La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°20/02813

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 23 juin 2022, 20/02813


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 23/06/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/02813 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TDKR



Jugement rendu le 10 juillet 2020

par le tribunal judiciaire de Lille





APPELANT



Monsieur [C] [N]

né le 04 juillet 1939 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté par Me Eric Laforce, membr

e de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai





INTIMÉ



Monsieur [O] [H]

né le 30 mars 1978 à Horasan (Turquie)

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Emilie Guillemant, avocat au barreau de Li...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 23/06/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02813 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TDKR

Jugement rendu le 10 juillet 2020

par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [C] [N]

né le 04 juillet 1939 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

INTIMÉ

Monsieur [O] [H]

né le 30 mars 1978 à Horasan (Turquie)

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Emilie Guillemant, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 04 avril 2022 tenue par Christine Simon-Rossenthal magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 07 mars 2022

****

Rappel des faits et de la procédure

Selon acte sous seing privé signé le 4 octobre 2018, M. [C] [N] et M. [O] [H] ont signé un compromis de vente portant sur l'immeuble sis [Adresse 1], moyennant un prix de 250 000 euros.

Plusieurs conditions suspensives ont été prévues au contrat, notamment celle de l'obtention d'un prêt bancaire par l'acquéreur dans le délai d'un mois de la rédaction du compromis.

Un séquestre a été constitué, d'une somme de 12 500 euros versée par l'acquéreur entre les mains du notaire instrumentaire Me [K] et une clause pénale a été stipulée, d'une somme de 20 000 euros. La signature de l'acte authentique a été prévue au plus tard le 21 décembre 2018.

Selon avenant signé le 18 décembre 2018, M. [C] [N] et M. [O] [H] ont convenu de reporter la date de signature de l'acte authentique au plus tard le 31 janvier 2019.

Selon exploit dressé le 11 février 2019, M. [C] [N] a fait sommation à M. [O] [H] de comparaître devant notaire aux fins de signature de l'acte authentique de vente.

Par acte dressé le 25 février 2019 par Me [Z] [F], notaire à [Localité 5], l'absence de signature de la vente a été constatée en l'absence d'obtention par M. [O] [H] d'un prêt bancaire pour financer le bien, et le désaccord des parties a été retranscrit portant sur le respect par l'acquéreur des obligations mises à sa charge dans le compromis de vente.

Selon courrier recommandé dont l'accusé de réception a été signé le 16 mars 2019, M. [C] [N] a mis en demeure M. [O] [H] de lui verser la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale prévue au contrat.

Selon courrier recommandé dont l'accusé de réception a été signé le 16 mars 2019, M. [O] [H] a mis en demeure M. [C] [N] de donner son accord au notaire pour le déblocage à son profit des fonds séquestrés chez ce dernier.

Aucun accord amiable n'est intervenu entre les parties.

Par un exploit dressé le 9 mai 2019, M. [C] [N] a fait assigner M. [O] [H] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de versement de la clause pénale prévue au compromis de vente.

Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- dit que le compromis de vente signé le 4 octobre 2018 et amendé le 18 décembre 2018 entre M. [C] [N] et M. [O] [H] est devenu caduc par la défaillance de la condition suspensive d'obtention d'un prêt bancaire stipulée en faveur de M. [O] [H] ;

en conséquence,

- ordonné la restitution à M. [O] [H] des fonds versés par lui à titre d'acompte sur le prix de vente et séquestrés chez Me [F], Notaire à [Localité 5] ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné M. [C] [N] à verser à M. [O] [H] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles  ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision

Monsieur [N] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique 15 avril 2021, Monsieur [N] demande à la cour de  juger recevable et bien fondé en son appel et d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

- juger que Monsieur [O] [H] n'a pas respecté les termes du compromis et les obligations qui étaient les siennes quant aux diligences à accomplir pour l'obtention d'un crédit ;

- juger que Monsieur [H] est resté taisant sur ses diligences malgré plusieurs courriers électroniques adressés par le notaire en date des 22 janvier 2019, 31 janvier 2019 et 1er février 2019 ; qu'il n'a justifié que par courriels électroniques en date des 6 février 2019, et du 7 février 2019 d'un refus d'obtention de prêt émanant d'un premier établissement bancaire et du refus de le suivre dans l'opération pour le second organisme bancaire ; que Monsieur [H] a été sommé de se présenter à l'étude notariale le 25 février 2019, à l'effet de signer l'acte authentique et de payer le prix et les frais ; que Monsieur [F], Notaire associé de la SCP [K] [F] [K] a reçu le 25 février 2019 à 15 heures 30, un acte contenant un procès-verbal de carence à la requête ;

- prononcer la résolution du contrat de vente aux torts de Monsieur [O] [H] ;

- condamner Monsieur [H] à payer à Monsieur [N], conformément aux dispositions relatives à la clause pénale, la somme de 20 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 mars 2019 ;

- ordonner la libération de la somme de 12 500 euros déposée sur le compte séquestre du notaire Monsieur [F] au profit de Monsieur [C] [N], pour paiement en partie de la clause pénale ;

- débouter Monsieur [H] de toutes ses demandes ;

- condamner Monsieur [H] à payer à Monsieur [N], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique 15 janvier 2021, Monsieur [H] demande à la cour de  juger M. [N] mal fondé en son appel, de confirmer le jugement entrepris et, à titre principal, de débouter Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes et, à titre reconventionnel, d'ordonner la libération de la somme de 12 500 euros déposée par Monsieur [H] sur un compte séquestre détenu par Maître [F], notaire et, à titre subsidiaire, de fixer le montant de la clause pénale à la somme symbolique de 1 euro.

Il sollicite, en toutes hypothèses, le rejet des demandes de M. [N] et sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en appel ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

SUR CE,

M. [N] soutient que la faute de Monsieur [H] est caractérisée dès lors que la date butoir du 4 novembre 2018 pour l'obtention du prêt était dépassée, qu'aucun refus de prêt n'a été produit entre le 4 octobre 2018 et le 4 novembre 2018 ; que la date de réitération de l'acte était dépassée et que l'inexécution de l'acte du 4 octobre 2018 est dès lors imputable à Monsieur [H].

Il fait valoir que les conséquences pour Monsieur [N] des carences de Monsieur [H] ont été importantes ; qu'il ne lui a pas été possible de remettre en vente le bâtiment avant la signature de l'acte de vente caduque (25 février 2019) soit cinq mois pendant lesquels il a payé les impôts fonciers et l'assurance pour garantir un bâtiment vide.

M. [H] soutient que le notaire, l'agence immobilière et le vendeur ont toujours parfaitement été tenus informés de sa situation dans la mesure où il a transmis immédiatement le refus de prêt lui ayant été opposé le 26 octobre 2018 ; que, dès le mois de novembre 2018, l'agence immobilière l'a mis en relation avec un courtier, aux fins de trouver un financement. Il s'interroge sur le fait de savoir quelle aurait été la raison d'un avenant au compromis signé le 18 décembre 2018 si, comme l'invoque le vendeur, celui-ci n'avait pas été informé d'une difficulté quant au financement du bien. Il indique que les échanges avec le courtier se sont poursuivis, jusqu'à ce que son refus de prêt lui soit confirmé le 2 février 2019, dont il a informé immédiatement le notaire.

Il expose qu'il a effectué toutes les démarches pour obtenir un prêt bancaire, dans la mesure où son premier refus de prêt date du 26 octobre 2018 alors que le compromis de vente avait été signé le 4 octobre 2018 et où il a ensuite déféré à toutes les demandes émanant du courtier en prêt bancaire présenté par l'agence immobilière et soutient que, dès lors, la clause pénale prévue au compromis ne peut trouver à s'appliquer, la clause suspensive d'obtention du prêt bancaire stipulée au profit de l'acquéreur trouvant à s'appliquer.

Ceci étant exposé, le compromis de vente signé par les parties le 4 octobre 2018 contient la clause suspensive suivante :

' La présente vente est soumise à la condition suspensive d'obtention des crédits dans sous un délai de un (1) mois à compter des présentes.

L'acquéreur déclare expressément que ses ressources et son état actuel d'endettement lui permettent de solliciter ce ou ces prêts et qu'ils correspondent à ses possibilités de remboursement.

L'acquéreur s'oblige à effectuer toutes les démarches nécessaires en vue de l'obtention de ce concours financier et notamment à déposer le dossier de demande de prêt dans un délai de 15 jours à compter de la signature du présent acte. Il sera tenu de suivre l'instruction de son dossier, de fournir sans retard tous renseignements et documents qui pourraient lui être demandés et, de manière générale, de tout mettre en oeuvre pour qu'aboutisse la demande de prêt, dans le délai des conditions suspensives.
La condition suspensive sera considérée comme réalisée par la remise à l'emprunteur dans le délai d'un mois à compter des présentes d'un accord de prêt conforme aux conditions ci-dessus ou à sa demande.

L'acquéreur sera tenu d'informer sans délai le notaire rédacteur de la réception de son offre préalable de prêt, en lui adressant une copie des conditions particulières de cette offre. De même, l'acquéreur devra, en cas de refus de prêt ou de défaut d'obtention du prêt dans le délai de réalisation de la condition suspensive, en avertir sans délai le notaire rédacteur et lui produire, selon le cas, soit une attestation de refus de prêt, soit une attestation de demande de prêt émanant de l'établissement bancaire ou financier sollicité.'

Par avenant du 18 décembre 2018, les parties ont reporté la date prévue pour la signature de l'acte authentique et l'entrée en jouissance prévue au 21 décembre 2018 au 31 janvier 2019, les autres clauses du compromis restant inchangées.

M. [H] produit un refus de prêt émanant de la Caisse d'Epargne en date du 26 octobre 2018 et démontre ainsi qu'il a effectué les démarches aux fins d'obtention d'un prêt dans le délai mentionné dans la clause suspensive. Si M. [H] n'a pas informé directement le notaire de refus du prêt sollicité, l'agence immobilière a informé le notaire que M. [H] avait un 'problème de financement' l'amenant à se 'rapprocher d'un courtier connu au sein de (leur) société'. Alors que M. [H] aurait pu se prévaloir du refus du prêt par la Caisse d'Epargne dans les délais impartis, les échanges entre M. [H] et le courtier ont débuté le 28 novembre 201 au cours desquels il apparaît que M. [H] a répondu avec célérité aux demandes qui lui ont été faites. Cet état de fait ne pouvait pas être ignoré par M. [N] dans la mesure où c'est l'agence immobilière qui a rédigé l'avenant au compromis.

En application des articles 1188 et 1189 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral de ses termes. Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier. Lorsque dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci.

Ainsi, si le délai prévu à la clause suspensive n'a pas été formellement prorogé par l'avenant, la commune intention des parties était de laisser à l'acquéreur un délai supplémentaire pour trouver une solution de financement et de proroger implicitement la date butoir de la clause suspensive de sorte que le vendeur est mal fondé à prétendre que la date butoir pour la réalisation de la clause suspensive était le 4 novembre 2018.

Il est établi par les mails échangés entre le courtier en prêts bancaires et le représentant d'un établissement bancaire qu'à la date limite de signature de l'acte authentique fixé au 31 janvier 2019, M. [H] n'avait toujours pas reçu de réponse à sa demande de financement. La réponse négative a été reçue par le courtier le 2 février 2019 puis répercutée à M. [H] par courriel du 7 février 2019 aussitôt transmis au notaire rédacteur.

Ainsi, il ne peut être reproché à M. [H] d'avoir manqué à son obligation contractuelle, le refus tardif de financement notifié postérieurement à la date prévue de signature de l'acte de vente ne lui étant pas imputable.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en qu'il dit que la clause suspensive d'obtention d'un prêt bancaire trouvant à s'appliquer, le compromis de vente était devenu caduc, que M. [H] ne pouvait pas être tenu de la clause pénale figurant au contrat d'une part et qu'il était bien fondé à solliciter la restitution de la somme de 12 500 euros séquestrée entre les mains de Maître [F], notaire à [Localité 5] d'autre part et en ce qu'il a ordonné cette restitution.

Il le sera également en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes de restitution de la somme séquestrée et de condamnation au paiement de la clause pénale, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts sollicitée par M. [H], cette dernière disposition n'étant pas critiquée ainsi que sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N] succombant en son appel sera condamné aux dépens de la présente procédure et débouté de sa demande d'indemnité de procédure. Il sera condamné, sur ce même fondement, à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [C] [N] aux dépens d'appel ;

Déboute Monsieur [C] [N] de sa demande d'indemnité de procédure ;

Condamne Monsieur [C] [N] à payer à Monsieur [O] [H] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/02813
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;20.02813 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award