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27/05/2022 | FRANCE | N°21/00204

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 27 mai 2022, 21/00204


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 510/22



N° RG 21/00204 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOFY



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

20 Janvier 2021

(RG 18/00282 -section 2)





























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GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [L] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Stéphanie MIGNON, avocat au barreau de LILLE,
...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 510/22

N° RG 21/00204 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOFY

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

20 Janvier 2021

(RG 18/00282 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [L] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Stéphanie MIGNON, avocat au barreau de LILLE,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021004862 du 04/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.S.U. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Hugo TANGUY, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :à l'audience publique du 30 Mars 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 Février 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[L] [W] a été embauchée par la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE à compter du 2 décembre 2013 en qualité d'agent de service par contrat à durée déterminée, pour assurer le remplacement d'un salarié absent. Elle a ainsi effectué plusieurs remplacements de salariés jusqu'au 28 février 2014 et du 30 mai 2016 au 18 janvier 2017, date à laquelle il a été conclu entre les parties un contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 19 décembre 2016.

La salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 10 février au 7 mai 2017. Par courrier du 9 mai 2017, elle a fait connaître à son employeur sa volonté de démissionner au motif qu'elle ne tolérait pas des accusations de vol tout en accusant son directeur de harcèlement. Comme elle avait cessé de se présenter à son poste de travail, la société lui a demandé, par courrier en date du 18 mai 2017, de clarifier sa position, estimant équivoque son précédent courrier, et l'a invitée, le cas échéant, à lui confirmer sa volonté de démissionner. En raison d'une absence de réponse, la société lui a adressé une mise en demeure en date du 31 mai 2017, lui demandant à nouveau de confirmer son éventuelle démission et lui indiquant qu'à défaut, son absence serait considérée comme une absence injustifiée.

 

A la suite d'une nouvelle mise en demeure restée sans réponse, la salariée a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 juillet 2017 à un entretien le 18 juillet 2017 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 août 2017.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Votre absence injustifiée à votre poste de travail depuis le 09 mai 2017.

Nous vous rappelons que nous intervenons dans le milieu de la propreté et que les postes de travail ne souffrent d'aucun manquement.

Le paragraphe 9.07.1 «Absences» de la convention collective des entreprises de propreté stipule que «le salarié doit informer le plus rapidement possible son employeur de son absence et devra en justifier par certificat médical expédié dans les trois jours, le cachet de la poste faisant foi, sauf stipulation imprévisible et insurmontable. Le défaut de justification de l'absence dans le délai prévu pourra entraîner, après mise en demeure, le licenciement du salarié.»

Or vous avez laissé sans réponses nos mises en demeure des 31 mai 2017 et 20 juin 2017 aux termes desquelles nous vous demandions de reprendre immédiatement votre poste de travail ou de nous adresser, si tel était votre souhait, un courrier par lequel vous nous indiquiez clairement et sans équivoque, votre volonté de rompre votre contrat de travail.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de l'entretien susvisé n'ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Vous n'avez à aucun moment justifié vos absences mais vous avez soutenu que vous aviez été contrainte à la démission pour diverses raisons contre lesquelles nous nous sommes opposés dans nos précédents courriers.

C'est pourquoi, nous vous avons mis en demeure de reprendre le travail avant de vous convoquer à un entretien alors que vous mainteniez vos accusations.

Ne pouvant que déplorer et constater le non-respect de vos obligations contractuelles et réglementaires qui s'imposent à vous en matière de justification des absences, nous vous notifions votre licenciement pour abandon de poste, constitutif d'une faute grave, privative de toute indemnité de licenciement et de préavis»

Par requête reçue le 9 mars 2018, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lille afin d'obtenir la requalification de sa relation de travail de faire constater l'existence d'un harcèlement, l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Après avoir sursis à statuer du fait de l'existence d'une plainte en cours déposée par la salariée pour des faits de harcèlement moral et un classement sans suite ordonné le 21 juin 2019 par le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille, le conseil de prud'hommes, par jugement en date du 20 janvier 2021, a déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire au titre de l'erreur de classification, requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 30 mai 2016, a débouté la salariée du surplus de sa demande et laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 16 février 2021, [L] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 22 février 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 30 mars 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 17 mai 2021, [L] [W] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, sauf en ce que le premier juge a décidé que le contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 30 mai 2016, et la condamnation de la société à lui verser,

- 7476,30 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle

- 249,21 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 1246,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 124,60 euros au titre des congés payés y afférents

- 14952,60 euros au titre du préjudice moral résultant du harcèlement moral

- 117,70 euros au titre du rappel de salaires

- 1500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

 

L'appelant expose qu'elle s'est trouvée en arrêt maladie du 10 février au 7 mai 2017 et que cet arrêt de travail était dû à des faits de harcèlement de la part de son employeur, que ne voulant pas reprendre le travail à l'issue de cet arrêt, elle a envoyé une lettre de démission expliquant sa motivation, qu'elle a confirmé sa décision en ne se présentant plus sur son lieu de travail, que son absence est la conséquence de sa démission exprimée par écrit, qu'il ne peut donc pas lui être reproché un abandon de poste, qu'il appartenait à son employeur de tirer les conséquences juridiques sur la relation contractuelle, qu'il l'a maintenue et en lui laissant croire qu'elle pouvait obtenir une mutation, que la société est responsable de la rupture du lien contractuel, que sa démission est imputable au harcèlement dont elle a été victime, que le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse, qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail .et de sa rémunération, après avoir signé son contrat le 18 janvier 2017, qu'elle devait effecteur 28 heures de travail au lieu de 35 heures précédemment, que l'amplitude horaire était irrégulière, que la livraison des repas a été supprimée, qu'elle devait se déplacer dans une aile de la clinique éloignée de son autre zone de travail et nettoyer les sous-sols à la main, alors que sa responsable avait connaissance de ce qu'elle ne savait pas utiliser l'auto-laveuse, que son médecin l'a placée en arrêt de travail en raison d'un «syndrome d'anxiété généralisée sur notion de harcèlement professionnel», que son employeur a laissé se développer un harcèlement qui ne pouvait que la conduire à démissionner de son poste, que ce harcèlement lui a occasionné créé un préjudice distinct de celui issu de la rupture imputable à l'employeur qui devra être réparé par l'allocation de dommages et intérêts.

 

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 15 juillet 2021, la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE intimée conclut à l'irrecevabilité de la demande de l'appelante à titre de rappels de salaires pour prétendue erreur de classification conventionnelle, à la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions, au débouté de l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et à la condamnation de cette dernière à payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que l'appelante a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave en raison de son absence injustifiée à compter du 9 mai 2017, qu'elle ne s'est plus présentée à son poste de travail à l'issue de ses arrêts de travail et n'a répondu ni au courrier de son employeur ni aux mises en demeure, que ce comportement constitue une violation caractérisée de l'article 4.9.1 de la convention collective et du règlement intérieur affiché sur le lieu de travail de la salariée, que celle-ci n'a ni exprimé ni réitéré de manière claire et non-équivoque sa volonté de rompre le contrat, malgré deux mises en demeure, qu'elle prétend avoir été victime de la part de six de ses supérieurs hiérarchiques de harcèlement moral, qui aurait eu des répercussions sur son état de santé, que cette affirmation n'est pas fondée et n'est démontrée par aucune preuve objective, que le Parquet de Lille, diligentant une enquête approfondie suite à la plainte de la salariée, a classé le dossier sans suite, que l'appelante ne démontre pas que la dégradation de son état de santé serait la conséquence du moindre agissement de ses supérieurs hiérarchiques, que la demande nouvelle en paiement de rappels de salaires au titre d'une classification conventionnelle prétendument erronée est irrecevable, qu'étant liée au paiement de salaires, elle ne se rattache pas, par un lien suffisant au sens des articles 4 et 70 du code de procédure civile, aux demandes initiales qui portaient sur la rupture du contrat de travail, les conditions de travail, et la régularité de certains contrats à durée déterminée.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application des articles R1452-2 du code du travail, 65 et 70 du code de procédure civile que constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures ; que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

Attendu que l'appelante ne fournit aucune explication à sa demande de rappel de salaire mentionnée dans le dispositif de ses conclusions ; qu'elle se borne dans ses écritures à solliciter la seule confirmation du jugement qui n'a prononcé que la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 30 mai 2016 sans allouer de somme à ce titre ; que le rappel de salaire sollicité a en revanche été jugé irrecevable par les premiers juges en l'absence de lien suffisant avec les prétentions originaires ; que l'appelante n'invoque aucun moyen de droit pour contester cette irrecevabilité ;

Attendu en application de l'article L1154-1 alinéa 1er du code du travail qu'il appartient à l'appelante de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement en vue de permettre à l'intimée de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que l'appelante expose dans ses conclusions qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail et de sa rémunération, après avoir signé son ultime contrat de travail le 18 janvier 2017 qui prévoyait un horaire hebdomadaire de travail de vingt-huit heures au lieu de trente-cinq heures précédemment, une amplitude horaire irrégulière, une suppression de la livraison des repas ; qu'elle ajoute qu'elle était obligée de se déplacer dans une aile de la clinique éloignée de son autre zone de travail et de nettoyer les sous-sols à la main sans pouvoir utiliser une auto-laveuse dont elle ignorait le fonctionnement, ce dont avait connaissance sa responsable ; que toutefois ces éléments, dont certains supposaient l'accord de la salariée, ne reposent, selon les écritures de cette dernière, que sur la plainte qu'elle a déposée le 8 février 2017 ; qu'il résulte du procès-verbal que cette plainte visait six personnes qui travaillaient avec elle et qui se seraient rendues coupables d'agissements de harcèlement sur sa personne ; que toutefois aucune suite de nature pénale ne lui a été donnée ; qu'au demeurant, les faits qui y sont relatés concernent principalement les modalités de conclusion des différents contrats de travail ; que par ailleurs la suppression de la livraison des plateaux de repas y apparaît comme un allégement des taches de l'appelante ; qu'enfin l'accomplissement de travaux d'entretien, dernier élément figurant dans la plainte, la conduisant, à partir du 19 janvier 2017, à effectuer des déplacements dans deux bâtiments éloignés l'un de l'autre, constituant les différentes ailes de la clinique où elle était affectée, ne constitue qu'une simple modalité d'exécution du contrat de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur dont il n'est pas démontré que celui-ci en ait abusé ; qu'au demeurant, il ne saurait à lui seul caractériser une présomption de harcèlement ;

Attendu que l'appelante assure que la démission ne présente aucun caractère équivoque et ne conclut pas à l'existence d'une prise d'acte de rupture, se bornant à considérer qu'elle est consécutive au harcèlement moral dont elle aurait été la victime ; qu'elle en tire comme conséquence que le licenciement dont elle confirme la validité est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que l'appelante n'imputant pas dans ses écritures la responsabilité de sa démission à son employeur, il convient d'en déduire que le contrat de travail a été rompu par le courrier envoyé par l'appelante à la société le 9 mai 2017 et reçu par cette dernière le jour suivant ;

Attendu, de façon surabondante, qu'à la suite de la réception de ce courrier, la société a mis en demeure l'appelante de reprendre son poste de travail qu'elle n'occupait plus depuis le 8 février 2017, date du début d'un arrêt de travail pour maladie ayant pris fin le 7 mai 2017 ; qu'elle a réitéré, sans plus de succès, cette mise en demeure par différents courriers recommandés en date des 31 mai et 20 juin 2017, tous deux restés sans réponse ; que l'absence injustifiée de l'appelante depuis le 8 mai est caractérisée et constitue bien une faute grave rendant impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

 

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

 

CONDAMNE [L] [W] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00204
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;21.00204 ?
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