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29/04/2022 | FRANCE | N°19/01198

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 29 avril 2022, 19/01198


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 681/22



N° RG 19/01198 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SLGS



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bethune

en date du

03 Mai 2019

(RG 18/00067 -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Société ROQUETTE FRERES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Pierre LEBRUN, avocat au barreau de LILLE...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 681/22

N° RG 19/01198 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SLGS

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bethune

en date du

03 Mai 2019

(RG 18/00067 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Société ROQUETTE FRERES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Pierre LEBRUN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [X], [T] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Anne POLICELLA, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Baptiste COISNE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 01 Décembre 2021

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 28 Janvier 2022 au 29 Avril 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Novembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La SA ROQUETTE FRERES qui est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits à base d'amidon et de ses dérivés, emploie habituellement plus de 10 salariés, et applique la convention collective nationale des industries chimiques et connexes, a engagé à compter du 18/12/1995 M. [X] [H] né en 1974. En dernier lieu, M. [H] exerçait le poste d' «application scientist ».

Une lettre de recadrage a été adressée au salarié le 20/04/2016 faisant état de manquements relatifs à l'activité et à la sécurité des personnes.

Après convocation par lettre du 30/03/2017 à un entretien préalable à licenciement fixé au 10/04/2017, l'employeur a notifié au salarié son licenciement par lettre du 27/04/2017 aux motifs suivants :

«[...] Préalablement, je vous rappelle :

' qu'il incombe à chaque salarié, en fonction de sa formation, de prendre soin de la santé et de la sécurité des autres salariés avec lesquels il travaille et qui peuvent être concernés par ses actes ou ses omissions,

' cette obligation de sécurité et de santé porte notamment sur la santé mentale,

' qu'à travers votre rôle et vos responsabilités, vous ne pouvez ignorer ces règles compte tenu qu'elles exigent une exemplarité sans faille,

' notre code de conduite page 8 « nous exerçons nos fonctions avec respect et solidarité vis-à-vis de nos collègues »

Malheureusement, Monsieur [H], nous avons à constater un manquement grave à ces obligations.

En effet, une nouvelle fois, vous avez pu adopter de nouveaux comportements agressifs à l'égard, soit de vos collègues, soit de votre manager.

C'est ainsi que nous apprenons en février et mars que vous tenez des propos violents, agressifs et virulents, prenant parfois la liberté de partager dans les couloirs votre mécontentement.

Parmi ces propos, je cite « tu l'as vu mon 'il ' » ; propos tenus à l'encontre de votre manager avec agressivité en vous penchant de façon menaçante au-dessus de son bureau.

Inutile d'indiquer que ce comportement violent, irrespectueux, voire humiliant, est intolérable d'autant plus qu'il est exercé à l'encontre de votre responsable hiérarchique.

Nous pouvons aussi évoquer l'entretien agressif que vous avez eu avec une collaboratrice en janvier 2016 : « j'ai un problème de discipline, et là ça va se régler à la DRH et si tu ne veux plus parler, ça va mal se passer pour toi ; je suis ton responsable et tu partiras quand j'ai décidé, je te le dirai »

Nous apprendrons également dans le cadre de ce témoignage, un autre moment d'agression verbale qui s'est déroulé en fin d'année 2015.

Enfin, nous citerons aussi le désespoir d'une collaboratrice en CDD qui, arrivant en fin de contrat, nous a alerté sur sa volonté de quitter votre secteur. Ces explications sont sans réserve, elle évoque une agression verbale dont elle a fait l'objet du fait d'un retard à son poste de travail de « 20 mn » ; craignant depuis des représailles de votre part.

Là encore, un tel comportement est générateur de troubles dans l'équipe dont pourtant vous avez la charge.

Vous comprendrez, Monsieur [H], que de tels comportements sont inacceptables.

Votre ancienneté de 21 ans ne suffit plus à accepter une quelconque tolérance de notre part.

D'autant plus, je vous rappelle que vous avez déjà été sanctionné et recadré pour des faits similaires en 2015 et 2016 ; votre encadrement vous ayant même alerté à travers des mails, vos EIA et entretien de performance, sur le fait que vos excès de colère ne pouvaient plus être acceptés.

Malheureusement, au lieu de trouver les solutions pour améliorer la situation, vous persistez dans un comportement de plus en plus violent et agressif, rendant impossible le maintien de nos relations de travail.

Pourtant, après avoir pris la précaution de vérifier la tenue de vos propos, nous sommes en capacité d'attester votre comportement que vous cherchez à minimiser. Les relations de travail dans votre secteur se trouvent tendues, dans un climat d'inquiétude face à vos élans de colère et de mécontentement tout aussi imprévisibles que générateurs de troubles.

Lors de l'entretien préalable, vous avez prétendu que vous n'aviez pas agressé verbalement votre collaboratrice en CDD et vous ne comprenez pas sa crainte de représailles. Vous n'avez pas souhaité revenir sur les autres évènements qui vous ont été reprochés.

Vous l'aurez compris, vos explications ne suffisent pas à modifier notre appréciation de la situation qui relève de votre propre comportement.

Contraire à notre code éthique, à nos valeurs, il nous conduit à vous notifier votre licenciement pour violence verbale, vexatoire, irrespectueuse et génératrice de troubles au sein de votre service[...]».

Estimant le licenciement infondé, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune par requête du 02/03/2018.

Par jugement du 30/05/2019 le conseil de prud'hommes a :

-dit et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société ROQUETTE FRERES au paiement des sommes de 50.000 € au titre de l'indemnité de l'article L1235-3 du code du travail et 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société ROQUETTE FRERES de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration reçue le 16/05/2019, la société ROQUETTE FRERES a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions récapitulatives du 14/01/2020, la SA ROQUETTE FRERES demande à la cour de :

-la dire recevable et bien fondée en son appel ;

A titre principal,

-infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Béthune du 3 mai 2019, en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [H] était dénué de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée aux sommes suivantes :

-50.000 euros au titre de l'indemnité de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

-2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces points :

-dire et juger que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse;

-débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes ;

-condamner M. [H] à lui payer la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Au surplus

-Condamner M. [H] au versement de la somme de 3.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

A titre subsidiaire,

-réduire les demandes de M. [H] à de plus justes proportions.

Selon ses conclusions récapitulatives d'intimé reçues le 29/10/2019, M. [X] [H] demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Béthune du 3 mai 2019 sauf en ce qu'il a fixé le montant des dommages-intérêts alloués à la somme de 50.000 €;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

-condamner la société ROQUETTE FRERES à lui payer les sommes suivantes :

-100.000,00 € au titre de l'indemnité de l'article L1235-3 du code du travail,

-3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société ROQUETTE FRERES aux entiers dépens d'appel.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 10/11/2021.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites et soutenues oralement dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la prescription

Au préalable pour contester le licenciement, M. [H] invoque la prescription des faits fautifs.

L'appelante indique que le comportement du salarié a été dénoncé par plusieurs salariés (Mme [O], Mme [P]) après une agression verbale envers une collaboratrice en CDD, Mme [Z], le 9 février 2017 qui s'en ouverte à sa hiérarchie (Mme [G]), que les faits ne sont pas prescrits, que les faits concernant Mme [Z] ont été portés à la connaissance de Mme [G] le 10/02/2017, à la suite de quoi les collègues de travail ont pris conscience qu'il fallait agir et dénoncer les faits subis, que Mme [P] a avisé sa hiérarchie en mars 2017.

En réplique, M. [H] expose que les faits reprochés ne sont pas datés ou remontent aux années 2015 et 2016, que les faits allégués par Mme [O] le 27 février 2017 sont prescrits.

L'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

L'employeur verse le courriel du 10/02/2017 de Mme [A] [Z] adressé à Mme [L] [G] indiquant «[...] je reviens vers vous pour un problème relationnel grave avec M. [X] [H] le 09/02/2017 avec qui je travaille ponctuellement pour une étude. J'ai été agressée verbalement avec un manque de respect total car j'avais pris mon poste avec 20 min de retard, c'est-à-dire 9h20. J'en ai informé ma hiérarchie, c'est-à-dire ma N+1 [J] [R] ainsi que que ma N+2 [F] [P]. A ce jour, je crains fortement des représailles concernant ma candidature en cdi [...] ».

Le courriel de Mme [Y] [O] adressé à Mme [G] du 27/02/2017 fait état d'un entretien avec M. [H] en janvier 2016 dans lequel elle met en cause le comportement de M. [H]. Enfin, Mme [F] [P] écrit le 20/03/2017 à M. [N] [M] et à Mme [G] pour leur faire part du comportement inadapté de M. [H] à son égard le 23/01/2017, à l'occasion d'une réunion. Un courriel complémentaire du 22/03/2017 vient relater les rappels à l'ordre oraux ou écrits effectués en 2015.

L'employeur justifie ainsi n'avoir été pleinement informé des plaintes de Mme [Z] et de Mme [O] qu'à l'occasion de leurs courriels précités des 10/02/2017 et 27/02/2017. Mme [P] a pour sa part signalé le 20/03/2017 le comportement du salarié du 23/01/2017. S'il ressort notamment de l'entretien d'évaluation de 2015 que le comportement de M. [H] est connu, l'employeur peut prendre en compte des faits antérieurs au délai de deux mois dans la mesure où le comportement s'est poursuivi. L'action disciplinaire ayant été engagée le 30/03/2017, les faits ne sont pas prescrits.

Sur la contestation du licenciement

L'appelante expose que le comportement de M. [H] était agressif, irrespectueux et intolérable, au travers de propos virulents tant à l'encontre de sa hiérarchie que de ses collègues et subordonnés, que Mme [P] a subi ses colères et agressions verbales depuis janvier 2015, que M. [H] a fait l'objet de plusieurs remarques à cet égard, que les entretiens d'évaluations font état d'un comportement inapproprié, que les éléments adverses produits démontrent le comportement impulsif de l'intéressé, qu'aucune souffrance au travail n'est avérée, qu'il a été de faire bénéficier à l'intéressé d'une aide pour maîtriser son comportement ce qui n'a pu être fait en temps utile.

L'intimé expose que la lettre de licenciement ne fait pas état des propos qui auraient tenus à Mme [Z] le 9 février 2017, et qui sont contestés, que Mme [Z] qui devait prendre son poste à 8h30 était en train de discuter à 9h20, mais qu'il ne lui a pas parlé avec agressivité, qu'aucune mesure n'a été prise par l'employeur avant le 30 mars 2017, que Mme [P] ne l'a jamais sanctionné, et n'a pas alerté l'employeur, que la lettre de recadrage du 20 avril 2016 est sans lien avec les motifs du licenciement, qu'il conteste avoir été l'auteur de violences verbales ou d'agressions à l'encontre de collègues de travail ou de supérieurs hiérarchiques, qu'il reconnaît cependant des lacunes en matière de communication en raison des difficultés rencontrées à son poste de travail, aucune difficulté n'étant survenue avant 2015, qu'en 2014 il encadrait une équipe de trois personnes, ses fonctions lui ayant été retirées en 2016, que du personnel lui a été confié en fonction des études à réaliser avec obligation de rendre des comptes à Mme [R], qui se trouvait à un positionnement hiérarchique équivalent, qu'une autre salariée (Mme [I]) a quitté la société en raison d'une souffrance au travail, qu'en définitive il était très investi dans son rôle de manager d'équipe, et qu'il n'a jamais adopté un comportement délibérément agressif ou malveillant.

Il ressort de la lettre de licenciement du 27/04/2017 que l'employeur reproche à M. [H] les faits qui suivent :

-tenue en février et mars de propos violents, agressifs et virulents, parfois dans le couloir, parmi lesquels « tu l'as vu mon 'il '», à l'encontre de son manager, avec agressivité, en se penchant de façon menaçante au-dessus de son bureau,

-un entretien agressif avec une collaboratrice en janvier 2016 et les propos qui suivent:

« j'ai un problème de discipline, et là ça va se régler à la DRH et si tu ne veux plus parler, ça va mal se passer pour toi ; je suis ton responsable et tu partiras quand j'ai décidé, je te le dirai », outre un autre moment d'agression verbale qui s'est déroulé en fin d'année 2015,

-le désespoir d'une collaboratrice en CDD en fin de contrat faisant état d'une agression verbale dont elle a fait l'objet du fait d'un retard à son poste de travail de 20 mn, craignant depuis des représailles du salarié.

-en définitive un comportement persistant, violent et agressif, et des élans de colère et de mécontentement tout aussi imprévisibles que générateurs de troubles.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

S'agissant du premier grief, l'employeur se réfère aux courriels de Mme [P] du 20/03/2017 et du 22/03/2017 selon lequel M. [H] s'est rendu le 23/01/2017 dans son bureau, furieux de n'avoir pas été convié à une réunion réunissant les « team leaders », qu'il s'est emporté, s'est penché de façon menaçante au dessus de son bureau en montrant son 'il et disant « tu l'as vu mon 'il », les éclats de voix s'entendant dans le couloir, le salarié l'implorant le lendemain de ne pas prévenir sa hiérarchie, Mme [P] indiquant y réfléchir.

Sur ce point, M. [H] indique avoir eu un désaccord avec Mme [P] relativement au départ d'une autre salarié et avoir dit « mon 'il », mais conteste toute menace. Si le détail de la conversation n'est pas exactement précisé, le récit concordant de Mme [P], bien qu'effectué par courriel, permet d'établir que le salarié a fait preuve de virulence et d'un manque de maîtrise lors d'une conversation avec Mme [P]. Le grief est établi.

S'agissant de l'entretien agressif avec une collaboratrice en janvier 2016, l'employeur se réfère au courriel de Mme [O] du 27/02/2017, indiquant que M. [H] a crié dans son bureau, s'est exprimé « toujours dans les cris et une posture supérieure » et lui disant : « j'ai un problème de discipline » ; « et là ça va se régler à la DRH » ; « et si tu ne veux plus parler, ça va mal se passer pour toi «  ; « je suis ton responsable » ; « et tu partiras quand j'ai décidé, je te le dirai», la salariée partant ensuite sans dire un mot. M. [H] conteste les faits et les estime prescrits. Si la révélation des faits par [O] paraît tardive, la relation circonstanciée des faits dans le courriel permet de caractériser le grief, le salarié ayant fait preuve d'un ton excessif et d'un comportement inapproprié.

S'agissant de Mme [Z], l'employeur invoque le courriel de cette dernière, qui indique avoir été « agressée verbalement avec un manque de respect total car j'avais pris mon poste avec 20 min de retard, c'est à dire 9h20 ». Toutefois le courriel ne relate pas précisément les propos tenus par M. [H].

En outre, il ressort du dossier syndical du salarié, c'est-à-dire des comptes-rendus d'entretien dressés par M. [E] [S], que « [V] lui fait la remarque qu'elle ferait mieux de commencer sans être trop vindicatif », puis que « [F] convoque les 2 protagonistes le vendredi dans son bureau et elle en tire les mêmes conclusions que [V], elle ne doit pas commencer en retard un travail qui lui est demandé », et enfin « le lundi Th. FERON + [F] + [V] se rencontrent dans le bureau de [N] pour lui reprocher son agressivité envers [A]... ce qui est démenti ». Compte-tenu de ces éléments contradictoires, un doute subsiste quant à la réalité d'une agression verbale commise par M. [H] à l'encontre de Mme [Z]. Le grief n'est pas démontré.

Enfin les nombreux courriels de Mme [P] afférents au comportement de M. [H], évoquant « une colère monstre » (30/01/2015), attendant une amélioration du comportement de M. [H] (03/04/2015), évoquant une colère (28/09/2016) en expliquant « tu peux exprimer ton désaccord à une décision prise, à condition de mesurer tes propos, ne pas parler sous le coup de la colère[...] » permettent d'établir les élans de colère reprochés par l'employeur. Le grief est donc démontré.

L'employeur démontre en conséquence le 23/01/2017 des propos virulents et un manque de maîtrise lors d'une conversation avec Mme [P], un ton excessif et un comportement inapproprié en janvier 2016 avec Mme [O], et de nombreuses colères non maîtrisées en 2015.

Il ressort de l'entretien individuel annuel du 04/12/2015 qu'il est demandé à M. [H] de conforter la gestion de ses émotions, d'apprendre à ne pas réagir avec impulsivité, précisant « il est important que [X] maîtrise mieux sa communication verbale, maladroite ou familière qui peut parfois être considérée comme impertinente voire agressive ». Il s'agit pour l'essentiel du seul reproche fait à M. [H], dont il est souligné par ailleurs qu'il est « très ouvert et à l'écoute des autres avec un fort sens du service », que « l'enthousiasme est souvent présent », que « sa réactivité est excellente », qu'il se rend très disponible et s'investit beaucoup notamment dans son rôle de manager d'équipe et aussi dans les nouvelles missions qui lui sont confiées, qu'il est souvent force de proposition, qu'il a « à c'ur de faire progresser ses collaborateurs ». Le document « performance management » du 30/01/2017, non signé par le salarié, indique que l'année est surtout marquée par un comportement inapproprié et inacceptable, et souligne qu'il est indispensable que M. [H] « corrige le tir au plus vite ».

Des entretiens effectués avec M. [S], il ressort que M. [H] est un « écorché vif », ayant suivi une psychothérapie (09/11/2016), qu'un entretien a eu lieu avec Mme [G] le 10/11/2016, cette dernière indiquant qu'elle connaît la situation, qu'elle estime que son comportement « à esclandres dans les couloirs » est inacceptable, que pour autant « [X] est une valeur ajoutée pour le P12, que sa hiérarchie apprécie notamment ses avis et propositions innovantes et sa polyvalence ». A cette occasion, est suggéré une piste d'amélioration (proposée à une autre salariée Mme [J] [R], un « coaching comportemental et communication »).

Enfin, il est évoqué que Mme [G] demande à Mme [P] d'être plus « plus soft et plus communicante. Faire des des efforts de com' ».

Il ressort des comptes-rendus que M. [H] adhère à cette solution et s'engage à modifier son comportement (« ne plus partir en vrille en public) » le 10/11/2016. Le représentant du personnel indique par la suite que Mme [G] est en arrêt de travail pour deux mois et que « le dossier n'évolue pas car personne n'a repris la suite ». Aucune démarche d'accompagnement pour le comportement n'a donc été entreprise.

En outre l'entretien initial du 04/11/2016 fait état des plaintes du salarié, se sentant mis à l'écart, se posant la question de sa place dans l'organisation et indiquant qu'il doit faire viser ses rapports préalablement par une collègue (Mme [R]), alors qu'il assurait auparavant le management de son équipe ensuite placé sous la responsabilité de cette dernière. Le courriel du 30/08/2016 conforte cet élément : une étude est confiée à un salarié ([C]) placé sous la responsabilité de M. [H], qui doit cependant faire « un retour sur la performance de [C] » à [J]. Aucun élément afférent à l'organisation et au positionnement de chacun n'est apporté par l'employeur.

En dernier lieu, il ressort de l'attestation de Mme [W] [I] que M. [H] à plusieurs reprises a fait part de son incompréhension de la nouvelle organisation et de la difficulté qu'il avait à maintenir son activité compte tenu du traitement qui lui était réservé, et plus généralement de son mal être au travail. Elle précise que M. [H] est une personne entière, impliquée dans la vie de l'entreprise, qui communique de manière spontanée et pas toujours maîtrisée, qu'il n'a sur ce point jamais bénéficié de moyens pour progresser bien que ce point lui ait été reproché, ajoutant qu'il a fait beaucoup d'effort pour s'améliorer, et l'a même sollicitée en amont pour préparer des réunions et vérifier si son intervention était correcte.

Il suit de ces éléments que si deux griefs sont établis et que les réactions de colère de M. [H] sont avérées, il n'en reste pas moins que l'employeur est informé depuis 2015 de cette situation, pour laquelle le salarié n'a jamais été sanctionné.

En outre des solutions d'accompagnement ont été envisagées, pour résoudre une problèmatique cernée par l'employeur, mais non mises en 'uvre. Il en résulte que les faits reprochés ne sont pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail, cette sanction s'avérant manifestement disproportionnée. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

L'appelante indique que M. [H] ne justifie pas de son préjudice, que la décision du premier juge n'est pas motivée, qu'il a retrouvé un emploi en janvier 2019.

Au titre de son appel incident, M. [H], expose qu'il a été pris en charge tardivement par le Pôle emploi et qu'il a retrouvé un emploi à duré déterminée.

En vertu de l'article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable, compte-tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] (4.094 €), de son âge (43 ans), de son ancienneté (21 ans et 6 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, de la perception de l'aide au retour à l'emploi à compter du 09/03/2018, d'un emploi à durée déterminée le 24/04/2019 pour une rémunération brute de 3.846,15 €, le premier juge a fait une exacte appréciation de la réparation du préjudice résultant de la perte de l'emploi en allouant à M. [H] une indemnité de 50.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est donc confirmé.

Sur les autres demandes

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées. Il convient d'allouer à M. [H] pour ses frais irrépétibles exposés en appel une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La SA ROQUETTES FRERES sera déboutée de sa demande à ce titre.

Succombant, elle supporte les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré du 3 mai 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA ROQUETTE FRERES à payer à M. [X] [H] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SA ROQUETTE FRERES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA ROQUETTE FRERES aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/01198
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.01198 ?
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