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27/05/2022 | FRANCE | N°19/00585

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 1, 27 mai 2022, 19/00585


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 784/22



N° RG 19/00585 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SGHK



SM/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de HAZEBROUCK

en date du

28 Janvier 2019

(RG 17/00017 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Y] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Martin DANEL, avocat au barreau de DUNKERQUE assisté de Me Bertrand PAGES, avocat au barreau de RENNES





INTIMÉE...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 784/22

N° RG 19/00585 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SGHK

SM/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de HAZEBROUCK

en date du

28 Janvier 2019

(RG 17/00017 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Martin DANEL, avocat au barreau de DUNKERQUE assisté de Me Bertrand PAGES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SARL WN TRANSPORTS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Barbara BERTHET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 05 Avril 2022

Tenue par Stéphane MEYER

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Août 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Y] [B] a été engagé par la société WN Transports, pour une durée déterminée à compter du 13 février 2012 puis indéterminée, en qualité d'assistant commercial. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de conducteur routier. Parallèlement, Monsieur [B] était associé minoritaire et accomplissait également des tâches de gestion et administratives.

La relation de travail est régie par la convention collective du transport routier.

Il a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie à compter du 16 novembre 2016.

Par lettre du 12 décembre 2016, Monsieur [B] était convoqué pour le 23 décembre à un entretien préalable à son licenciement et était mis à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 19 janvier 2017 pour faute grave, caractérisée par plusieurs griefs.

Le 21 février 2017, Monsieur [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Hazebrouck et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 28 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Hazebrouck, après avoir estimé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société WN Transports à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6 000 € ;

- indemnité légale de licenciement : 2 895,86 € ;

- indemnité compensatrice de préavis : 5 600 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 560 € ;

- les dépens ;

- le conseil a également ordonné la remise d'un reçu pour solde de tout compte, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes.

Monsieur [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er mars 2019.

Par ordonnance du 31 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel caduc, ordonnance infirmée sur déféré par arrêt du 23 octobre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2021, Monsieur [B] demande l'infirmation du jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société WN Transports aux dépens, que son licenciement soit déclaré nul, ainsi que la condamnation de la société WN Transports à lui payer les sommes suivantes :

- rappel de salaires pour heures supplémentaires : 23 105,19 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 2 310,50 € ;

- au titre de la contrepartie obligatoire en repos : 20 268,15 € ou subsidiairement 11 799,70 € ;

- congés payés : 5 454, 52 € ;

- dommages et intérêts pour licenciement nul : 51 217 € ;

- subsidiairement : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 32 000 € ;

- indemnité compensatrice de préavis : 6 916,14 € ou subsidiairement 5 864,40 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 691, 61 € ou subsidiairement 586,40 € ;

- indemnité légale de licenciement : 3 515,70 € ou subsidiairement 2 981,06 € ;

- rappel de salaires au titre de la mise à pied : 4 256, 08 € ou subsidiairement 3 608,86 €

- congés payés afférents : 425,60 € ou subsidiairement 360,88 € ;

- indemnité pour travail dissimulé : 20 748,42 € ou subsidiairement 17 593,20 € ;

- dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 10 000 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 5 000 € ;

- Monsieur [B] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes, sous astreinte de 50 € par jour et par document.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [B] expose que :

- il a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées ; sa demande n'est pas prescrite ;

- Il lui manque sur le solde 41 jours de congés payés sur les années antérieures, les compteurs des congés payés ayant été supprimés à tort ;

- ses demandes, formulées aux termes de ses dernières conclusions, sont recevables ;

- le licenciement est nul car il faisait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle au moment de sa notification, situation alors connue de l'employeur ;

- à titre subsidiaire, aucun des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement n'est établi ; il ne peut lui être reproché des éventuelles fautes relatives à son statut d'associé et non de salarié ; de plus certains faits invoqués sont prescrits ;;

- il rapporte la preuve de son préjudice ;

- l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé ;

- le licenciement présentait un caractère vexatoire.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2021, la société WN Transports, qui a formé appel incident, demande que soient déclarées abandonnées les prétentions suivantes de Monsieur [B] :

- indemnité légale de licenciement ;

- indemnité de préavis ;

- congés payés y afférents ;

- indemnité pour travail dissimulé ;

- dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail ;

- article 700 du code de procédure civile ;

- dépens de l'instance ;

- rappel de congés payés de janvier 2014 à janvier 2017 ;

- rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

Elle demande également l'infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de ses autres demandes, ainsi que sa condamnation à lui rembourser la somme de 9 055,86 € versée au titre de l'exécution provisoire ou subsidiairement la réduction des sommes à devoir à hauteur de ce montant par compensation. Elle demande également la condamnation de Monsieur [B] à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2 000 € pour la procédure de première instance et de 5 000 € en cause d'appel.

Elle fait valoir que :

- certaines des demandes de Monsieur [B] n'ont pas fait l'objet d'une motivation dans ses premières conclusions d'appel ou bien ne figuraient pas dans leur dispositif ;

- les faits reprochés à Monsieur [B] dans le cadre du licenciement sont établis et justifiaient le licenciement pour faute grave et aucun d'entre eux n'est prescrit ;

- il ne justifie pas du préjudice allégué ;

- la demande au titre des heures supplémentaires n'est pas justifiée.

Une mesure de médiation a été ordonnée par ordonnance du 31 août 2021 mais n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 août 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de la société WN Transports tendant à ce que des prétentions de Monsieur [B] soient déclarées abandonnées

Aux termes de l'article 910-4 ducode de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article l'article 954 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

En l'espèce, contrairement à ce que prétend la société WN Transports, les premières conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2019 par Monsieur [B], mentionnent tant dans l'exposé des moyens que dans leur dispositif, l'ensemble des prétentions formulées dans ses dernières conclusions.

La demande de la société WN Transports n'est donc pas fondée.

Sur la demande de rappel de salaires

Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

En l'espèce, au soutien de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires et en ce qui concerne le mois d'avril 2016, Monsieur [B] produit des feuilles de travail journalières et un décompte établi de façon quotidienne, faisant apparaître 271 h 10 de travail pendant ce mois.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Or, la société WN Transports ne fournit aucune explication et ne produit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

La demande de rappel de salaires relatifs au mois d'avril 2016 est donc justifiée.

Au vu de la fiche de paie de ce mois, Monsieur [B] ayant été rémunéré sur la base de 140 heures de travail, est donc fondé à obtenir le paiement de 31 h 10 majorées à 50 %, soit 492 euros, outre 49,20 euros de congés payés afférents. Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point.

Il convient également d'ordonner la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d'un astreinte apparaisse nécessaire.

Au soutien de sa demande de rappel de salaires relatifs aux autres périodes, Monsieur [B] se prévaut de courriels de l'employeur et produit deux attestations, ainsi qu'un décompte mentionnant des horaires globaux par mois et, pour calculer les sommes qu'il réclame, effectue une projection à partir des horaires d'avril 2016.

Cependant, ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [B] du surplus de sa demande de rappel de salaire.

Sur la demande de contrepartie obligatoire en repos

Compte tenu des développements qui précèdent, Monsieur [B] n'a pas atteint le contingent d'heures de travail annuel lui donnant droit à cette contrepartie.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de cette demande.

Sur la demande relative aux congés payés

Au soutien de cette demande, Monsieur [B] expose qu'il 'manque sur le solde 41 jours de congés payés sur les années antérieures, les compteurs CP ayant été supprimés à tort'.

Ces seules explications ne sont pas propres à fonder cette demande, alors que le reçu pour solde de tout compte mentionne une indemnité compensatrice de congés payés correspondant au solde apparaissant sur la dernière fiche de paie.

Il convient donc de rejeter cette demande, qui est nouvelle en cause d'appel

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l'espèce, alors que la demande de rappel de salaires formée par Monsieur [B] n'est accueillie que dans une proportion limitée, il ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation alléguée.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté cette demande.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 19 janvier 2017, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est rédigée comme suit :

« [...] nous vous avons engagé en qualité de Conducteur routier sachant que parallèlement vous détenez 43% des parts de notre entreprise.

Dans ce cadre particulier, vous avez géré les horaires, le social et les fiches de paie des autres conducteurs de poids lourds et étiez chargé notamment de valider les fiches de frais de ces derniers, ainsi que les vôtres.

Pour des raisons d'organisation de la structure, et en prévision de la mise en place d'un nouveau logiciel permettant de gérer automatiquement les horaires, les déplacements et donc la paie des conducteurs de poids lourds, il a été demandé à Madame [W] [S] de gérer désormais le système de la validation des paies et donc des fiches de frais.

A cet effet, l'ensemble des conducteurs de poids lourds lui ont remis mensuellement à compter de septembre 2016 leur carte de transport ainsi que leur fiche de frais.

Depuis cette date, et malgré les demandes répétées de cette dernière, vous avez refusé de remettre votre carte conducteur poids lourds.

Nous n'avons pu obtenir vos fiches de frais de janvier 2016 à septembre 2016 que par courriel du 19 octobre 2016.

Vous avez alors indiqué bénéficier de 'déplacements forfaitaires'.

Puis le 1er novembre 2016, vous nous avez également transmis les feuilles de frais et le tableau Excel octobre 2016 'frais forfaitisés' .

Le 27 novembre 2016, vous nous avez transmis par courriel un arrêt de travail.

Suivant courriel en date du 29 novembre 2016, vous nous avez transmis vos notes de frais du mois de novembre du 1er au 15 novembre 2016.

Aux termes de cette correspondance, vous avez indiqué que vous joignez 'des tableaux de frais forfaitaires (du mois de novembre) conformément à la mise en place depuis mars 2012 de ce paiement pour échapper aux charges liées à ces heures supplémentaires non payées et non déclarées depuis cette date ainsi que la manipulation du chronotachygraphe - en position repos en chargement, déchargement et attente pour pousser jusqu'à 15 heures les temps de service journalier' .

Parallèlement, vous êtes devenu ' ingérable', refusant de faire les transports qui vous étaient demandés ou faisant d'autres transports qui n'avaient pas été sollicités, ce qui a donné d'ailleurs lieu à un avertissement en date du 10 novembre 2016.

Vous avez également refusé de restituer le véhicule poids lourds la nuit malgré la note de service du 8 novembre 2016, préférant garder le véhicule appartenant à la société en le stationnant devant votre domicile !

Or, à la lecture de vos fiche de frais de janvier à septembre 2016 (contrôlées par vos soins), et celles des mois d'octobre et novembre contrôlées par Madame [S], nous nous sommes aperçus que vous avez délibérément décidé de vous octroyer des sommes importantes au titre de frais de déplacements non justifiés et pour tout dire non réalisés.

Aussi, vous avez indûment perçu des sommes à titre de remboursement de frais factices. Ces remboursements non justifiés sont les suivants : [...].

Le préjudice pour notre société s'établit donc à la somme de 6.310, 45 € sur la seule année 2016, et à hauteur de 9.902, 58 € pour 2015 et 7.592,16 € pour 2014. [...]

Vous tentez désormais de vous retrancher derrière une prétendue forfaitisation accordée par notre société des frais de déplacement, ce qui est faux et particulièrement honteux de votre part, d'autant que c'était vous qui gériez seul en qualité d'associé lesdits frais de déplacement !

Votre Conseil indique- sur vos affi rmations- que nous aurions mis en place un système de frais forfaitaires pour éviter d'avoir à payer des heures supplémentaires, ce qui est faux et constitue une accusation calomnieuse.

Vous colportez donc désormais de fausses accusations à l'encontre de notre société, de nature à porter préjudice à l'image de notre société et à celle de ses dirigeants.

Vous avez profité de votre qualité d'associé et des pouvoirs qui vous étaient ainsi octroyés pour vous faire rembourser- évidemment à l'insu de la Direction- des sommes correspondant à des frais fictifs de déplacement dans le cadre de votre emploi salarié.

Dans le même ordre d'esprit, depuis votre départ de la structure pour arrêt-maladie en date du 16 novembre 2016, nous avons également pu constater que les frais de carburant engagés par votre remplaçant sont sans commune mesure avec ceux que vous avez prélevés cette année sur la carte carburant de la société.

Cette différence s'établit comme suit : Moyenne sur l'année 2016 pour vous 27litres/ cent ; moyenne de votre remplaçant 23 litres/cent.

Nous avons donc procédé à un contrôle avec le constructeur sur la période du 1er janvier au 3 août 2016 : nous avons constaté sur cette période une différence entre le carburant acheté (21.943 litres) et le carburant brûlé (21.153 litres), soit la disparition sur cette période de 790 litres.

Vous conviendrez que nous ne pouvons qu'en conclure que vous avez détourné du carburant pour votre usage personnel, une fois de plus au préjudice de notre société.

Nous ne saurions le tolérer.

Au surplus, nous avons appris à la suite de votre arrêt-maladie de la part des entreprises qui sont nos clientes que vous vous présentiez systématiquement comme le Chef d'Entreprise de la société WN TRANSPORT. Ainsi en est- il à titre illustratif des sociétés suivantes : [...].

Nous estimons pour notre part que cette façon de procéder est parfaitement déplacée et déloyale.

Plusieurs salariés se sont également plaints de votre comportement en indiquant que vous aviez comme habitude de crier sur ces derniers, voire de les insulter, ce qui a eu d'ailleurs pour effet de faire fuir plusieurs conducteurs de poids lourds qui ont démissionné de leur fonction comme à titre illustratif : [...]

Nous ne saurions tolérer cette manière de traiter vos collègues de travail, laquelle nous a conduit à perdre plusieurs bons éléments pour l'entreprise, et aurait pu avoir des conséquences plus graves.

Dans le cadre de la gestion des conducteurs poids lourds et notamment la gestion de leur carte conducteur poids lourds et la gestion de leurs frais professionnels, vous avez enregistré l'ensemble de ces données sur l'ordinateur portable de la société WN TRANSPORTS.

Ce matériel vous avait été confié en suite de son achat par vos soins le 09 janvier 2013 et vous a été réclamé le 06 décembre 2016 en suite de votre arrêt pour cause de maladie.

Vous avez alors refusé de remettre ce matériel en prétextant que l'ordinateur portable en question étaient HS et que vous vous seriez 'séparé' de l'ordinateur.

Vous indiquez faussement que la Direction en aurait été informée !

Cette situation qui n'a évidemment jamais été portée à notre connaissance est parfaitement intolérable car vous disposez d'informations essentielles à la bonne marche de notre entreprise que vous refusez de restituer dans le cadre du matériel qui a été mis à votre disposition.

Malgré nos demandes réitérées, même dans le cadre de notre demande d'explications par correspondance recommandée avec accusé de réception en date du 04 janvier 2017, vous n'avez pas estimé devoir nous restituer ce matériel, ainsi que les fichiers dudit ordinateur portable, à savoir : [...]

Vous n'avez pas plus estimé devoir nous restituer votre carte de conducteur poids lourd, au préjudice de notre entreprise, malgré vos obligations en la matière.

Par ces agissements d'une gravité exceptionnelle, vous avez volontairement nui à l'entreprise non seulement en vous octroyant des sommes importantes au titre de frais non justifiés, en détournant manifestement la carte carburant à des fins personnelles, en retenant de manière injustifiée les données notamment sociales de l'entreprise et en

adoptant plus largement un comportement incompatible avec la poursuite de votre activité au sein de notre entreprise.

Le préjudice de notre société est important. [...] ».

Au soutien du griefs relatif aux frais fictifs, Monsieur [B] ne conteste pas la réalité des faits mais fait valoir que le gérant était informé de cette pratique, destinée en réalité à rémunérer les heures supplémentaires des salariés et se prévaut à cet égard du fait qu'il transmettait régulièrement par courriels les tableaux de frais à Madame [S], épouse du gérant et que ce dernier établissait, validait et signait les comptes annuels de la société.

Cependant, sans être utilement contredite sur ce point, la société WN Transports répond que Monsieur [B], associé au sein de l'entreprise, s'occupait de l'ensemble de la partie relative au recueil des données des salariés au titre de la gestion de paie et était le seul à vérifier les déclarations des transporteurs et les tableaux indiquant leurs déplacements et leurs horaires afin de bénéficier des indemnités prévues par la convention collective, que c'était lui qui validait ses tableaux et les envoyait à l'expert-comptable, alors que le gérant, qui dirigeait également une autre entreprise et lui faisait alors totalement confiance, ne les vérifiait pas.

Monsieur [B] invoque les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, aux termes desquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Cette connaissance des faits reprochés, qui marque le point de départ du délai de prescription, doit être exacte et complète et englober l'identité de l'auteur présumé de ces faits.

Lorsque les faits reprochés sont antérieurs de plus de deux mois à la date de convocation à l'entretien préalable au licenciement, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance qu'à une date ultérieure, incluse dans le délai de prescription disciplinaire.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent qu'en sa qualité d'associé, Monsieur [B] gérait seul la transmission à l'expert comptable des éléments relatifs aux heures de travail et aux frais des salariés, y compris de lui-même.

La société WN Transports expose qu'en prévision de la mise en place d'un nouveau logiciel permettant de gérer automatiquement les horaires, les déplacements et la paie des conducteurs de poids lourds, il a été demandé à ces derniers de transmettre leurs données, ce qu'ils ont fait à compter de septembre 2016, à l'exception de Monsieur [B] qui n'a transmis ses fiches de frais que par courriel du 19 octobre 2016, qu'il a ensuite écrit qu'il bénéficiait de 'déplacements forfaitaires', puis transmis des éléments par courriels ultérieurs, courriels que la société WN Transports produit.

Ces éléments établissent que l'employeur n'a eu connaissance des faits constitutifs du premier grief que dans un délai de moins de deux mois précédant la convocation du 12 décembre 2016 à l'entretien préalable au licenciement.

Ce grief est donc établi.

Au soutien du grief relatif au comportement de Monsieur [B] à l'égard de ses collègues, la société WN Transports produit des attestations émanant de ces derniers (Messieurs [F], [U], [H], [P], [D], [A], Madame [L]), qui témoignent d'un comportement méprisant, agressif et insultant à leur égard.

C'est ainsi que Monsieur [F] déclare que Monsieur [B] se montrait 'menaçant, désagréable' et ajoute : 'il faisait tout pour que je quitte l'entreprise et il l'a déjà fait aux autres chauffeurs. Il me rabaissait devant les clients : j'ai même dû me mettre en arrêt de travail. Je n'en pouvais plus'.

Madame [L] déclare : 'Les insultes et menaces envers l'équipe exploitation étaient récurrentes à tel point que nous tirions au sort chaque fin de journée l'exploitant qui devait appeler Mr [B] pour lui donner son planning'.

Monsieur [U] déclare que, le 26 septembre 2016, Monsieur [B] s'est présenté devant lui furieux sans raison précise alors qu'il le voyait pour la première fois, l'a agressé verbalement ainsi que son collègue Monsieur [A] et a quitté le bureau en claquant la porte. Monsieur [A] témoigne dans le même sens.

Monsieur [P] déclare que Monsieur [B] le dénigrait régulièrement auprès de ses collègues, l'appelait 'le gros con', refusait de lui dire bonjour, passait à côté de lui sans même le regarder, lui hurlait dessus régulièrement. Il relate que, devant approvisionner son camion en carburant et ayant oublié le code de la carte de paiement, il a demandé ce code à Monsieur [B] à plusieurs reprises mais que ce dernier prenait tous les prétextes pour ne pas le lui communiquer.

Monsieur [D] confirme ces déclarations, relatant que Monsieur [B] lui avait dit "le gros con m'a appelé pour avoir son code je n'ai pas répondu avant un moment ça a dû bien le faire chier d'être bloqué à la pompe".

Contrairement à ce que prétend Monsieur [B], ces attestations sont conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et le fait que leurs auteurs sont subordonnés à l'employeur n'est pas de nature à les priver de force probante, dès lors qu'elles sont concordantes et rédigées en des termes précis et circonstanciés.

Enfin, Monsieur [B] ne peut sérieusement reprocher à la société WN Transports de produire des attestations 'pour les besoins de la cause', puisque tel est précisément le but de toute attestation.

L'attestation de Madame [J], produite par Monsieur [B], qui déclare, qu'avec 'les personnes du bureau', il se montrait 'professionnel et courtois' n'est pas de nature à contredire utilement les éléments convergents produits par l'employeur.

Monsieur [B] invoque également la prescription disciplinaire concernant ce second grief.

Cependant, sans être contredite sur ce point, la société WN Transports expose que son gérant, qui dirigeait une autre entreprise, était souvent absent et il est constant que Monsieur [B], qui était précédemment investi de fait d'un pouvoir de direction sur ses collègues, a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie à compter du 15 novembre 2016. Or, aux termes des attestations précitées, les témoins déclarent que c'est seulement à partir de ce moment qu'ils ont fait état de son comportement auprès du gérant de la société.

Ces éléments établissent que l'employeur n'a eu connaissance des faits constitutifs de ce second grief que dans un délai de moins de deux mois précédant la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

Ce grief est donc également établi.

A eux seuls, ces deux griefs, qui, contrairement à ce que prétend Monsieur [B], concernent l'exécution de son contrat de travail et non pas sa qualité d'associé, suffisent à caractériser la faute grave, le premier en ce qu'il constitue un manquement à l'obligation de loyauté et d'honnêteté et porte préjudice à l'entreprise, le second en ce qu'il porte atteinte à l'honneur, la considération et la santé des autres salariés de l'entreprise.

Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les autres griefs.

Enfin, il résulte des dispositions de l'article L.1226-9 du code du travail, que la société WN Transports pouvait valablement rompre le contrat de travail de Monsieur [B] pour faute grave, alors même qu'il faisait l'objet d'un arrêt de travail d'origine professionnelle.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de Monsieur [B] afférentes au licenciement.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, Monsieur [B] expose que la rupture a été brutale, qu'il n'a pu s'expliquer avec ses collègues de son départ de l'entreprise et qu'il n'a pu récupérer ses affaires personnelles dans son camion que plusieurs mois après.

Cependant, le licenciement pour faute grave étant fondé, le caractère immédiat de la rupture en constitue la conséquence normale.

Par ailleurs, Monsieur [B] ne rapporte ni la preuve de la remise tardive de ses affaires personnelles, ni du préjudice qui en aurait découlé.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée à cet égard.

Sur les frais hors dépens

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société WN Transports à payer à Monsieur [B] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] [B] de ses demandes de contrepartie obligatoire en repos, de congés payés afférents, de congés payés, de dommages et intérêts pour licenciement nul, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Condamne la société WN Transports à payer à Monsieur [Y] [B] un rappel de salaires de 492 euros, une indemnité de congés payés afférente de 49,20 euros, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 500 euros ;

Ordonne la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes au présent arrêt ;

Déboute Monsieur [Y] [B] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société WN Transports de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

Condamne la société WN Transports aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Stéphane MEYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 1
Numéro d'arrêt : 19/00585
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;19.00585 ?
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