles [A] [U] et [X] [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

A titre liminaire

La disposition du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le jugement commun à Madame [E] n'étant pas contestée par les parties, sera dès lors confirmée.

Sur la contestation du testament

M. [K] [U] soutient que la réserve héréditaire de M. [L] [U] est grevée d'une charge à son détriment constituée par l'usufruit car il doit conserver la substance de la chose.

Comme l'a justement souligné le tribunal, le démembrement de la propriété était l'expression de la dernière volonté de M. [L] [U] et dès lors le testament s'impose aux héritiers dans la mesure où la réserve héréditaire ne comporte aucune charge.

Or la seule contrainte imposée à M. [U] est de conserver l'usufruit et d'entretenir la chose.

Tant en première instance qu'en appel, M. [K] [U] ne démontre pas en quoi la conservation de l'usufruit serait une charge qui gréverait la réserve héréditaire alors qu'au surplus l'usufruit est un actif qui lui permet de faire l'économie d'un loyer et d'accroître, en conséquence, ses revenus.

Le rejet de cette demande n'étant pas repris au dispositif du jugement déféré, M. [U] sera débouté de sa demande tendant à voir déclarer le testament inefficace.

Sur la recevabilité de l'action de Mmes [U]

M. [U] soutient que l'action en délivrance du legs est prescrite puisque Mmes [U] n'ont pas manifesté leur volonté de demander la délivrance à M. [U] des biens légués par feu M. [U] dans le délai de cinq ans à compter de l'ouverture de la succession.

Mmes [U] invoquent l'irrecevabilité de la demande tendant à voir juger que l'action en délivrance du legs est prescrite comme étant nouvelle au sens de l'article 544 du code de procédure civile. Elles font valoir que M. [U] n'a jamais contesté leur qualité de nu propriétaire dans sa proposition de rachat de la nue-propriété.

Ceci étant exposé, en application de l'article 123 du code de procédure, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause de sorte que la demande de M. [U] est recevable.

L'article 1011 du code civil dispose que 'Les légataires à titre universel seront tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut aux légataires universels ; et à défaut de ceux-ci, aux héritiers appelés dans l'ordre établi au titre des successions.'

En l'espèce, M. [U] ne conteste pas avoir proposé à Mmes [U] le rachat de leur quote-part de sorte qu'il reconnaissait ainsi qu'il leur avait été délivré la quotité du bien immobilier, en l'espèce, la nue-propriété. En outre, il reconnaît que la nue-propriété de l'immeuble est entrée dans le patrimoine de Mmes [U] dès lors qu'il a, par courrier adressé à Mme [C] [U] en sa qualité de nue-propriétaire, sollicité le remboursement de dépenses, puis par lettres recommandées avec accusé réception adressée par son conseil le 2 janvier 2018 à Mmes [U], porté cette demande à la somme de 27 000 euros tout en précisant le fondement de sa demande, à savoir l'article 606 du code civil qui dispose que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien et que les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire. Il réitère d'ailleurs sa demande dans le cadre de la présente instance à hauteur de la somme de 8 644,34 euros.

Ainsi, Mmes [U] seront déclarées recevables en leur action.

Sur l'exception d'incompétence

Les époux [U] soutiennent que la demande d'expulsion formée par Mmes [U] n'est pas de la compétence du tribunal judiciaire mais de celle du tribunal d'instance devenu le juge des contentieux de la protection au motif qu'il s'agit d'une demande autonome puisque la déchéance des droits d'usufruit entraînerait de facto la qualification d'occupant sans droit ni titre des concluants.

Or, en application de l'article 49 du code de procédure civile, le juge de l'action est le juge de l'exception et se trouve investi du droit de statuer sur la question soulevée au cours de l'instance qui, proposée au principal, aurait échappé à sa compétence. En outre, saisie de par l'effet dévolutif de l'appel et investie de la plénitude de juridiction en matière civile, la cour a le pouvoir et le devoir de statuer sur la demande d'expulsion qui ne serait en l'espèce que la conséquence du prononcé de la déchéance de l'usufruit, dès lors que sa compétence territoriale n'est pas contestée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a estimé que le tribunal judiciaire était compétent pour connaître de la demande d'expulsion.

Sur la demande de déchéance de l'usufruit

Mmes [U] exposent que M. [U] aidé de son épouse a, en méconnaissance des règles qui régissent l'usufruit, abusé de la jouissance de ses droits d'usufruitier en causant de nombreuses dégradations sur l'immeuble et en manquant de satisfaire à ses obligations d'entretien sur le bien. Elles ajoutent que les dégradations ont donné lieu à plusieurs plaintes déposées entre les mains du procureur et que les époux [U] ont provoqué dans l'immeuble un incendie en essayant d'en faire porter la responsabilité au voisin, incendie qui a nécessité l'intervention des sapeurs-pompiers. Elles ajoutent que M. [U] prétend faussement que l'incendie a pris naissance chez le voisin puisqu'il ressort de l'attestation d'intervention que les sapeurs pompiers sont intervenus sur un feu de maison R+1 combles en bandes. Elles ajoutent que M. [K] [U] n'était pas assuré ; que les pièces versées aux débats par ce dernier ne portent pas le nom de l'assuré comme il est d'usage ; que l'assureur Sogessur qui est l'assureur de l'immeuble voisin dont M. [M] est le propriétaire, indique clairement dans son rapport que l'incendie s'est déclaré chez les époux [U] ; qu'il s'agit là d'une tentative d'escroquerie au jugement. Elle précise que M. [U] ne justifie pas de la réalisation de travaux de la toiture ; qu'il refuse de laisser les nu-propriétaires visiter le logement suite à l'incendie. Elles font valoir que M. [U] n'a justifié avoir souscrit une assurance habitation qu'après qu'une mise en demeure leur a été adressée.

Elles soutiennent que M. [U] ne démontre pas en quoi la conservation de l'usufruit serait une charge qui grèverait sa réserve héréditaire alors qu'il s'agit d'un actif qui lui permet de faire l'économie d'un loyer et d'accroître ses revenus.

M. [K] [U] fait valoir qu'il ne serait être déchu de ses droits d'usufruitier dans la mesure où il serait porté atteinte à la réserve héréditaire ; que les demandes de Mmes [U] ne reposent que sur leurs propres allégations et que l'immeuble n'a ni été dégradé ni détérioré ni maintenu à l'état d'abandon. Il indique verser aux débats le rapport de l'assureur démontrant que l'incendie à pris naissance accidentellement et la preuve de l'assurance souscrite auprès d'Allianz après avoir été assuré chez Sogessur ainsi que de nombreux travaux effectués dans l'immeuble.

En application de l'article 578 du code civil, l'usufruitier a le droit de jouir de la chose dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, à charge d'en conserver la substance. L'usufruitier doit jouir de la chose en bon père de famille. Il a un devoir d'entretien de la chose de sorte qu'il puisse la restituer, à la fin de l'usufruit, dans l'état où elle se trouvait au moment de l'ouverture de l'usufruit.

L'article 618 du code civil dispose que l'usufruit peut cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir, faute d'entretien.

Il ressort de l'attestation d'intervention du service départemental d'incendie et de secours du Nord en date du 12 décembre 2017, versée aux débats par Mmes [U], que les pompiers sont intervenus pour un feu maison le 22 août 2016 au [Adresse 6] à [Localité 5]. Le rapport de l'expert de la société Sogessur, assureur de M. [O] [M] en date du 30 août 2016 établit que cet incendie est parti de l'immeuble occupé par M. [U] et a provoqué des dégâts sur la toiture et le grenier de l'immeuble voisin appartenant à M. [M].

M. [K] [U] verse aux débats une attestation d'assurance de la société Allianz en date du 9 mars 2018 établissant qu'il a souscrit une assurance habitation couvrant la période du 8 mars 2018 au 7 mars 2019. Force est de constater qu'il ne rapporte donc pas la preuve qu'il ait souscrit une assurance habitation pour la période couvrant la date du sinistre incendie du 22 août 2016 alors que l'obligation d'assurer l'immeuble dont il est usufruitier lui incombe. Le compte rendu de l'assureur Sogessur qu'il produit en pièce n° 3 ne saurait rapporter la preuve qu'il était assuré auprès de cette compagnie puisque M. [K] [U] y est indiqué comme responsable et que le rapport de l'expert mandaté par la société Sogessur produit par Mmes [U] mentionne que cette dernière est l'assureur de M. [O] [M].

Il ne justifie pas non plus de la réalisation de travaux de remise en état de l'immeuble suite aux dégradations nécessairement causées par l'incendie, la seule facture produite, postérieure à l'incendie, datée du 14 octobre 2016, d'un montant de 75,60 euros portant une description des deux produits achetés non compréhensible, n'était pas de nature à rapporter cette preuve.

Ainsi, en ne justifiant pas de la souscription d'une assurance couvrant la date du sinistre incendie ni de la réalisation de travaux de remise en état de l'immeuble suite aux dégradations nécessairement causées par l'incendie, M. [U] a abusé de la jouissance de son usufruit entraînant la déchéance de celui-ci.

Le moyen tiré de l'impossibilité de prononcer la déchéance de l'usufruit comme portant atteinte à la réserve héréditaire de M. [L] [U] ne saurait être retenu dans la mesure où cette déchéance prévue à l'article 618 du code civil est la sanction d'un abus de jouissance de l'usufruit.

L'expulsion de M. [K] [U] et de Mme [X] [E] épouse [U] et de tous occupants de leur chef sera ordonnée.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mmes [U]

Mmes [U] sollicite la condamnation de M. [U] à leur payer une provision de 22 000 euros au titre de la réparation de la toiture.

Si le nu-propriétaire peut, en cas de cessation de l'usufruit contre l'usufruitier qui abuse de sa jouissance, contraindre ce dernier de réparer les dommages causés à la chose, force est de constater qu'en l'état, compte tenu de l'absence de pièces justifiant de leur montant, le cour ne peut que rejeter cette demande.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande en réduction de la libéralité

M. [U] soutient que doit être réduit un legs en usufruit ayant pour effet de priver l'héritier réservataire du droit de jouir et de disposer des biens compris dans la réserve et souhaite que soit ordonnée l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [L] [U].

Il verse aux débats un attestation notariale en date du 5 avril 2016 dénommée 'avis de valeur vénale' faisant état d'une valeur vénale de l'immeuble de l'ordre de 40 000 euros à 50 000 euros. Il fait valoir que le taux de rendement de l'immeuble peut être compris entre 1 et 2 % par an, ce qui fait valoriser la nue-propriété économique à une somme comprise entre 29 879 euros et 36 602 euros pour une valeur de pleine propriété de 50 000 euros et que la réserve de M. [U] est atteinte pour une somme de 4 879 euros à 13 602 euros.

Mmes [U] font valoir qu'aux termes des articles 924 et suivants du code civil, en principe, le legs est réductible en valeur et non en nature ; que M. [U] est incapable de déterminer la valeur du bien immobilier de sorte que sa demande subsidiaire en réduction de la libéralité n'est pas fondée. Elles souhaitent, à titre subsidiaire, que l'indemnité de réduction soit fixée à la somme de 4 879 euros qui viendra en compensation avec les dommages causés à l'immeuble.

Elles sollicitent le rejet de la demande d'ouverture, de liquidation et de partage de la succession, faisant valoir qu'elles ont promis à leur grand-père l'unicité de la propriété privée familiale ; que ne faisant pas confiance à son fils qui était violent à son égard et envers ses enfants, il a cherché à protéger le bien immobilier.

Ceci étant exposé, la réduction des libéralités est l'opération qui consiste à vérifier si les libéralités consenties par le défunt entre vifs ou à cause de mort portent atteinte à la réserve successorale et, dans ce cas, à reconstituer la réserve.

La seule évaluation de l'immeuble produite par M. [U] est insuffisante pour permettre à la cour de se prononcer sur la demande de réduction de la libéralité et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le partage et commis pour ce faire Maître [F] [Y], notaire à [Localité 9] qui devra reconstituer la masse active de la succession afin de procéder à la réduction éventuelle des libéralités excédant la quotité disponible.

Sur la demande en paiement de M. [U] au titre des grosses réparations

M. [U] sollicite la condamnation de Mmes [U] à lui payer la somme de 8 644,34 euros au titre de remboursement des réparations qu'il dit avoir engagées.

Ceci étant exposé, l'article 606 du code civil dispose que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien et que les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire.

M. [U] produit 42 factures d'achat de matériaux dont 19 sont libellées à l'adresse du [Adresse 2]. Il ne justifie pas dès lors que les matériaux achetés l'ont été pour des grosses réparations au [Adresse 6] à [Localité 5].

S'agissant des 23 factures libellées à l'adresse du [Adresse 6] concernant l'achat de matériels ne sont pas, en l'absence de pièces complémentaires, de nature à rapporter la preuve de la réalisation par M. [U] de grosses réparations.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de M. [U].

M. [K] [U] succombant en ses demandes sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. Les époux [U] seront déboutés de leur demande d'indemnité de procédure. M. [K] [U] sera condamné à payer à Mmes [U], sur ce fondement, la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [A] [U] et Madame [C] [U] de leur demande de déchéance de l'usufruit et de leur demande d'expulsion et sur les dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Prononce la déchéance de l'usufruit de Monsieur [K] [U] sur l'immeuble sis [Adresse 6] ;

Ordonne l'expulsion de Monsieur [K] [U] et de Madame [X] [E] épouse [U] et de tous occupants de leur chef ;

Confirme le jugement entrepris pour les surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare la fin de non-recevoir formée par Monsieur [K] [U] et Madame [X] [E] épouse [U] recevable ;

Déclare recevable l'action de Madame [A] [U] et Madame [C] [U] ;

Déboute Monsieur [K] [U] de sa demande tendant à voir déclarer le testament inefficace ;

Rejette l'exception d'irrecevabilité de l'action en délivrance de legs ;

Condamne Monsieur [K] [U] aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute Monsieur [K] [U] et Madame [X] [E] épouse [U] de leur demande d'indemnité de procédure ;

Condamne Monsieur [K] [U] à payer Madame [A] [U] et Madame [C] [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/02826
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;20.02826 ?
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