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19/05/2022 | FRANCE | N°19/05531

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 19 mai 2022, 19/05531


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 19/05/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 19/05531 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SUHI



Jugement (N° 11-18-1268) rendu le 29 août 2019

par le tribunal d'instance de Lens









APPELANTE



La SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma Banque prise en la personne de son représentant légal

ayan

t son siège social, [Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Francis Deffrennes, membre de la SCP Thémès, avocat au barreau de Lille





INTIMÉS



Monsieur [K] [D]

né le 26 février 1969 à [Localité 8]

Ma...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 19/05/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/05531 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SUHI

Jugement (N° 11-18-1268) rendu le 29 août 2019

par le tribunal d'instance de Lens

APPELANTE

La SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma Banque prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Francis Deffrennes, membre de la SCP Thémès, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [K] [D]

né le 26 février 1969 à [Localité 8]

Madame [E] [V] épouse [D]

née le 02 mai 1969 à [Localité 7]

demeurant ensemble [Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille

ayant pour conseil, Me Ariane Vennin, membre de la SELAS A7 Avocats, avocat au barreau de Paris

La SELARL [N] MJ représentée par Me [O] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Agence France Ecologie

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 6]

Déclaration d'appel signifiée à personne le 28 novembre 2019 - n'ayant pas constitué avocat

DÉBATS à l'audience publique du 08 novembre 2021 tenue par Christine Simon-Rossenthal magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022 après prorogation du délibéré du 20 janvier 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 octobre 2021

****

Rappel des faits et de la procédure

Selon offre préalable acceptée le 7 mars 2014, la SA Sygma banque, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP Paribas Personal Finance, a consenti à Monsieur [K] [D] et Madame [E] [V] époux [D], un crédit affecté d'un montant de 36 500 euros assorti d'un taux d'intérêt contractuel de 5,76 % l'an, remboursable en 120 mensualités.

Ce prêt avait pour objet le financement de l'acquisition et de l'installation de panneaux solaires photovoltaïques auprès de la société Agence France Ecologie, selon contrat d'achat n°17441 signé le même jour, soit le 7 mars 2014, par Monsieur et Madame [D].

Par actes extrajudiciaires en date du 29 août 2018, Monsieur et Madame [D] ont assigné la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma Banque ainsi que le liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie devant le tribunal d'Instance de Lens aux fins de voir prononcer l'annulation du contrat conclu entre eux et la SARL Agence France écologie et du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la société Sygma aux droits de laquelle est intervenue la société BNP Paribas Personal Finance.

Par jugement du 29 août 2019, le tribunal d'instance de Lens a :

- prononcé la nullité du contrat conclu entre Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] d'une part et la SARL Agence France Ecologie le 7/03/2014,

- prononcé en conséquence la nullité du contrat de prêt du 7/03/2014 entre Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] d'une part et la SA BNP Paribas Personal Finance,

- constaté que Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] s'engagent à procéder à la dépose du matériel posé en exécution du contrat principal à leurs frais et à le porter à la SELARLU Ballly MJ en qualité de liquidateur de la SARL Agence France Ecologie, sur demande de celui-ci,

- dit qu'à défaut pour la SELARLU [N] MJ en qualité de liquidateur de la SARL Agence France Ecologie de s'être manifestée pour la reprise du matériel dans un délai de deux mois à compter du présent jugement devenu définitif, Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] pourront faire leur affaire personnelle de ce matériel, sans recours à leur encontre,

- dit que Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] ne sont pas tenus de rembourser le prêt contracté le 7/03/2014 auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance,

- constaté que la SA BNP Paribas Personal Finance a commis des fautes lors de la délivrance des fonds,

- débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution du capital prêté à Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V],

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] les échéances du prêt annulé qui ont été réglées,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 1er juillet 2020, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, L.622-21 et L.622-22 du code de commerce, des anciens articles L.311-32 et L.311-33 du code de la consommation dans leur version applicable en la cause, des anciens articles 1134, 1142, 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause, des anciens articles 1108 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, de l'ancien article 1338 du code civil dans sa version applicable en la cause, de l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code, de :

à titre principal,

- constater que Monsieur et Madame [D] ne justifient nullement de leur déclaration de créance alors qu'ils ont engagé leur action postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Agence France Solaire Ecologie.

- Par conséquent, dire et juger que Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] sont irrecevables à agir en nullité du contrat principal conclu avec la société Agence France Ecologie et, en conséquence, à agir en nullité du contrat de crédit affecté qui leur a été consenti par la SA Sygma banque, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP Paribas Personal Finance.

A titre subsidiaire,

- Débouter Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] de l'intégralité de leurs demandes telles que formulées à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Sygma Banque.

- Dire et juger que le contrat d'achat régularisé le 7 mars 2014 par Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] respecte les dispositions de l'ancien article L.121-18-1 du code de la consommation.

- A défaut, constater, dire et juger que Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] ont amplement manifesté leur volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l'affectant sur le fondement de l'ancien article L.121-18-1 du code de la consommation et ce, en toute connaissance des dispositions applicables.

- Dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal conclu le 7 mars 2014 avec la société Agence France Ecologie sur le fondement d'un prétendu dol ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] avec la SA Sygma Banque, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP Paribas Personal Finance, n'est pas annulé.

- En conséquence, ordonner à Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma banque conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté accepté le 7 mars 2014 et ce, jusqu'au plus parfait paiement.

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal conclu le 7 mars 2014 entre les époux [D] et la SARL Agence France Ecologie et de manière subséquente la nullité du contrat de crédit affecté consenti par la SA BNP Paribas Personal Finance à Monsieur et Madame [D] selon offre préalable acceptée par ces derniers le 7 mars 2014,

- constater, dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma banque n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit.

- Par conséquent, condamner solidairement Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma banque le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs.

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait à l'instar du premier magistrat que la SA Sygma banque, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP Paribas Personal Finance, a commis une faute dans le déblocage de fonds,

- Dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque.

- Dire et juger que Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] conserveront l'installation des panneaux solaires photovoltaïques qui ont été livrés et posés à leur domicile par la société Agence France Ecologie (puisque ladite société est en liquidation judiciaire et qu'elle ne se présentera donc jamais au domicile des époux [D] pour récupérer le matériel installé à leur domicile), que l'installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque ladite installation est raccordée au réseau ERDF-ENEDIS, que l'installation a bien été mise en service et que les époux [D] perçoivent chaque année depuis 2015 des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse.

- Par conséquent, dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V].

- Par conséquent, condamner solidairement Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma Banque le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par les emprunteurs.

- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par les époux [D] et condamner solidairement Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] à restituer à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma banque une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure à la moitié du capital prêté au titre du crédit affecté litigieux.

En tout état de cause, condamner solidairement Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Sygma Banque la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'in solidum aux entier frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 10 avril 2020, Monsieur [K] [D] et Madame [E] [V] épouse [D] demandent à la cour, au visa des articles L.111-1, L121-1-1, L121-3, L121-21, L121-23s, L311-1, L311-6, L311-8, L.311-9 L311-10, L311-31, L311-32, L.311-48 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date de signature des contrats litigieux, des articles anciens 1116, 1134, 1235 du code civil dans leur rédaction applicable à la date de signature des contrats litigieux, de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- juger infondé l'appel formé par la banque BNP Paribas Personal Finance à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de Lens du 29 août 2019,

- débouter la banque BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes,

- faire droit aux demandes de Monsieur et Madame [D],

- in limine litis, confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lens du 29 août 2019 en ce qu'il a jugé parfaitement recevables l'ensemble des demandes, fins et conclusions des époux [D],

à titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. prononcé l'annulation du contrat conclu entre Monsieur [D] et la société Agence France Ecologie le 7 mars 2014,

. prononcé l'annulation de plein droit du contrat conclu entre les époux [D] et la banque BNP Paribas Personal Finance le 7 mars 2014, annulation qui déchoit la banque BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts,

. pris acte du fait que les époux [D], à leurs frais exclusifs, procéderont eux-mêmes à la désinstallation des biens vendus au titre du bon de commande annulé et les mettront à la disposition de Maître [O] [N] de la SELARLU [N] MJ, en qualité de liquidateur de la société Agence France Ecologie,

. dit qu'à défaut pour ce liquidateur de se manifester dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, les époux [D] pourront faire leur affaire personnelle de ces biens, sans recours à leur encontre,

à titre subsidiaire, si par impossible la cour à nouveau ne confirmait pas à titre principal l'annulation des contrats en cause, elle ne pourra que statuer à nouveau et prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque BNP Paribas Personal Finance,

en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. jugé que la banque BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds,

. jugé que la faute de la banque BNP Paribas Personal Finance la prive de son droit à restitution par les époux [D] du capital prêté,

. condamné la banque BNP Paribas Personal Finance à restituer à Monsieur et Madame [D] l'indu, soit le montant total des échéances du prêt affecté du 7 mars 2014 déjà remboursées,

. condamner la banque BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur et Madame [D] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

Le liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie qui n'avait pas constitué avocat en première instance, n'a pas non plus constitué en appel.

SUR CE,

A titre liminaire

Les dispositions du jugement ayant constaté que Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] s'engagent à procéder à la dépose du matériel posé en exécution du contrat principal à leurs frais et à le porter à la SELARLU Ballly MJ en qualité de liquidateur de la SARL Agence France Ecologie, sur demande de celui-ci et dit, qu'à défaut pour la SELARLU [N] MJ ès qualités de liquidateur de la SARL Agence France Ecologie de s'être manifestée pour la reprise du matériel dans un délai de deux mois à compter du présent jugement devenu définitif, Monsieur [K] [D] et Madame [E] [D] née [V] pourront faire leur affaire personnelle de ce matériel, sans recours à leur encontre, ne sont pas contestées par les parties.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'appelant tirée de la liquidation judiciaire de la société Agence France Ecologie

L'appelante soutient que faute par les époux [D] de justifier avoir déclaré leur créance à la procédure collective de la société Force Energie, alors qu'ils ont engagé leur action postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de cette société et qu'ils étaient ainsi soumis à une interdiction des poursuites, sont irrecevables à agir en nullité du contrat principal et du contrat de prêt.

Les intimés opposent à raison que leur action n'est pas soumise à la règle de l'arrêt des poursuites et de la déclaration de créance préalable à sa reprise.

En effet, en application de l'article L. 622-21-1 du code de commerce le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part du créancier tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent au titre d'une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ou tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. Toute action en dommages-intérêts, en ce qu'elle tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et trouve son origine dans un fait reproché lors de la conclusion ou de l'exécution du contrat antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, est soumise à l''arrêt ou à l'interruption des poursuites. En revanche, l'action en nullité et l'action en résolution pour un motif autre que le défaut de paiement ne sont pas soumises à l'interdiction ou à l'interruption.

De même, ne sont pas soumises à l'interdiction ou à l'interruption, et donc à déclaration de créance antérieure, les créances qui naissent de la décision judiciaire intervenue postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

Tel est le cas, lorsque l'annulation ou la résolution de la vente, et le cas échéant celle du crédit affecté, est prononcée après l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du vendeur, de la créance de restitution du prix, de la créance de l'emprunteur à l'encontre du vendeur au titre de son obligation à le garantir envers le prêteur du remboursement du prêt et de la créance du prêteur à l'encontre du vendeur au titre de son obligation de garantie. En effet, ces créances trouvent leur origine, non pas dans la conclusion des contrats, mais dans l'annulation ou la résolution du contrat de vente par le fait du vendeur et l'annulation ou la résolution consécutive du contrat de crédit prononcées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de celui-ci.

En l'espèce, l'action des époux [D] contre la société liquidée ne tend qu'au prononcé de la nullité du contrat principal pour non respect des dispositions du code de la consommation. Aucune demande en paiement n'est formée contre cette société.

L'action n'entre donc pas dans le champ de l'article L.622-21 du code de commerce. Elle est recevable.

Le premier juge a estimé que l'action était recevable sans toutefois rejeter la fin de non-recevoir au dispositif de son jugement.

L'exception sera dès lors rejetée.

Sur la validité du contrat principal

L'article L121-23 ancien du code de la consommation, dans sa version applicable au 7 mars 2014, dispose que les opérations visées à l'article L121-21 du même code doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion du contrat comportant, à peine de nullité, le nom du fournisseur et du démarcheur, l'adresse du fournisseur, l'adresse du lieu de conclusion du contrat, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de service, le prix global à payer et les modalités de paiement, en cas de vente à crédit, les formes exigées par le réglementation sur la vente à crédit ainsi que le taux nominal annuel et le taux effectif global et la faculté de renonciation.

En l'espèce, le contrat principal comporte plusieurs irrégularités en ce qu'il ne précise pas la marque et les caractéristiques des biens proposés ni le délai de livraison et qu'il n'existe aucune ventilation des prix entre les différents éléments techniques et les prestations.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal.

Sur la confirmation de la nullité

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1338 ancien du code civil applicable au présent litige que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.

En l'espèce, le fait que les conditions générales figurant au verso du bon de commande reprennent les dispositions du code de la consommation est insuffisant en l'espèce, à révéler aux époux [D], consommateurs profanes les vices affectant ces bons dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve spécifique, par un acte extérieur au contrat, de la connaissance qu'ils en avaient.

Sur l'annulation du contrat de crédit accessoire

En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 alors applicable à l'espèce, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Cette disposition n'est applicable que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Le jugement déféré sera donc confirmé en qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit accessoire par voie de conséquence de l'annulation judiciairement prononcée.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l'annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur. Elle emporte pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.

Néanmoins, étant rappelé qu'en application de l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable en l'espèce, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, le prêteur qui commet une faute dans la délivrance des fonds se voit privé des effets de la possibilité de se prévaloir à l'égard de l'emprunteur des effets de l'annulation du contrat de prêt dès lors que le bien n'a pas été livré de manière conforme ou la prestation totalement fournie à l'emprunteur, lequel subit alors un préjudice consistant à supporter le poids du financement d'une installation inexistante ou défectueuse.

Les époux [D] soutiennent que la banque a commis une faute d'une part en acceptant de financer par crédit affecté le bon de commande du 7 mars 2014 comportant des nullités, sans procéder à aucune vérification à ce titre et d'autre part, en délivrant les fonds à réception d'une simple attestation de livraison en date du 22 mars 2014, dépourvue de descriptif des travaux, transmise par le vendeur, seulement deux semaines après la conclusion de son propre contrat, sans fin des travaux et sans qu'ils ne soient jamais directement sollicités aux fins de vérification.

Il font valoir qu'au moment du déblocage des fonds le 31 mars 2014, l'installation n'était que partiellement réalisée et que l'équipe d'installateurs des panneaux solaires leur a fait signer ce document pour, selon elle, confirmer son intervention et la pose des panneaux ; que le mot 'livraison' ne veut pas dire 'fin des travaux' ; que le vendeur qui avait la charge du raccordement au réseau ERDF et la mise en service s'est contenté de la simple pose de panneaux pour provoquer le déblocage des fonds ; que ceci est démontré par le contrat de rachat d'électricité conclu entre les époux [D] et la société EDF le 15 décembre 2014 laissant apparaître que la simple demande de raccordement est en date du 23 mars 2014 et que la mise en service est datée du 23 juillet 2014.

Ils soutiennent que la faute de la banque dans le déblocage des fonds la prive de son droit à restitution du capital du prêt et des intérêts et l'oblige à leur restituer les sommes qu'elle a perçues au titre de l'exécution du contrat de crédit.

La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que la résolution du contrat de crédit affecté consécutive à la résolution du contrat de vente qu'il finançait, emporte de plein droit l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, peut important que les fonds aient été versés directement entre les mains du vendeur.

Elle fait valoir que la seule obligation du prêteur concernant le crédit affecté, avant de débloquer les fonds, est d'avoir la preuve de la livraison du bien ou de l'exécution de service au moyen de la fiche de réception des travaux ou d'un document certifiant la livraison du bien et qu'elle n'a pas à mener des investigations plus poussées quant à la réalisation des travaux ou à la livraison du bien ; qu'aucun texte du code de la consommation n'impose au prêteur de vérifier la régularité du contrat d'achat ou du bon de commande signé entre le futur emprunteur et la société venderesse ; qu'en l'espèce, elle a versé les fonds au vendeur au vu de l'autorisation expresse de versement des fonds donnée par M. [D] qui atteste que les panneaux photovoltaïques, objets du financement, lui ont bien été livrés, de sorte qu'aucune faute ne saurait être retenue à son encontre ; que le certificat de livraison signé le 22 mars 2014 par M. [D] sur lequel sont apposés le cachet commercial et la signature du vendeur-installateur établit que M. [D] atteste sans réserve que les panneaux photovoltaïques ont été livrés le 22 mars 2014 et qu'il accepte, en conséquence, le déblocage des fonds au profit du vendeur.

Elle ajoute que la responsabilité de l'établissement financier ne saurait valablement être recherchée pour un éventuel défaut de raccordement au réseau EDF au moment du déblocage au motif que les autorisations administratives et le raccordement au réseau ERDF supposent l'une ou l'autre, l'intervention d'un tiers, ERDF disposant d'un monopole légal, ou encore de la mairie qui doit se prononcer sur la déclaration préalable de travaux et qu'aux termes de l'article L. 111-6-2 du code de l'urbanisme, aucune disposition d'un plan local d'urbanisme ne peut interdire, par principe, l'installation de dispositifs de production d'électricité à base d'énergies solaires ; que les délais de raccordement peuvent être longs et que la société qui exécute le contrat doit être rémunérée.

Elle fait valoir que le préjudice de l'emprunteur du fait du manquement par le banquier à son devoir d'information et/ou de mise en garde est la perte de chance de ne pas contracter dont la réparation doit être mesurée à l'aune de la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'elle ne peut être égale au montant de la créance de la banque ; qu'en l'espèce, les époux [D] ne justifient d'aucun préjudice puisque l'installation fonctionne parfaitement et qu'ils perçoivent des revenus énergétiques chaque année depuis 2015 grâce à ladite installation photovoltaïque.

Ceci étant exposé, commet une faute de nature à le priver de sa créance de restitution le prêteur qui libère les fonds prêtés sans vérifier la régularité du contrat principal souscrit à l'occasion du démarchage au domicile de l'emprunteur, vérifications qui lui auraient permis le cas échéant de constater que le bon de commande était affecté d'une cause de nullité.

Commet également une faute la banque qui libère les fonds sur une attestation de livraison ne comportant pas toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée ou ne lui permettant pas de s'assurer du caractère complet de l'exécution de la prestation, ni de s'en convaincre légitimement.

En l'espèce, la banque qui a versé les fonds au prestataire de services sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que l'irrégularité du bon de commande était manifeste ainsi que précédemment exposé, vérification qui lui aurait permis de constater que le contrat principal était affecté d'une cause de nullité, a commis une faute de nature à le priver de sa créance de restitution de ces fonds.

Elle a également commis en faute en libérant les fonds au vu d'un 'certificat de livraison de bien ou de fourniture de services' comportant comme seule désignation 'Panneaux photovoltaïques' sans qu'aucun espace n'existe pour que les futurs emprunteurs puissent y apposer une ou des réserves et qui ne rend pas compte de la réception des deux types de prestations accessoires à l'installation des panneaux solaires, à savoir les démarches à effectuer en vue du raccordement de l'installation au réseau ERDF et le raccordement au réseau ERDF, pourtant expressément mises à la charge de la société Agence France Ecologie au titre du contrat. En outre, vu le court délai écoulé entre la date du bon de commande et celle du procès-verbal de réception (15 jours), il y avait tout lieu de croire que toutes ces démarches n'avaient pas encore été réalisées par cette dernière.

En l'espèce, les époux [D] ne seront pas en mesure de récupérer le prix payé auprès de la société Agence France Ecologie du fait de sa mise en liquidation judiciaire et la faute commise par la société BNP Paribas Personal Finance leur a donc causé un préjudice.

Cependant, les époux [D] n'évoquent ni ne justifient avoir subi un préjudice qui ne peut pas résulter du seul déblocage fautif des fonds. Ils ne contestent pas que l'installation a été raccordée au réseau ERDF et qu'elle fonctionne. Ils versent d'ailleurs aux débats le contrat d'achat d'énergie électrique qu'ils ont conclu avec EDF le 4 novembre 2014 et deux factures respectivement en date du 23 juillet 2014 et du 23 juillet 2016 établissant la vente d'énergie électrique à EDF.

Le préjudice subi par les époux [D] peut donc s'analyser que comme une perte de chance de ne pas contracter qui ne peut être égale à la totalité du prêt dont ils doivent la restitution.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement du montant du capital prêté et les époux [D] seront déboutés de leur demande tendant à voir priver la banque de sa créance de remboursement.

Les époux [D] seront condamnés à rembourser la société BNP Personal Finance le montant du capital prêté au titre des contrats du crédit affecté, sous déduction des échéances qu'ils ont d'ores et déjà acquittées.

La société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à payer aux époux [D] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur perte de chance de ne pas contracter.

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.

La société BNP Paribas Personal Finance n'étant accueillie que partiellement en son appel sera condamnée aux dépens d'appel.

Les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la liquidation judiciaire de la société Agence France Ecologie ;

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives au remboursement du montant du capital prêté et sur le préjudice des époux [D] ;

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [K] [D] et Madame [E] [V] épouse [D] à rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de prêt, sous déduction des échéances qu'ils ont d'ores et déjà acquittées ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur [K] [D] et Madame [E] [V] époux [D] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur perte de chance de ne pas contracter ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffierLa présidente

Delphine VerhaegheChristine Simon-Rossenthal


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/05531
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.05531 ?
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