La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2022 | FRANCE | N°20/03316

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 16 juin 2022, 20/03316


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 16/06/2022



****





N° de MINUTE :

N° RG 20/03316 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TFCK



Jugement (N° 18/09382) rendu le 11 juin 2020

par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTS





Monsieur [L] [D]

né le 21 octobre 1951 à Roubaix (59100)

demeurant 36 rue Raulin

69007 Lyon



représenté pa

r Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai, constitué aux lieu et place de Me Catherine Camus, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Philippe Tack, avocat au barreau de Lille



Monsieur [A] [D]...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 16/06/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/03316 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TFCK

Jugement (N° 18/09382) rendu le 11 juin 2020

par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [L] [D]

né le 21 octobre 1951 à Roubaix (59100)

demeurant 36 rue Raulin

69007 Lyon

représenté par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai, constitué aux lieu et place de Me Catherine Camus, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Philippe Tack, avocat au barreau de Lille

Monsieur [A] [D]

né le 21 octobre 1951 à Roubaix (59100)

demeurant 77 rue Négrier

59420 Mouvaux

Madame [R] [D]

née le 27 juin 1978 à Tourcoing (59200)

demeurant 44 rue de Turenne

59420 Mouvaux

Monsieur [J] [D]

né le 05 mai 1980 à Tourcoing (59200)

demeurant 191 Smitshoeckseweg

3084 ls-Rotterdam ZH (Pays-Bas)

Madame [K] [D]

née le 20 février 1983 à Tourcoing (59200)

demeurant 10 rue de Prague - Résidence Les Dondaines appartement 54

59777 Euralille

Monsieur [C] [D]

né le 08 janvier 1961 à Tourcoing (59200)

demeurant 1391 chemin du Grand Perne

59560 Comines

Madame [I] [E] [D]

née le 14 octobre 1962 à Tourcoing (59200)

demeurant rua da Levada 285

4805 Ponte Guimaraes (Portugal)

représentés par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai, constitué aux lieu et place de Me Catherine Camus, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Delphine Chambon, avocat au barreau de Lille, substituée par Me Lucile Capellari, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [S] [D]

né le 20 août 1968 à Tourcoing (59200)

demeurant 14 avenue Foch

59420 Mouvaux

Madame [G] [D] épouse [F]

née le 29 mars 1955 à Roubaix (59100)

demeurant 13 allée du Coteau

59117 Wervicq Sud

Monsieur [P] [D]

né le 16 novembre 1956 à Roubaix (59100)

demeurant 133 rue de Londres

59420 Mouvaux

Madame [M] [D]

née le 20 octobre 1958 à Tourcoing (59200)

demeurant 133 ter rue de Londres

59420 Mouvaux

La SAS [D] prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social 470 rue de Tourcoing

59420 Mouvaux

représentés et assistés de Me Eric Delfly, membre de la SELARL Vivaldi Avocats, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 28 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Emmanuelle Boutié

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 mars 2022

****

Monsieur [W] [D] et Madame [I] [Y] se sont mariés le 26 janvier 1951 à Palerme en Italie sans contrat préalable. Ils se sont fait donation entre époux le 7 mai 1975.

Monsieur [W] [D] est décédé le 12 juin 1989 à Mouvaux et a laissé pour lui succéder :

- son conjoint survivant, propriétaire de moitié des biens de communauté et donataire pour la totalité en usufruit des biens composant la succession du défunt, selon déclaration d'option faite par Madame [Y] le 27 octobre 1989 ;

- ses enfants, ensemble pour 1/8ème de sa succession à savoir :

*[A] ;

* [L] ;

* [G] ;

* [P] ;

* [M] ;

* [C] ;

* [I] [E] ;

* [S]

Madame [I] [Y] est décédée le 12 décembre 2013 et a laissé pour lui succéder ses huit enfants.

Monsieur [A] [D] a renoncé au bénéfice de la succession de sa mère au profit de ses trois enfants : [R], [J] et [K] [D].

L'indivision successorale est composée, outre de comptes bancaires et biens meubles divers, des biens immobiliers suivants :

- un immeuble à usage commercial sis 512 rue du Blanc Seau et angle de la rue Loridant à Tourcoing ;

- un immeuble à usage commercial sis 140 rue du Pont de Neuville à Tourcoing ;

- un immeuble à usage commercial sis 470, rue de Tourcoing à Mouvaux ;

- un terrain sis pavé de Linselles à Bondues ;

- un terrain sis lieudit la rue haute à Audincthun ;

- un immeuble à usage d'habitation sis 20 via Agnelleria à Carini ;

- un immeuble à usage d'habitation sis 39 rue principale à Reclinghem ;

- titres de la SCI de Dennebroeucq à hauteur de 70% du capital (le solde soit 30% est détenu par Madame [M] [D]) propriétaire des biens suivants :

- un immeuble à usage d'habitation sis 133 ter rue de Londres à Mouvaux ;

- un immeuble à usage commercial sis 133 bis rue de Londres à Mouvaux.

Une partie de ces immeubles a été donnée à bail à la société [D] par Madame [I] [Y] le 2 janvier 2004 agissant tant en son nom personnel qu'en tant que mandataire de la succession, en vertu d'un mandat notarié du 1er juillet 1989, sur les immeubles suivants :

- un immeuble à usage commercial sis 512 rue du Blanc Seau et angle de la rue Loridant à Tourcoing ;

- un immeuble à usage commercial sis 140 rue du Pont de Neuville à Tourcoing ;

- un immeuble à usage commercial sis 470, rue de Tourcoing à Mouvaux (siège de la marbrerie à savoir : un magasin, les ateliers situés derrière le magasin et les bureaux ainsi que la parcelle de terrain front à la rue de Tourcoing, le droit de passage sur une largeur approximative de 10m et sur une longueur de 56,50 m, une parcelle de terrain située rue de Tourcoing).

Ces trois baux sont venus à expiration le 31 décembre 2012 et se sont poursuivis par tacite prolongation. Puis ils ont fait l'objet d'avenants datés du 3 décembre 2013 enregistrés le 9 décembre 2013, portant la signature de Madame [I] [Y] qui ont apporté des modifications concernant notamment la charge des grosses réparations, certaines conditions d'exploitation et les surfaces données à bail.

Des différends sont apparus entre les héritiers s'agissant notamment de l'évaluation des biens immobiliers de la succession, puis de leur condition d'occupation.

C'est dans ces circonstances et invoquant être dans l'impossibilité d'aboutir à un partage amiable que Monsieur [A] [D], Madame [R] [D], Monsieur [J] [D], Madame [K] [D], Monsieur [L] [D], Monsieur [C] [D] et Madame [I] [D] ont introduit une première instance devant le tribunal de grande instance de Lille le 8 juin 2017 afin notamment de voir ordonner le partage judiciaire de la communauté et de la succession de leurs parents, M. [W] [D] et Mme [I] [Y] veuve [D].

Par ordonnance en date du 30 avril 2018, le juge de la mise en état a ordonné une expertise immobilière afin de voir évaluer les immeubles dépendant de la succession et une expertise graphologique afin d'établir si Mme [I] [Y] veuve [D] était l'auteur des mentions manuscrites figurant sur les avenants de baux commerciaux datés des 3 décembre 2012.

Par acte d'huissier de justice en date du 3 décembre 2018, M. [A] [D], Mme [R] [D], M. [J] [D] et Mme [K] [D] (venant tous trois en représentation de leur père, M. [A] [D] qui a renoncé purement et simplement à la succession de sa mère Mme [I] [Y] veuve [D]), M. [L] [D], M. [C] [D] et Mme [I] [D] ont fait assigner la société [D], Mme [G] [D] épouse [F], M. [P] [D], Mme [M] [D] et M. [S] [D] aux fins de :

- dire nuls et de nul effet les trois avenants de renouvellement prétendument datés du 3 décembre 2013 enregistrés le 9 décembre 2013 aux baux consentis par l'indivision [D] à la SAS [D] et portant sur les immeubles :

* sis à Tourcoing, à l'angle de la rue du Blanc Seau n°512 et de la rue Henri Loridant,

* sis à Tourcoing 140 rue du Pont de Neuville,

* sis à Mouvaux 470 rue de Tourcoing,

- condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre la société [D], [S], [M], [P] et [G] [D] à verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts à chacun des demandeurs,

- débouter la société [D], [S], [M], [P] et [G] de toutes leurs demandes,

- condamner in solidum la société [D] et les autres défendeurs, ou l'un à défaut de l'autre au versement de la somme de 3 000 euros à chacun des demandeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par jugement du 11 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

débouté Monsieur [A] [D], Madame [R] [D], Monsieur [J] [D] et Madame [K] [D], Monsieur [L] [D], Monsieur [C] [D] et Madame [I] [D] de l'ensemble de leurs demandes ;

débouté les parties de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé à la charge de chaque partie des dépens exposés dans le cadre de la présente instance ;

dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Monsieur [A] [D], Madame [R] [D], Monsieur [J] [D] et Madame [K] [D], Monsieur [L] [D], Monsieur [C] [D] et Madame [I] [D] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 mai 2021, Monsieur [A] [D], Madame [R] [D], Monsieur [J] [D], Madame [K] [D], Monsieur [C] [D] et Madame [I] [E] [D] demandent à la cour de :

infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Lille ;

Statuant à nouveau,

juger nuls et de nul effet les trois avenants de renouvellement prétendument datés du 3 décembre 2013 enregistrés le 9 décembre 2013 aux baux consentis par l'indivision [D] à la SAS [D] et portant sur les immeubles :

sis à Tourcoing à l'angle de la rue du Blanc Seau n° 512 et de la rue Henri Loridant,

sis à Tourcoing 140 rue du Pont de Neuville,

sis à Mouvaux 470 rue de Tourcoing,

condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre la Société [D], [S], [M], [P] et [G] [D] à verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts à chacun des demandeurs ;

Débouter la Société [D], [S], [M], [P] et [G] [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner in solidum la Société [D] et les autres défendeurs, ou l'un à défaut de l'autre, au versement de la somme de 3 000 euros à chacun des demandeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les consorts [D] font valoir que le tribunal judiciaire, qui a constaté non seulement que Mme [I] [D] avait été aidée pour certaines signatures, que les paragraphes n'étaient pas de sa main mais encore que son état de santé et le fait qu'elle ne parle pas le français faisaient qu'elle n'était pas en mesure de comprendre la portée des actes signés, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

Ils précisent que l'étude de la sincérité de l'acte ne peut être limitée à sa seule signature alors que l'article 1373 du code civil vise l'écriture ou la signature et que la véracité de l'acte ne peut être retenue lorsque la main a été tenue pour signer.

En outre, ils exposent que Mme [I] [D] ne pouvait avoir connaissance du contenu et de la portée du document signé et que l'acte porte en lui-même la preuve du trouble mental en ce qu'il génère une situation économique déséquilibrée.

Ils ajoutent que les avenants litigieux ont été régularisés quelques jours avant le décès de Mme [I] [D] alors qu'elle était en phase terminale d'un cancer et en soins palliatifs, son état de santé s'étant dégradé brusquement entre le 9 octobre 2013, date de la découverte des métastases et le 11 décembre 2013, jour de son décès.

De plus, les appelants soutiennent que l'absence de consentement est caractérisée en ce que Mme [I] [D] ne maîtrisait pas la langue française et ne pouvait pas comprendre la portée du contrat.

Ils arguent que ces avenants ont été établis dans le seul but de favoriser les intérêts de la société [D] et des membres de la fratrie y ayant intérêt au détriment des autres, juste avant le décès de Mme [I] [D], entraînant une situation déséquilibrée au profit de certains héritiers.

Enfin, ils font valoir que [I] [D] n'avait pas mandat de consentir un renouvellement de bail commercial soumis au statut sans leur accord express alors qu'il s'agissait d'un mandat d'intérêt commun.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2021, M. [L] [D] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

- débouté M. [A] [D], Mme [R] [D], M. [J] [D] et Mme [K] [D], M. [L] [D], M. [C] [D] et Mme [I] [D] de l'ensemble de leurs demandes ;

- débouté les parties de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à la charge de chaque partie la charge des dépens exposés dans le cadre de la présente instance.

Et statuant à nouveau, de :

- prononcé la nullité des trois avenants datés du 3 décembre 2013 enregistrés le 9 décembre 2013 et portant sur les immeubles :

sis à Tourcoing à l'angle de la rue du Blanc Seau n° 512 et de la rue Henri Loridant,

sis à Tourcoing 140 rue du Pont de Neuville,

sis à Mouvaux 470 rue de Tourcoing,

- condamner in solidum la société [D], [S], [M], [P] et [G] [D] à verser à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à M. [L] [D] ;

- débouter la société [D], [S], [M], [P] et [G] [D] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner in solidum la société [D], [S], [M], [P] et [G] [D] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [L] [D] fait valoir que les appelants agissent non seulement en qualité d'héritiers de Mme [I] [Y] mais également en leur qualité de mandants dont le consentement se trouve affecté des mêmes vices que ceux ayant affecté le consentement de leur mère et mandataire. Il précise que dans ces circonstances, l'article 414-2 1° du code civil est inapplicable et que le défaut de maîtrise de la langue française est une cause autonome d'annulation de l'acte juridique.

En outre, il ajoute que Mme [I] [Y] a été placée en réanimation à compter du 2 décembre 2013 et que consentir de façon libre et éclairée à l'avenant supposait d'être en capacité de comprendre les termes mais aussi de saisir la portée des modifications apportées par l'avenant du 3 décembre 2013 aux stipulations du bail initial en date du 2 janvier 2014.

Enfin, il soutient que les intimés ont eux-mêmes fait l'aveu de ce que certaines signatures ont été aidées et que d'autres ont été imitées par Mme [M] [D] alors qu'un acte sous seing privé doit être annulé lorsqu'est établie l'intervention d'un tiers pour l'une quelconque des mentions, peu important que la signature soit considérée comme authentique.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mars 2022, la SAS [D], Monsieur [S] [D], Madame [G] [D], Monsieur [P] [D] et Madame [M] [D] demandent à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Lille ;

débouter [L], [C], [I] [E], [A], [R], [J] et [K] [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusion ;

les condamner in solidum à payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des défendeurs, savoir la SAS [D], [M], [G], [P] et [S] [D] ;

les condamner solidairement aux dépens.

Les intimés soutiennent qu'il résulte des opérations expertales que les avenants ont été paraphés, lus et approuvés puis signés par Mme [I] [Y] de sorte que leur validité ne saurait être contestée au visa de l'article 1373 du code civil.

Ils précisent que l'article 414-2 du code civil est le seul texte applicable aux vices du consentement de la personne décédée de sorte que les appelants ne peuvent conclure à titre subsidiaire que l'erreur, la violence et le dol au sens des articles 1129 du code civil sont des motifs d'annulation du contrat.

Enfin, ils ajoutent que le mandat donné par l'ensemble de l'indivision à leur mère résulte d'un acte notarié en date du 1er juillet 1989 donnant les plus larges pouvoirs de disposition sur les immeubles et sur tout le patrimoine et l'actif de l'indivision à [I] [Y] alors que les appelants n'apportent aucune explication sur la limitation des pouvoirs du mandataire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2022.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2022, M. [J] [D], M. [C] [D], Mme [R] [D], M. [A] [D], Mme [I] [D] et Mme [K] [D] sollicitent le rejet des conclusions notifiées par les intimés le 3 mars 2022.

Par conclusions notifiées par voie électronique le même jour, M. [L] [D] sollicite le rejet les conclusions notifiées par les intimés le 3 mars 2022.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des conclusions

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 7 mars 2022.

En application de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elle invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans la décision, les moyens et explications et documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

M. [L] [D] et les consorts [D] sollicitent le rejet des conclusions notifiées par les intimés le 3 mars 2022 au motif que celles-ci sont intervenues dix mois après leurs dernières écritures notifiées le 21 mai 2021 et qu'elles invoquent de la jurisprudence.

Toutefois, alors que les conclusions notifiées par les intimés le 3 mars 2022 comportent le même dispositif que les précédentes notifiées le 24 février 2021, les dernières conclusions datées du 3 mars 2022 comportent le même dispositif que les précédentes écritures et citent deux arrêts de la Cour de cassation relatifs à l'étendue des pouvoirs de l'usufruitier.

Il en résulte que ces dernières écritures qui ne comportent pas de modification substantielle par rapport aux précédentes et qui ont été notifiées quatre jours avant l'ordonnance de clôture notifiée le 7 mars 2022, ne portent pas atteinte au principe du contradictoire et doivent être déclarées recevables.

Sur la demande principale

Aux termes des dispositions de l'article 1373 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige la partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants-cause d'une partie peuvent pareillement désavouer l'écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu'ils ne les connaissent.

Dans ce cas, il y a lieu à vérification d'écriture.

Dans le cas où la signature est déniée ou méconnue, c'est à celui qui se prévaut de l'acte qu'il appartient d'en démontrer la sincérité.

En l'espèce, les consorts [D] sollicitent l'annulation des trois avenants signés par Mme [I] [D] en faisant valoir que ces derniers constituent des faux, Mme [D] n'ayant pas tenu le crayon seule pour signer les trois avenants et a bénéficié d'une aide pour certaines signatures et mentions.

Aux termes de son rapport, Mme [T], experte graphologue, a précisé qu'après examen comparatif entre les écrits, signatures et paraphes de question et les écrits, signatures et paraphes de comparaison, elle a observé 'un certain nombre de correspondances mais également des différences entres les écrits questionnés et les écrits de comparaison de la main de Mme [D]' et précisé que 'l'écriture figurant sur les documents litigieux présente de façon générale les mêmes caractéristiques mais sur certains documents, certaines lettres ou groupe de lettres présentent un tracé net ce qui laisse à penser que Mme [D] a été aidée pour les réaliser'.

En outre, concernant les signatures figurant sur les trois avenants litigieux, elle précise avoir pu observer après examen comparatif 'de nombreuses concordances entre les signatures questionnées et les signatures de Mme [D]', précisant que 'les signatures questionnées présentent un trait abîmé et de nombreuses retouches' et que les signatures de Mme [D] présentent les mêmes caractéristiques.

De plus, l'expert judiciaire indique aussi avoir pu mettre en avant 'des différences au niveau de la qualité du trait sur une signature et une lettre retouchée sur une autre signature, ce qui nous laisse à penser que l'on a pu aider Mme [D] à les réaliser'.

De même, s'agissant des paraphes, Mme [T] a précisé que 'certains paraphes de question présentent un trait net qui n'est pas cohérent avec les autres tracés. Certaines différences peuvent s'expliquer par l'état de santé de Mme [D] et par le fait que signer de nombreux paraphes à la suite entraîne des différences mais la qualité du trait sur certains paraphes ne peut s'expliquer que par l'utilisation d'une autre main'.

Alors que Mme [M] [D] a indiqué à l'expert avoir elle-même paraphé certains documents, c'est à juste titre que le tribunal a relevé que l'ensemble des avenants a bien été signé de la main de Mme [D] même si elle a pu être aidée pour l'un des exemplaires, s'agissant d'un exemplaire du bail concernant le 512 rue du Blanc Seau, cette aide pouvant s'expliquer au vu de l'âge de Mme [D], âgée de 88 ans et de son état de santé et retenu que la signature permettant principalement de s'assurer de l'authenticité et de la véracité d'un acte, le seul fait que certains des exemplaires des locaux annexes comportent des mentions 'lu et approuvé' apposés avec l'aide ou par Mme [M] [D] n'est pas de nature à qualifier les documents de faux compte tenu de la présence de la signature authentifiée de Mme [I] [D].

De la même manière, si les appelants produisent aux débats un avis établi par M. [Z] indiquant que les documents seraient des 'faux' et indiquant que les mentions 'lu et approuvé' ainsi que les signatures pourraient être attribuées à un ou des auteurs différentes sans émaner de Mme [I] [D], force est de constater que ce seul avis, établi de manière non contradictoire et présentant un caractère lacunaire, ne suffit pas à remettre en cause les conclusions circonstanciées de l'expert judiciaire.

Dès lors, la preuve de l'existence de faux s'agissant des trois avenants régularisés le 3 décembre 2013 n'est pas rapportée en l'espèce.

Il résulte des dispositions de l'article 414-1 du code civil que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

L'article 414-2 du même code dispose que : 'De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.

Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 2224.

En cause d'appel, M. [L] [D] et les consorts [D] font valoir que les dispositions de l'article 414-2 susvisées ne sont pas applicables en l'espèce, la preuve du vice du consentement pouvant dès lors être recherchée en dehors des avenants critiqués, dans la mesure où ils avaient la qualité de bailleurs et non d'héritiers au jour de la signature des avenants litigieux et qu'ils agissent dans le cadre de la présente instance en qualité de mandants dont le consentement se trouve affecté des mêmes vices que ceux qui ont entaché le consentement de leur mandataire, à savoir leur mère.

Toutefois, il convient de relever que si Mme [I] [D] a régularisé les avenants litigieux à la fois en son nom personnel mais aussi en qualité de représentante de l'indivision successorale de M. [D] prédécédé en vertu d'une procuration notariée en date du 1er juillet 1989, dans le cadre de la présente instance, les consorts [D] ne contestent pas avoir eu connaissance des avenants litigieux dans le cadre du règlement de la succession de Mme [I] [D] ni agir dans le cadre de la présente instance en qualité d'héritiers de Mme [D].

Dès lors, les dispositions de l'article 414-2 du code civil trouvent à s'appliquer en l'espèce, les éléments intrinsèques à l'acte litigieux devant permettre de déduire de manière certaine l'insanité d'esprit de son auteur.

Les trois actes litigieux ont été régularisés le 3 décembre 2013 et enregistrés le 9 décembre 2013, date à laquelle ils ont acquis date certaine à l'égard des tiers en application des dispositions de l'article 1377 du code civil et constituent des avenants de renouvellement des baux conçus le 1er janvier 2004 entre Mme [Y] veuve [D] en qualité de représentante légale de l'indivision et la société [D] et portant sur des locaux commerciaux sis rue du Blanc Seau à Tourcoing, rue du Pont de Neuville à Tourcoing et rue de Tourcoing à Mouvaux.

Le tribunal a justement retenu que les avenants litigieux ont modifié notablement l'équilibre contractuel des trois contrats de bail initiaux d'une part, en augmentant de près de 50% l'assiette du bail concernant les locaux de la marbrerie, portant sur 4 653 m² contre 3 163 m² dans le bail initial et incluant l'ensemble de l'étage, et d'autre part, en déchargeant le preneur de la charge des grosses réparations mais aussi de la vétusté et de l'usure, la cour relevant que l'article R. 145-35 du code de commerce qui dispose que le locataire ne peut se voir imputer les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil, n'est entré en vigueur qu'à compter de la publication du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014, soit postérieurement à la régularisation des trois avenants litigieux.

Toutefois, si les appelants invoquent le fait que le loyer n'a pas été fixé à la valeur locative réelle des locaux commerciaux concernés, ils ne justifient pas de l'existence d'une disproportion manifeste avec la valeur locative de ces derniers alors même que le montant du loyer contractuellement prévu a été réévalué de 19 000 euros à 33 000 euros.

En outre, alors que les appelants ne justifient pas de l'incohérence, de l'absurdité ou de la démesure des dispositions contenues dans les avenants litigieux révélant l'insanité d'esprit de leur auteur, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le seul fait que Mme [Y] ait acquiescé les modifications contractuelles substantielles et plus favorables à la société exploitée par son mari puis certains de ses enfants ne saurait suffire à caractériser l'existence d'un trouble mental, les dispositions litigieuses ne violant aucune disposition légale et pouvant s'expliquer par la volonté de Mme [Y] de préserver l'entreprise familiale fondée par son mari.

Par ailleurs, il convient de relever, à l'instar du tribunal, que les appelants ne rapportent pas la preuve que les dispositions des trois avenants critiqués seraient exclusivement conçues à leur détriment alors que les charges contractuellement prévues ont vocation à être supportées par l'ensemble des coïndivisaires.

En conséquence, les éléments intrinsèques aux trois avenants régularisés le 3 décembre

2013 ne permettent pas de déduire de manière certaine l'insanité d'esprit de Mme [I] [Y].

Dès lors, il y a lieu de débouter les consorts [D] de leur demande d'annulation des trois avenants litigieux, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.

Sur le mandat

Les consorts [D] soutiennent que Mme [I] [D] n'avait pas le mandat de consentir un renouvellement de bail commercial soumis au statut sur des biens immobilier indivis, sans leur accord express. Ils ajoutent que le mandat confié à leur mère ne permet que d'administrer les biens communs mais non de régulariser des actes de disposition tels que le renouvellement d'un bail commercial.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [D] a régularisé les trois avenants litigieux dans le cadre d'un mandat en date du 1er juillet 1989 confié par l'ensemble des coïndivisaires de la succession de M. [D] lui permettant de 'régir, gérer et administrer les biens dépendant des communautés et succession dont il s'agit ; passer et résilier tous baux et locations ; demander ou consentir toutes prorogations'.

Alors que les dispositions du mandat susvisé donnent expressément pouvoir à Mme [D] de consentir au renouvellement de baux, les appelants ne justifient pas de l'existence d'un dépassement des pouvoirs du mandataire à l'occasion du renouvellement des baux commerciaux en date du 1er janvier 2004, dont la validité n'est pas contestée.

En outre, alors que Mme [D] a régularisé les actes contestés dans le cadre du mandat en date du 1er juillet 1989, les appelants ne justifient pas de l'incidence de l'option de Mme [D] pour l'usufruit de la succession par acte notarié en date du 27 octobre 1989 sur la validité des actes contestés.

Enfin, c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il ne peut être soutenu que l'objet du mandat n'a pas été respecté par Mme [D] lors de la signature des avenants litigieux dans la mesure où cette signature n'emporte pas une violation ou une spoliation des intérêts communs des indivisaires.

En conséquence, les appelants seront déboutés de leur demande d'annulation à ce titre.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées de leurs demandes au titre de l'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevables les conclusions notifiées par la SAS [D], Monsieur [S] [D], Madame [G] [D], Monsieur [P] [D] et Madame [M] [D] le 3 mars 2022 ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute chaque partie de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le greffierLa présidente

Delphine VerhaegheChristine Simon-Rossenthal


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/03316
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.03316 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award