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29/04/2022 | FRANCE | N°21/00108

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 21/00108


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 328/22



N° RG 21/00108 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM2T



PL/VM







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Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

01 Décembre 2020

(RG 19/00048 -section 2 )


























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GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [Y] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jonathan DA RE, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S. CONCESSIONS GAR...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 328/22

N° RG 21/00108 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TM2T

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

01 Décembre 2020

(RG 19/00048 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [Y] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jonathan DA RE, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S. CONCESSIONS GARES FRANCE

ELIOR CONCESSIONS GARES (nouvelle dénomination)

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Etienne CHEVALIER, avocat au barreau de LILLE, assistée de Me Mélanie ROUILLON, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :à l'audience publique du 23 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[Y] [W] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée pour un horaire de travail effectif de 130 heures mensuelles à compter du 19 décembre 2016 dans le cadre d'un contrat unique d'insertion par la société ELIOR CONCESSIONS GARES au sein de l'établissement de [Localité 8] en qualité d'employée polyvalente, niveau 1, échelon 1, statut employé, de la convention collective nationale de la restauration rapide.

A la suite d'un dépôt de plainte, le 19 mars 2018, pour injure publique à son encontre et à l'encontre de ses collègues de travail, commis par un groupe d'adolescents qui demeuraient toute la journée dans le magasin ou à proximité de celui-ci, la salariée a été victime d'une incapacité temporaire totale de travail de cinq jours et ne s'est plus présentée à son poste. Le 22 mars 2019, cette altercation a été déclarée comme un accident du travail par la société.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 mars 2018, la salariée a justifié son absence en invoquant l'exercice de son droit de retrait auquel son employeur s'est opposé par lettre du 9 avril 2018 en l'informant des mesures mises en place afin qu'elle puisse reprendre son travail.

Le 12 avril 2018, [Y] [W] a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie jusqu'au 9 mai 2018, puis du 10 mai au 12 juin 2018. Dans le cadre de la visite médicale de reprise, le 15 juin 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude aux termes duquel elle était déclarée inapte à son poste de travail, le médecin constatant cependant qu'elle pouvait travailler sur un autre site.

Après avoir consulté les délégués du personnel et obtenu un avis favorable le 5 juillet 2018, sur les trois postes de reclassement envisagés, à savoir :

-un poste d'employé polyvalent de restauration en restauration rapide, au sein de la gare SNCF de Lille Europe

-un poste d'employé polyvalent de restauration en restauration collective, à [Localité 5]

-un poste d'employé de restauration en restauration rapide, au sein de la gare SNCF de Massy TGV,

par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 juillet 2018, la société les a proposés à la salariée en vue de son reclassement. Celle-ci n'a pas communiqué sa réponse.

Elle a alors été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2018 à un entretien le 3 août 2018 en vue de son licenciement. L'entretien ne s'étant pas déroulé par suite de l'absence de la salariée, son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 août 2018.

A la date de la suspension de son contrat de travail, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1284,40 euros.

Par requête reçue le 13 février 2019, [Y] [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valenciennes afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir un rappel de salaire et le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 1er décembre 2020, le Conseil de Prud'hommes l'a déboutée de sa demande et l'a condamnée à verser à la société 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le 22 janvier 2021 [Y] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 23 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 21 avril 2021, [Y] [W] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

- 2068,40 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement

- 2568,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2568,80 euros au titre du préjudice distinct

- 994,36 euros, à titre de rappel de salaires

- 99,43 euros au titre des congés payés y afférents

- 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la rectification des documents administratifs obligatoires et des bulletins de paie de juillet et d'août 2018, assortie d'une astreinte de 20 euros par jour de retard et par document, dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir.

 

L'appelante expose qu'elle percevait une rémunération mensuelle brute de 1284 euros pour 130 heures mensuelles, soit un taux horaire de 9,88 euros, qu'alors qu'un avis d'inaptitude avait été émis le 15 juin 2018, elle n'était ni reclassée ni licenciée à la date du 15 juillet 2018 de sorte que le versement du salaire devait être repris par l'employeur à cette date et ce jusqu'au 8 août 2018, date du licenciement, qu'elle est donc fondée à solliciter la somme de 994,36 euros et 99,43 euros correspondant aux congés payés, à titre de rappel de salaires sur la période du 15 juillet au 8 août 2018, que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est à l'origine de l'avis d'inaptitude du 15 juin 2018, qu'elle a fait l'objet d'un arrêt de travail maladie à partir du 12 avril 2018 à la suite d'une agression verbale sur son lieu de travail, le 19 mars 2018, que le 20 mars 2018, une incapacité de travail temporaire de 5 jours lui a été reconnue, qu'elle a alors écrit à son employeur afin de lui faire part du danger grave et imminent qui pesait sur elle lorsqu'elle se rendait au magasin de [Localité 8], que malgré l'alerte donnée à son employeur, celui-ci s'est opposé à son droit de retrait, lui a demandé de reprendre le travail et a précisé qu'à défaut de certificat médical, son salaire ne lui serait pas versé, que cette absence de protection de sa santé mentale et physique lui a causé un état d'anxiété réel à l'origine de arrêt de travail pendant une durée de deux mois, que la lettre de licenciement ne mentionne pas les démarches mises en 'uvre pour tenter d'aménager ou de transformer son poste de travail, que la société ne justifie pas de l'impossibilité de reclassement évoquée, que seuls trois postes lui ont été proposés, dans un secteur géographique éloigné de plus de cinquante minutes de route de son domicile de l'époque, qu'il n'est pas démontré l'existence de recherches de reclassement au sein du groupe, que son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'indemnité de licenciement devait être doublée, s'agissant d'un indemnité spéciale de licenciement, que son licenciement lui a nécessairement engendré un préjudice, qu'il est survenu malgré des alertes précédentes données par les travailleurs et des plaintes déposées concernant les mêmes faits d'agression verbale, qu'elle a souffert financièrement de cette perte d'emploi et a accumulé les impayés.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 7 juillet 2021, la société CONCESSIONS GARES FRANCE, nouvelle dénomination sociale de la société ELIOR CONCESSIONS GARES, intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui verser 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient que le médecin du travail a jugé que l'appelante ne pouvait plus occuper son poste au sein de la gare de [Localité 8] mais qu'elle pouvait être affectée à tout autre poste sur un autre site, que la société a parfaitement respecté son obligation de reclassement, puisqu'elle a identifié trois postes de reclassement pouvant être proposés, parfaitement compatibles avec les capacités de la salariée qui occupait précédemment un poste d'employé polyvalent de restauration, que les délégués du personnel ont été préalablement informés et consultés sur ces postes de reclassement et ont rendu un avis favorable le 5 juillet 2018, que l'appelante n'a pas répondu au courrier contenant les offres de reclassement qui lui a été adressé le 5 juillet 2018, que la société en a donc déduit que cette dernière refusait ces propositions, qu'elle a parfaitement respecté ses obligations, qu'à la suite de l'incident du 19 mars 2018, elle a mis en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de l'appelante, mesures qui se sont révélées efficaces puisque dès le mois de mai, la situation s'est nettement améliorée, que la période du 17 juillet au 8 août 2018 a été traitée comme une absence autorisée payée, que la salariée a perçu 642,20 euros au titre de la période du 17 au 31 juillet, 335,06 euros au titre de celle du 1er au 8 août 2018, soit la somme totale de 977,26 euros, qu'elle a bien perçu en outre une indemnité spécifique de licenciement, d'un montant de 1034,20 euros, correspondant au double de l'indemnité de licenciement, que le licenciement étant parfaitement justifié, la demande de l'appelante de ce chef est manifestement infondée dans son principe et le montant sollicité ne l'est pas davantage, qu'elle n'établit pas que son licenciement serait intervenu dans des conditions vexatoires.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article L1226-10 du code du travail qu'il résulte de la plainte déposée par l'appelante le 19 mars 2018, qu'alors qu'elle se trouvait à son poste de travail, le point chaud Easy de la gare de [Localité 8], elle a invité sans façon le dénommé [P], membre influent d'un groupe composé de plusieurs individus dés'uvrés hantant l'établissement, à vider les lieux, car ils ne consommaient pas, que celui-ci l'ayant insultée, elle a sollicité par SMS l'aide de son compagnon, [U] [B], qu'à son arrivée une rixe a éclaté, [U] [B] assénant un coup de poing au dénommé [P], provoquant l'intervention de la police ; que si l'appelante, à la suite de cet incident, a fait l'objet d'une incapacité temporaire totale de travail de cinq jours, consécutive à son état anxieux constaté par le docteur [F] [N] auteur du certificat, il ne pouvait être imputé à la société ELIOR CONCESSIONS GARES la responsabilité de cette situation ; que celle-ci trouvait exclusivement son origine dans des défaillances dans la surveillance de la gare et de ses alentours constituant une mission de sécurité publique et donc relevant des services de police, accessoirement de la S.N.C.F., et non d'une société de restauration alors qu'en outre il n'est pas contesté que d'autres plaintes avaient déjà été déposées et que la police municipale avait été amenée à intervenir ; qu'à la suite du courrier dans lequel l'appelante faisait part à son employeur de l'insécurité qui régnait sur son lieu de travail et de sa volonté d'exercer son droit de retrait, la société a mis en place une cellule d'écoute psychologique auprès des salariés du point de vente, proposé à l'appelante un plan d'accompagnement psychologique personnalisé, inscrit l'incident à l'ordre du jour de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du mois d'avril 2018, sollicité l'intervention des services d'ordre, organisé une réunion le 5 avril 2018 avec différents responsables de la sécurité urbaine, de la police municipale, de la police nationale, de la SNCF ainsi qu'avec des représentants des lycées et collèges et donné des consignes précises aux salariés face à une situation similaire à celle à laquelle avait été exposée l'appelante ; que les mesures prises ont démontré leur efficacité puisqu'il résulte du rapport dénommé «baromètre ambiance centre-ville/gare» en date du 24 mai 2018 que le groupe de jeunes oisifs s'était réduit à deux à trois personnes en raison en particulier de la forte présence policière ; que l'intimée a donc bien pris les mesures et donné les instructions nécessaires pour permettre à l'appelante de reprendre son travail à la suite de l'alerte émise dans les conditions de l'article L4131-1 du code du travail ; qu'il résulte de l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 15 juin 2018, que si l'appelante était inapte à son poste de travail, elle pouvait néanmoins être affectée sur un autre site ; qu'il se déduit des conclusions du médecin du travail que la société ne pouvait donc, sans violer les restrictions émises, maintenir l'appelante sur son poste de travail tout en l'aménageant comme cette dernière le soutient ; qu'après avis des délégués du personnel, ainsi qu'il apparaît du procès-verbal de la réunion du 5 juillet 2018, la société intimée a proposé par courrier du même jour à la salariée trois postes d'employée polyvalente de restauration en restauration rapide sur des sites autres que celui de [Localité 8] puisque se trouvant à [Localité 4], [Localité 5] et [Localité 6], et correspondant aux capacités restantes de cette dernière ; que le silence de l'appelante à ces propositions équivalait à un refus ; que la société se trouvant dans l'impossibilité de lui présenter de nouvelles propositions a légitimement procédé au licenciement de la salariée ;

Attendu qu'il résulte des bulletins de paie de juillet et août 2018, versés aux débats par l'appelante, qu'elle a été rémunérée pour la période du 17 juillet au 8 août 2018, et a perçu la somme totale de 977,26 euros dont la société était redevable en application de l'article L1226-4 du code du travail ; que de même la somme de 1034,20 euros figurant sur le bulletin de paye du mois d'août 2018 correspond bien à l'indemnité spéciale de licenciement, calculée conformément à l'article L1226-14 du code du travail ;

Attendu que l'appelante ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct du licenciement dont la légitimité a été établie ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

CONDAMNE [Y] [W] aux dépens.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00108
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;21.00108 ?
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