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29/04/2022 | FRANCE | N°19/01478

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 19/01478


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 329/22



N° RG 19/01478 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SOHZ



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

17 Juin 2019

(RG 18/00258 -section 4)











































GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [P] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



SAS AUCHAN HYPERMARCHÉ

[A...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 329/22

N° RG 19/01478 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SOHZ

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

17 Juin 2019

(RG 18/00258 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [P] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

SAS AUCHAN HYPERMARCHÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Anthony BRICE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 23 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25 Janvier 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[P] [G] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 février 1979 en qualité de chef de rayon par la société Auchan France.

A la date de son licenciement, il occupait l'emploi de contrôleur de gestion au sein du magasin de [Localité 5] de la société Auchan Hypermarché. Il percevait un salaire mensuel brut moyen de 4744 euros et était assujetti à la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

 

Il a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire notifiée par lettre remise en main propre le 5 février 2014 puis a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 février 2014 à un entretien le 21 février 2014 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 février 2014.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

« Vous occupez la fonction de contrôleur de gestion sur les magasins de [Localité 6] et de [Localité 5] depuis le 1er novembre 1983.

A ce titre, vous êtes membre du comité de direction du magasin et vous mettez en 'uvre, dans le cadre des politiques d'Auchan France, les décisions prises concernant les activités liées au contrôle de gestion.

Nous vous rappelons qu'en application de l'article L. 4122-1 du Code du travail, il appartient à chaque travailleur de prendre soin de la santé et de la sécurité des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

De ces dispositions générales, il résulte l'obligation pour chaque membre de l'encadrement de mettre en 'uvre des méthodes de management et plus généralement, d'adopter en toutes circonstances, un comportement propre à préserver la santé de ses collaborateurs et des autres salariés de l'entreprise avec lesquels ses fonctions le mettent en relation.

Ce faisant, il incombe donc à chaque membre de l'encadrement, de contribuer au respect de l'obligation de sécurité de résultat qui lie contractuellement l'entreprise à chacun de ses salariés et dont l'effectivité doit être assurée en permanence.

De plus, il résulte de l'article L. 1153-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir :

-des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

-ou quelque forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle.

L'enquête approfondie réalisée a mis en lumière des violations graves et répétées de ces différentes obligations.

Plusieurs collaboratrices du magasin dénoncent à votre sujet :

-une proximité physique anormale lors des échanges professionnels, et des attouchements, tels que votre main posée sur leur jambe ou sur leurs fesses, lors de ces mêmes échanges

-des regards insistants et gênants (et même méchants, lorsque les circonstances ne vous permettent pas d'être seul avec elles) ;

-des comportements qui démontrent que vous préméditez vos agissements, au besoin en attendant que les intéressées soient seules, en les suivant dans le magasin ou dans les réserves, ou en vous renseignant sur leurs horaires de travail.

Plusieurs témoins confirment vous avoir vu adopter un comportement particulier à l'égard des salariées qui se plaignent de votre comportement.

Il résulte des éléments en notre possession que vos comportements fautifs ont profondément affecté les salariées concernées.

A votre sujet, les phrases suivantes ont été prononcées par les intéressées : « à chaque fois, je suis tétanisée. Mon c'ur bat très fort. Quand je le vois arriver, je me cache en réserve ou dans les autres rayons » ; « j'ai peur d'aller travailler. J'ai peur de le croiser. Je suis très angoissée » ; « Je suis très gênée. Quand j'entends la sonnette, je sursaute. Il faut qu'il arrête » ; « J'ai peur de perdre ma place » ; « J'étais sous le choc » ; « Je baisse les yeux quand je le croise »).

Lors de votre entretien, vous avez nié ces faits, sans néanmoins expliquer de manière convaincante les raisons pour lesquelles les collaboratrices qui se plaignent de vous auraient inventé les faits qu'elles rapportent à votre sujet, et ce alors même qu'elles ne travaillent pas directement avec vous au quotidien.

De manière peu sérieuse, vous avez cru pouvoir vous limiter à affirmer péremptoirement que ces salariées seraient des personnes malveillantes.

Les faits qui vous sont reprochés rendent votre maintien dans l'entreprise impossible. »

Après deux radiations prononcées le 5 décembre 2016 et 25 septembre 2017, [P] [G] a réinscrit son affaire le 3 août 2018 au rôle du conseil de prud'hommes de Valenciennes afin d'obtenir un rappel de salaire et de primes, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 17 juin 2019, le Conseil de Prud'hommes, après avoir rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société, a débouté [P] [G] de sa demande et la société de sa demande de condamnation du salarié au paiement d'une amende civile et a condamné ce dernier au versement de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le 28 juin 2019, [P] [G] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt infirmatif définitif du 13 septembre 2021, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Douai a déclaré [P] [G] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de [Z] [E], [Y] [R], [S] [O], [W] [A] et [K] [T] et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 23 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 7 décembre 2021, [P] [G] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

- 2678,86 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire

- 267,88 euros au titre des congés payés y afférents

- 14232 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1423,20 euros au titre des congés payés y afférents

- 56928 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 270000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L1235-2 du code du travail

- 4744 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure

- 4656,13 euros de rappel de prime annuelle

- 576,57 euros de rappel au titre de la prime de progrès

- 4744 euros à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive de l'attestation Pôle Emploi,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête,

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la remise par la société de bulletins de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

L'appelant expose que la société n'a pas respecté l'exigence de simultanéité entre la notification de la mise à pied conservatoire et l'engagement de la procédure disciplinaire, qu'elle disposait des éléments nécessaires au déclenchement de la procédure disciplinaire, qu'il lui est impossible de légitimer le délai de cinq jours à compter de la notification de la mise à pied conservatoire pour adresser la convocation à entretien préalable, qu'il ne peut lui être imputé de faute grave, qu'il a été muté au sein du magasin de [Localité 5] le 1er Octobre 2010, après avoir passé presque trente ans dans celui de [Localité 6], que cette mutation reposait sur la nécessité de réorganiser la file « contrôle de gestion », que l'année 2013 a été particulièrement difficile d'un point de vue économique, avec d'importants changements en matière de gestion, qu'il lui est reproché, dans la lettre de licenciement, d'avoir commis des faits à l'occasion des rondes qu'il effectuait au sein du magasin, qu'à la fin du mois de Novembre 2013, la directrice du magasin lui a fait signer un avenant vidéosurveillance, qu'il était donc particulièrement surveillé, que conformément aux dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il doit profiter au salarié, que la société n'a pas respecté ces exigences, qu'elle l'a maintenu à son poste de travail au contact d'[S] [O] malgré la gravité des agissements qu'il aurait exercés sur la personne de celle-ci dès le mois de Janvier 2014, que la société disposait de tous les moyens pour trouver des preuves contre lui, que s'agissant du témoignage de [K] [T], employée du rayon textile, il existe une contradiction évidente entre les déclarations faites à l'huissier de justice et celles devant les services de police, que s'agissant du témoignage d'[S] [O], salariée en contrat de professionnalisation, aucun signalement n'a été fait, que s'agissant du témoignage de [R] [J], conseillère de vente en parapharmacie, aucun témoignage, extrait de vidéosurveillance ou appel aux services de sécurité n'a confirmé ses dires, que s'agissant du témoignage de [W] [A], elle se borne à indiquer que l'appelant la regardait de façon étrange, que les mêmes observations peuvent être faites s'agissant du témoignage de [X] [A], que la société a confié la direction de l'enquête à une responsable partiale, qu'à aucun moment elle n'a cru devoir saisir le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail aux fins d'enquête, que son licenciement est donc abusif, qu'étant âgé de cinquante-neuf ans au moment de son éviction, et justifiant de trente-cinq années d'ancienneté, la perte de son emploi, alors qu'il n'était qu'à quelques années de la retraite, lui a causé un important préjudice, qu'alors qu'il devait donc percevoir une prime annuelle équivalente au salaire forfaitaire de novembre 2013, soit 4688 euros, il n'a reçu que la somme de 31,87 euros, qu'il était également en droit de percevoir une prime de progrès qui ne lui a pas été versée, que l'attestation Pôle Emploi qui lui a été délivrée par son employeur est erronée.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 10 janvier 2022, la société AUCHAN HYPERMARCHÉ, intimée et appelante incidente, sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l'appelant au paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, la condamnation de ce dernier à une amende civile sur ce fondement du montant qu'il plaira à la cour de retenir, à titre subsidiaire, une plus juste appréciation des dommages et intérêts éventuellement dus à l'appelant au titre d'un licenciement qui serait dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'intimée soutient que l'appelant n'est pas fondé à contester le caractère conservatoire de la mise à pied qui lui a été notifiée le 5 février 2014, que dès lors que les faits ne nécessitent pas des investigations, la mise à pied conservatoire est régulière lorsqu'elle a été engagée dans un délai raisonnable, que ce dernier caractère n'est pas contestable si l'engagement de la procédure de licenciement a été retardé en raison d'investigations du fait de la nature des faits reprochés au salarié, que la procédure de licenciement de l'appelant a été engagée dans un délai raisonnable deux jours après la notification de la mise à pied à titre conservatoire, qu'une enquête de nature pénale a été diligentée, que dès lors que des faits de harcèlement sexuel sont établis, le licenciement prononcé pour faute grave en raison de ces faits est nécessairement justifié, que l'obligation de sécurité de résultat impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires et notamment le licenciement du salarié dont le comportement a eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, qu'est établie la matérialité des faits reprochés à l'appelant dont ont été victimes [K] [T], employée du rayon «textile», [S] [O], salariée en contrat de professionnalisation, [Y] [R], conseillère de vente en parapharmacie, [W] [A], lorsqu'elle travaillait au rayon «parapharmacie», que l'argumentation développée par l'appelant n'est pas de nature à contredire la réalité et la gravité de ces faits, que le droit d'agir en justice de l'appelant a dégénéré en abus, à titre subsidiaire, que l'indemnisation revendiquée, d'un montant de 270000 euros nets, correspond à près de 58 mois de salaire net, qu'elle est excessive, que les autres demandes ne peuvent prospérer du fait de la légitimité du licenciement.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L1332-3 du code du travail, que la mise à pied prononcée par l'employeur à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir doit être suivie immédiatement de l'engagement de la procédure de licenciement ; ou, à défaut, dans un délai raisonnable ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'appelant a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée le mercredi 5 février 2014 par la remise en main propre de la mesure ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du vendredi 7 février 2014, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement ; que dans cette lettre son employeur l'informait du maintien de la mesure conservatoire jusqu'à la décision découlant de l'entretien ; que le délai à prendre en compte pour déterminer la nature de la mise à pied est celui s'écoulant entre la date de notification de la mesure et celle de la date d'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable qui caractérise la mise en 'uvre de la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce il s'écoulé un délai inférieur à de deux jours ouvrables puisque la mise a pied a été notifiée le 5 février 2014 à 18 h 20 ; que ce délai étant manifestement raisonnable, cette mise à pied présente bien un caractère conservatoire ;

Attendu que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé ;

Attendu qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont des agissements répétés à l'encontre de [Z] [E], [Y] [R], [S] [O], [W] [A] et [K] [T], salariées de l'entreprise, consistant notamment en des attouchements répétés visant leur jambe ou sur leurs fesses, caractérisant un comportement prémédité à connotation sexuelle, ayant affecté psychologiquement les victimes ;

Attendu que selon l'arrêt infirmatif du 13 septembre 2021 de la neuvième chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Douai, l'appelant était prévenu d'avoir à Escaudoeuvres entre le 1er juin 2011 et le 1er février 2014 commis une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de [Z] [E], [Y] [R], [S] [O], [W] [A] et [K] [T], en procédant sur elles à des attouchements de nature sexuelle, notamment en leur touchant les fesses ou les cuisses, avec cette circonstance que les faits avaient été commis par une personne abusant de l'autorité conférée par ses fonctions ; que la cour, après avoir requalifié ces faits d'agression sexuelle et exclu la circonstance aggravante d'abus d'autorité, a déclaré l'appelant coupable de ces faits et lui a infligé une peine ; que pour retenir la culpabilité de celui-ci, la cour se fonde notamment sur les attouchements reprochés à ce dernier, sur le malaise suscité par ses frôlements des victimes ; qu'elle constate une attention démesurée de l'appelant, se traduisant par des tours en magasin durant les pauses méridiennes, à leurs conditions de travail sans rapport avec celle dont il faisait preuve à l'égard des autres membres du personnel et qui ne relevait pas des missions d'un contrôleur de gestion ; qu'elle souligne la connaissance par ce dernier de ce que les enregistrements de la vidéo-surveillance n'étaient conservés que quinze jours ; qu'elle conclut au défaut de conséquence de la partialité alléguée de la responsable des ressources humaines dans la conduite de son enquête, relevant au contraire que celle-ci avait tenté de dissuader [K] [T] de déposer plainte ;

Attendu que l'appelant ne peut contester la réalité des faits qui lui sont reprochés et qui sont visés dans la lettre de licenciement, puisqu'ils sont identiques à ceux pour lesquels il a été définitivement condamné par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Douai ;

Attendu que compte tenu de leur multiplicité et des répercussions qu'ils ont entraîné sur la santé mentale des victimes en particulier de [K] [T] qui a présenté un début de syndrome psycho traumatique avec troubles du sommeil, les agissements reprochés à l'appelant rendaient bien impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu que bien que sollicitant une somme au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement dans le dispositif de ses conclusions, l'appelant ne soulève dans ses écritures aucun moyen à l'appui de cette demande ;

Attendu que pour justifier le défaut de paiement de la prime annuelle au titre de l'année 2013 et de la prime de progrès sollicitées par l'appelant, la société se borne à objecter qu'elles n'étaient pas dues en raison de la légitimité de la rupture de la relation de travail ; que toutefois les dispositions de l'article 3.7 de la convention collective relatif à la prime annuelle n'écartent nullement le versement de celle-ci en cas de licenciement qui, en toute hypothèse, n'aurait pu influer que sur la prime au titre de l'année 2014 et non sur celle de l'année précédente ; qu'il convient en conséquence d'évaluer à 4656,13 euros le solde dû au titre de la prime annuelle conformément à l'article 3.7.3 de la convention collective ; que s'agissant de la prime de progrès sollicitée, l'appelant produit le bordereau de versement pour le trimestre comprenant les mois de décembre 2013 à février 2014, duquel il résulte qu'il a perçu la somme de 1229,18 euros ; que s'agissant de celle au titre du trimestre successif, la société n'était redevable d'aucune somme puisque la relation de travail était suspendue dès le 2 février 2014 et a été rompue le 26 février 2014 ;

Attendu que si l'attestation destinée au Pôle Emploi n'a été délivrée à l'appelant que le 15 mars 2014 alors que son licenciement lui avait été notifié par lettre recommandée le 26 février 2014, il se prévaut d'un préjudice nécessaire sans apporter la moindre précision au dommage qu'il a pu subir du fait du retard au demeurant modeste affectant la délivrance de cette pièce ; qu'il n'indique pas non plus l'erreur que l'employeur a pu commettre lors de l'établissement de ce document ; qu'en revanche il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de paye conforme ;

Attendu en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, que l'appelant n'a pas agi de manière dilatoire ou abusive ; qu'en effet le tribunal correctionnel de Cambrai dont le jugement a été ultérieurement infirmé, l'avait relaxé le 1er septembre 2020 de l'infraction pour laquelle il était poursuivi et qui était constituée des faits visés dans la lettre de licenciement ; qu'en outre, il pouvait au moins solliciter une requalification de la faute grave en licenciement pour une cause réelle et sérieuse ; qu'enfin il était en droit de solliciter un rappel de prime annuelle ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer devant le conseil de prud'hommes et en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

CONDAMNE la société AUCHAN HYPERMARCHÉ à verser à [P] [G] 4656,13 euros à titre de rappel de prime annuelle,

DIT que les intérêts courront à compter de la date de réception de la requête par la juridiction prud'homale conformément à l'article L1231-7 alinéa 2 du code civil,

ORDONNE la remise d'un bulletin de paye conforme par la société AUCHAN HYPERMARCHÉ à [P] [G],

DÉBOUTE [P] [G] du surplus de sa demande,

CONDAMNE la société AUCHAN HYPERMARCHÉ à verser à [P] [G] 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,

CONDAMNE la société AUCHAN HYPERMARCHÉ aux dépens.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/01478
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.01478 ?
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