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27/05/2022 | FRANCE | N°19/01682

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 27 mai 2022, 19/01682


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 866/22



N° RG 19/01682 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SP6F



PN/NB





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

11 Juin 2019

(RG 18/00316)







































GROSSE :



aux av

ocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANT :



M. [J] [W]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représenté par Me Caroline ARNOUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS :



Me [O] [P], Es qualité de mandataire liquidateur de l'Association Centre Socia...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 866/22

N° RG 19/01682 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SP6F

PN/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

11 Juin 2019

(RG 18/00316)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [J] [W]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représenté par Me Caroline ARNOUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS :

Me [O] [P], Es qualité de mandataire liquidateur de l'Association Centre Social [7],

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Mourad BOURAHLI, avocat au barreau de LILLE

L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS :à l'audience publique du 31 Mars 2022

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 mars 2022

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [J] [W] a été engagé l'Association du centre social [7] suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er avril 2001, en qualité de responsable du secteur 6-12 ans.

Au dernier état de la relation contractuelle, à compter du 15 avril 2015, il a accepté d'assurer les fonctions de directeur-coordinateur.

À compter de 2004, il a exercé des fonctions de délégué du personnel et de délégué syndical.

Du 23 septembre 2013 au 31 janvier 2015, M. [J] [W] a été placé en arrêt maladie.

Par jugement du 9 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Lille a prononcé la liquidation judiciaire de l'Association et a désigné Me [O] [P] en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 3 décembre 2015, M. [J] [W] a été licencié pour motif économique après autorisation de l'inspectrice du travail.

Le 12 septembre 2017, estimant avoir été victime de discrimination syndicale, il a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix, afin de constater l'existence de discrimination et de fixer au passif de l'Association des dommages et intérêts pour discrimination et subsidiairement pour manquement de l'employeur à ses obligations.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 11 juin 2019, lequel a :

- constaté que l'Association a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de grande instance de Lille en date du 9 novembre 2015 désignant Me [P] ès-qualités,

- s'est déclaré compétent pour juger du bien-fondé de la demande d'indemnisation de M. [J] [W],

- débouté M. [J] [W] de sa demande d'indemnisation au titre de l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre,

- débouté M. [J] [W] de sa demande d'indemnisation subsidiaire au titre d'une exécution fautive de son contrat de travail par son employeur,

- débouté les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties supportera ses propres dépens,

- déclaré la présente décision opposable à l'AGS CGEA de [Localité 4] dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.

Vu l'appel formé par M. [J] [W] le 24 juillet 2019,

Vu les conclusions de M. [J] [W] transmises au greffe par voie électronique le 18 octobre 2019, celles de Me [O] [P] ès-qualités transmises au greffe par voie électronique le 17 janvier 2020 et celles de L'AGS CGEA de [Localité 4] transmises au greffe par voie électronique le 20 janvier 2020,

Vu l'ordonnance de clôture du 10 mars 2022,

M. [J] [W] demande :

- de « réformer » le jugement entrepris et statuant à nouveau :

A titre principal :

- de constater l'existence d'une discrimination,

- de fixer au passif de l'Association 40.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination ;

A titre subsidiaire :

- de juger fautive l'exécution de son contrat de travail par l'Association,

- de fixer au passif de l'Association 40.000 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive,

En tout état de cause :

- de dire le jugement à intervenir opposable à l'AGS CGEA de [Localité 4].

Me [O] [P] ès-qualités demande :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [J] [W] de l'intégralité de ses demandes, par conséquent :

- de juger que la preuve de l'inexécution fautive alléguée n'est pas établie,

- de juger que M. [J] [W] n'a pas été victime de discrimination syndicale,

- de juger que la preuve du lien de causalité entre l'inexécution fautive alléguée et le préjudice dont se prévaut M. [J] [W] n'est pas démontrée,

- de juger que la demande indemnitaire n'est pas étayée matériellement,

- en conséquence, de débouter M. [J] [W] de sa demande d'indemnisation,

- en toute hypothèse, de déclarer opposable la décision à L'AGS CGEA de [Localité 4],

- de condamner M. [J] [W] à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AGS CGEA de [Localité 4] demande :

- de confirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- de débouter M. [J] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en toute hypothèse :

- de donner acte à l'organisme concluant qu'il a procédé aux avances au profit de M. [J] [W] d'un montant de 37.848,29 euros,

- de dire que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,

- de juger que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande au titre de la discrimination syndicale

Attendu qu'en application de l'article L.1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L3221 3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison (') de ses activités syndicales ou mutualistes ;

Qu'en outre, l'article L.2141-5 du même code précise qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ;

Que le salarié qui allègue une discrimination doit présenter au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une discrimination de nature syndicale '

Qu'il incombe ensuite à l'employeur d'établir que ces éléments ont justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination '

Attendu qu'en l'espèce, le salarié fait valoir, dans le cadre des faits postérieurs au 12 septembre 2012, tels qu'entrant dans le cadre de la prescription de l'article L. 1134-1 du code du travail que :

- pendant son arrêt de travail, entre le 23 septembre 2013 et le 31 janvier 2015, il s'est vu refuser tout contact avec la direction et la présidence de l'association, en lui interdisant en outre d'entrer en contact avec la salariée, de se présenter au siège de l'association et d'envoyer le moindre courrier au centre, malgré ses mandats syndicaux et électifs,

-le 7 octobre 2014, il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 17 octobre 2014,

- la procédure a été interrompue en raison d'une irrégularité, le salarié faisant observer que seul le conseil d'administration, qui n'avait pas eu connaissance de l'engagement de la procédure, était en mesure de licencier un salarié,

-le 14 octobre 2014, La CGT a informé l'Association qu'elle présenterait M. [J] [W] comme candidat aux élections de délégués du personnel aux termes desquelles il a été élu délégué titulaire,

-le 18 juillet 2015, il a alerté l'inspectrice du travail sur des erreurs de gestion commises par le directeur par intérim et qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

-le 20 juillet 2015, il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 30 juillet 2015,

-le 9 septembre 2015, M. [J] [W] a, de nouveau, été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 18 septembre 2015,

- l'entretien préalable en vue de son éventuel licenciement a finalement eu lieu le 30 juillet 2015, pendant deux minutes,

- le 9 septembre 2015, il a été à nouveau convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave fixée au 18 septembre 2015,

- le 22 septembre 2015, étant présent dans les locaux du centre social pour ses heures de délégation, il a été contraint de quitter l'établissement manu militari,

-- le 27 octobre 2015, à la demande de l'inspection du travail, l'employeur a levé la mise à pied conservatoire prononcer plus de trois mois auparavant,

Attendu que l'ensemble de ces éléments dans leur majorité des tentatives infructueuses de licencier le salarié, examinés dans leur ensemble, sont constitutifs d'indices laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale au préjudice de M. [J] [W] ;

Attendu que pour justifier que justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination, Me [P] es qualités fait valoir en substance :

- que la procédure de licenciement engagée le 14 septembre 2004 a été engagée avant que le salarié ne soit désigné déléguer syndical, alors que celle-ci repose sur des manquements du salarié constitué par son insubordination avérée,

- que la procédure de licenciement engagée en 2007 était fondée sur un motif économique, savoir une baisse sensible des subventions, et que celle-ci a été annulée non pas pour un motif lié à sa situation syndicale de M. [J] [W] et à son défaut de reclassement,

- que la procédure de licenciement engagé courant juillet 2015 reposait sur le comportement violent à l'encontre du directeur par intérim de l'entreprise,

-que les entraves alléguées ne peuvent être assimilées à de la discrimination syndicale, dans la mesure où celle-ci implique nécessairement un traitement défavorable en raison de l'appartenance syndicale, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le salarié n'invoque aucune disparité de situation par rapport à ses collègues de travail ;

Attendu cependant que les éléments directement en rapport avec les faits allégués par M. [J] [W], produits par l'employeur, constitués par :

trois témoignages généraux relatifs au comportement du salarié, un mail émanant de Monsieur [G] relatant l'incident violent ayant donné lieu à l'engagement de la procédure de licenciement de septembre 2015 et l'audition du salarié par les services de police ne suffisent pas à démontrer que les faits allégués par M. [J] [W] sont extérieurs à toute discrimination syndicale ;

Que le fait pour l'employeur de ne pas avoir tenu compte de la situation de salariée protégée, en engageant des procédures de licenciement infondés, en maintenant pendant plus de 3 mois une mise à pied conservatoire, en interdisant explicitement l'accès à l'entreprise pendant le congé maladie de M. [J] [W], a nécessairement créé une situation de discrimination ne serait-ce qu'au regard des autres salariés protégés ;

Que cette situation, qui a perduré depuis 2004, par, entre autres, une succession de tentatives de licenciement, une tentative infructueuse d'annulation de désignation de délégués syndicale, a engendré chez M. [J] [W] une situation de stress avérée, susceptible d'avoir participé chez lui au moins pour partie à son état dépressif ;

Que dans ces conditions il sera alloué à M. [J] [W] à ce titre 4000 euros, étant fait observer que cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de l'Association du centre social [7] ;

Attendu qu'en tout état de cause, s'agissant de la demande du subsidiaire du salarié, même si l'on tient compte des éléments postérieurs au 12 septembre 2015, le fait pour l'employeur d'avoir maintenu de façon illicite une mise à pied conservatoire pendant une durée de plus de trois mois, opérant ainsi une suspension de contrat de travail sans fondement, est constitutif d'une exécution fautive du contrat de travail du salarié, dont le préjudice doit être réparé dans les mêmes proportions ;

Sur la garantie de l'AGS (CGEA de [Localité 4])

Attendu que la présente décision est opposable à l'AGS, tenue à garantie dans les limites et plafonds prévus par la loi ;

Sur la demande formée par Me [O] [P] es qualités en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'à cet égard, Me [O] [P] es qualité sera débouté de sa demande ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris,

FIXE la créance de M. [J] [W] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association du centre social [7] comme suit :

-4000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

DIT la présente décision opposable à l'AGS (CGEA de [Localité 4]) tenue à garantie dans les limites et plafonds prévus par la loi,

CONDAMNE Me [O] [P] es qualité aux dépens,

DEBOUTE Me [O] [P] es qualités de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 19/01682
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;19.01682 ?
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