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29/04/2022 | FRANCE | N°21/00114

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 21/00114


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 324/22



N° RG 21/00114 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM3R



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

14 Janvier 2021

(RG 20/00205 -section 5 )











































GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [V] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S.U. ANVOLIA 59

...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 324/22

N° RG 21/00114 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM3R

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

14 Janvier 2021

(RG 20/00205 -section 5 )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [V] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. ANVOLIA 59

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Joachim D'AUDIFFRET, avocat au barreau de NANTES

DÉBATS :à l'audience publique du 23 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[V] [E] a été embauché par la société ANVOLIA 59 par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2015 en qualité de plombier chauffagiste, statut ouvrier, niveau 2, position 1, coefficient 185 de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés.

A la suite d'un accident sur son lieu de travail, il a fait l'objet d'un arrêt de travail du 23 novembre 2015 au 18 avril 2016, date à laquelle son médecin traitant l'a reconnu apte à la reprise, tout en prohibant les montées et descentes d'escalier et le port de charges de plus de huit kilogrammes. Le même jour, il a été examiné par le médecin du travail qui a émis un avis d'aptitude, mais en préconisant le port de genouillères, la mise à disposition d'un tapis mousse, lors du travail à genoux et une alternance des positions pour éviter un travail à genoux prolongé et en prévoyant une nouvelle visite dans six semaines. Le 30 mai 2016, ce praticien a maintenu l'avis d'aptitude avec les mêmes préconisations et souhaité revoir le salarié dans deux mois dans le cadre d'une visite périodique.

Le 18 mars 2016 la caisse primaire d'assurance maladie a signifié à ce dernier que son arrêt de travail du 12 janvier 2016 n'était pas justifié au titre de la législation professionnelle.

Le 2 janvier 2017, [V] [E] a signalé à son employeur que le 29 décembre 2016 il avait été victime d'un accident du travail entraînant un nouvel arrêt de travail. Cependant par décision du 22 mars 2017, le caractère professionnel de cet accident n'a pas été reconnu par la caisse.

Par requête reçue le 10 octobre 2017, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valenciennes afin d'obtenir un rappel de salaire et de congés payés et le versement de dommages et intérêts par suite du préjudice subi du fait du non-respect par son employeur de l'obligation de sécurité et protection du salarié. Par acte en date du 22 décembre 2020 il a ensuite cité la société à comparaître devant le pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes en vue de faire constater qu'elle avait commis une faute inexcusable en ne respectant pas ses obligations en matière de protection de la sécurité et de la santé de ce dernier et son obligation contractuelle dans l'exécution du contrat de travail, et d'obtenir la fixation au maximum du taux de majoration de la rente accident du travail et la désignation d'un expert. Par jugement en date du 10 décembre 2021, le tribunal l'a déclaré irrecevable en son action au motif qu'il n'avait pas saisi dans les délais requis la caisse primaire d'assurance maladie en tentative de conciliation.

 

Par jugement en date du 14 janvier 2021, le Conseil de Prud'hommes s'est déclaré matériellement et territorialement compétent, a débouté [V] [E] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le 25 janvier 2021, [V] [E] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 23 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 22 avril 2021. [V] [E] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée et la condamnation de la société à lui verser

- 15000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de l'obligation de sécurité et protection du salarié,

- 369,53 euros à titre de rappel de salaire,

- 36,95 euros au titre des congés payés y afférents

- 584,50 euros au titre des congés payés de juin 2017

- 539,49 euros au titre de rappel de congés payés retirés pour la période du mois de juin 2017

- 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la capitalisation des intérêts et le remboursement des allocations chômage à Pôle Emploi à la charge de l'employeur.

L'appelant expose, sur l'exception d'incompétence soulevée à titre liminaire par l'intimée, que sa demande relève de la mauvaise exécution du contrat de travail par l'employeur, que la demande de dommages résultant d'un accident du travail qu'il soit ou non la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est distincte de celle fondé sur le non-respect par l'employeur de ses obligations, que la société n'a pas respecté l'obligation d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son salarié fondée sur l'article L4121-1 du code du travail, qu'il fait sommation à l'intimée de communiquer le document unique d'évaluation des risques professionnels, que la société n'a pas respecté son obligation contractuelle dans l'exécution du contrat de travail, que les préconisations de la médecine du travail n'ont pas été respectées, que les genouillères et le tapis de mousse recommandés par le médecin du travail ne lui ont pas été remis, qu'une deuxième visite médicale était nécessaire, qu'une telle absence constitue un manquement particulièrement grave, justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, qu'il apporte la preuve de conditions de travail extrêmement harassantes, qu'il lui est dû un rappel de salaire sur la période du 1er mars au 8 mars 2017 ainsi qu'au titre d'une prétendue absence injustifiée du 30 décembre 2016, que les pièces communiquées par l'employeur sont sujettes à caution.

 

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 17 janvier 2022, la société ANVOLIA 59 intimée sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formulées par [V] [E], le renvoi de l'affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes saisi dans l'intervalle par l'appelant, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté [V] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et la condamnation de celui-ci à payer à la société 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de son employeur pour avoir manqué à son obligation de sécurité, l'appelant sollicite la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont il se dit victime devant le conseil de prud'hommes alors que la juridiction de la sécurité sociale est seule compétente pour en connaître, en application de l'article L451-1 du code de la sécurité sociale, que la demande d'indemnisation de l'appelant repose intégralement sur l'accident du travail qu'il estime avoir subi le 29 décembre 2016, .qu'il a fait citer la société à comparaître devant le pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes le 22 décembre 2020 qui, par jugement du 10 décembre 2021, a déclaré le salarié irrecevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable. A titre subsidiaire la société fait valoir qu'elle a exécuté de façon loyale le contrat la liant à l'appelant, que celui-ci ne démontre pas qu'il aurait subi un dommage en lien avec une quelconque faute de sa part, qu'elle verse aux débats le document unique d'évaluation des risques, mis à la disposition de tous les salariés de l'entreprise, qu'elle n'a jamais été avisée de la tenue d'une visite de pré-reprise qui aurait pu être sollicitée par l'appelant auprès de la médecine du travail, qu'elle avait sollicité un premier rendez-vous de visite de reprise qui s'est tenu le 18 avril 2016, qu'elle a respecté scrupuleusement les prescriptions par le médecin du travail afin de tenir compte de la santé et de la sécurité du salarié, que l'invitation formulée le 30 mai 2016 visant à revoir ce dernier dans un délai de deux mois relève de la visite dite «périodique», qui ne rentre pas dans le cadre des dispositions de l'article R4624-25 du code du travail, qu'elle verse aux débats les inventaires des vêtements de travail utilisés par ses employés, que les observations du médecin traitant de l'appelant qui ajoute aux prescriptions de la médecine du travail une contre-indication de monter et descendre des escaliers ou de porter des charges de plus 8 kilogrammes sont contestables, que la société a veillé au respect des préconisations de la médecine du travail, que l'appelant n'a jamais eu à formuler de réclamation auprès de son employeur à ce sujet, que sur le rappel de salaire, pour la période du 1er au 8 mars 2017, s'agissant d'un ouvrier, la subrogation n'est pas pratiquée, que les salariés sont directement indemnisés par la caisse primaire d'assurance maladie, l'employeur ne versant que le complément, que sur le bulletin de mars 2017, il a été procédé à une régularisation, que l'appelant ne justifie pas de la délivrance d'un arrêt de travail au titre du 30 décembre 2016, que s'agissant des cinq jours de congés payés, une régularisation a été effectuée sur le bulletin de juin 2017, ramenant ainsi à trente-cinq les jours de congés restants, que la demande de remboursement des allocations de chômage est dépourvue de fondement au regard du litige opposant les parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L451-1 du Code de la sécurité sociale que si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'appelant a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes, seul compétent désormais en matière de contentieux général du droit de la sécurité sociale, pour statuer sur sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à la société ; que pour caractériser la commission de cette faute l'appelant invoque le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat résultant de l'article L 4121-1 du code du travail, des préconisations du médecin du travail sur l'aménagement du poste de travail et sur la nécessité d'une deuxième visite médicale ;

Attendu toutefois que l'action engagée par l'appelant devant la juridiction prud'homale avait pour objet non de réparer les dommages résultant de l'accident du travail susceptible d'être survenu le 29 décembre 2016 mais d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi par les manquements allégués de son employeur à ses obligations résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'en conséquence le conseil de prud'hommes a, à juste titre retenu, sa compétence ;

Attendu qu'il résulte de ses écritures que l'appelant ne formule aucun manquement précis de son employeur au regard des obligations résultant des dispositions de l'article L4121-1 du code du travail puisqu'il se borne à solliciter la communication du document d'évaluation des risques professionnels ; que ce document qui est produit par la société n'a pas donné lieu à des observations de la part de l'appelant ; que s'agissant du non-respect des préconisations du médecin du travail, il n'établit aucune relation de causalité entre le non-respect allégué et l'accident qui serait survenu le 29 décembre 2016 dont, au demeurant, le caractère professionnel n'a pas été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie selon son courrier du 22 mars 2017 ; que l'arrêt de travail qu'il a subi à compter de cette date serait en outre consécutif à un lumbago lui-même provoqué par une discopathie ; que les avis d'aptitude du médecin du travail délivrés le 18 avril puis le 30 mai 2016 préconisaient exclusivement le port de genouillères, la mise à disposition d'un tapis mousse, lors du travail à genoux, et une alternance des positions pour éviter un travail à genoux prolongé ; que l'interdiction de porter des charges lourdes d'un poids supérieur à 8 kilogrammes ne résulte que du certificat délivré par le médecin traitant du salarié et non de l'avis du médecin du travail ; qu'enfin la visite à laquelle devait être soumis l'appelant dans un délai deux mois, selon l'avis du 30 mai 2016, ne s'inscrivait pas dans le cadre des dispositions de l'article R.46224-25 du code du travail en vue d'examens complémentaires destinés à déterminer l'aptitude médicale de l'appelant à son poste de travail, mais présentait un caractère purement périodique comme l'indique le praticien ; que par ailleurs l'appelant ne démontre pas l'existence d'un préjudice consécutif au défaut d'organisation de cette dernière visite ; que d'ailleurs l'arrêt de travail qu'il a subi le 29 décembre 2016 est sans rapport avec la pathologie dont il souffrait à l'origine des préconisations du médecin du travail ;

 

Attendu, sur les différents rappels de salaire sollicités par l'appelant, qu'il résulte du bulletin de paye du mois de mars 2017 que la société a dû procéder à des régularisations du fait que le caractère professionnel de l'arrêt de travail n'avait pas été reconnu ; qu'aucun reliquat n'apparaît dû à l'appelant ; qu'il ne justifie pas d'un arrêt de travail délivré par son médecin traitant couvrant la journée du 29 décembre 2016 ;

Attendu, sur les rappels de congés payés, que la Caisse des congés payés du bâtiment, compte tenu des heures travaillées et des absences du salarié sur la période revendiquée, a communiqué à la société le nombre exact de jours acquis par ce dernier sur cette période et qui correspondait en réalité à vingt-trois jours ; que l'intimée a procédé à la régularisation de la situation sur le bulletin de juin 2017, en vertu de laquelle l'appelant ne pouvait se prévaloir que de 35 jours de congés restants ; qu'aucun reliquat ne lui est dû ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

 

ET Y AJOUTANT,

 

CONDAMNE [V] [E] à verser à la société ANVOLIA 59 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00114
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;21.00114 ?
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