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27/05/2022 | FRANCE | N°20/02243

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 27 mai 2022, 20/02243


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 775/22



N° RG 20/02243 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TI23



GG/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de lille

en date du

15 Octobre 2020

(RG 19/00466 -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL LAZARE GARREAU
...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 775/22

N° RG 20/02243 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TI23

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de lille

en date du

15 Octobre 2020

(RG 19/00466 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL LAZARE GARREAU

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Dominique BIANCHI, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Claire HENNION, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 06 Avril 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC conseiller et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 mars 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

L'association Centre social et culturel Lazare Garreau, qui est une structure délivrant un accompagnement social, et applique la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d'accueil de jeunes enfants, associations de développement social local du 4 juin 1983, a engagé par contrat d'accompagnement à l'emploi du 1er juillet 2007, Mme [W] [D], née [V], en qualité d'animatrice.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 01/10/2009 en qualité d'animatrice, coefficient 386 aux mêmes fonctions.

Mme [D] a été affectée au secteur adulte/familles.

Le 30/07/2012, Mme [D] a demandé le bénéfice d'un congé parental à temps partiel de 28 h par semaine, à effet au 03/09/2012 un avenant étant régularisé par les parties. Ces stipulations ont été reconduites à compter du 31/08/2013, puis du 31/08/2014 au 30/08/2015.

Consécutivement à la naissance d'un second enfant, Mme [D] a demandé par lettre du 05/06/2015 le bénéfice d'un temps partiel de 24 heures dans le cadre d'un congé parental à compter du 06/07/2015.

Des discussions se sont engagées relativement aux horaires de travail de la salariée, l'employeur lui proposant d'être affectée au secteur enfance et sollicitant une réponse de la salariée avant le 15/07/2015, Mme [D] ayant fait part de ses propositions pour le secteur enfance.

Une proposition d'avenant a été établie par l'employeur, qui n'a pas été accepté par Mme [D] suivant lettre du 28/10/2015, une seconde proposition lui étant transmise le 07/12/2015, Mme [D] expliquant ne pouvoir l'accepter par lettre du 02/01/2016.

L'employeur par lettre du 02/03/2016 a infligé un avertissement à la salariée, en raison de retards.

Mme [D] a été arrêtée pour maladie ordinaire du 18/01/2016 au 13/07/2016.

Lors de la visite de reprise du 27/06/2016, le médecin du travail a constaté l'inaptitude de la salariée à son poste, selon avis ainsi libellé : «confirmation de l'inaptitude au poste. Serait apte à un poste identique dans un environnement différent».

Par lettre du 22/07/2016, l'employeur a indiqué n'avoir aucune solution de reclassement et a convoqué Mme [W] [D] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 29/07/2016. Puis, Mme [D] a été licenciée pour inaptitude par courrier du 02/08/2016.

Estimant le licenciement nul en raison de faits de harcèlement moral, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille par requête du 23/12/2016 de demandes tenant à l'exécution du contrat de travail et à sa rupture.

Par jugement du 15/10/2020, le conseil de prud'hommes a :

-débouté Mme [W] [D] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 2 mars 2016,

-jugé que les faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme [W] [D] ne sont pas établis,

-débouté Mme [W] [D] de sa demande d'annulation de son licenciement au motif de harcèlement moral,

-débouté Mme [W] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-débouté Mme [W] [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné Mme [W] [D] à payer la somme de 500 € à l'association centre social et culturel Lazare GARREAU au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de tout autre demande différente plus ample ou contraire à la présente décision,

-laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 13/11/2020, Mme [W] [D] a interjeté appel du jugement précité.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 08/01/2021, Mme [W] [D] demande à la cour de :

-infirmer le Jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de LILLE en ce qu'il a :

«-Débouté Madame [D] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 2 mars 2016,

-Dit et jugé que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis,

-Débouté Madame [D] de sa demande d'annulation de son licenciement au motif de harcèlement moral,

-Débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-Confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-Débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Condamné Mme [D] à verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC»,

-Sur ces chefs de demandes contestés, dire et juger en ce sens :

-Annuler l'avertissement notifié le 2 mars 2016,

-Dire et juger les faits de harcèlement moral établis,

En conséquence, condamner l'Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL LAZARRE GARREAU à lui verser la somme de 10.000 € nets au titre de ce chef de préjudice,

Sur le licenciement :

-A titre principal, dire et juger son licenciement nul et de nul effet,

-A titre subsidiaire, dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause, condamner l'association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL LAZARRE GARREAU à lui verser les sommes suivantes :

-12.631,90 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2.522,78 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférent de 255,27 €,

-Débouter l'Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL LAZARRE GARREAU de sa demande de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile de première instance,

-Condamner l'Association CENTRE SOCIAL ET CULTUREL LAZARRE GARREAU à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner le défendeur aux entiers frais et dépens d'instance,

Selon ses conclusions du 26/03/2021, l'association centre social et culturel Lazare Garreau demande à la cour de :

-Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lille du 15 octobre 2020 en ce qu'il a :

-débouté Mme [D] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 2 mars 2016,

-dit et jugé que les faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme [D] ne sont pas établis,

-débouté Mme [D] de sa demande d'annulation de son licenciement au motif de harcèlement moral,

-débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné Mme [D] à lui verser la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,

En sus,

-condamner Mme [D] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles engagés en cause d'appel, outre les entiers frais et dépens de procédure.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 16/03/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation de l'avertissement

L'appelante rappelle qu'elle était en arrêt de travail à compter du 18/01/2016, qu'aucun retard ne lui a été reproché durant le mois de janvier, qu'il n'existait plus d'accord sur ses horaires de travail, qu'elle n'était pas en retard, que l'avertissement constitue un moyen de pression.

L'intimée expose que la salariée n'a pas contesté la sanction, que les retards invoqués comme les départs anticipés reposent sur des éléments objectifs.

En vertu de l'article L1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre du 02/03/2016 fait état de retards répétés à la prise de poste le 04/01/2016 (9h25 au lieu de 9h), le 05/01/2016 (9h29 au lieu de 9h), et les lundi 11 et mardi 12 janvier (9h15 au lieu de 9h). En outre, l'employeur reproche un départ à 12h36 au lieu de 13h le mercredi 13/01/2016, horaires figurant au planning de la salariée.

Mme [D] verse sa lettre du 16/03/2016 par laquelle elle demande une clarification de sa situation, expliquant avoir proposé d'intégrer un autre poste en adéquation avec ses horaires de congé parental, l'employeur lui ayant soumis deux avenants avec des horaires identiques, et expliquant qu'une rupture conventionnelle lui a été proposée le 15/01/2016.

Il ressort des pièces produites que Mme [D] a sollicité un congé parental à temps partiel le 05/06/2015, en proposant un planning alternatif sur deux semaines. Un désaccord s'est élevé à cet égard, la salariée expliquant ne pouvoir accepter les horaires proposés qui sont tardifs et ne correspondent pas aux horaires sollicités dans le cadre de sa réduction d'horaires.

L'employeur ne justifie pas à la date de la sanction des horaires effectifs de la salariée, le planning évoqué dans la lettre de sanction n'étant pas produit. En outre, aucun élément de preuve confortant les griefs évoqués dans la lettre n'est produit. Les retards n'étant pas démontrés, l'avertissement est annulé.

Sur la demande de nullité du licenciement

Mme [D] invoque à l'appui de sa demande des faits de harcèlement moral.

-Sur le harcèlement moral

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral.

Le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c'est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement.

Si la preuve est libre en matière prud'homale, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral est tenu d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

Mme [D] explique que l'inaptitude résulte des faits de harcèlement moral de l'employeur, qu'à l'issue de son congé de maternité elle devait reprendre ses fonctions au secteur adulte, que l'employeur a tenté de l'affecter au service enfance en contradiction avec les dispositions de l'article L1225-25 du code du travail, qu'elle s'est opposée à cette affectation, qu'en refusant de lui accorder des horaires compatibles l'employeur a mis en cause son droit à congé parental ce qu'il ne pouvait faire en vertu de l'article L1225-47 du code du travail, qu'elle a proposé les mêmes horaires de travail à l'exception du mercredi après-midi, l'employeur ayant alors modifié tous les horaires, que l'employeur ne justifie pas de l'intérêt du service, qu'aucun changement d'horaire ne pouvait lui être imposé sans avenant, que les deux avenants proposés comportent les mêmes horaires, ceux-ci étant incompatibles avec ses impératifs familiaux ce que savait l'employeur, qu'aucune réponse n'a été apportée à sa proposition du 05/06/2015 avant sa reprise de travail le 06/07/2015, de telle sorte qu'elle s'est trouvée dans l'incertitude quant à ses horaires de travail, qu'elle a fait une nouvelle proposition par mail du 15/07/2015 à la suite duquel plus aucune information ne lui a été donnée, en sorte qu'elle a dû aménager seule ses horaires suivant ce qu'elle avait proposé, qu'elle a conservé ce rythme de travail de juillet à septembre 2015, jusqu'à ce que le directeur lui «jette au visage» un avenant au contrat de travail le 16/09/2015, que M. [O] a fait preuve d'abus du pouvoir de direction dans la répartition des horaires de travail, ce qu'elle a contesté le 28/10/2015, qu'elle s'est rapprochée du responsable du secteur enfance pour une répartition sur cinq jours, un accord ayant été trouvé, que le 4 décembre 2015, cette proposition d'aménagement horaire a été refusée par le directeur qui a proposé la même répartition que celle du mois de septembre 2015, ce qui l'a contrainte à opposer son refus par lettre du 02/01/2016, que l'employeur a voulu la pousser au départ comme le démontrent les entretiens pour une rupture conventionnelle, que si le changement de secteur a été accepté ce n'est qu'avec des horaires de travail compatibles, que la décision de l'affecter sur le secteur enfance avait déjà été prise avant son retour de congé, qu'elle a été injustement sanctionnée, que ces faits ont eu un impact sur sa santé.

Mme [D] produit les éléments suivants au soutien de sa demande :

-les avenants du 18/08/2013 et 18/08/2014 portant son temps de travail à 28 heures par semaine du lundi au vendredi, avec un jour de repos le jeudi,

-la demande de congé parental à temps partiel de 24 heures, du 05/06/2015, avec un roulement une semaine sur deux,

-les échanges de courriels avec M. [I] [O] des 8 et 15 juillet 2015, le directeur indiquant être favorable à un passage à 24 heures mais précisant que les horaires proposés «ne sont pas cohérents avec l'accueil des habitants et les actions que nous menons», et proposant dans un souci d'organisation de service une affectation en tant qu'animatrice enfance, avec modifications de ses missions ; Mme [D] faisant part en retour de ses propositions d'actions pour le secteur enfance (REEAP, action de parentalité, CLAS, projet Tout'arzimut, et éventuellement nouvel accueil périscolaire), précisant «c'est pourquoi je ne pourrai être présente le mercredi après-midi, le samedi, mais également après 17h30. En revanche, mon jour de repos (qui était le jeudi) est modulable mais pour une bonne organisation, je souhaiterai que mon planning soit effectif 3 semaines à l'avance. Dans l'attente d'une réponse, je reste à votre disposition pour toute information complémentaire»,

-un avis d'aptitude du 31/07/2015 précisant «redéfinition précise du poste à faire», un avis du 18/09/2015 indiquant «incompatibilité temporaire de l'état de santé du salarié avec son poste de travail. Nécessité de soins médicaux. A revoir à son retour dans l'entreprise»,

-une lettre du médecin du travail (Dr [P]) du 18/09 indiquant que Mme [D] «présente des signes de souffrance au travail, une prise en charge s'avère nécessaire avec arrêt maladie»,

-une lettre du psychologue du travail M. [T] [E] indiquant avoir reçu le 29/09/2015 la salariée lui faisant part notamment de «son sentiment d'être victime d'agissements de sa hiérarchie qui, dit-elle, aurait pour objectif de la stabiliser psychologiquement (changement de service à son retour de congé maternité induisant des changements sur ses horaires et rythme de travail, incitation à la signature d'un avenant à son contrat de travail qui, d'après elle, lui serait défavorable, incitations verbales explicites de la part de sa direction qui lui signifierait son souhait de la voir quitter la structure)»[...], le psychologue indiquant toutefois avoir décelé des signes de réelle souffrance psychique, «le vécu de mal être psychologique et de souffrance psychique qu'elle a ainsi pu verbaliser semble trouver pour partie une explication dans son contexte professionnel» ; une seconde lettre du psychologue du 25/02/2016 indiquant avoir constaté pendant l'entretien «dans son discours et son attitude, une augmentation manifeste des signes de souffrance psychique», «au regard de ces éléments, et sans évolution de son environnement de travail et/ou de la perception qu'elle en a, je crains que la persistance de cette situation professionnelle n'altère davantage le bien être au travail de Mme [V] [Mme [D]]».

-une lettre du 28/10/2015 de Mme [D] adressée à M. [O] indiquant qu'en accord avec lui elle a aménagé ses horaires en fonction de son temps partiel à la suite de l'entretien après sa reprise du travail le 06/07/2015, indiquant «n'ayant aucune réponse de votre part concernant mon nouveau poste, j'ai repris mes interventions auprès des familles comme auparavant. Deux mois après, à la veille de mon rendez-vous à la médecine du travail, vous me présentez un avenant à mon contrat de travail qui ne correspond plus à rien :

-changement de poste alors que vous m'avez sollicité il y a un an environ pour effectuer une validation des acquis de l'expérience pour un diplôme de conseillère en économie sociale et familiale (date d'examen finale le 13 novembre prochain),

-les horaires sont exagérément tardifs et tout à fait incompatibles avec mon nouveau temps partiel»[..],

-un planning du 03/11/2015 sur cinq jours (24 heures), sur une plage horaire de 8h30 à 17h30, avec le mercredi après-midi et le jeudi matin de libres, signé avec la mention «ok pour moi»,

-un avis d'aptitude du 18/12/2015 avec la mention «apte»

-la réponse de M. [O] du 04/12/2015 rappelant l'historique de la relation de travail, indiquant notamment, avoir demandé à la salariée à sa reprise d'occuper son poste d'animatrice petite enfance compte-tenu de la réorganisation de postes intervenus durant son absence, que la salariée a de son propre chef aménagé ses horaires de travail ne se souciant pas du planning pré défini et a repris petit à petit ses interventions au secteur adulte, que face à cette attitude un avenant du 17/09/20156 lui a été remis, que la salariée s'est alors «placée en arrêt maladie jusqu'au 26 octobre 2015», que l'avenant a été refusé le 28/10/2015, que le médecin du travail l'a déclarée apte le 16/11/2015, que «dans ces conditions, et à l'effet d'éluder toute équivoque, nous vous proposons une ultime fois un avenant à votre contrat de travail reprenant les horaires de travail correspondant à votre poste au sein du secteur enfance» et accordant à la salariée un délai jusqu'au 04 janvier 2015 (sic),

-sa lettre du 02/01/2016 indiquant «lors de mon entretien de retour, vous me demandez de faire un planning à la semaine. Celui-ci est affiché chaque semaine sur le tableau à l'accueil. Ce n'est seulement le 16/09/2015 (veille de ma seconde visite à la médecine du travail) que vous me remettez un avenant de contrat stipulant un changement de poste ainsi qu'un changement d'horaires que j'ai refusé. Et pour cause, les horaires que vous me proposez sont incompatibles avec ma vie familiale, comme souligné dans un mail du 15/07/2015. En effet ayant une fille scolarisée et une fille gardée par une assistante maternelle, les modes de garde ne vont pas au-delà de 18h30. Ayant 1 heure de trajet, je ne peux alors terminer au-delà de 17h30.

Vous me proposez alors de trouver un accord avec M. [U], coordinateur du secteur enfance. A la suite de mon entretien avec celui-ci et un effort de ma part en proposant un planning sur 5 jours, vous refusez la proposition sans explication. Au 07/12/2015, vous me remettez un courrier en mains propres dans le quel je découvre un avenant à mon contrat de travail exactement identique à celui du 16/09/2015. Vous comprendrez alors qu'il m'est à nouveau impossible de signer votre proposition»,

-la lettre d'avertissement du 02/03/2016 et sa lettre du 07/03/2016 indiquant vouloir faire un point sur sa situation, avoir proposé d'intégrer un autre poste dans la structure en adéquation avec ses horaires de congé parental et précisant «A ceci, vous avez alors répondu par deux avenants de contrat identiques. Et lors de notre dernier entretien, le 15 janvier 2016, la seule solution que vous m'avez proposée est une rupture conventionnelle. Qu'en est-il à ce jour '»[...],

-un certificat du 2 juin 2016 du Dr [Z], psychiatre, faisant état d'un arrêt de travail d'abord pour des douleurs cervicales et dorsales depuis mi-janvier, puis pour un effondrement anxiodépressif d'intensité sévère, indiquant que persiste ce jour en entretien «une symptomatologie dépressive», «un ressenti anxieux massif encore bien présent, générant des cauchemars, des réminiscences, des crises d'angoisse épisodiques, qui contribuent à majorer l'épuisement physique et psychique. L'évocation de la problématique professionnelle est douloureuse ; il est inenvisageable qu'elle puisse retourner travailler au sein de la même structure, avec la même hiérarchie. Un tel retour générerait une rechute dépressive sévère»[...],

-un échange de mini messages avec M. [F] [U] du 02/07/2015 indiquant que la salariée intégrerait l'équipe enfance à son retour de congés.

Examinés dans leur ensemble, ces éléments permettent de présumer de faits de harcèlement moral. Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'association centre social et culturel Lazare Garreau expose que Mme [D] a accepté le 15/07/2015 un changement de poste, qu'il lui a été indiqué que ses contraintes horaires étaient incompatibles avec l'organisation du centre social, que faute d'accord la salariée a continué à appliquer ses horaires malgré l'incompatibilité évoquée, raison pour laquelle un avenant lui a été adressé le 17/09/2015 qui a été refusé alors qu'il tenait partiellement compte des exigences de la salariée, qu'un accord a été trouvé avec le coordinateur «enfance», que le planning produit par la salariée suite à cette rencontre est contesté et ne correspond pas au standard des plannings établis par le centre, qu'un nouvel avenant a été établi le 07/12/2015 reprenant les horaires arrêtés de concert avec le coordinateur du secteur enfance et Mme [D], laquelle l'a refusé le 02/01/2016, que deux rencontres ont eu lieu les 6 et 15 janvier 2016, une rupture conventionnelle ayant été envisagée, que la salariée recherche alors l'incident voire l'affrontement, raison pour laquelle un avertissement lui a été notifié, que seule la salariée a sollicité un changement d'horaires, cette modification relevant du pouvoir de direction de l'employeur, que les horaires proposés ne portent pas atteinte à la vie privée et familiale de Mme [D], faute de changements radicaux par rapport au contrat de travail initial, et ne sont donc pas abusifs, qu'une réorganisation a été nécessaire durant l'absence de la salariée.

Les pièces produites par l'association centre social et culturel Lazare Garreau sont pour l'essentiel les mêmes que celles versées par la salariée, à l'exception du compte-rendu du conseil d'administration du 18/09/2013.

Il convient en premier lieu de rappeler qu'en vertu de l'article L1225-47 du code du travail, pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité ou d'adoption, tout salarié justifiant d'une ancienneté minimale d'une année à la date de naissance de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l'arrivée au foyer d'un enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de la fin de l'obligation scolaire a le droit :

1° Soit au bénéfice d'un congé parental d'éducation durant lequel le contrat de travail est suspendu ;

2° Soit à la réduction de sa durée de travail, sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à seize heures hebdomadaires.

En l'espèce Mme [D] a bénéficié à trois reprises d'avenants de réduction à temps partiel de 28 heures hebdomadaires. Il ressort des avenants versés par l'employeur du 03/09/2012, 18/08/2013, 18/08/2014 que la salariée terminait sa journée à 17 heures sauf le lundi, qu'elle travaillait le mercredi matin et après-midi, et qu'elle ne travaillait pas le jeudi, soit une répartition sur quatre jours.

Il est constant qu'à la suite de la demande de réduction de sa durée de travail de 24 heures, à la suite de la naissance de son deuxième enfant, adressée dans le délai d'un mois avant la reprise conformément à l'article L1225-51 du code du travail, Mme [D] a joint un planning aménagé sur deux semaines consécutives, l'employeur ayant donné son accord sur le principe de la réduction mais pas sur les horaires envisagés.

Au regard de la réponse du 15/07/2015 de Mme [D], il apparaît que cette dernière s'est conformée à la demande de M. [O] en formulant des propositions d'actions pour le secteur petite enfance, tout en précisant ne pouvoir être présente le mercredi après-midi, le samedi et pas après 17H. Force est de constater que le nouvel avenant soumis à la salarié le 17/09/2015 est daté (pièce 9 de l'intimée) du 06/07/2015. Il n'a donc été tenu aucun compte de la réponse de la salariée. En dépit de propositions précises de sa part, la salariée a été donc été laissée dans l'incertitude dans le cadre de sa reprise, à la fois sur son secteur d'intervention et sur les horaires applicables jusqu'au 17/09/2015.

Sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur. Or, la répartition le 17/09/2015 des horaires sur cinq jours le travail, au lieu de quatre jours les trois années précédentes, comporte en période scolaire trois journées où la salariée termine son travail à 18h30, alors qu'elle terminait au plus tard à 17H30 les années précédentes. Alors que le médecin du travail recommandait une «redéfinition précise du poste à faire» le 31/07/2015 (pièce 11 de l'intimée), la proposition d'avenant a été suivie d'un arrêt de travail le 18/09/2015, le médecin du travail constatant une incompatibilité temporaire de l'état de santé de Mme [D] avec son poste de travail à cette date (pièce 12 de l'intimée).

Dans sa lettre du 28/10/2015, la salariée, qui a été arrêtée pour maladie du 18/09/2015 au 01/11/2015, précise avoir aménagé ses horaires, en accord avec l'employeur, et restant sans nouvelle de sa part avoir repris ses interventions auprès des familles, ce que démontre la proposition tardive d'un avenant durant le mois de septembre, dont elle souligne que les horaires sont incompatibles avec sa situation de famille. L'avis du médecin du travail du 16/11/2015 conclut à l'aptitude de la salariée avec la mention «redéfinition précise du poste à faire». L'employeur ne verse pas le second projet d'avenant joint à sa lettre du 04/12/2015, qui paraît comporter la même répartition des horaires que le précédent puisqu'il est évoqué un avenant «reprenant les horaires de travail correspondant à votre poste au sein du secteur enfance».

Or, au regard du planning du 03/11/2015 versé par Mme [D], dont la teneur n'est pas sérieusement contestée par l'intimée qui ne produit aucun planning autre, et n'apporte pas d'explication sur la signature y figurant, il apparaît qu'une répartition d'horaires a été effectuée pour 24 heures sur cinq jours, avec le mercredi après-midi et le jeudi matin de repos, et une fin de journée à 17h30. Ce document concerne manifestement le secteur enfance (accueil péri-scolaire). L'employeur n'explique en quoi cette répartition n'a pas pu trouver application et la raison pour laquelle, alors qu'il était informé des contraintes horaires et familiales de la salariée, une répartition d'horaires contraire a été imposée à la salariée. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que, outre l'accord précité, le médecin du travail avait avisé l'employeur à deux reprises le 31/07/2015 et le 16/11/2015 de la nécessité d'une redéfinition du poste.

Le compte-rendu de réunion du conseil d'administration du 18 septembre 2013 évoque certes les difficultés du secteur adultes en raison de l'absence prolongée de la responsable, l'animatrice adulte ne pouvant prendre en charge toutes les tâches. Aucun élément actualisé sur la situation du secteur adulte en 2015 n'est produit. Il n'est pas plus produit d'informations concernant le secteur enfance.

Force est de constater, compte-tenu du refus de Mme [D] par lettre du 02/01/2016, que l'employeur lui a proposé une rupture conventionnelle, à la suite de quoi Mme [D] a été sanctionnée par un avertissement le 02/03/2016, alors qu'elle est en arrêt maladie depuis le 18/01/2016. Enfin, il ressort des échanges de sms produits par la salariée que son affectation au secteur enfance avait été préparée avant son retour.

L'employeur n'apporte pas la preuve d'agissements justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, qui est constitué en l'état d'un abus du pouvoir de direction dans la fixation des horaires de travail, d'une sanction injustifiée, ayant entraîné une dégradation de l'état de santé de la salarié. Le harcèlement moral est caractérisé. Le jugement sera infirmé.

En outre, les faits de harcèlement moral ont causé un préjudice à la salariée qui sera réparé par la somme de 3.000 € de dommages-intérêts.

-Sur la nullité du licenciement

En vertu de l'article L1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il apparaît que la salariée s'est trouvée en arrêt de travail du 18/09/2015 au 01/11/2015, puis du 18/01/2016 au 13/07/2016, c'est-à-dire après chaque proposition d'avenant, jusqu'à ce que son inaptitude soit constatée le 27/06/2016. La dégradation progressive de son état de santé ressort des arrêts de maladie précités, des lettres du psychologue du travail et de celle du Dr [Z] psychiatre qui, le 02/06/2016, relève une symptomatologie dépressive, un retour au sein de la même structure étant inenvisageable. L'inaptitude de la salarié est imputable aux faits de harcèlement moral, le licenciement est donc nul.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement

L'annulation du licenciement produit, faute de demande de réintégration, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois sera accueillie, soit la somme de 2.522,78 € brut, outre 252,27 € brut de congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [D], de son âge (30 ans), de son ancienneté (7 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu d'accueillir, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 12.613,90 € à titre d'indemnité pour licenciement nul.

L'association Centre social et culturel Lazare Garreau sera condamné au paiement de ces sommes.

Sur les autres demandes

Succombant, l'association centre social et culturel Lazare Garreau supporte les dépens de première instance et d'appel, les dispositions de première instance étant infirmées.

Il est équitable d'allouer à Mme [D] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant également infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

ANNULE l'avertissement du 2mars 2016,

DIT que Mme [W] [D] a été victime de faits de harcèlement moral,

PRONONCE la nullité du licenciement de Mme [W] [D],

CONDAMNE l'association centre social et culturel Lazare Garreau à payer à Mme [W] [D] les sommes qui suivent :

-3.000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral,

-2.522,78 € brut d'indemnité compensatrice de préavis, outre 252,27 € de congés payés afférents,

-12.613,90 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, soit à réception de la convocation devant le bureau de conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt,

CONDAMNE l'association centre social et culturel Lazare Garreau à payer à Mme [W] [D] une indemnité de 1.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association centre social et culturel Lazare Garreau aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

POUR LE PRESIDENT EMPECHE

Muriel LE BELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/02243
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;20.02243 ?
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