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27/05/2022 | FRANCE | N°18/03507

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 27 mai 2022, 18/03507


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 801/22



N° RG 18/03507 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R7NT



AM/AL





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

18 Octobre 2018

(RG 17/1512 -section 2)



































GROSSE :



Aux avocats





le 27 Mai 2022



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [M] [X]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉES :



La société FexE...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 801/22

N° RG 18/03507 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R7NT

AM/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

18 Octobre 2018

(RG 17/1512 -section 2)

GROSSE :

Aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [M] [X]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

La société FexEx Express FR venant aux droits de la Société TNT EXPRESS N.V.

[Adresse 9]

[Localité 1]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS

La société FexEx Express FR venant aux droits de la Société TNT EXPRESS INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS

La société FexEx Express FR venant aux droits de la Société TNT HOLDING FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Séverine STIEVENARD

DÉBATS :à l'audience publique du 29 Mars 2022

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 Mars 2022

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A compter du 9 janvier 1997 Monsieur [M] [X] a été embauché par la société TNT Express international en qualité de superviseur opérations niveau 2.

La convention collective applicable est celle des transports routiers.

Le 17 mars 2014, la société TNT EXPRESS INTERNATIONAL a informé la DIRECCTE de Rhônes-Alpes de l'existence d'un projet de licenciement collectif pour motif économique des salariés répartis sur l'ensemble du territoire national.

Le 15 mai 2014 un accord collectif partiel a été conclu en application de l'article L. 1233-24-2 du code du travail. Ses mesures concernaient le contenu du PSE, les modalités d'information consultation des instances représentatives du personnel, la pondération des critères des licenciements ainsi que les modalités des mises en 'uvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement. Cet accord a été complété par un document unilatéral établi par la direction de l'entreprise au sens de l'article L.1233-24-4 du code du travail. L'accord majoritaire partiel a été validé et le document unilatéral homologué par décision de la DIRECCTE de Rhône-Alpes en date du 5 juin 2014.

Par courrier avec accusé de réception du 6 octobre 2014 Monsieur [M] [X] a été licencié pour motifs économiques.

Par demande réceptionnée au greffe le 5 octobre 2015, Monsieur [M] [X] a attrait devant le conseil de prud'hommes de Lille les sociétés TNT HOLDING France, TNT EXPRESS N.V et TNT EXPRESS INTERNATIONAL aux fins de solliciter avant dire droit une communication de pièces et sur le fond d'obtenir la condamnation solidaire des sociétés à lui payer diverses sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre d'indemnité procédurale.

Par jugement du 18 octobre 2018, la juridiction prud'homale a :

- débouté Monsieur [M] [X] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Monsieur [M] [X] à verser 150 euros à la société TNT Express International sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé aux parties la charge de leurs dépens respectifs.

Par déclaration transmise au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 novembre 2018, Monsieur [M] [X] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 27 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a débouté les sociétés Fedex Express FR, Fedex Express Fr Holding et TNT Express N.V de leur demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel.

Par ordonnance du 28 mai 2021, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevable la demande de communication de pièces sous astreinte de Monsieur [M] [X] ;

- fait injonction aux parties de compléter leurs conclusions au fond en présentant leurs observations sur la recevabilité des demandes de Monsieur [M] [X] au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile prohibant les demandes nouvelles ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné Monsieur [M] [X] aux dépens de l'incident.

Par ses dernières conclusions notifiées via RPVA le 25 septembre 2021, Monsieur [M] [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- condamner in solidum du fait de la situation de co-emploi les sociétés TNT HOLDING France, TNT EXPRESS N.V et TNT EXPRESS INTERNATIONAL pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à lui verser une indemnité de 95455,20 euros ;

- condamner la société TNT EXPRESS INTERNATIONAL du fait de l'absence de motif économique réel et sérieux du licenciement à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 95455,20 euros ;

- condamner la TNT EXPRESS INTERNATIONAL pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement à lui verser une indemnité de 95455,20 euros ;

- condamner les sociétés intimées à lui payer chacune une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal ;

- condamner les sociétés intimées aux entiers dépens.

Monsieur [M] [X] fait valoir en substance que :

- sur la qualité de co-employeur : il existe une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de TNT EXPRESS INTERNATIONAL par les sociétés TNT EXPRESS N.V et TNT EXPRESS HOLDING ;

- sur le licenciement : en premier lieu, l'employeur s'est dispensé de déterminer le secteur d'activité, empêchant l'appréciation du motif économique. En second lieu, il n'existait à la date du licenciement aucune menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe TNT, ce dernier améliorant à cette période sa rentabilité et ses performances, ce qu'a relevé l'inspecteur du travail qui a refusé de donner son accord au licenciement des salariés protégés ;

- sur le reclassement : l'employeur ne rapporte pas la preuve d'avoir diligenté ses recherches dans les autres entités du groupe auquel il appartient, et les propositions qui ont pu être faites ne sont ni individualisées ni de manière générale sérieuses et réelles.

Par leurs dernières conclusions notifiées au greffe via RPVA le 22 septembre 2021, la SAS Fedex Express FR venant aux droits de la société TNT Express International, la SAS Fedex Express FR Holding venant aux droits de la société TNT France Holding et la société Fedex Express International BV venant aux droits de la société TNT Express BV, anciennement TNT Express NV, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [X] de ses demandes ;

- débouter Monsieur [M] [X] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Monsieur [M] [X] au paiement de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir pour l'essentiel que :

- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement : la rupture du contrat est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité du groupe, la situation du groupe TNT étant à ce moment-là critique sur un marché du transport express très concurrentiel et subissant une forte pression sur les prix ;

- sur le reclassement : une recherche sérieuse et réelle pour maintenir Monsieur [M] [X] dans l'emploi a été diligentée, tant au niveau national que dans les entités à l'étranger, le salarié refusant les offres de reclassement qui lui étaient faites ;

- sur l'absence de co-emploi : Monsieur [M] [X] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la société TNT Express International qui l'employait.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

SUR CE

De l'existence d'un co-emploi

Hors le cas où un co-emploi est caractérisé par un lien de subordination direct entre un salarié et une autre entité que l'employeur avec lequel celui-ci a contracté, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre société de ce même groupe, que s'il existe entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière société, étant précisé qu'il appartient à celui qui invoque un co-emploi d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, alors même qu'il fait référence à la notion de faisceau d'indices en évoquant de multiples décisions de juridictions, le salarié ne fait état que d'un seul élément ressortant du procès-verbal de la réunion ordinaire du comité d'entreprise de la société TNT EXPRESS FRANCE en date du 14 décembre 2015.

Il convient tout d'abord de constater que le salarié, qui se réfère au rapport d'expertise remis aux élus par le cabinet EMERAUDE CONSEIL et objet de discussions lors de cette réunion, indique lui-même que ce cabinet «  a pu exprimer quelques doutes sur la gestion de la société TNT EXPRESS INTERNATIONAL ».

Au-delà du fait que la reconnaissance d'un co-emploi ne peut pas reposer sur de simples doutes mais doit ressortir d'éléments tangibles, il apparaît que ce rapport, concernant des sociétés avant que leur fusion ait lieu, fait seulement référence à des mécanismes de refacturation entre des sociétés, et au risque résidant dans la difficulté pour la société « TNT EXPRESS FRANCE » à générer du résultat dans la mesure où son résultat d'exploitation est ramené à zéro à chaque fin de mois.

Il s'en est suivi, comme cela ressort du procès-verbal, d'un débat sur la légalité de ce mode opérationnel sans que son illégalité ne ressorte des échanges et explications donnés, puis de l'évocation par le représentant du cabinet d'expertise de la nécessité de réaliser une expertise sur les trois entités tout en soulignant qu'il s'agit d'un choix stratégique et qu'il n'a pas à le juger, devant simplement tenter de l'expliquer.

Il apparaît ainsi que les observations de cet expert n'ont pas trait à des actions d'immixtion dans la gestion d'une société, mais au secteur devant être pris en compte pour apprécier les résultats comptables d'une société, qui n'est pas nommément l'employeur du salarié.

Par ailleurs, le salarié fait fi de la possibilité pour des sociétés de conclure des conventions de trésorerie afin d'assurer une gestion centralisée, par une société holding, des ressources et des besoins financiers de chacune des entités.

Un tel procédé peut se traduire par la mise en 'uvre d'un système de refacturation, qui n'est pas en soi la preuve de l'existence d'une situation de co-emploi.

Il convient de rappeler à ce titre que l'appartenance à un groupe implique nécessairement une coordination des actions économiques entre les différentes sociétés le composant, et une domination économique par la société mère du fait de cette appartenance ne peut être exclue, sans que cette situation s'inscrive dans un co-emploi.

Par ailleurs la notion de confusion d'intérêts ne doit pas être confondue avec l'existence d'une communauté d'intérêts, qui impose la prise de décisions cohérentes au niveau du groupe, ce qui pouvait d'autant plus se justifier en l'espèce que des difficultés économiques étaient invoquées.

Il y a lieu au regard de l'ensemble de ces éléments de débouter le salarié de sa demande en reconnaissance d'une situation de co-emploi, et par là même de ses demandes à l'égard des sociétés FedEx EXPRESS FR HOLDING et EXPRESS INTERNATIONAL BV.

Du licenciement

De l'absence de motifs économiques réels et sérieux du licenciement

Il convient tout d'abord de constater que la société, aux termes de la lettre de licenciement, s'est bien positionnée sur le terrain de la sauvegarde de sa compétitivité, de sorte que le licenciement peut être fondé même en l'absence de difficultés économiques se traduisant par des résultats comptables négatifs, dès lors qu'il existe des menaces sur cette compétitivité rendant nécessaire une réorganisation de l'entreprise.

Par ailleurs, après avoir rappelé que la cause économique de licenciement s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel intervient la société, il y a lieu d'observer que le salarié se prévaut d'une absence de prise en compte du secteur d'activité du groupe TNT, alors même que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait bien référence à la situation financière du groupe.

Les allégations du salarié selon lesquelles le secteur d'activité du groupe n'est pas lui-même récemment identifié sont contredites, non seulement par les documents justificatifs fournis par la société mais aussi par les propres affirmations du salarié, qui reconnaît dans le cadre de ses écritures que « le groupe TNT a un secteur d'activité unique celui de la messagerie ».

Le salarié, pour contester tant la situation économique du groupe que la réalité de menaces sur sa compétitivité se prévaut d'une part du rapport d'expertise de la société Janvier diligenté au titre d'une mission d'assistance et d'autre part du rapport annuel 2014 du groupe TNT.

En ce qui concerne le premier document, il convient tout d'abord de constater qu'il n'a pas constitué un obstacle à la conclusion d'un accord collectif dans l'esprit de ceux qui y ont participé, et a la validation de celui-ci.

Au-delà de cette observation, il apparaît que cette expertise ne remet pas en cause la situation du groupe, puisque d'une part il y est bien mentionné notamment une perte de 122 millions d'euros pour l'exercice 2013 une baisse de 5 % du chiffre d'affaires de 2012 à 2013, et d'autre part les premières causes invoquées pour justifier une telle situation ne diffèrent pas de celles portées par l'employeur.

En effet, il est fait référence à une pression sur les prix, malgré la croissance positive des volumes, l'élimination d'un client déficitaire en Italie et l'arrêt d'un contrat de mode majeur au Royaume-Uni, ainsi que des pertes conséquentes au Brésil sur les trois dernières années.

Le cabinet d'expertise a également procédé s'agissant du chiffre d'affaires à des calculs permettant de retenir une évolution positive de celui-ci alors qu'il a baissé de 49 millions et qui consistent à exclure le marché chinois.

S'agissant des données figurant dans le rapport annuel du groupe pour l'année 2014, dont des extraits sont repris par le salarié dans ses écritures, il apparaît que les éléments en ressortant ont déjà été pris en compte par ladite expertise, et que les explications données à ce titre ne diffèrent pas de celles avancées par l'expert.

Il convient de constater tout d'abord que ce dernier se positionne au niveau des activités développées en France et plus particulièrement s'agissant de deux entreprises, alors même que le secteur d'activité devant être pris en compte est celui du groupe, et qu'il considère que la situation opérationnelle dudit groupe est satisfaisante et ne peut donc justifier l'existence de plans sociaux.

Il apparaît ensuite que le cabinet d'expertise fait valoir à ce titre que la structure financière du groupe est solide, que ce soit au niveau des capitaux propres, de la trésorerie excédentaire, et souligne que des dividendes ont été distribués en 2012 et qu'un acompte sur dividendes a été retenu pour l'année suivante malgré un groupe présentant une perte de 122 millions d'euros.

Toutefois il ressort des documents remis par la société et plus particulièrement celui relatif à une information en vue de la consultation sur le projet de restructuration et de compression des effectifs et sur celui relatif à des licenciements collectifs et un plan de sauvegarde de l'emploi, que cette présentation de la situation du groupe n'est non seulement pas exhaustive mais justifiée aussi par des appréciations sur les choix de gestion opérés notamment au niveau international.

Il y a lieu tout d'abord de rappeler qu'il n'est pas nécessaire que l'employeur justifie de difficultés économiques traduisant une situation obérée, et qu'il est seulement nécessaire de démontrer que la réorganisation de l'entreprise est indispensable à la sauvegarde de la compétitivité, compte tenu des menaces pesant sur le secteur d'activité du groupe.

Pour autant, en l'espèce, la réalité des difficultés économiques au niveau du groupe est établie et ne fait que corroborer les éléments fournis par la société pour justifier de la nécessité de sauvegarder la compétitivité.

En effet entre l'exercice 2012 et celui pour l'année 2013 le chiffre d'affaires a diminué, et le groupe a dû faire face à une perte en augmentation pour atteindre 122 millions d'euros, étant observé que le résultat opérationnel a lui-même fortement diminué.

Au cours de l'année 2014, et plus particulièrement jusqu'à la date de notification de licenciement cette tendance s'est confirmée au niveau de ces trois indicatifs, étant précisé que le résultat opérationnel est lui-même devenu négatif.

Il apparaît également qu'à la fin de l'année 2014 le groupe a connu une perte de 190 millions d'euros, laquelle a constitué une aggravation de 56 % par rapport à l'exercice précédent.

Certes il existe au niveau du groupe un excédent de trésorerie, mais il n'en demeure pas moins que sa constitution ne reflète pas la profitabilité du groupe au moment de la période litigieuse, mais remonte à celle où l'activité était largement bénéficiaire, étant précisé que la trésorerie s'est dégradée notamment en 2014.

Par ailleurs le salarié fait parfois une lecture partielle des documents remis et plus particulièrement du rapport de 2014 concernant le groupe, en prenant en compte uniquement des données corrigées au regard d'un périmètre et d'un taux qualifiés de constant, alors que les chiffres globaux sont négatifs.

Mais il apparaît surtout que la remise en cause tant des difficultés économiques du groupe que de la nécessité de procéder à une réorganisation, reposent sur une appréciation des choix de gestion opérés au niveau du secteur d'activité du groupe.

En effet le cabinet d'expertise, après avoir isolé les données économiques et comptables concernant l'activité en France, et tenté de démontrer, par l'exclusion de certains marchés comme celui de la Chine, que l'activité du groupe pouvait être excédentaire, remet en cause la stratégie mise en place, en se fondant sur les propos tenus notamment par le président du conseil de surveillance.

Il est ainsi indiqué que le risque pris au Brésil était irresponsable au vu de la position de la société en Europe, comme il est mentionné que l'erreur la plus grave a été de sous-estimer les investissements sur ce dernier marché, alors même que les principaux concurrents ont eux massivement investi sur ce continent, tandis que les investissements du groupe se sont portés principalement dans d'autres pays étrangers.

Or il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au juge de se prononcer sur les choix de gestion d'un employeur, sauf démonstration d'une fraude ou d'une légèreté blâmable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où le salarié ne justifie que de simples divergences.

Ainsi le versement de dividende au profit des actionnaires, qui n'est pas prohibé pour un groupe présentant une activité déficitaire, relève de la stratégie de ce dernier sans qu'il soit possible de porter une appréciation à ce sujet hormis les cas précités, étant observé que le montant desdits dividendes, qu'il s'agisse ou non d'avances, a diminué d'environ 60 % d'une année sur l'autre au cours de la période litigieuse.

Par ailleurs le juge prud'homal ne peut pas se fonder sur des données économiques et comptables excluant une partie des marchés participants du secteur d'activité du groupe, pour considérer que l'employeur ne peut pas se prévaloir de difficultés économiques.

Mais surtout au-delà de la question de l'existence de telles difficultés, il apparaît que la société justifie de menaces sur la compétitivité, rendant nécessaire la réorganisation de l'entreprise.

Certes certaines problématiques concurrentielles concernent l'ensemble des sociétés intervenant sur ce secteur d'activité, comme la pression sur les prix, mais il n'en demeure pas moins que le groupe auquel appartient la société représente une part de marché très inférieure par rapport à ses principaux concurrents, et que les éléments comptables des différentes sociétés permettent de constater que ces concurrents ont mieux fait face aux contraintes du marché.

Il convient de rappeler à ce titre qu'aucun élément ne permet de retenir que les difficultés d'adaptation de la société sont les conséquences de choix de gestion révélateurs d'une fraude ou d'une légèreté blâmable, et il apparaît que la dégradation de la situation du groupe au niveau de ce secteur d'activité ne peut que le fragiliser et constitue un risque d'hégémonie des principaux acteurs de ce marché.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société justifie de la réalité de la cause économique du licenciement du salarié, dès lors que la réorganisation de la société a été rendue nécessaire par les menaces pesant sur la compétitivité, et ce d'autant qu'au niveau du secteur d'activité du groupe des difficultés économiques sont apparues et se sont accentuées sur plusieurs années jusqu'à rupture du contrat de travail.

De l'obligation de reclassement

Le salarié soutient que les sociétés se contentent de produire des propositions de reclassement sans démontrer en quoi celles-ci répondent aux conditions de précision exigées par la « haute juridiction » et qu'elles devaient prendre en compte l'ensemble des pays où le groupe était implanté au moment de son licenciement, en précisant que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'avoir interrogé l'ensemble des entreprises du groupe.

Il se prévaut à ce titre des dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, et aux termes desquelles l'employeur doit demander au salarié s'il accepte de recevoir des offres de classement hors du territoire national, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Le salarié affirme à ce titre que le courrier adressé par l'employeur de ce chef est illégal dans la mesure où il est destiné à solliciter l'acceptation d'un reclassement étranger sans qu'aucune proposition de poste ne soit faite, et reproche à l'employeur de ne pas lui avoir adressé un questionnaire précisant l'ensemble des implantations situées à l'étranger.

Toutefois le salarié omet de prendre en compte les dernières dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail qui disposent que les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer.

En ce qui concerne le manque de précision des offres de reclassement effectuées, le seul fait que pour une partie d'entre elles l'employeur a renvoyé à des annexes et parfois invité le salarié à prendre contact avec des chefs de centre pour obtenir des éléments supplémentaires n'est pas de nature à remettre en cause le caractère précis desdites offres, et ce d'autant que lesdites offres concernaient tant des postes pouvant être identifiés comme répondant aux compétences du salarié que les autres postes disponibles.

Il résulte de ces éléments que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.

Par voie de conséquence, le licenciement du salarié est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse du licenciement, de sorte que le salarié doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement dépourvu d'une telle cause.

Après avoir constaté que dans le dispositif de son jugement le conseil de prud'hommes n'a pas débouté le salarié de sa seule demande en production de pièces, mais de l'ensemble de ses demandes, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

De l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Des dépens

Le salarié qui succombe doit être condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Ajoutant au jugement entrepris,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [M] [X] aux dépens.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 18/03507
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;18.03507 ?
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