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27/05/2022 | FRANCE | N°21/00161

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 27 mai 2022, 21/00161


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 506/22



N° RG 21/00161 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TNW6



PL/VM







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Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

21 Janvier 2021

(RG 18/00210 -section )





























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GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [L] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Coralie VERHAEGHE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Lina ATAMENIA, avocat au barreau de LILLE
...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 506/22

N° RG 21/00161 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TNW6

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

21 Janvier 2021

(RG 18/00210 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [L] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Coralie VERHAEGHE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Lina ATAMENIA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Société ID LOG

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alix BAILLEUL, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 29 Mars 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[L] [V] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 octobre 2001 en qualité d'employé de logistique par la société IDLOG.

A la date de son licenciement, il percevait un salaire mensuel brut moyen de 1651 euros et était assujetti à la convention collective des maisons à succursales de vente au détail. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

 

Le salarié a été convoqué par lettre remise en main propre en date du 14 mars 2017 à un entretien le 22 mars 2017 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 avril 2017.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Manquements à vos obligations et agressivité dans le cadre de vos fonctions, perturbant le fonctionnement de l'entreprise et du service, et ayant conduit à blesser une collaboratrice

A titre de rappel, vous avez été engagé dans notre société le 1er février 2002, avec reprise d'ancienneté au 11 octobre 2001, et occupez actuellement le poste d'employé logistique au sein de l'entrepôt de [Localité 5].

Comme exposé lors de l'entretien préalable, les faits justifiant la présente procédure et la mesure susvisée sont les suivants :

Le 13 mars dernier, vous avez, pendant l'exercice de vos fonctions, été à l'origine d'une altercation qui a désorganisé l'activité de l'entrepôt et des équipes, et avez physiquement porté atteinte à la santé d'une collaboratrice.

Lors des transmissions d'équipes, le 13 mars dernier, vous avez croisé une intérimaire qui finissait son roulement, sur la zone de brief. Il nous a été indiqué que cette intérimaire souhaitait avoir de votre part des explications sur les rumeurs qui lui auraient été rapportés dans l'entrepôt la concernant. Vous avez alors immédiatement répondu de manière particulièrement agressive.

Une de nos collaboratrices, Employée de logistique, sentant une réelle tension entre vous-même et cette intérimaire, décide ainsi de rester présente, pour éviter tout débordement. Vous avez toutefois continué à faire preuve d'agressivité, et vous montriez de plus en plus menaçant à l'égard de l'intérimaire, allant jusqu'à l'insulter : « elle est folle, faut qu'elle se calme, ta gueule connasse ».

Une seconde collaboratrice, Responsable d'équipe logistique, et [H] [K], votre responsable, ont ainsi décidé d'intervenir pour mettre fin à cette altercation, qui empêchait par ailleurs les équipes de travailler.

C'est alors que dans un état d'agressivité manifeste, vous avez souhaité forcer le passage pour vous diriger vers l'intérimaire et vous avez poussé la responsable d'équipe logistique contre un poteau, qui s'est retrouvée blessée au bras.

Votre responsable est alors à nouveau intervenu pour vous contenir au niveau des coursives et éviter tout autre débordement, permettant ainsi à l'intérimaire de quitter l'entrepôt.

Vous avez refusé de reconnaître votre responsabilité dans la situation et l'accident impliquant la Responsable d'équipe logistique, et n'avez retrouvé votre calme qu'à l'issue d'un échange de près de 30 minutes avec votre responsable.

En tant qu'employeur, il nous incombe une obligation de sécurité de résultat en matière de sécurité à l'égard de nos collaborateurs. Nous ne pouvons tolérer qu'un collaborateur représente une menace et un danger pour les autres, dans la mesure où il ne sait pas contrôler ses émotions et est susceptible de faire preuve de violence, dans le cadre de ses fonctions et sur son lieu de travail.

Il incombe par ailleurs à chacun de nos collaborateurs, en application de la loi, de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Vous n'êtes pas sans ignorer que le règlement intérieur précise expressément que : « seront notamment justiciables d'une sanction ou susceptibles d'entraîner le licenciement, les actes ou comportements suivants : les insultes, les menaces, ainsi que le manque de respect à l'égard de quiconque » (article 30) étant précisé que « tout salarié doit observer un comportement et une attitude respectant la liberté, la dignité et la décence de chacun au sein de l'entreprise » et « strictement respecter et se soumettre aux procédures internes à l'entreprise, ceci afin d'assurer le bon fonctionnement de celle-ci » (article 9).

Nous vous avons, à diverses reprises, accompagné dans la gestion de vos émotions. Vous avez cette fois atteint une limite inacceptable, qui nous amène à la conclusion qu'il ne nous est plus possible d'envisager la poursuite de votre contrat de travail.

Dans ces conditions, et compte tenu des faits susvisés, nous sommes contraints de vous signifier votre licenciement».

Par requête reçue le 12 septembre 2018, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Roubaix afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 21 janvier 2021, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de sa demande et l'a condamné à verser à la société 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le 9 février 2021, [L] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 29 mars 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 30 avril 2021, [L] [V] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

- 25000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

L'appelant expose qu'il n'est en rien à l'origine de l'altercation, que s'agissant de la salariée prétendument blessée, s'il a pu prononcer des paroles déplacées, il n'a fait que répondre aux attaques d'une intérimaire qui prétendait obtenir de sa part des explications sur des rumeurs, que la provocation constitue un fait justificatif retirant aux faits reprochés leur gravité, que la société ne pouvait le licencier dans la précipitation, sans avoir cherché au préalable à comprendre les faits et à vérifier s'il était ou non à l'origine de l'altercation, qu'aucune enquête n'a été réalisée au sein de l'entrepôt, que l'intérimaire n'a jamais été entendue ni même convoquée, qu'aucune des deux attestations ne permet de mettre en lumière les circonstances entourant les faits qui lui sont reprochés, qu'en vertu de l'article L1235-1 du code du travail le doute doit lui profiter, que [I] [U], responsable de l'entrepôt lui adressé un sms le 7 août 2017 pour l'aider dans sa recherche d'emploi, ce qui démontre qu'il était un bon élément au sein de la société, que sur le fait que par son attitude il aurait blessé une autre salariée, celle-ci n'a pas fait de déclaration d'accident du travail et n'a pas subi d'arrêt de travail, qu'aucune enquête n'a été diligentée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que cet accident n'a été inscrit que le 20 avril 2017, soit près d'un mois après les faits, sur le registre du comité, que la sanction infligée est disproportionnée et injustifiée, qu'il a été licencié après seize années d'ancienneté au sein de la société alors qu'il était âgé de 51 ans, qu'il éprouve de grandes difficultés à retrouver du travail dans la branche de la logistique, à la fois à cause de la crise qui frappe ce domaine d'activité et de son âge, qu'à ce jour, il n'a toujours pas retrouvé d'emploi stable, qu'il vit des indemnités pôle emploi entre quelques missions d'intérim.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 18 juin 2021, la société IDLOG intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui verser 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire la limitation du le montant des dommages et intérêts alloués à six mois de salaire,

 

L'intimée soutient que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de l'appelant est bien fondé, que les attestations qu'elle verse aux débats, établies par [H] [K] et [W] [D], démontrent le comportement tout à fait inadapté et violent que ce dernier a adopté le 13 mars 2017 et qui ont conduit à son licenciement, qu'il s'est montré particulièrement agressif, que du fait de son emportement, cinq personnes ont dû intervenir afin de tenter de le calmer, que cette attitude a été d'autant plus grave que, chaque année, la société lui a rappelé la nécessité de se maîtriser et de prendre du recul sur des situations anodines à l'origine de ses coups de colère, que malgré les alertes formelles reçues, il n'a pas entendu se remettre en cause, qu'il ne justifie pas que [C] [A] ait été à l'origine de l'altercation, qu'il ne conteste pas ses menaces, ses insultes et son agressivité verbale, qu'alors que [O] [B] avait veillé à accueillir l'appelant pour s'assurer qu'il avait reçu sa lettre de licenciement, ce dernier l'a menacé de défoncer sa voiture et de «lui casser la gueule» ainsi que celle de [I] [U], à titre subsidiaire, que le montant des dommages et intérêts doit être réduit à de plus justes proportions ou à six mois de salaires, l'appelant ayant perçu durant l'année ayant suivi son licenciement près de 6000 euros du Pôle Emploi ainsi que des revenus de la société d'intérim Aquila pendant environ 1,5 mois.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L1232-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont une altercation survenue le 13 mars 2017 dont l'appelant était l'auteur et [C] [A], intérimaire, la victime ainsi qu'un acte de violence sur la personne de [W] [D], alors que le salarié avait fait l'objet de précédentes recommandations en raison de la violence de son comportement ;

Attendu que pour caractériser les faits survenus le 13 mars 2017 la société intimée produit les attestations de [H] [K], responsable d'équipe logistique et de [W] [D], agent de maîtrise ; que [H] [K] rapporte que, le jour des faits vers 13 heures, alors qu'il procédait à une passation d'activité dans le bureau des managers avec sa collègue, [W] [D], leur attention avait été attirée par des éclats de voix entre l'appelant et une intérimaire, s'avérant être [C] [A] ; que le ton montant, tous les deux étaient intervenus pour ramener le calme ; qu'il ajoute que l'appelant, qui cherchait la confrontation avec l'intérimaire, hurlait et l'injuriait, avait repoussé [W] [D] qui avait tenté de le bloquer contre un convoyeur ; que le témoin avait dû empoigner l'appelant et l'éloigner pour mettre fin à l'incident ; que [W] [D] atteste que l'appelant et [C] [A] se faisaient face, front contre front, alors qu'une salariée, [J] [R] tentait sans succès de s'interposer ; qu'elle ajoute que le salarié avait insulté l'intérimaire et proféré des menaces de mort à son encontre ; qu'elle souligne que ce dernier l'ayant violemment repoussée alors qu'elle le ceinturait pour le calmer, elle avait heurté un poteau avec son bras gauche et à la suite de cette incident avait dû porter une attelle durant trois jours ; que l'intimée produit le registre des accidents du travail sur lequel cet incident a été consigné le 20 avril 2017 ; que dès l'entretien de progrès organisé le 9 octobre 2012, à la rubrique «évaluation du savoir être», le notateur invitait l'appelant à ne pas s'emporter ; que selon les évaluations ultérieures versées aux débats, son employeur l'avait régulièrement incité à faire des efforts dans ce secteur, à rester calme, et avait constaté qu'il faisait preuve de sautes d'humeur, le conduisant parfois à des «coups de gueule» comme le rapporte l'entretien de progrès de l'année 2016 ;

Attendu que si l'appelant conteste fortement se trouver à l'origine de l'altercation l'ayant opposé à [C] [A], assurant que celle-ci l'avait arrêté sur le chemin de son travail pour obtenir des explications sur des rumeurs qu'il aurait propagées et qu'il bénéficiait de ce fait d'une excuse de provocation, il reconnaît indirectement le comportement qui lui est reproché et qui se trouve à l'origine de son licenciement ; qu'il n'était pas nécessaire que la société doive diligenter une enquête puisque les actes de violence dont il s'était rendu coupable étaient caractérisés ; que même si [C] [A] avait pu adopter à son égard, comme il le prétend, une attitude agressive, celle-ci ne pouvait justifier que, par sa faute, la situation dégénère au point de nécessiter l'intervention de [H] [K] et de [W] [D] pour séparer les parties et mettre fin à l'altercation ; que l'appelant avait, à de nombreuses reprises, été invité par son employeur à faire preuve d'un plus grand contrôle de sa personne, comme le démontrent les différents comptes-rendus d'entretien ; que compte tenu de la violence tant verbale que physique qui l'a émaillée, une telle altercation entraînait bien une perturbation inadmissible du fonctionnement du service justifiant le licenciement de l'appelant ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

CONDAMNE [L] [V] aux dépens.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00161
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;21.00161 ?
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