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09/06/2022 | FRANCE | N°20/03267

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 09 juin 2022, 20/03267


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 09/06/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/03267 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TE6A



Jugement (N° 18/02233) rendu le 07 juillet 2020

par le tribunal de grande instance de Dunkerque







APPELANTE



Madame [K] [P]

née le 03 mai 1957 à [Localité 9] ([Localité 9])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]
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représentée par Me Jean-Pierre Mougel, membre de la SCP Mougel-Brouwer- Haudiquet, avocat au barreau de Dunkerque



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/002/2020/06864 du 17/09/2020 accordée par le bur...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 09/06/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/03267 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TE6A

Jugement (N° 18/02233) rendu le 07 juillet 2020

par le tribunal de grande instance de Dunkerque

APPELANTE

Madame [K] [P]

née le 03 mai 1957 à [Localité 9] ([Localité 9])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Pierre Mougel, membre de la SCP Mougel-Brouwer- Haudiquet, avocat au barreau de Dunkerque

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/002/2020/06864 du 17/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉS

Monsieur [Y] [P]

né le 25 décembre 1952 à [Localité 9] ([Localité 9])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Guillaume Guilluy, membre de la SCP Guilluy-Timmerman, avocat au barreau de Dunkerque

La SELARL WRA [T] [B], [Z] [U], prise en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [P]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Dominique Vanbatten, membre de la SCP Vanbatten-Catrix, avocat au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l'audience publique du 17 mars 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon- Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 février 2022

****

Par jugement du 3 décembre 2013, le tribunal de commerce de Dunkerque a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [K] [P] qui exploitait en son nom personnel une activité de stoppage réfection de tissus. Maître [T] [B] a été désigné en qualité de liquidateur.

Mme [P] dispose de droits indivis avec son frère, M. [Y] [P], en leurs qualités d'héritiers dans les successions de leurs parents, lesquelles n'ont pas été liquidées. Un acte de notoriété a été dressé le 2 février 2015.

Par acte d'huissier en date du 27 septembre 2018, le SELARL Wra prise en la personne de M.[T] [B] ès qualités de liquidateur de Mme [P], a fait assigner M. [Y] [P] aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 815 du code civil et avec exécution provisoire :

Que soit ordonnée l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de M. [R] [P] et Mme [S] [L] et de la communauté légale ayant existé entre eux ;

La désignation de Maitre [O], notaire à [Localité 7] ou de tout autre notaire et d'un juge commis ;

Que soit ordonnée la vente à la barre du tribunal de grande instance de Dunkerque de l'immeuble indivis sur cahiers des charges établi par l'avocat constitué par la demanderesse, sur une mise à prix de l'immeuble à 100 000 euros.

Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [K] [P] et M. [Y] [P], née de la succession de leurs parents et de la communauté ayant existé entre eux ;

Désigné pour y procéder Maître [G] [I], notaire à [Localité 7] ;

Commis tout juge en charge des partages pour surveiller les opérations de partage ;

Déclaré M. [Y] [P] recevable dans sa demande tendant à un rapport à la succession ;

Ordonné le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros ;

Ordonné la vente aux enchères publiques de l'immeuble situé à [Adresse 6], cadastré section AC n° [Cadastre 4] d'une surface de 12 ares et 80 centiares, comprenant une maison et un autre immeuble avec en son rez de chaussée un garage et un appartement à l'étage, aux clauses et conditions du cahier des charges qui sera dressé par la SCP Vanbatten-Catrix, avocat au barreau de Dunkerque, désignée pour procéder à toutes les formalités préalables à la vente, sur la mise à prix de 100 000 euros, avec faculté de réduction du quart ;

Dit que l'adjudication sera précédée d'une publication dans un journal d'annonces légales, et d'une publicité sommaire faite dans le journal La Voix du Nord ;

Débouté M.[Y] [P] de sa demande d'indemnité de procédure ;

Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement ;

Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, sauf en cas de mauvaise contestation, qui seront mis à la charge personnelle du contestant, et ceux de l'adjudication, à la charge de l'acquéreur.

Mme [K] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2021, Madame [K] [P] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

Débouter M. [Y] [P] de ses demandes ;

Constater que le tribunal a statué ultra petita en ordonnant le rapport à la succession par la concluante de la somme de 44 484,28 euros alors que la demande subséquente n'avait pas été formulée par M. [P] dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives du 13 septembre 2019.

En conséquence,

Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable M. [Y] [P] dans sa demande tendant à un rapport à la succession par Madame [P] et en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession par Mme [P] de la somme de 44 484,28 euros ;

Rejeter cette demande de rapport à succession de 44 484,28 euros formulée par M. [Y] [P] ;

Le condamner à payer à Mme [K] [P] une indemnité d'un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction comme en matière d'aide juridictionnelle.

Elle fait essentiellement valoir que la présente juridiction est parfaitement compétente, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, afin d'infirmer le jugement du 7 juillet 2020 en ce qu'il a déclaré recevable M. [Y] [P] dans sa demande tendant à un rapport à la succession et en ce qu'il a ordonné un rapport à la succession par Mme [P] de la somme de 44 484,28 euros.

Elle soutient par ailleurs que la demande de rapport à la succession telle que prévue à l'article 843 du code civil est bien différente d'une demande tendant au partage de la succession et qu'une telle demande n'a jamais figuré au dispositif des conclusions de M. [Y] [P] devant le premier juge, de sorte que celui-ci a statué ultra petita sur une demande figurant dans le corps des conclusions.

Elle ajoute que M. [Y] [P] a bénéficié d'apports de fonds de ses parents pour l'acquisition d'un terrain dont il ne communique pas le montant, qu'elle-même a acquis un terrain en partie grâce à un prêt de 100 000 francs de ses parents qu'elle a intégralement remboursé, qu'elle a travaillé pour ses parents sans être rémunérée alors qu'elle avait été reconnue meilleur ouvrier de France, que la plainte avec constitution de partie civile pour faux, usage de faux et abus de faiblesse a été classée sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.

Elle sollicite la confirmation du jugement de première instance pour le surplus, arguant qu'une expertise n'est pas nécessaire et rallongerait encore la procédure, alors que le bien a déjà été estimé par Maître [O] à la somme de 210 000 euros le 20 juillet 2018 et qu'une mise à prix à 100 000 euros apparaît attractive.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 mars 2021, la SELARL Wra prise en la personne de M. [T] [B] en qualité de liquidateur judiciaire de Mme [K] [P], formant appel incident, demande à la cour de :

Déclarer recevable l'appel principal interjeté par Mme [K] [P] et statuer ce que de droit sur les mérites dudit appel ;

Déclarer recevable l'appel incident formé par la SELARL Wra en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [P] ;

Vu l'article 753 du code de procédure civile,

Constater que le tribunal judiciaire de Dunkerque a statué ultra petita en ordonnant que Madame [K] [P] rapporte à la succession une somme de 44 484,28 euros alors que la demande subséquente n'avait pas été formulée par Monsieur [Y] [P] dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives du 13 septembre 2019 ;

En conséquence,

Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 7 juillet 2020 en ce qu'il a déclaré recevable Monsieur [Y] [P] dans sa demande tendant à un rapport à la succession et et en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession par Madame [K] [P] d'une somme de 44 484,28 euros ;

Juger que la demande tendant à voir ordonner le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros constitue une demande nouvelle ;

Déclarer M. [Y] [P] irrecevable à former la demande de rapport à succession par Mme [K] [P] d'une somme de 44 484,28 euros ;

Débouter M. [Y] [P] purement et simplement de cette demande de rapport à succession ;

Si par impossible, la cour considérait que les conclusions notifiées le 3 décembre 2020 par M. [P] emportent appel incident des dispositions du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 7 juillet 2020 sur les modalités de mise en oeuvre de la licitation du bien immobilier situé [Adresse 6] cadastré section AC [Cadastre 4] (demande de Monsieur [P] tendant à ce que la vente intervienne chez un notaire et non pas à la barre et demande tendant à l'organisation d'une expertise immobilière préalable) ,

Débouter M. [P] de ses demandes et confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque du 7 juillet 2020 en ce qu'il a ordonné la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Dunkerque de l'immeuble situé à [Adresse 6] cadastré section AC [Cadastre 4] d'une surface de 12 ares et 80 centiares comprenant une maison et un autre immeuble avec en son rez-de-chaussée un garage et un appartement à l'étage, aux clauses et conditions du cahier des conditions de vente qui sera dressé par la SCP Vanbatten Catrix avocats au barreau de Dunkerque désignée pour procéder à toutes les formalités préalables à la vente sur la mise à prix de 100 000 euros avec faculté de réduction du quart, l'adjudication étant précédée d'une publicité dans un journal d'annonces légales et d'une publicité sommaire dans le journal la [8] ;

Débouter M.[Y] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Le condamner au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Elle soutient à cet effet qu'il n'est pas contestable que M. [Y] [P] n'a formulé aucune demande de rapport à succession dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives du 13 septembre 2019, de sorte qu'en application de l'article 753, alinéa 2 du code de procédure civile, le tribunal ne pouvant pas statuer sur une demande qui n'était pas formulée, il a statué ultra petita.

Elle ajoute que le dispositif des conclusions d'appel de Mme [P] sollicite expressément la réformation du jugement entrepris et le rejet des prétentions de M. [P].

Elle fait valoir que la mise à prix de l'immeuble pour un montant de 100 000 euros apparaît attractive alors que l'immeuble a été évalué par Maître [O], notaire associé à 210 000 euros le 20 juillet 2018.

Elle ajoute que la demande de M. [P] tendant à ce qu'il soit ordonné le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros est une demande nouvelle comme n'ayant pas été présentée en première instance et qui est donc irrecevable.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 février 2022, M. [Y] [P] demande à la cour de :

Constater que Mme [K] [P] ne saisit la cour d'aucune demande aux termes de ses écritures d'appelante dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 7 juillet 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a ordonné la vente aux enchères publiques à la barre du tribunal de l'immeuble situé à [Adresse 6], cadastré section AC n° [Cadastre 4] sur la mise à prix de 100 000 euros avec faculté de réduction du quart et en ce que cette adjudication sera précédée d'une publication dans un journal d'annonces légales et d'une publicité sommaire faite dans le journal [8].

Statuant de nouveau,

Ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision successorale issue du décès de M. et Mme [L] [P] ;

Commettre Me [A] [O], notaire associé à [Localité 7] ou tel notaire que la cour entendra désigner pour procéder aux opérations de partage, et à cette fin, dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots ;

Ordonner qu'au besoin, il soit procédé à la vente des immeubles indivis dépendants de ladite succession ;

Préalablement à ces opérations et pour y parvenir, si la juridiction de céans s'estimait insuffisamment informée au regard des avis de valeur versés aux débats par les concluants :

Désigner tel expert immobilier qu'il plaira au tribunal de commettre pour donner son avis sur la valeur des immeubles situés [Adresse 6] ;

Dire que l'expert immobilier devra donner son avis sur la valeur des biens immobiliers dans la perspective d'une vente ;

Dire que cet expert devra déposer son rapport dans tel délai à déterminer par le tribunal ;

Ordonner le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros,

Y ajoutant,

Condamner Mme [K] [P] à verser à Mr [Y] [P] la somme de 4 000 euros au titre des frais de procédure exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait essentiellement valoir que rien ne justifie que soit ordonnée la vente sur licitation des biens situés à [Adresse 6] à la barre du tribunal judiciaire de Dunkerque.

Il soutient par ailleurs qu'alors que leur mère était fortement diminuée par la maladie d'Alzheimer qui a justifié son placement sous curatelle le 6 décembre 2005, puis sous tutelle le 18 avril 2006, il s'avère qu'elle a émis pour sa soeur [K] [P] des remboursements de divers crédits à la consommation pour un montant total de 14 259,76 euros en 2003, ainsi que diverses sommes en 2005 pour un montant total de 30 326,52 euros. Il ajoute que si la plainte avec constitution de partie civile déposée par la gérante de tutelle de Mme [L] [P] a abouti à un non lieu pour infraction insuffisamment caractérisée, la matérialité des transferts d'argent au profit de Mme [K] [P] à hauteur de 44 484,28 euros a été démontrée, de sorte que cette somme doit réintégrer l'actif successoral en application de l'article 843 du code civil.

Il ajoute que si Mme [P] et la Selarl Wra soutenaient que le tribunal avait statué ultra petita, il leur appartenait de saisir le tribunal de l'action en retranchement de l'article 464 du code de procédure civile et que dès lors qu'elles ont opté pour la voie de l'appel, elles ont implicitement mais nécessairement admis que le tribunal était saisi de la demande en rapport à la succession, la voie de l'appel ne permettant pas de voir juger qu'un tribunal a statué ultra petita. Il ajoute que le tribunal était bien saisi de toutes les questions relatives aux opérations de partage de l'indivision, au premier lieu desquelles figure celle d'établir un compte entre les parties, et que c'est dans le cadre de l'établissement de ces comptes entre les indivisaires qu'a été constatée la nécessité de rapporter les sommes détournées par Mme [P].

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité des conclusions d'appelant

Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, 'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.'

L'article 914 dudit code précise que 'les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel ;

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;

- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;

- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.

Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.'

M. [Y] [P], qui demande à la cour de constater que Mme [K] [P] ne saisit la cour d'aucune demande aux termes de ses écritures d'appelante dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, sans pour autant tirer les conséquences de cette demande qui, si elle était accueillie, devrait viser à prononcer la caducité de l'appel, n'a pas formulé cette demande devant le conseiller de la mise en état tant que celui-ci était saisi.

Il n'est donc plus recevable en sa demande.

Sur la portée de l'appel

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il sera observé que le jugement déféré n'est contesté, en ce qui concerne Mme [K] [P] et la Selarl Wra agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [K] [P], qu'en ce qu'il a déclaré M. [Y] [P] recevable dans sa demande tendant à un rapport à la succession et en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros.

M. [Y] [P] ne conteste la décision entreprise qu'en ce qu'elle a ordonné la vente aux enchères publiques à la barre du tribunal de l'immeuble dépendant de la succession avec une mise à prix à 100 000 euros.

Les autres dispositions de la décision contestée seront donc confirmées.

Il convient en outre de relever que si Mme [K] [P] indique dans le corps de ses conclusions que son frère [Y] a bénéficié d'apports de fonds de ses parents pour l'acquisition d'un terrain dont il ne communique pas le montant, elle ne tire pas les conséquences juridiques de ses allégations et ne formule pas de demande de rapport à ce titre. La cour n'est donc pas saisie d'une telle demande.

Sur le rapport à la succession de Mme [K] [P]

* Sur la demande de Mme [K] [P] tendant à ce qu'il soit constaté que le tribunal a statué ultra petita

Aux termes de l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou,

en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.

L'article 464 dudit code ajoute que les dispositions de l'article précédent sont applicables si le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé.

Si le juge du premier degré peut ainsi être saisi, dans le cas où il a statué ultra petita, d'une demande en retranchement suivant la procédure décrite aux articles 463 et 464 précités, sa compétence n'est pas exclusive de celle de la cour d'appel qui, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, peut être amenée à statuer sur une demande en retranchement concernant une ou plusieurs dispositions de la décision attaquée.

En l'espèce, la cour, saisie par ailleurs des appels incidents formés par M. [Y] [P] et la Selarl Wra prise en la personne de M.[T] [B] ès qualités de liquidateur de Mme [P], est compétente pour statuer sur la demande en retranchement formée par Mme [K] [P].

Aux termes de l'article 753 du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Dunkerque par acte d'huissier du 27 septembre 2018, les conclusions (...) comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

En l'espèce, si dans le corps de ses conclusions définitives de première instance, M. [Y] [P] a demandé au tribunal que les sommes perçues par sa soeur [K] [P] postérieurement au décès de M. [R] [P] et alors que Mme [S] [L] avait été placée sous curatelle soient réintégrées dans l'actif successoral, à hauteur de 14 259,76 euros au titre du remboursement de ses crédits à la consommation et de 30 326,52 euros au titre des chèques émis en sa faveur en 2005, il n'en a pas formulé la demande dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que le tribunal n'était pas saisi de cette demande.

La cour constate ainsi qu'en déclarant M. [Y] [P] recevable en sa demande de rapport à succession et ordonnant le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros alors que la demande subséquente n'avait pas été formulée par M. [Y] [P] dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives du 13 septembre 2019, le premier juge a statué ultra petita, de sorte qu'il y a lieu d'ordonner que ces dispositions soient retranchées du dispositif de la décision déférée.

* Sur la recevabilité de la demande de rapport à succession

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En matière de partage de succession, il est de jurisprudence constante que les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, de sorte que la demande formulée en cause d'appel par M. [D] [P] tendant à ce que soit ordonné le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros doit être déclarée recevable.

* Sur le bien-fondé de la demande de rapport à succession

Aux termes de l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.

M. [Y] [P] demontre que Mme [S] [P] née [L] avait émis cinq chèques tirés sur son compte bancaire ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne, au profit de Mme [K] [P] qui les a utilisés pour solder des crédits à la consommation, à hauteur de 3 147,56 euros le 27 novembre 2003, de 3 385,24 euros le 1er décembre 2003, de 2 800,93 euros le 3 décembre 2003, de 3 570,97 euros le 3 décembre 2003 et de 955,06 euros le 3 décembre 2003, qu'un chèque de 400 euros a également été fait au profit de Mme [K] [P] le 5 octobre 2003, portant le montant des versements effectués au profit d'[K] [P] en 2003 à la somme totale de 14 259,76 euros.

Il produit en outre la copie de 14 chèques et du relevé bancaire de Mme [S] [P] née [L] mettant en évidence des versements faits au bénéfice de Mme [K] [P] entre le 7 janvier 2005 et le 9 novembre 2005, pour un montant total de 30 326,52 euros.

La cour constate d'une part que le versement de ces sommes n'est pas contesté par Mme [K] [P] qui, si elle prétend avoir travaillé pendant cinq ans dans l'activité de stoppage de ses parents sans être payée, ne formalise pas de demande de salaires différés et ne prétend pas que ces sommes aient la nature de salaires, et d'autre part que Mme [K] [P] n'allègue pas que ces versements aient été effectués à titre de prêts qu'elle aurait le cas échéant remboursés à sa mère, de sorte que ces versements ne peuvent qu'être qualifiés de libéralités.

La cour relève enfin qu'il n'est pas prouvé par Mme [K] [P] que ces libéralités aient été faites hors part successorale, de sorte que le montant total de ces dons, de 44 586,28 euros ramené à la somme de 44 484,28 euros compte tenu de la demande formulée par M. [Y] [P], doit être rapporté par Mme [K] [P] à la succession de Mme [S] [P] née [L].

Sur la licitation de l'immeuble

Aux termes de l'article 1377 du code de procédure civile, le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués. La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 du même code.

En l'espèce, c'est par de justes motifs que le tribunal, relevant qu'aucune vente amiable n'était intervenue jusque là en dépit du temps écoulé depuis l'acte de notoriété, a ordonné la vente de l'immeuble dépendant de la succession à la barre du tribunal avec fixation d'une mise à prix de 100 000 euros, reconnue comme attractive compte tenu de l'estimation retenue par Maître [O] à 210 000 euros en 2018.

La décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, sauf en cas de mauvaise contestation, qui seront mis à la charge personnelle du contestant, et ceux de l'adjudication, à la charge de l'acquéreur, et statuant à nouveau sur ce point, il sera indiqué que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Le premier juge a exactement statué sur le sort de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et compte tenu de la nature de l'affaire, chaque partie conservera ses propres frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que le tribunal judiciaire de Dunkerque a statué ultra petita en déclarant recevable la demande de rapport à succession formée par M. [Y] [P] et en ordonnant le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros alors que la demande subséquente n'avait pas été formulée par M. [Y] [P] dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives du 13 septembre 2019 ;

Ordonne que ces dispositions soient retranchées du jugement entrepris ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, sauf en cas de mauvaise contestation, qui seront mis à la charge personnelle du contestant, et ceux de l'adjudication, à la charge de l'acquéreur ;

Statuant à nouveau,

Dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage ;

Y ajoutant,

Déclare M. [Y] [P] recevable en sa demande de rapport à succession ;

Ordonne le rapport à la succession par Mme [K] [P] de la somme de 44 484,28 euros ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage ;

Déboute M. [Y] [P] et Mme [K] [P] de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/03267
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.03267 ?
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