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29/04/2022 | FRANCE | N°21/00086

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 21/00086


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 327/22



N° RG 21/00086 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMOQ



PL/VM







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Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de calais

en date du

15 Décembre 2020

(RG 19/00124 -section 5)




























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GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [M] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ :



E.U.R.L. COUSIN ALAIN CA

[Adresse 2]...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 327/22

N° RG 21/00086 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMOQ

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de calais

en date du

15 Décembre 2020

(RG 19/00124 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [M] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

E.U.R.L. COUSIN ALAIN CA

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

représenté par Me Franck TREFEU, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 23 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[M] [E] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 novembre 2007 par la société COUSIN ALAIN CA.

Il a fait l'objet d'un avertissement le 7 janvier 2019 pour une absence sans justificatif du 3 au 4 janvier 2019, confirmée à la suite de la contestation du salarié par courrier du 23 janvier 2019. Il a été convoqué le 31 janvier 2019 à un entretien préalable fixé au 8 février 2019 en vue d'une sanction disciplinaire, qui n'a pas eu de suite. Un nouvel avertissement lui a été infligé le 5 mars 2019, la sanction étant fondée sur la tenue de propos injurieux et insultants envers le directeur.

Par requête reçue le 13 septembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Calais afin d'obtenir un rappel de salaire et des remboursements de frais professionnels, de faire constater l'illégitimité des avertissements et d'obtenir le versement de dommages et intérêts.

A la date de la saisine de la juridiction prud'homale, [M] [E] exerçait les fonctions de poseur-superviseur et était classé au niveau III, position 2 coefficient 230 compagnon professionnel de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés.

 

Par jugement en date du 15 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a condamné la société à lui verser

- 55,15 euros à titre de rappel de salaire sur la période de septembre 2016 à février 2017

- 5,15 euros au titre des congés payés y afférents

a débouté le salarié du surplus de sa demande,

a condamné la société à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 15 janvier 2021, [M] [E] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 23 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 8 octobre 2021, [M] [E] sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, l'annulation des avertissements en date des 7 et 31 janvier 2019, la condamnation de la société COUSIN ALAIN CA à lui verser

- 10532,35 euros brut à titre de rappel de salaire sur le coefficient 230

- 1053,23 euros brut au titre des congés payés y afférents

- 500 euros net à titre de remboursement des frais professionnels exposés

- 2000 euros net à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

la confirmation du jugement pour le surplus et la condamnation de la société à lui verser 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'appelant conteste l'imputabilité et la matérialité des griefs qui lui sont reprochés dans les deux sanctions, qu'il expose que les éléments recueillis dans le cadre des avertissements ne reposent sur aucun élément probant, que s'agissant du premier avertissement, il produit un certificat de son dentiste démontrant qu'il était en rendez-vous médical, qu'en outre il était en droit de suspendre également ses prestations de travail le temps de la régularisation du paiement de son salaire qui est intervenue le 4 janvier 2019, qu'il a été embauché au coefficient 150, niveau 1, position 1 de la convention collective applicable, qu'au regard des dispositions conventionnelles applicables, il devait bénéficier du coefficient 230 bien avant le mois de mars 2019, qu'il justifie d'un BAC professionnel en métallurgie, qu'il devait obligatoirement bénéficier au minimum du coefficient 210 dès l'embauche puis, après une période probatoire de dix-huit mois, du coefficient 230, qu'aucune régularisation n'est intervenue pour la période antérieure au mois de mars 2019, à titre subsidiaire, que bénéficiant du coefficient 185 à compter du mois de juin 2016, sa rémunération mensuelle brute a été réglée sur une base d'un taux de 10,507 euros alors qu'aux termes des dispositions conventionnelles applicables, il devait être rémunéré sur la base d'un taux de 10,5725 euros brut, que la situation n'a été régularisée qu'à compter du mois de février 2017, qu'il a été contraint d'utiliser ses outils ainsi que son téléphone portable personnel en vue de la réception des différentes directives données par son responsable, que l'employeur doit assurer le remboursement de ses frais professionnels exposés, calculés sur la base d'une prime de d'outillage d'environ 8,80 euros par mois.

 

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 8 juillet 2021, la société COUSIN ALAIN CA intimée et appelante incidente sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande, à titre subsidiaire à la réduction à hauteur de 55,164 euros bruts outre 5,516 euros au titre des congés payés afférents, la demande de rappel de salaire, à titre infiniment subsidiaire à hauteur de 8210,85 euros bruts outre 821,08 euros au titre des congés payés afférents cette demande et à 211,20 euros la demande de rappel sur frais professionnels et en tout état de cause à la condamnation de l'appelant à lui verser 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient qu'elle a recours au cabinet comptable COMPTEXXIA situé à [Localité 4] pour l'établissement des paies et des déclarations sociales, que l'appelant se contente de solliciter l'attribution de la classification menuisier poseur, niveau III, position 2, coefficient 230, au seul regard de la classification indiquée sur son bulletin de salaire, qu'il ne remplissait pas les conditions requises par l'article 12.2 de la convention collective pour en bénéficier, que la détention d'un brevet professionnel, d'un brevet de technicien, d'un baccalauréat professionnel ou technologique ou d'un diplôme équivalent était exigée, qu'aucun curriculum vitae ni diplôme ne figurait dans le dossier de l'appelant, que dans un but d'apaisement des tensions présentes dans l'entreprise et sur les conseils de la fédération du bâtiment, [R] [V], dirigeant de la société, a attribué à l'appelant les coefficients 185 dès juin 2016, 210 en décembre 2018 et 230 en mars 2019, que sur le rappel de salaire relatif à l'attribution du coefficient 230 dès 2016, l'appelant est prescrit en ses demandes sur les rappels portant sur la période de janvier à septembre 2016, que la société étant adhérente à un syndicat patronal signataire de la convention, les augmentations conventionnelles correspondaient à 12,6853 euros à compter de janvier 2016, 12,777 euros à compter de février 2017 et 12,87 euros à compter de février 2018, que sur le rappel de salaire relatif à l'attribution du coefficient 185, la société ne serait redevable, pour la période de juin 2016 à janvier 2017, que d'une somme de 55,164 euros bruts outre 5,516 euros au titre des congés payés afférents, que les sanctions disciplinaires sont bien fondées, que s'agissant de la sanction notifiée le 7 janvier 2019, les faits sont caractérisés et même reconnus, que pour ce qui concerne l'avertissement notifié le 5 mars 2019 sanctionnant des insultes, les faits sont caractérisés, que les griefs reprochés dans le cadre de ces deux sanctions disciplinaires ne sont que le reflet de ce qui est ressorti de l'audit mené en 2017 relevant un climat de tension au sein de l'entreprise qui caractérise le manque de respect chronique de l'appelant envers son responsable et l'envie de le provoquer, que l'usage de la profession conduit les salariés du bâtiment à user de leur caisse à outils et leur téléphone personnels, que l'appelant ne démontre pas avoir dû débourser le moindre euro pour remplacer ses outils défectueux ou usés.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L3245-1 du code du travail que l'appelant ne peut solliciter de rappel de salaire pour la période antérieure au 13 septembre 2016, compte tenu de la date à laquelle il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu en application de l'article L1221-1 du code du travail qu'il résulte des bulletins de paye versés aux débats qu'en janvier 2016 l'appelant occupait l'emploi de menuisier-poseur ; qu'il est devenu poseur-superviseur à partir de février 2017 ; qu'étant classé au niveau I, position 1 coefficient 150 ouvrier de la convention collective, il lui a été attribué le niveau II, position 1 coefficient 185 ouvrier à compter de juin 2016, puis le niveau II coefficient 210 à compter de janvier 2019 et enfin au niveau III coefficient 230, compagnon professionnel, à partir de mars 2019 ; qu'il revendique le bénéfice du coefficient 230 dès le mois de janvier 2016 ; qu'aux termes de l'article 12-4 de la convention collective, les ouvriers titulaires d'un baccalauréat professionnel et technologique ou équivalent sont classés au niveau III position 1 coefficient 210 de la convention collective ; que l'appelant, qui était titulaire d'un baccalauréat professionnel en bâtiment délivré le 11 septembre 2006, aurait dû être classé dès son embauche à ce niveau ; que son classement au coefficient 230 à l'issue de la période probatoire de dix-huit mois supposait que soient démontrées ses aptitudes et ses capacités professionnelles ; que celles-ci sont établies, notamment par l'attribution par l'employeur d'un nouveau coefficient en juin 2016, par son affectation à un emploi de poseur superviseur en février 2017, par le suivi d'une formation Velux et par l'attribution non contestée d'une prime d'encadrement ; qu'en conséquence, à la date à laquelle l'appelant peut prétendre à un rappel de salaire, soit au 13 septembre 2016, il devait bénéficier du coefficient 230 ; que la société étant adhérente à un syndicat patronal signataire de la convention collective, elle devait appliquer le nouveau taux horaire brut à 12,6853 euros à compter de janvier 2016, celui de 12,777 euros à compter de février 2017 et enfin celui de 12,87 euros à partir de février 2018  ; que la société n'a reconnu le coefficient 230 à l'appelant qu'à compter de février 2019 ; qu'il est donc dû à l'appelant pour la période antérieure et à compter de septembre 2016 un rappel de salaire de 8210,85 euros et de 821,08 euros au titre des congés payés y afférents ;

Attendu en application de l'article L1333-2 du code du travail que les deux avertissements infligés à l'appelant les 7 janvier 2019 et 5 mars 2019 sont fondés respectivement sur une absence sans justificatif les 3 et 4 janvier 2019 désorganisant le fonctionnement de l'entreprise et sur la tenue de propos injurieux envers son directeur ;

Attendu que l'absence de l'appelant, les 3 et 4 janvier 2019, était bien réelle puisqu'il la justifie par une rage de dents qui l'aurait obligé à se rendre en consultation chez son dentiste ; que s'il produit un certificat médical du docteur [S] en date du 3 janvier 2019 attestant qu'il avait dû recevoir en urgence ce dernier pour des soins dentaires, cette attestation ne constitue pas un arrêt de travail susceptible de légitimer l'absence du salarié ; qu'en toute hypothèse, elle ne concerne que celle survenue le 3 janvier alors qu'elle s'est poursuivie le lendemain ; que l'appelant ne démontre nullement avoir averti son employeur de cette situation ; que l'avertissement du 7 janvier 2019 est donc légitime ;

Attendu, s'agissant de l'avertissement du 5 mars 2019 consécutif à des injures émises par l'appelant, que l'intimée ne produit aucun élément de preuve et, en particulier, aucun témoignage susceptible de démontrer la réalité de celles-ci alors que selon l'avertissement, elles auraient été proférées devant d'autres employés de la société ; que pour les caractériser, la société ne se fonde que sur le rapport confidentiel, dit de diagnostic, établi par la société CEDEC et dépourvu en l'espèce de tout intérêt, puisque rédigé le 24 octobre 2018, soit trois mois avant l'éventuelle commission de faits reprochés, susceptibles d'être survenus le 21 janvier 2019 ; que ce second avertissement étant dépourvu de fondement, il convient de l'annuler :

Attendu que l'appelant ne démontre pas qu'il ait subi un préjudice du fait de l'avertissement du 5 mars 2019 dont l'annulation a été prononcée ;

Attendu sur la prime d'outillage que l'appelant ne rapporte pas avoir été exposé à des frais pour remplacer des outils défectueux ; qu'en outre la société produit des factures émises à son nom, du 31 janvier au 30 novembre 2019, correspondant à l'achat de matériel susceptible d'être utilisé par réaliser les travaux dont était chargé l'appelant ; que celui-ci n'établit pas davantage que l'utilisation de son téléphone portable personnel à des fins professionnelles également ait pu lui occasionner des frais spécifiques ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

ANNULE l'avertissement en date du 5 mars 2019,

CONDAMNE la société COUSIN ALAIN CA à verser à [M] [E]

- 8210,85 euros à titre de rappel de salaire sur la période de septembre 2016 à février 2019

- 821.08 euros au titre des congés payés y afférents

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,

ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société COUSIN ALAIN CA à verser à [M] [E] 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00086
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;21.00086 ?
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