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27/05/2022 | FRANCE | N°21/00159

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 27 mai 2022, 21/00159


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 504/22



N° RG 21/00159 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TNWF



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

28 Janvier 2021

(RG 20/00019 -section )





























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GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. TORANN FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Stéphane BAROUGIER, avocat au barreau ...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 504/22

N° RG 21/00159 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TNWF

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

28 Janvier 2021

(RG 20/00019 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. TORANN FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Stéphane BAROUGIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

M. [T] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Samuel VANACKER, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 29 Mars 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

A la suite de la reprise de l'activité de surveillance du site du magasin Louis Vuitton à [Localité 5] précédemment exercée par la société CESG, [T] [E] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 juillet 2017 avec reprise d'ancienneté au 1er mars 2013 en qualité d'agent de sécurité par la société TORANN FRANCE.

Le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 7 août 2017. A la suite d'une visite médicale de reprise organisée le 2 janvier 2019, le médecin du travail a, dans le cadre d'un avis d'inaptitude, émis les conclusions et les propositions de mesures individuelles suivantes : «reprise possible sur un poste sans station debout prolongée. Incapacité de travailler en station debout prolongée».

Par courrier en date du 15 janvier 2019, la société a informé le salarié de l'impossibilité de le reclasser à un poste compatible avec les restrictions médicales après avoir entrepris une recherche des possibilités de reclassement et consulté pour avis les délégués du personnel.

[T] [E] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 janvier 2019 à un entretien le 29 janvier 2019 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er février 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont l'inaptitude du salarié à son poste d'agent de sécurité, l'impossibilité d'une adaptation de ce poste et une absence de postes disponibles compatibles avec son état de santé et sa qualification au sein de l'entreprise.

A la date de son licenciement, [T] [E] percevait un salaire mensuel brut moyen de 1521,29 euros et était assujetti à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Par requête reçue le 31 janvier 2020, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lannoy afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 28 janvier 2021, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société à lui verser

- 3042,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 9011,54 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec majoration au taux légal à compter de la date de réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de nature salariale et à compter du jugement pour toute autre somme,

a condamné la société au paiement de 1500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi qu'aux dépens.

Le 8 février 2021, la société TORANN FRANCE a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 29 mars 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 22 octobre 2021, la société TORANN FRANCE appelante sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, la limitation de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaires soit 4563,75 euros, et en tout état de cause la condamnation de l'intimé à lui verser 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'appelante expose que sur la base des observations écrites du médecin du travail qu'elle avait consulté par mail du 2 janvier 2019, afin qu'il se prononce sur les capacités restantes de l'intimé, elle a interrogé l'ensemble de ses agences et services concernés, qu'il a été répondu qu'il n'existait pas de poste disponible répondant aux recommandations du médecin du travail, que les seuls postes disponibles concernaient ceux d'agent de sécurité (ADS) sur la région Centre et en Ile de France et d'agent de sécurité incendie (SSIAP1) sur la région Ile de France également, qui exigeaient une station debout prolongée, incompatible avec les restrictions médicales émises, que si un poste d'assistant planning était également disponible en Ile de France, il nécessitait des compétences spécifiques en matière de gestion du planning, du personnel d'exploitation, des relations avec la sous-traitance, du plan de formation, de la relation client, de contrôle et de législation sur le temps de travail, que l'intimé ne disposait d'aucune compétence lui permettant d'exercer de telles fonctions, que le médecin du travail a indiqué que la seule adaptation possible était l'exercice des fonctions en position assise, que la société était donc fondée à rompre le contrat de travail pour inaptitude et impossibilité de reclassement, que l'intimé s'étant trouvé dans l'impossibilité d'exécuter son préavis du fait de son inaptitude, son préavis ne lui a pas été réglé, que le barème de l'article L 1235-3 du code du travail était parfaitement valable, que l'intimé ne bénéficiant en années complètes que d'une ancienneté de cinq ans, l'indemnité minimale de licenciement sans cause réelle et sérieuse est donc de trois mois et maximale de six mois soit entre 4563,75 et 9011,54 euros, qu'il ne justifie pas de sa situation professionnelle post licenciement et ne peut donc se voir accorder une indemnité supérieure à trois mois de salaires.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 22 juillet 2021, [T] [E] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris, la condamnation de l'appelante à lui verser

- 10648,75 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct lié à l'absence de prise en considération de l'état pathologique du salarié malgré les préconisations anciennes et répétées en ce sens du médecin du travail

la confirmation pour le surplus du jugement entrepris,

la condamnation de l'appelante à verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

L'intimé soutient que l'appelante n'a pas respecté son obligation loyale et sérieuse de reclassement à son endroit en n'adaptant ou n'aménageant pas les postes disponibles au sein de la société et, éventuellement, ses filiales, en refusant de lui proposer le moindre poste, en ne recherchant pas, de façon loyale et sérieuse, de reclassement sur les postes disponibles de concert avec le médecin du travail, qui avait pourtant précisé que l'intimé était apte à suivre une formation en vue d'occuper un poste administratif, que l'appelante l'a maintenu dans la plus grande précarité durant plusieurs mois en refusant de prendre en considération les propositions d'aménagement de poste émises par le médecin du travail, qu'il a subi un préjudice distinct du fait l'absence de prise en considération de son état pathologique malgré les préconisations anciennes et répétées de ce praticien, que compte tenu de sa situation financière, il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article L1226-2 du code du travail que le licenciement de l'intimé est motivé par son inaptitude à son poste de travail constatée le 2 janvier 2019 par le docteur [U] [B], médecin du travail, à l'occasion de la visite médicale de reprise, par la constatation que les postes disponibles au sein de l'entreprise ne correspondaient qu'à des emplois d'agents de sécurité ne pouvant être aménagés pour se trouver en conformité avec les capacités restantes du salarié constatées par le médecin du travail, et par l'impossibilité de lui proposer le poste administratif d'assistant planning affecté à l'agence IDF, nécessitant des formations spécifiques et une maîtrise de soi et exigeant de passer la quasi-totalité de la journée au téléphone ;

 

Attendu qu'en réponse à la demande de la société sur ses préconisations, le docteur [B] a précisé par courriel du 2 janvier 2019 que l'état de santé de l'intimé n'était pas compatible avec un poste nécessitant une station debout prolongée et ne lui permettait que d'occuper un poste pour lequel la position assise était prépondérante ; qu'il ajoutait que si celui-ci exigeait une formation particulière, l'intimé se trouvait tout à fait en mesure de la suivre ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'appelante a interrogé l'ensemble de ses agences implantées sur tout le territoire national en vue de rechercher si, compte tenu de ce que l'intimé avait été déclaré inapte à son poste d'agent de sécurité et des restrictions émises par le médecin du travail impliquant un emploi en position majoritairement assise, il existait des postes disponibles ; qu'il est apparu qu'un poste d'assistant planning, à pourvoir par contrat à durée indéterminée, était vacant en Ile de France ; que les raisons pour lesquelles la société ne l'a pas proposé au salarié et qui sont évoquées dans la lettre de licenciement sont toutefois dépourvues de toute pertinence ; qu'en effet, il n'est pas contesté que l'intimé était détenteur d'un diplôme universitaire Master 2 ; qu'en réponse aux interrogations de l'employeur, le médecin du travail avait souligné dans le courriel précité que celui-là était tout à fait apte à suivre des formations si, dans le cadre de son reclassement, il devait occuper un poste nécessitant une qualification particulière ; que l'appelante ne démontre pas davantage l'incompatibilité éventuelle du poste d'assistant planning qui, selon cette dernière, nécessitait de passer le plus grande partie de la journée au téléphone, avec les capacités restantes du salarié ; qu'enfin l'exigence d'une maîtrise de soi émise également par la société constitue un critère totalement subjectif qui ne peut être retenu dans le cadre d'une recherche de reclassement ; qu'au demeurant la société ne rapporte par aucun élément de fait que l'intimé ne répondait pas à cette condition également ; qu'il s'ensuit que le licenciement de ce dernier est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il n'existe pas de contestation sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, l'appelante n'en contestant que le principe ;

Attendu que l'intimé ne soulève aucun moyen tendant à écarter l'application des montants maximaux d'indemnité prévus par l'article L1235-3 du code du travail ; qu'en application des dispositions de l'article précité, il était âgé de 44 ans ; qu'il n'est pas contesté qu'il jouissait d'une ancienneté de cinq années au sein de l'entreprise à la date de son licenciement ; que celui-ci est exclusivement consécutif au défaut de prise en compte par l'appelante du niveau de formation dont il disposait, malgré les observations du médecin du travail suscitées par l'appelante elle-même, qui lui aurait permis de prétendre au poste vacant d'assistant planning ; que les premiers juges ont exactement évalué l'indemnité due au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que les anciennes préconisations du médecin du travail dont se prévaut l'intimé pour justifier l'existence d'un préjudice spécifique ont été émises durant l'arrêt de travail de ce dernier et concernent la station debout, qu'il était tenu de respecter en sa qualité d'agent de surveillance de magasin, incompatible avec son état de santé ; que seules les observations du médecin du travail sur la possibilité pour l'intimé de suivre une formation lui permettant de postuler à un autre emploi ont été négligées par l'appelante ; que toutefois, cette négligence ne lui a pas occasionné un préjudice distinct de celui consécutif à la perte de son emploi ;

Attendu en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail dans leurs dispositions alors en vigueur que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

 

Attendu que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par l'appelante des allocations versées à l'intimé dans les conditions prévues à l'article précité et dans la limite de six mois d'indemnités ;

Attendu que l'équité commande de condamner la société à verser à Maître Samuel VANACKER, conseil de l'appelant bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale, la somme complémentaire de 1500 euros sur le fondement des articles 700 2°du code de procédure civile et 37 alinéas 3 et 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

 

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

DÉBOUTE [T] [E] de sa demande en réparation d'un préjudice distinct consécutif à l'absence de prise en considération de son état pathologique malgré les préconisations du médecin du travail,

ET Y AJOUTANT

ORDONNE le remboursement par la société TORANN FRANCE au profit du Pôle Emploi des allocations versées à [T] [E] dans la limite de six mois d'indemnités,

 

CONDAMNE la société TORANN FRANCE à verser à Maître Samuel VANACKER 1500 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que [T] [E] bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide,

DIT que si Maître Samuel VANACKER recouvre cette somme, il renoncera à percevoir la part contributive de l'Etat, que s'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée viendra en déduction de la part contributive de l'Etat,

DIT que si, à l'issue du délai de douze mois courant à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, Maître Samuel VANACKER n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il sera réputé avoir renoncé à celle-ci,

CONDAMNE la société TORANN FRANCE aux dépens.

LE GREFFIER

S. LAWECKI

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00159
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;21.00159 ?
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