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27/05/2022 | FRANCE | N°21/00185

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 27 mai 2022, 21/00185


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 507/22



N° RG 21/00185 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TN76



PL/VM







RO



















AJ















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Calais

en date du

28 Janvier 2021

(RG 20/00033 -section 3)




























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GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [C] [I]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Audrey SART, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numér...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 507/22

N° RG 21/00185 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TN76

PL/VM

RO

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Calais

en date du

28 Janvier 2021

(RG 20/00033 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [C] [I]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Audrey SART, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021002221 du 02/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A. SÉCURITÉ PROTECTION

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jérôme AUDEMAR, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS :à l'audience publique du 29 Mars 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[C] [I] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2013 avec reprise d'ancienneté au 26 mai 2000 en qualité d'agent de sûreté par la société SÉCURITÉ PROTECTION.

A la date de son licenciement, il percevait un salaire mensuel brut moyen de 1843,66 euros et était assujetti à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

 

A sa demande, le salarié a été examiné par le médecin du travail qui a conclu, le 8 octobre 2018, à la nécessité d'aménager son poste de travail, a émis les restrictions suivantes : pas de montée sur une échelle ou un escabeau, pas de travail en position debout prolongée supérieure à soixante minutes, pas de HBD et P22 et a souhaité le revoir dans un délai de trois mois.

[C] [I] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 octobre 2018 à un entretien le 29 octobre 2018 en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 novembre 2018.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Nous vous reprochons les faits suivants.

Le 17 octobre 2018, Messieurs [W] [G] et [Z] [D], encadrants du bureau management du site Eurotunnel, ont reçu en entretien Madame [S] [E], Agent de sécurité.

Lors de cet entretien, Madame [S] [E] nous a déclaré : « Mon état de santé s'est dégradé en Juin avec M. [I]. Je me trouvais à la régulation avec le soleil. J'ai envoyé un camion amovible vers le HBD. Suite à ma relève sur la régulation je me suis rendu au HBD, [C] [I] m'a touché les fesses (. . .) Après la convocation de M. [I] au bureau, il m'a envoyé des messages d'excuses ».

Madame [S] [E] nous a également indiqué avoir reçu de votre part des messages «très portés sur le sexe» et considère que votre intention était mauvaise».

Lors de l'entretien préalable, vous avez déclaré : « je reconnais avoir posé la main succinctement sur le fessier de Mme [E] suite à une plaisanterie entre collègues sur le P22 ce après une erreur d'aiguillage de camion par Mme [E] (. . .) Suite à une rumeur du P22 concernant une attitude libertine de Mme [E], j'ai voulu me faire ma propre opinion sur la personne. Je confirme avoir envoyé des textos d'échange assez osés avec cette personne sans avoir l'envie d'aller plus loin ».

Au cours de ce même entretien, vous nous avez également indiqué : « Oui je reconnais que les faits qui me sont reprochés sur mon attitude irrespectueuse envers Mme [E] auraient pu avoir de lourdes conséquences. Je tiens à m'excuser encore une fois de ce geste malencontreux et de la suite qui s'est enchaîné, contre mon gré».

Votre comportement irrespectueux à l'endroit de Madame [S] [E], que vous avez reconnu, est inacceptable.

L'article 1er du règlement intérieur dispose notamment que : « D'une façon générale, le personnel est tenu de faire preuve du plus grand respect d'autrui sous peine de s'exposer à sanctions (..) ».

L'article R.631-7 du Code de la sécurité intérieure indique également : « en toute circonstance, les acteurs de la sécurité s'interdisent d'agir contrairement à la probité, à l'honneur et à la dignité. Ils font preuve de discernement et d'humanité. Ils agissent avec professionnalisme et veillent à acquérir et maintenir leurs compétences par toute formation requise.»

Dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, l'employeur a l'obligation de prévenir les agissements sexistes dans l'entreprise conformément à l'article 13 du règlement intérieur.

Aussi, vos agissements ne sont pas tolérables dans notre collectivité de travail et sont contraires à l'honneur et à la dignité.

Dès lors, il n'est plus possible pour nous d'envisager la poursuite de notre relation contractuelle et nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour avoir eu un comportement irrespectueux à l'endroit de votre collègue de travail Madame [S] [E], Agent de sécurité, en ayant intentionnellement posé votre main sur son fessier et pour lui avoir adressé des SMS à caractère graveleux.

Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.»

 

Par requête reçue le 21 février 2019, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Calais afin d'obtenir des rappels d'heures de nuit et de dimanche, d'indemnités de transport, de panier et de primes, de faire constater la nullité ou, à titre subsidiaire, l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 28 janvier 2021, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société à lui verser

- 3687,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 368,73 euros au titre des congés payés y afférents

- 9777,54 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 14750 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul

- 2000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

a débouté le salarié du surplus de sa demande et a condamné la société aux dépens.

Le 12 février 2021, [C] [I] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 29 mars 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 4 mai 2021, [C] [I] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris, la condamnation de la société à lui verser

-à titre de rappel de prime

1679,23 euros bruts au titre de l'année 2015

1699,38 euros bruts au titre de l'année 2016

1699,38 euros bruts au titre de l'année 2017

1699,38 euros bruts au titre de l'année 2018

-à titre de rappel d'indemnité de transport

51,00 euros nets de novembre à décembre 2015

280,50 euros nets au titre de l'année 2016

265,50 euros nets au titre de l'année 2017

274,50 euros nets au titre de l'année 2018

-950,77 nets à titre de rappel d'indemnité de panier à compter de novembre 2015

-4358,61 euros bruts à titre de rappel de salaire portant sur la majoration des heures de nuit

435,86 euros bruts au titre des congés payés

-à titre de rappel de salaire portant sur la majoration des heures de dimanche

2890,65 euros bruts

289,06 euros bruts au titre des congés payés

-à titre de rappel de prime d'habillage

20,64 euros bruts de novembre à décembre 2015

2,06 euros bruts au titre des congés payés

91,40 euros bruts au titre de l'année 2016

9,14 euros bruts au titre des congés payés

117,52 euros bruts au titre de l'année 2017

11,75 euros bruts au titre des congés payés

130,71 euros bruts au titre de l'année 2018

13,07 euros bruts au titre des congés payés

-à titre de rappel de prime annuelle de performance

839,62 euros bruts au titre de décembre 2015

83,96 euros bruts au titre des congés payés

849,69 euros bruts au titre de décembre 2016

84,97 euros bruts au titre des congés payés

849,69 euros bruts au titre de l'année 2017

84,97 euros bruts au titre des congés payés

44250 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou 26733 euros nets à titre subsidiaire,

la confirmation du jugement entrepris pour le surplus et la condamnation de la société à verser 2000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

L'appelant sollicite l'application de l'annexe VIII de la convention collective, relative aux agents de Sûreté, qu'il expose que selon l'article 3 du contrat de travail il occupait un emploi d'agent de sûreté, statut agent d'exploitation Niveau 4 Echelon 1 coefficient 160, que dès lors qu'une qualification est contractuellement reconnue au salarié, l'employeur ne pouvait la remettre en cause pour échapper au paiement des minimas conventionnels, qu'il effectuait bien des missions de sûreté, puisqu'il procédait au contrôle des véhicules avant l'accès en zone d'embarquement sur le site Eurotunnel, au même titre que les agents de sûreté des zones aéroportuaires, que s'il est ferroviaire, le site d'Eurotunnel comporte néanmoins des terminaux et des zones duty free, un contrôle des passagers et du fret, identique à celui d'un aéroport, que la qualification sûreté ouvrait droit à des accessoires de rémunération supplémentaires qui ne lui ont pas été versées et ce, à compter du 13 novembre 2015 dans la limite de la prescription triennale, soit une prime annuelle en application de l'article 2.5 de l'annexe VIII, une indemnité pour frais de transport en application de l'article 3.01 de cette annexe, une indemnité de panier en application de l'article 3.02, des majorations de nuit et de dimanche en application de l'article 3.05, une prime d'habillage et déshabillage en application de l'article 3.07 et une prime de performance individuelle en application de l'article 3.06, que son licenciement est nul, qu'il a été convoqué à un entretien préalable par lettre du 18 octobre 2018, que l'entretien a été organisé le 29 octobre 2018, qu'il n'y a eu dans l'intervalle aucune mise à pied conservatoire, qu'à l'issue de cet entretien, il a continué à occuper son poste de travail jusqu'au mardi 13 novembre 2018 inclus, que le licenciement repose sur un seul grief qui serait apparu la veille de la lettre de convocation à l'entretien préalable, que la société avait connaissance des faits qu'elle a retenus, depuis au moins le 5 juillet 2018, et qui, en raison de leur contexte particulier, n'avaient à l'époque donné lieu à aucune poursuite disciplinaire, que ces derniers remontant à plus de deux mois, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'en avait eu connaissance que dans le délai de prescription, que la société en était bien informée dès le 5 juillet, qu'il a été affecté sur un autre poste pour éviter des tensions, qu'à titre subsidiaire il n'a commis aucune faute, que les échanges de SMS produits aux débats démontrent que les propos à caractère graveleux ont été tenus aussi bien par l'un que par l'autre, qu'ils résultaient en outre d'une conversation privée qu'[S] [E] avait d'abord initiée puis a fait le choix de dévoiler, qu'un fait relevant de la vie privée ne peut pas servir de motif à un licenciement, que celui-ci est discriminatoire, qu'il est fondé sur son état de santé, que le 8 octobre 2018, le médecin du travail avait prescrit un aménagement de son poste pendant trois mois avec des prescriptions impératives à la suite d'une déchirure du ligament croisé interne et du ménisque interne, interdisant notamment le travail en position debout supérieure à vingt minutes, que lors de la notification de ces restrictions à [F] [Y], son chef de zone, celui-ci l'a menacé, dénigré et traité de fainéant, que les difficultés occasionnées par les restrictions médicales sont à l'origine de la rupture du contrat de travail, qu'à la suite de son licenciement, il n'a pas retrouvé immédiatement d'emploi, qu'entre 2019 et 2018, sa famille a subi une perte de 50% de ses revenus, que depuis janvier 2020, il travaille en qualité d'agent de sécurité Arrière Caisse pour la Société Securitas à temps complet, avec un salaire de 1254,27 euros nets, soit une perte mensuelle de 350 euros nets.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 18 mai 2021, la société SÉCURITÉ PROTECTION intimée et appelante incidente sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris en ce que le licenciement a été déclaré nul, la confirmation pour le surplus et la condamnation de l'appelant à lui verser 3600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient qu'elle n'a découvert les faits que le 17 octobre 2018, qu'elle a appris qu'ils duraient depuis le mois de juin précédent, que l'appelant l'a avoué, qu'aucun élément matériel ne permet de démontrer qu'elle en avait connaissance dès cette dernière date, que l'entretien organisé le 17 octobre 2018 avec [S] [E] a fait l'objet d'un compte rendu, que dès le lendemain, la procédure de licenciement a été engagée, que la prescription n'est pas acquise, que la faute grave est établie, que le compte rendu de l'entretien préalable fait apparaître que l'appelant a reconnu les attouchements qui lui sont reprochés, que ces faits ne relevaient pas de la vie privée, qu'il n'a pas été victime de discrimination sanitaire, qu'aucun rappel de salaire ne lui est dû, qu'il a été rémunéré en qualité d'employé niveau IV échelon 1 coefficient 160 de la convention collective, qu'il a perçu toutes les majorations en rapport avec sa qualification d'agent de sûreté, qu'il ne peut soutenir que son emploi était celui d'un agent aéroportuaire.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu sur l'applicabilité à l'espèce de l'annexe VIII de la convention collective que celle-ci est intitulée «dispositions particulières aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire»; qu'aux termes de son article 1er alinéa 2, celles-ci s'appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui, dans le cadre du champ d'application général de la convention collective exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules effectuées sur les aéroports français, notamment dans le cadre de l'article L 282-8 du code de l'aviation civile ; que selon l'alinéa 1er dudit article, la sûreté aérienne et aéroportuaire désigne les mesures prises dans le but d'empêcher l'introduction à bord des aéronefs en exploitation de toute personne ou élément matériel de nature à compromettre la sûreté des vols ;  que selon l'alinéa 3, les dispositions de l'annexe VIII cessent de s'appliquer aux personnels concernés dès lors qu'ils ne sont plus affectés à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire, telle que définie précédemment  ; que si l'appelant occupait l'emploi d'agent de sûreté, statut agent d'exploitation niveau 4 échelon 1 coefficient 160 de la convention collective, il était affecté sur le site ferroviaire d'Eurotunnel qui ne constitue pas une zone aéroportuaire au sens de l'annexe précitée ; qu'il en peut donc prétendre aux accessoires de salaire revendiqués résultant de l'application de l'annexe VIII à sa personne ;

Attendu en application des articles L1234-1 et L1332-4 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont l'envoi par l'appelant de messages à caractère sexuel à [S] [E] et des attouchements sur la personne de la salariée ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que les attouchements reprochés à l'appelant se sont déroulés dans la nuit du 5 au 6 juin 2018 ; qu'ils sont consécutifs à une erreur d'aiguillage de camion commise par [S] [E] ; que pour prix de son erreur le chef de zone aurait invité l'appelant à lui «donner la fessée» ; que l'appelant ne conteste pas avoir effectué des attouchements sur la partie du corps de la salariée en cause ; que cependant il affirme n'avoir qu'effleurée celle-ci qui aurait fait preuve à cette occasion de la plus extrême complaisance ; que toutefois si ces faits paraissaient aussi anodins qu'il l'assure, il n'explique pas les raisons pour lesquelles [W] [G], encadrant du bureau management, a décidé, à la suite de l'entretien tenu le 12 juillet 2018 dont l'intimée ne conteste pas l'existence, de le transférer à un autre poste de travail, après avoir tenu les propos suivants, que l'appelant rapporte lui-même dans le courrier de contestation de son licenciement : «S.P. est une grande famille, tenez vous à carreau avec la gente féminine et contentez-vous de faire votre travail ; je vous transfère au PS2 pour calmer tout cela» ; que l'appelant produit l'ensemble des messages échangés avec [S] [E] ; que ceux à connotation sexuelle font apparaître la complicité initiale de cette dernière, faisant part de ses fantasmes, appelant [C] [I] «beau gosse», l'invitant à la «sonder» et décrivant son émoi à l'idée que ces fantasmes se réalisent ; qu'en tout état de cause, ils sont eux aussi antérieurs au 12 juillet 2018 puisque, lorsqu'elle a été entendue le 17 octobre 2018 par [W] [G], [S] [E] a prétendu avoir reçu de l'appelant des excuses transmises après l'entretien de celui-ci ; qu'elle visait bien celui du 12 juillet 2018 puisqu'en dehors de ce dernier, l'appelant n'a été entendu que le 29 octobre 2018 par son employeur sur ces faits ainsi que sur ceux mettant en cause [F] [Y] ; qu'il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que la société avait une exacte connaissance de l'ensemble des faits reprochés à l'appelant dès le 12 juillet 2018 ; que le délai de deux mois étant expiré à la date de mise en 'uvre de la procédure de licenciement, lesdits faits ne pouvaient plus donner lieu à des poursuites disciplinaires ;

Attendu en application de l'article L1154-1 du code du travail que pour faire présumer l'existence de faits de discrimination fondée sur son état de santé, l'appelant se prévaut de l'altercation matérialisée par le courrier adressé le lendemain à la société, altercation qui l'a opposée le 9 octobre 2018 à [F] [Y], le responsable de zone, et qui serait consécutive à la communication à ce dernier des restrictions émises par le médecin du travail, du rapport établi par [F] [Y] et de l'attestation de [M] [J] ; que toutefois, il résulte tant de l'entretien organisé avec [F] [Y] et qualifié de rapport par l'appelant, durant lequel celui-ci a reconnu s'être énervé, que de l'attestation ultérieure de ce dernier que, selon le témoin, l'incident trouve son origine dans un problème de rotation de personnel que l'appelant n'avait pas acceptée et qu'une seconde altercation a éclaté lorsque ce dernier a téléphoné au coordinateur, remettant ainsi en cause les directives reçues par [F] [Y] ; que [M] [J], témoin de l'altercation, se borne à rapporter les propos de l'appelant se plaignant de [Z] [D] qui n'aurait pas pris en compte les restrictions de travail de ce dernier sur la zone P22 et confirme la version des faits présentée par [F] [Y] ; qu'il s'ensuit que l'appelant ne  présente pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ;

Attendu en conséquence que le licenciement de l'appelant n'est pas nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il n'existe pas de contestation sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement allouées par les premiers juges, l'intimée n'en discutant que le principe ;

Attendu en application de l'article L1235-3 du code du travail que l'appelant était âgé de près de cinquante ans et jouissait d'une ancienneté de plus de dix-huit années au sein de l'entreprise à la date de son licenciement ; qu'à cette date il avait entièrement à sa charge deux enfants, son conjoint ne travaillant pas  ; qu'il n'a pas retrouvé immédiatement d'emploi et a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage qui lui ont été versées à compter du 16 décembre 2018 ; qu'il convient en conséquence d'évaluer à la somme de 26733 euros le préjudice consécutif à la perte injustifiée de son emploi ;

Attendu en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

 

Attendu que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par l'intimée des allocations versées à l'appelant dans les conditions prévues à l'article précité et dans la limite de six mois d'indemnités ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

 

DIT que le licenciement de [C] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société SÉCURITÉ PROTECTION à verser à [C] [I] 26733 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la société SÉCURITÉ PROTECTION au profit du Pôle Emploi des allocations versées à [C] [I] dans la limite de six mois d'indemnités,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

CONDAMNE la société SÉCURITÉ PROTECTION aux dépens.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00185
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;21.00185 ?
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