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29/04/2022 | FRANCE | N°19/01884

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 29 avril 2022, 19/01884


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 614/22



N° RG 19/01884 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STDS



GG/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

04 Septembre 2019

(RG 18/00241 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



SA SEMN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Alix DERELY-HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ :



M. [H] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représ...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 614/22

N° RG 19/01884 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STDS

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

04 Septembre 2019

(RG 18/00241 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SA SEMN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Alix DERELY-HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [H] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Fabrice VINCHANT, avocat au barreau d'ARRAS

DÉBATS :à l'audience publique du 17 Novembre 2021

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 28 janvier 2022 au 29 avril 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 27 octobre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La SARL SLDM a engagé M. [H] [G] né en 1967 en qualité de magasinier, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 01/03/1998. Cet engagement faisait suite à une embauche auprès de la SA SEMN depuis le 01/11/1995 sans contrat de travail.

Par lettre du 12/10/2009, M. [G] a démissionné de son emploi «pour entrer dans l'entreprise SEMN également dirigée par monsieur [L]», sa lettre précisant in fine «lettre remise en main propre et contrat avec la SEMN le même jour ce 12 octobre 2009 avec ancienneté maintenue».

Il a ensuite été engagé par la société d'équipement de la maison du Nord (la SA SEMN ci-après), qui exerce une activité de vente de mobiliers de cuisine, suivant contrat du 12/10/2009 à effet au 13/10/2009, en qualité de magasinier, catégorie employé. Le contrat ne comporte pas de clause de reprise d'ancienneté.

Le 26/11/2015, M. [G] a été victime d'un accident du travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels par lettre du 26/11/2015. Il a été successivement en arrêt de travail jusqu'au 21/03/2016.

Le médecin conseil a fixé la date de consolidation au 20/03/2016.

Après deux visites médicales, le 21/03/2016 et le 07/04/2016, le médecin du travail a constaté l'inaptitude de M. [G], le dernier avis étant ainsi libellé : «Inapte au poste de manutentionnaire-livreur suscité (confirmation de l'avis médical du 21 mars 2016).

Seul un poste ne nécessitant pas de manutention manuelle de charge excédent 25 kilos est envisageable».

LA CPAM a notifié à l'employeur la décision de refus d'attribution d'indemnisation temporaire d'inaptitude, par lettre du 27/04/2016, indiquant «les éléments en ma possession ne me permettent pas de conclure à un lien entre l'inaptitude prononcée par le médecin du travail et l'accident référencé ci-dessus».

Par lettre du 26/04/2016, la SA SEMN a convoqué M. [G] à un entretien préalable à licenciement fixé au 09/05/2016. Puis, la SA SEMN a notifié à M. [G] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 13/05/2016.

Par le truchement de son conseil, M. [G], constatant que les règles relatives à une inaptitude d'origine professionnelle n'avaient pas été appliquées, que l'ancienneté retenue n'incluait pas la période de travail débutée en 1995, a invité l'employeur par lettre du 10/06/2016 à trouver une solution amiable au litige, démarche restée sans suite.

Contestant le licenciement, ainsi que l'ancienneté retenue par l'employeur, M. [G] a saisi par requête du 29/09/2016 le conseil de prud'hommes de Tourcoing de diverses demandes indemnitaires, estimant que l'inaptitude a une origine professionnelle.

Par jugement du 04/09/2019, le conseil de prud'hommes a :

-dit et jugé que l'ancienneté de Monsieur [G] remontait au 1er mars 1998,

-dit et jugé que l'inaptitude de Monsieur [G] est d'origine professionnelle,

En conséquence, condamné la société SEMN à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :

-8.865,01 euros d'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle,

-3.387,90 euros d'indemnité de préavis,

-338,79 euros de congés payés y afférents,

-20.327,40 euros € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de consultation des délégués du personnel,

-700 euros d'indemnité pour défaut d'information d'impossibilité de reclassement,

-1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-Rappelé qu'en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement de somme au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois (ladite moyenne s'élevant à 1.693,95 euros bruts),

-Précisé que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de jugement soit le 04/10/2016 pour les indemnités de rupture et les créances salariales, à compter de la présente décision pour toute autre somme,

-Débouté M. [G] du reste de ses demandes,

-Débouté la société SEMN de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée aux entiers frais et dépens.

Par déclaration reçue le 24/09/2019, la SA SEMN a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions reçues le 18/12/2019, la SA SEMN demande à la cour de :

«Réformer le jugement du Conseil des Prud'hommes prononcé le 15 septembre 2019 sur le chef de l'inaptitude jugée d'origine professionnelle et des condamnations qui en découlent mises à la charge de la société SEMN,

Réformer le jugement du chef du licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse et du chef des condamnations à titre de dommages et intérêts à hauteur de 20 327. 40 €,

Réformer le jugement du chef de l'indemnité pour défaut d'information d'impossibilité de reclassement

Réformer le jugement du chef de l'article 700,

Débouter Monsieur [G] de l'intégralité de ses demandes,

A TITRE RECONVENTIONNEL

Condamner Monsieur [H] [G] à des dommages et intérêts pour procédure abusive dont le montant ne serait être inférieur à la somme de 3500 €,

Condamner Monsieur [H] [G] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile».

Selon ses conclusions reçues le 17/03/2020, M. [H] [G] demande à la cour de :

«Confirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tourcoing le 4 septembre 2019 en ce qu'il a :

-Dit et jugé que l'inaptitude de Monsieur [G] était d'origine professionnelle,

-Dit et jugé que la société SEMN n'avait pas consulté les délégués du personnel,

-Dit et jugé le licenciement de Monsieur [H] [G] sans cause réelle et sérieuse

-Dit et jugé que la société SEMN avait manqué à son obligation d'information relative à l'impossibilité dans laquelle elle prétendait se trouver de reclasser Monsieur [H] [G]

-Condamné la société SEMN aux intérêts judiciaires au taux légal à compter du 04 octobre 2016 date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les indemnités de rupture et les créances de nature salariale et à compter du jugement pour toutes les autres sommes.

-Condamné la société SEMN à payer à Monsieur [H] [G] une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC,

-Condamné la société SEMN aux entiers frais et dépens,

Pour le surplus, infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tourcoing et statuant à nouveau,

-Dire et juger que l'ancienneté de Monsieur [H] [G] remonte au 1er novembre 1995,

-Ordonner à la société SEMN de remettre à Monsieur [H] [G] un certificat de travail reprenant la date d'ancienneté au 1er novembre 1995 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir

-Condamner la société SEMN à payer à Monsieur [H] [G] un rappel d'indemnité de licenciement au titre de l'ancienneté d'un montant de 496,89 euros nets

-Condamner la société SEMN à payer à Monsieur [H] [G] les sommes suivantes :

-Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et/ou pour absence de consultation des délégués du personnel : 40.600 euros nets,

-Rappel d'indemnité spéciale de licenciement : 9.858,79 euros nets,

-Indemnité spéciale ou indemnité compensatrice de préavis doublée : 5.081,85 euros bruts,

-Indemnité compensatrice de congés payés sur indemnité de préavis : 508,18 euros bruts, -A titre subsidiaire, sur l'indemnité spéciale de préavis ou l'indemnité compensatrice de préavis en l'absence de cause réelle et sérieuse : 3.387,90 euros bruts,

-indemnité de congés payés sur préavis : 338,79 euros bruts,

-indemnité pour défaut d'information du salarié sur les motifs qui empêchaient son reclassement : 5.000 euros nets

-Article 700 du CPC : 4.000 euros nets

Condamner la société SEMN aux entiers dépens».

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 27/10/2021.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la reprise d'ancienneté

Au soutien de sa demande, M. [G] fait valoir que sa demande n'est pas prescrite, que le bulletin de paie de novembre 1998 ne porte aucune date d'ancienneté, qu'il n'y a pas prêté attention dans la mesure où il percevait la prime afférente, que l'employeur est tenu par les mentions portées sur le bulletin de paie qui lui sont opposables, qu'il a changé deux fois d'employeur au plan juridique mais qu'il est resté au sein du groupe dans le cadre de mutations internes, que la société SDLM lui a versé dès le mois de novembre 1998 la prime d'ancienneté mensuelle de 143,36 €, celle-ci ayant continué à être versée par la SA SEMN à partir d'octobre 2019.

La SA SEMN explique que le seul bulletin de la société SDLM comportant la prime d'ancienneté date de novembre 1998, aucun autre bulletin n'étant produit, qu'un nouveau contrat a été conclu en 1998 avec la société SDLM, qu'il n'existe pas de groupe de sociétés, celles-ci étant indépendantes, que le bulletin de paie de décembre 2007 fait apparaître une ancienneté au 01/03/1998 ce qui n'a pas été contesté, que M. [G] avait connaissance de cette date avant la remise du certificat de travail, qu'il est prescrit, qu'il y a eu une erreur dans l'attribution de la prime d'ancienneté qui ne peut être créatrice de droit.

-Sur la prescription

En vertu des dispositions de l'article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les bulletins de paie du mois d'avril 2015 au mois de mars 2016 produits par le salarié mentionnent une date d'ancienneté au 1er mars 1998. Toutefois, c'est bien à l'occasion de la rupture du contrat de travail, entraînant la remise du certificat de travail du 17/05/2016, faisant état d'une ancienneté au 01/03/1998, que M. [G] a revendiqué une ancienneté remontant au 1er novembre 1995, celle-ci ayant une incidence sur le calcul des indemnités qui peuvent lui être dues dans le cadre de la contestation du licenciement, en particulier pour l'indemnité de licenciement. Le litige dont est saisi la cour concerne donc non l'exécution, mais la rupture du contrat de travail, l'action ayant été engagée dans le délai précité de douze mois. La demande de M. [G] n'est donc pas prescrite.

-Sur la reprise d'ancienneté

En vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article 1315 du code civil ancien dispose qu'il incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

Le contrat de travail du 01/03/1998 signé avec la SARL SDLM ne comporte aucune clause de reprise d'ancienneté. Le contrat du 12/10/2009 conclu avec la SA SEMN n'en comporte pas plus.

La SA SEMN admet cependant avoir repris l'ancienneté du salarié au 01/03/1998, qu'elle a fait figurer sur les bulletins de paie, et avoir versé la prime conventionnelle afférente depuis cette date.

En l'absence de clause de reprise d'ancienneté dans le contrat de travail, il appartient à M. [G] de prouver la volonté claire et non équivoque de l'employeur de prendre en compte l'expérience professionnelle du salarié lors de son engagement.

Le salarié fait valoir en premier lieu des mutations internes dans le cadre du groupe. S'il ressort des extraits de registre du commerce versé aux débats, que M. [L] est président directeur général de la SA SEMN, gérant de la SARL SLDM, ainsi que des sociétés CL2 et NOVIDRI, et gérant par ailleurs de plusieurs SCI, ces éléments sont insuffisants à établir l'existence d'un groupe d'entreprise liés par des rapports capitalistiques, ou encore la possibilité d'une permutation du personnel avec d'autres entreprises ayant une activité similaire. Ces liens ne peuvent pas plus se déduire de la production par la SA SEMN du contrat de travail de M. [G] avec la SARL SEDM, ou encore des fiches d'aptitudes en 2010.

En second lieu, M. [G] invoque le paiement de la prime d'ancienneté par la SARL SEDM. Il produit à cet égard le bulletin de paie du mois de novembre 1998 faisant apparaître le paiement de ladite prime. Il invoque les stipulations de l'article 32 de la convention collective nationale d'ameublement du 31/05/1995, qui prévoit une prime de 3% du salaire minimum conventionnel après 3 ans d'ancienneté dans l'entreprise.

Toutefois, les bulletins de paie postérieurs établis par la SARL SLDM ne sont pas versés aux débats par M. [G].

De plus, l'employeur produit un bulletin de paie de la SARL SLDM du mois de décembre 2017 qui ne comporte pas l'indication du paiement de la prime d'ancienneté.

Il s'ensuit qu'en l'état du seul bulletin de paie produit, de l'absence de preuve du paiement de la prime d'ancienneté durant l'ensemble de la relation de travail auprès de la SARL SLDM, et de tout autre élément probant, M. [G] ne démontre pas la volonté de celle-ci de reprendre son ancienneté. En outre, le paiement de la prime d'ancienneté par la SA SEMN après la conclusion du contrat de travail du 12/10/2009 démontre sa volonté de prendre en compte l'expérience professionnelle du salarié au 1er mars 1998, mais n'établit pas celle de valoriser son expérience au 1er novembre 1995. En effet, les bulletins de paie produits pour l'année 2015 montrent que l'employeur a appliqué le taux de 15 % du salaire de base pour la prime d'ancienneté, ce qui est cohérent avec la date d'ancienneté retenue (1998). Les bulletins des années antérieures permettant de vérifier l'évolution du taux de la prime ne sont pas versés.

Dès lors, les demandes de remise d'un certificat de travail modifié et de paiement d'un complément d'indemnité de licenciement doivent être rejetées. Le jugement est confirmé.

Sur la contestation du licenciement

La SA SEMN fait valoir un déni de justice, le premier juge n'ayant pas pris en compte les éléments apportés sur l'impossibilité de reclassement, et ayant de plus appliqué la loi du 8 août 2016 qui n'était pas en vigueur. Elle expose avoir été convaincue que l'inaptitude n'était pas d'origine professionnelle compte-tenu des courriers de la CPAM faisant notamment état d'une consolidation de l'état de santé de M. [G], qu'il ne subsistait aucune séquelle de la lombalgie, qu'en outre elle ne vend pas de marbre, que M. [G] est schizophrène et prend un traitement lourd, qu'il ne pouvait pas conduire d'engins motorisés, que le salarié a fait de la manutention par la suite, preuve que sa lombalgie était consolidée, qu'aucun poste de reclassement n'était disponible, que la vente de cuisines équipées suppose des connaissances techniques et juridiques d'un niveau BTS et suppose également de maîtriser le logiciel commercial, qu'aucun emploi ne pouvait être proposé à M. [G], qu'un reclassement externe a été recherché.

L'intimé soutient que l'inaptitude ne peut qu'être d'origine professionnelle, qu'il avait porté des charges lourdes toute la journée du 16/11/2015 (plan de travail, four encastrable), que les notions de consolidation et de guérison sont distinctes, que l'inaptitude est survenue immédiatement après plusieurs arrêts pour accident du travail, que la SA SEMN vend bien des plans de travail, qu'il ne souffre pas de schizophrénie, qu'il a toujours conduit dans sa vie privée, qu'il n'a pas porté de charges lourdes par la suite, que l'employeur n'a pas consulté les délégués du personnel, ni le médecin du travail et ne justifie pas d'une recherche sérieuse de reclassement, qu'un poste d'entretien a été pourvu le 21/06/2016.

Au préalable, l'article 4 du code civil dispose que le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Contrairement à ce que soutient vainement la SA SEMN, le conseil de prud'hommes a statué sur toutes les prétentions dont il était saisi et a motivé sa décision conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Sur ce, les règles protectrices prévues par les articles L.1226-6 et suivants du code du travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie.

Il ressort des documents versés les éléments qui suivent :

-le salarié a été pris en charge par le service des urgences le 16/11/2015 pour une douleur rachidienne mécanique, le certificat faisant état d'une douleur lombaire basse majorée par les mouvements du tronc et du diagnostic d'un lumbago, étant précisé pour les circonstances : «sur son lieu de travail effort de soulèvement suivi d'une douleur lombaire basse fulgurante»,

-l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail le 17/11/2015 en indiquant «en voulant charger un four, s'est fait mal au dos»,

-le salarié a été en arrêt pour accident du travail du 17/06/2015 au 23/03/2016, sans discontinuité,

-la fiche d'aptitude dressée le 21/03/2016 à l'occasion de la visite de reprise comporte l'indication «accident du travail(arrêt + de 30 jours)», le salarié étant déclaré inapte, le médecin indiquant «Seul un poste ne nécessitant pas de manutention manuelle de charge excédent 25 kilos est envisageable»,

-l'avis du 07/04/2016 confirme l'inaptitude du salarié au poste de manutentionnaire livreur, «seul un poste ne nécessitant pas de manutention manuelle de charge excédent 25 kilos est envisageable»,

-le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie a estimé l'état de santé du salarié consolidé au 20/03/2016, par ailleurs la caisse a notifié à l'employeur le 27/04/2016 sa décision de refus de prise en charge d'une demande d'indemnisation temporaire d'inaptitude.

Il ressort de ces pièces que les arrêts de travail n'ont pas été interrompus depuis l'accident du travail du 16/11/2015, M. [G] n'ayant jamais repris son emploi. En outre, le refus par la caisse primaire d'assurance-maladie de prendre une charge une demande d'indemnité temporaire d'inaptitude, outre qu'il ne lie pas la cour, permet de déduire que M. [G] a souhaité rattacher l'inaptitude à ses conditions de travail, ce que ne peut ignorer l'employeur destinataire de la notification avant le licenciement.

La SA SEMN invoque que l'état de santé de M. [G] était consolidé. Il convient de rappeler que la date de consolidation fixe le moment à partir duquel l'état de la victime n'est plus susceptible d'être amélioré d'une façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié. Cette information est sans rapport avec la question de l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Enfin, la contre-indication du médecin du travail relative au port de charges de plus de 25 kg ne peut qu'être en lien avec la lombalgie survenue à l'occasion des conditions de travail. A cet égard, la SA SEMN invoque une prétendue maladie psychiatrique du salarié en se fondant principalement sur l'attestation de Mme [L], laquelle est contredite par les certificats médicaux versés par M. [G] selon lesquels il ne souffre d'aucune pathologie de type psychotique. Le salarié admet avoir rencontré des problèmes de santé à partir de 2005. Cependant, il a été déclaré apte, selon les avis adressés à la société SLDM, produit par l'appelante, en 2007 et 2009, ces avis faisant état d'une contre-indication à la conduite de véhicule, mais ne comportant pas de restrictions quant au port de charges.

Compte-tenu de ces éléments, il existe un lien au moins partiel entre l'accident du travail et l'inaptitude à l'emploi de manutentionnaire occupé par M. [G], dont l'employeur avait connaissance. M. [G] est donc bien fondé à se prévaloir de l'application de la législation protectrice des risques professionnels, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Selon les dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il lui incombait de procéder à la consultation préalable des délégués du personnel, laquelle s'impose même en cas d'impossibilité de reclassement. Pour ce seul motif, faute de justification de la consultation des délégués du personnel ou du versement d'un procès-verbal de carence régulièrement établi, le licenciement s'avère dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

Au terme des dispositions de l'article L1226-15 du code du travail dans leur version applicable au litige, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.

Le salarié est bien fondé à solliciter paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis en vertu de l'article L1226-14 précité qui dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Le premier juge a fixé avec pertinence le montant de l'indemnité spéciale de licenciement due en vertu de l'article L1226-14 du code du travail à la somme de 8.865,01 €, M. [G] ayant été débouté de ses prétentions relatives à la reprise d'ancienneté.

S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, elle était exactement fixée à la somme de 3.387,90 €. M. [G] produit la reconnaissance de travailleur handicapé du 22/12/2014 et invoque, sans les citer, les dispositions de l'article L5213-9 du code du travail, qui toutefois, ne sont pas applicables à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14. Sa demande de rappel d'indemnité ne peut donc pas prospérer.

En outre, l'indemnité prévue par l'article L1226-14 précité, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et dès lors n'ouvre pas droit à congés payés. Il convient de débouter M. [G] de sa demande à cet égard. Le jugement est infirmé sur ce point.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte-tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [G] (1.693,95 €), de son âge (49 ans), de son ancienneté (18 ans et deux mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, M. [G] ayant trouvé un emploi de gardien concierge le 22/12/2017, il convient de fixer plus exactement l'indemnisation du salarié à la somme de 23.700 €.

En vertu de l'article L1226-12 alinéa 1 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

La SA SEMN ne justifie pas avoir notifié à M. [G] les motifs s'opposant à son reclassement avant l'engagement de la procédure de licenciement. Il en résulte une violation des dispositions de l'article L1226-12 du code du travail précité, qui cause au salarié un préjudice moral, qui sera plus exactement réparé par la somme de 1 500 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Outre que les prétentions du salarié sont fondées, il n'est justifié d'aucun abus du droit d'ester en justice. La demande doit être rejetée.

Sur les frais et dépens

Partie perdante, la SA SEMN supporte les dépens d'appel.

La SA SEMN qui succombe doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant confirmées.

Il convient de faire application de ce texte et d'allouer à M. [G] une indemnité de 2.000 € pour ses frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 4 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Tourcoing en ce qu'il a jugé que l'ancienneté de M. [H] [G] remontait au 1er mars 1998, jugé que l'inaptitude de M. [H] [G] est d'origine professionnelle, condamné la SA SEMN à payer à M. [H] [G] les sommes suivantes de 8.865,01 euros d'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle, 3.387,90 euros d'indemnité de préavis, 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté M. [G] du reste de ses demandes, débouté la SA SEMN de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée aux entiers frais et dépens,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

CONDAMNE la SA SEMN à payer à M. [H] [G] les sommes qui suivent :

-23.700 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1.500 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le défaut de notification des motifs du licenciement,

DEBOUTE M. [H] [G] de sa demande de congés payés sur la somme allouée de 3.387,90 €,

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la SA SEMN aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SA SEMN à payer à M. [H] [G] une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/01884
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.01884 ?
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