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29/04/2022 | FRANCE | N°19/00950

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 19/00950


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 334/22



N° RG 19/00950 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJKQ



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

11 Mars 2019

(RG F17/00176 -section 4 )




























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GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANTE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 334/22

N° RG 19/00950 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJKQ

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

11 Mars 2019

(RG F17/00176 -section 4 )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS :

M. [B] [I]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par Me Olivier CINDRIC, avocat au barreau de LILLE, assisté de

Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS,

Me [P] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ARTMADIS

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Benjamin DESAINT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me GAUME, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :à l'audience publique du 22 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 Novembre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

[B] [I] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 février 1995 par la société ARTMADIS.

En vertu d'un avenant en date du 5 août 2013, il a été affecté au poste de délégué commercial avec une rémunération fixe d'un montant annuel brut de 43375,32 euros et une partie variable composée d'une prime sur objectifs à atteindre entre 0 à 20% de la rémunération annuelle brute.

Dans le cadre d'une première procédure pour licenciement pour motif économique engagée le 10 décembre 2013, l'autorisation de licenciement exigée du fait des mandats de membre titulaire du comité d'entreprise, de délégué du personnel et de membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail détenus par le salarié a été refusée par l'inspection du travail par décision en date du 12 mars 2014. Le 17 mars 2014, la société ARTMADIS a néanmoins engagé une nouvelle procédure de licenciement pour motif économique qui n'a pas davantage prospéré puisque l'inspection du travail a émis un nouveau refus le 20 juin 2014. Le 26 novembre 2014, ce service qui avait été saisi par la société une troisième fois, le 10 octobre 2014, d'une demande d'autorisation de licenciement, l'a de nouveau refusée.

Par courrier du 2 juin 2015 la société ARTMADIS a confirmé la nouvelle affectation de [B] [I] au poste de responsable du développement commercial au sein de la BU Nouveaux Marchés, arguant de son absence de réponse à la proposition transmise le 25 avril 2015.

A la suite d'un arrêt de travail pour maladie, le salarié a été convoqué à une visite médicale de reprise le 22 juin 2015. Le médecin du travail a conclu le 25 juin 2015 à son inaptitude temporaire à occuper son poste puis, à la suite d'un nouvel arrêt de travail du 22 juin au 26 juillet 2015, il a émis, le 28 juillet 2015, un avis d'aptitude.

[B] [I] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 octobre 2016 à un entretien le 14 novembre 2016 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 novembre 2016.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous avez été embauché par la société ARTMADIS en date du 20 février 1995 et avez exercé jusqu'au 24 avril 2015 la fonction de Délégué commercial GMS statut cadre niveau VII' échelon 2 selon la convention collective nationale du commerce de gros.

Le 25 avril 2015, nous vous avons proposé un nouveau poste de Responsable de développement des ventes au sein de la BU GSS, que vous avez accepté.

Votre prise de poste a eu lieu le 4 février 2016.

À cette occasion, il vous a été rappelé les principales missions attachées aux fonctions de Responsable de développement des ventes à savoir :

- participer à la définition de la politique commerciale et à sa mise en 'uvre :

- analyser le marché

- construire les argumentaires de vente et de positionnement produits

- construire et mettre en 'uvre l'animation commerciale

- prospecter et ouvrir de nouveaux comptes GSS y compris CHR :

- identifier les potentiels sur l'ensemble du territoire

- élaborer les plans d'actions à l'attention de ces prospects

- identifier les principaux acteurs/contacts et obtenir les premiers rendez-vous

- assurer de façon hebdomadaire un reporting fiable et efficace

- mettre en 'uvre toutes les actions favorisant le développement du chiffre d'affaires

- prendre en charge le développement de l'activité commerciale aux DOM TOM.

En outre, afin de faciliter votre prise de poste, vous avez suivi un parcours dit «d'intégration», lequel vous a permis de rencontrer les principaux interlocuteurs de la société.

L'objectif de cette prise de contact était de vous permettre d'actualiser vos connaissances ainsi que de vous donner toutes les informations utiles et tous les moyens nécessaires à la réalisation de votre mission, tant au sujet des produits du marché et des clients que sur les procédures (informatiques, comptabilité, contraintes liées aux préparations et expéditions, procédure de prise de commandes) et les politiques de l'entreprise.

Le 12 avril 2016, soit deux mois après le début de votre prise de poste votre responsable hiérarchique, Monsieur [F] et Monsieur [W] vous ont rencontré afin de faire un premier bilan sur votre activité.

En effet l'analyse préalable de celle-ci faite sur les mois de février et mars 2016 au regard des comptes rendus de visites et des plannings d'activité que vous transmettiez à votre responsable, a mis en évidence certains manquements impactant le chiffre d'affaires.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité vous rencontrer rapidement afin de vous aider à redresser la situation et à remplir correctement vos missions.

À l'occasion de cet entretien, nous vous avons ainsi alerté sur les manquements que nous avions relevés, relatifs à des taches qui font pourtant partie inhérente de vos fonctions de Responsable de développement des ventes.

À ce titre et conformément à vos fonctions, nous vous avons :

- demandé d'effectuer un travail d'analyse, de recommandations, de préparation de vos visites par la création d'argumentaires de ventes, d'identification des interlocuteurs majeurs et des acteurs sur le marché ;

- fait remarquer que vos comptes rendus étaient de simples constats, ne proposant aucun pan d'actions. Nous vous avons alors demandé de les étayer davantage afin qu'ils deviennent de vrais outils d'analyse marché et une base de réflexion solide sur les améliorations à apporter

- alerté sur le faible chiffre d'affaires réalisé depuis votre prise de poste opérationnelle, soit depuis début février 2016 jusqu'à fin mars 2016, d'environ 5.000 €

- rappelé que le poste de Responsable de développement des ventes est un poste d'itinérant et, qu'en conséquence, vous ne deviez pas passer des semaines complètes à travailler au siège de la société.

Nous vous avons également alerté sur le fait que nous ne pourrions pas nous contenter de ces résultats da la part d'un Responsable de développement des ventes qui justifie, par ailleurs, d'une grande expérience de commercial terrain.

Cependant, soucieux de vous aider à obtenir des rendez-vous et à enregistrer des commandes auprès des premiers prospects, nous vous avons :

- consenti des taux de remises supplémentaires de -30 à -40 sur une liste de produits du catalogue ARTMADIS :

- donné accès au tarif de la marque TIFANY.

Monsieur [F] vous a, en outre, proposé son aide afin de construire vos argumentaires, vous permettre d'obtenir de nouveaux rendez-vous et développer votre chiffre d'affaires.

Cependant, malgré ce bilan et loin de constater une amélioration dans l'accomplissement de vos missions, vos manquements n'ont fait que perdurer.

Manquements constatés dans la prospection, l'organisation des tournées et l'élaboration des plannings de visites

Alors que l'une de vos principales missions consiste à prospecter et ouvrir de nouveaux comptes GSS et assurer, de façon hebdomadaire, un reporting fiable et efficace, nous avons pu constater, de façon récurrente, que vous ne meniez pas à bien celles-ci.

De même, vous ne respectez pas les consignes qui vous sont données à ce titre.

En effet, à titre d'exemple

Le 25 mai 2016, malgré de nombreuses relances orales antérieures, votre responsable s'est vu contraint de vous demander par courriel de bien vouloir lui transmettre vos plannings deux semaines à l'avance, dans le but de vous aider à optimiser vos journées.

En effet, ce dernier a constaté que vous procédiez à des planifications de visites de magasins inutiles puisque ceux-ci étaient fermés lors de votre passage.

Ce courriel a également été l'occasion de vous rappeler que vous êtes tenu d'identifier et de prospecter plusieurs magasins indépendants, mentionnés dans la liste d'enseignes prioritaires à visiter qui vous a été communiquée le 12 avril 2016 par votre responsable.

Le 26 mai 2016, alors qu'il vous revenait d'effectuer un travail d'identification et de construction d'offres, il vous a, à nouveau, été communiqué la liste de l'ensemble des enseignes G20 que vous étiez tenu d'intégrer dans vos plannings de visites.

Le 6 juin 2016, malgré de multiples relances, votre responsable a été contraint de vous redemander vos plannings et de vous rappeler que votre priorité sur le mois de juin était de rencontrer toutes les enseignes G20 dont vous avez reçu la liste.

Le 7 juin 2016 puis, en l'absence de réponse de votre part, le 10 juin 2016, votre responsable vous a questionné sur votre activité les lundi 13 juin, mardi 14 juin et vendredi 17 juin 2016 après-midi, pour lesquels rien n'était indiqué sur le planning que vous avez finalement daigné lui communiquer.

Vous lui avez alors écrit, le 13 juin 2016, que vous ne pouviez pas à la fois visiter les magasins et organiser vos plannings de visites, cette tâche impliquant de passer des journées au bureau.

Cet argument n'est pas recevable puisque vous disposez de tous les moyens
techniques vous permettant de gérer l'organisation de vos rendez-vous en tous lieux.

Manquements constatés dans le développement des ventes et du chiffre d'affaires

Le 8 août 2016, lors d'un entretien, la société ARTMADIS a, à nouveau, été au regret de constater que vous étiez confronté à d'importantes difficultés dans l'exercice de vos fonctions et que les résultats qu'elle pouvait attendre d'un Responsable de développement des ventes, avec une ancienneté telle que la vôtre n'étaient pas atteints.

En effet:

- alors que vous êtes tenu de mettre en 'uvre toutes les actions favorisant le développement du chiffre d'affaires, nous avons constaté que vous n'aviez fait un chiffre que de 76300 euros en neuf mois, de février 2016 à fin octobre 2016. Nous n'avons, en outre, constaté aucune progression des ventes malgré les efforts de la société en ce sens ;

- alors que vous êtes tenu de prospecter, d'ouvrir de nouveaux comptes clients et de participer à la définition de la politique commerciale et à sa mise en 'uvre, force est de constater que vous n'avez toujours pas identifié les centrales et les interlocuteurs à rencontrer. De même, vous ne prenez aucune décision ni initiative dans le développement des ventes :

- alors que vous devez assurer de façon hebdomadaire un reporting fiable et efficace, les comptes rendus de visite sont dépourvus de plan d'action, de recommandation, de retours des attentes du client et de ses besoins.

Manquements constatés dans le cadre de votre mission dans les DOM TOM

Le 8 août 2016, alors que vous aviez fait part oralement à Monsieur [F] de votre refus d'accomplir une mission de sept semaines dans les DOM TOM, votre responsable vous a rappelé que ce déplacement faisait partie inhérente de vos fonctions le que vous étiez, par conséquent, tenu de vous y rendre.

Toutefois, la société a consenti à revoir la durée de ce déplacement et l'a réduit de 2 semaines.

Toutes les modalités afférentes à ce déplacement vous ont été expliquées par votre responsable, ainsi que les objectifs de celui-ci, notamment en termes de chiffre d'affaires.

Pour vous soutenir dans cette mission, il vous a été communiqué des listes de clients prospects à visiter, les conditions commerciales à appliquer pour les premières commandes, une offre commerciale spécifique gros volumes, un rappel sur les offres promotionnelles à présenter, etc.

Or, force est de constater que le déplacement dans les DOM- TOM a révélé de nouvelles carences de votre part :

- votre chiffre d'affaires reste très en deçà des objectifs qui vous étaient fixés. En effet, vous avez réalisé un chiffre d'affaires de seulement 55.000 euros alors que votre objectif était de 100.000 euros et que votre prédécesseur a réalisé pour la même mission un chiffre d'affaires de l'ordre de 206.613 euros lors de son déplacement aux DOM-TOM en 2015.

- le 14 septembre 2016, nous avons été alertés par Madame [D] [X], responsable des achats du groupe Géant Casino à [Localité 8], des problèmes qu'elle rencontrait au sujet de votre mode de fonctionnement avec l'enseigne.

Cette dernière nous a, en ce sens, informé qu'elle était contrainte de bloquer des commandes au motif que vous ne respectiez pas les procédures applicables.

Il en résulte que, non seulement, vous avez mis la société en difficultés avec l'enseigne Géant Casino à [Localité 8] mais de plus, vous avez bloqué [Localité 1] € de chiffre d'affaires, ce qui n'est pas acceptable.

Nous avions pourtant pris le soin de vous rappeler ces consignes de prise de commande avant votre départ dans les DOM TOM.

L'ensemble de ces griefs vous a été rappelé lors d'une réunion du 28 octobre 2016, laquelle avait pour objectif de faire un bilan sur votre mission dans les DOM TOM et plus généralement sur l'exercice de vas fonctions depuis plusieurs mois.

Force est de constater que les nombreuses alertes et l'aide qui vous a été apportée par votre hiérarchie depuis votre prise de poste n'ont eu aucune incidence sur votre comportement et votre qualité de travail.

Nos attentes relèvent pourtant de la compétence d'un Responsable de développement des ventes au sein de la société.

Vous comprendrez que votre attitude emporte un préjudice financier direct à la société ARTMADIS, laquelle a, depuis votre prise de fonction, constaté une baisse de son chiffre d'affaires et une dégradation de sa marge de l'ordre de 8 points, liée à l'ensemble des aides qui vos ont été accordées pour développer volte clientèle. C'est dans ce contexte que nous sommes contraints de prendre la décision de procéder à la rupture de votre contrat de travail.

Aussi et compte tenu des faits précédemment évoqués, nous sommes conduits à vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.»

A la date de son licenciement [B] [I] percevait un salaire mensuel brut moyen de 3445 euros. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Par requête reçue le 11 juillet 2017, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Roubaix afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture.

Par jugement en date du 22 mai 2018, le tribunal de commerce de Roubaix a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, converti en liquidation judiciaire le 4 juillet 2018.

Par jugement en date du 11 mars 2019, le Conseil de Prud'hommes a fixé la créance de [B] [I] à la liquidation judiciaire de la société ARTMADIS à la somme de

- 65000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et déclaré le jugement opposable à l'AGS.

Le 15 avril 2019, l'UNEDIC a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 18 novembre 2021, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 22 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 15 juillet 2019, l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 5] conclut au débouté de la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, à l'allocation d'indemnité minimale équivalant à six mois de salaires, en toutes hypothèses sollicite de la cour qu'il soit déclaré que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D3253-5 du code du travail et ce, toutes créances du salarié confondues, que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L3253-20 du code du travail.

Le Centre de Gestion et d'Étude AGS entend faire siennes les explications et les pièces qui sont développées par le mandataire liquidateur aux termes desquelles l'insuffisance professionnelle reprochée est parfaitement démontrée, qu'il fait valoir que la société a bien constaté des manquements relatifs à des tâches faisant partie inhérente des fonctions de l'intimé de responsable de développement des ventes, manquements qui ont impacté directement le chiffre d'affaires de la société, que dès le 12 avril 2016, son responsable hiérarchique et le directeur des ressources humaines l'alertaient sur les manquements relevés, que malgré les nombreuses alertes et l'aide apportée par la société pour remédier cette la situation, les carences de l'intimé se sont poursuivies, qu'aucune amélioration n'a été constatée de sorte que le licenciement pour insuffisance professionnelle était inéluctable, qu'à titre infiniment subsidiaire, la cour ne pourrait que ramener au minimum prévu par l'ancien article L1235-3 du code du travail, soit à six mois de salaires, l'indemnité allouée, qu'il rappelle enfin les termes de sa garantie.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 11 octobre 2019, le mandataire judiciaire de la société ARTMADIS sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire la limitation du montant des dommages et intérêts à 21687,66 euros bruts correspondant à six mois de salaire et à la condamnation de l'intimé verser à la société ARTMADIS la somme de 5500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur judiciaire expose que le licenciement de l'intimé est justifié, que celui-ci a exercé au sein de la société ARTMADIS la fonction de délégué commercial GMS pendant plus de dix ans et bénéficiait à ce titre d'une grande expérience commerciale du terrain, qu'il a démontré des carences dans ses missions principales de prospection, d'organisation des tournées, d'élaboration des plannings de visites et de reporting, qu'il ne menait pas à bien ses missions principales, pas plus qu'il ne respectait les consignes qui lui étaient données à ce titre, que ses responsables hiérarchiques l'avaient informé, à de nombreuses reprises, des manquements relevés dans la prospection, dans le développement des ventes et dans le cadre de sa mission dans les DOM-TOM, qu'il ne prenait pas en compte l'ensemble des remarques de sa direction et ne mettait pas en pratique les process de la société alors qu'il y était encouragé par son responsable et bénéficiait de nombreux points avec ce dernier et le directeur des ressources humaines de la société, que la société a constaté de nombreux manquements dans le développement des ventes et du chiffre d'affaires de l'entreprise, lequel relevait pourtant des missions principales de l'intimé, que lors de son déplacement dans les DOM TOM, elle a noté de nouvelles carences dans l'exécution des missions de ce dernier, alors qu'il avait bénéficié d'un accompagnement important et d'une aide renforcée dans le cadre de ses fonctions, qu'il lui appartient de prouver que son licenciement repose sur un motif économique, comme il le sous-entend, et non sur les faits exposés dans la lettre de licenciement.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 11 octobre 2019, [B] [I] intimé sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris et la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société à la somme de 100000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la confirmation pour le surplus.

 

L'intimé soutient que, par le biais d'une proposition de reclassement déloyale, son employeur lui imposé une modification de son contrat de travail pour motif économique avec notamment un changement de fonctions et un secteur géographique comprenant toute la France et les DOM TOM, que la société savait parfaitement qu'il refuserait une telle proposition, compte tenu des répercussions sur la qualité de sa vie personnelle et professionnelle, que cette proposition n'avait pour but que d'aboutir à son éviction, jusque-là mise en échec par l'inspection du travail, que son employeur ne justifie nullement de l'insuffisance de chiffre d'affaires, notamment en comparaison avec les chiffres d'affaires réalisés par les autres commerciaux, que la rupture du contrat de travail n'est pas justifiée d'autant que la société n'a pas respecté ses obligations de mise à disposition de moyens permettant l'exercice normal de l'activité de son salarié et n'a mis en 'uvre aucune mesure pour lui éviter tout nouvel arrêt de travail en le maintenant dans une situation volontairement inadaptée, que le véritable motif du licenciement est évoqué à trois reprises dans le cadre des procédures engagées à son encontre, à savoir la suppression de son poste dans le cadre d'une réorganisation, ayant donné lieu à trois refus de la part de l'inspection du travail, que son état de santé a continué à se dégrader à la suite de son licenciement, qu'il est actuellement sans emploi et dans l'incapacité physique de pouvoir postuler utilement à des postes.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article L1233-2 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement d'une longueur inusitée, qui fixe les limites du litige, que les motifs y énoncés sont des manquements de l'intimé dans la prospection, l'organisation des tournées et l'élaboration des plannings de visites, dans le développement des ventes et du chiffre d'affaires et dans le cadre de sa mission dans les départements et territoires d'Outre-Mer ;

Attendu que caractériser l'ensemble des manquements allégués, l'appelant produit l'avenant au contrat de travail affectant l'intimé à compter du 19 août 2013 au poste de délégué commercial, la proposition de modification du contrat de travail en date du 25 avril 2015 présentée dans le cadre du projet de réorganisation de l'entreprise en vue d'assurer sa sauvegarde et sa compétitivité, consistant soit en un poste de délégué commercial GMS région Sud-Ouest, soit en celui de responsable du développement commercial GSS, impliquant des déplacements quotidiens dans toutes les régions de la France et dans les territoires d'Outre-Mer, ces derniers au moins deux fois par an et pour des durées minima de deux mois, un courrier du 2 juin 2015 confirmant l'intimé dans ses fonctions de responsable de développement commercial ; qu'il communique également un courriel de [H] [W] constituant le compte rendu d'un entretien survenu le 12 avril 2016 et destiné à faire le point sur la prise de poste de l'intimé, un courriel d'[D] [Y] du 14 septembre 2016 se plaignant du non-respect par le nouveau responsable commercial de la procédure à suivre pour le passage de commandes pour [Localité 8], un courriel du 19 septembre 2016 de [M] [R], directeur commercial, sur des difficultés rencontrées avec un magasin affilié G20 situé à [Localité 9] et qui seraient imputables à l'intimé et enfin de multiples courriels d'[P] [F], directeur national des ventes GSS, envoyés à l'intimé entre le 12 avril 2016 et le 26 août 2016 ;

Attendu que se prévalant des dispositions de l'article L1222-6 du code du travail, la société a décidé d'interpréter l'absence de réponse de l'intimé dans le délai d'un mois comme l'acceptation tacite de l'un ou l'autre des deux postes proposés ; qu'elle a estimé, dès le 27 avril 2015, que ce dernier pouvait de ce fait être affecté au poste de responsable du développement commercial GSS qui impliquait une charge de travail particulièrement lourde et une disponibilité totale puisqu'il supposait des déplacements quotidiens sur toute la France, alors que jusque-là, le périmètre géographique de l'activité de l'intimé était limité à la seule région Sud-Est, soit les départements des Bouches du Rhône, du Var des Alpes de Haute Provence et de la Corse ; qu'il lui était également attribué la responsabilité des départements et territoires d'Outre-Mer où il devait se rendre au moins deux fois par an et y séjourner pour des durées minima de deux mois ; qu'en outre les multiples missions du responsable du développement des ventes, rappelées dans la lettre de licenciement, étaient foncièrement différentes de celles de délégué commercial ; que le mandataire judiciaire ne produit aucune pièce de nature à démontrer que le parcours d'intégration auquel il est fait allusion dans ladite lettre et qui consistait exclusivement à rencontrer les différents interlocuteurs de la société était de nature à préparer le salarié à ses nouvelles responsabilités ; que si la prise de poste n'a eu lieu que le 4 février 2016, date à laquelle il subsistait toujours une ambiguïté sur les responsabilités réelles de l'intimé puisque sur la fiche de définition des objectifs individuels de ce dernier en vue de la détermination de sa rémunération variable, notifiée le 15 février 2016, les fonctions mentionnées étaient encore celles de délégué commercial, la procédure de licenciement a été engagée par la société dès le 28 octobre 2016, soit à peine plus de huit mois après l'entrée en fonction de l'intimé ;

Attendu sur le premier manquement allégué, que l'appelant se réfère, pour le caractériser, à une période de quinze jours environ, puisqu'il s'appuie sur des courriels transmis à l'intimé entre le 25 mai et 10 juin 2016, par [P] [F], directeur national des ventes GSS, et relatifs à la baisse tarifaire d'une collection, à la constatation d'une absence de réception d'un planning et d'un planning prévisionnel, à la communication d'accords commerciaux pour les G20, à des recommandations pour l'organisation des prises de rendez-vous, des commandes, des tournées ou à la nécessité d'effectuer des reportings réguliers ; qu'en raison d'une période aussi brève, et alors que l'intimé n'avait pris ses fonctions qu'à compter du 4 février 2016, la teneur des courriels échangés ne sauraient à elle seule caractériser un grief qui repose sur un ensemble de manquements à la prospection, à l'organisation des tournées et à l'élaboration des plannings de visite ;

Attendu que le deuxième manquement allégué, portant sur le développement des ventes et du chiffre d'affaires réalisé par l'intimé, ne repose que sur le long compte-rendu en date du 8 août 2016 d'un entretien organisé quatre jours auparavant entre l'intimé et [P] [F], dans lequel celui-ci lui fait part de son mécontentement, notamment face au chiffre d'affaires de 56000 euros qui aurait été réalisé par le salarié en six mois, l'incite à identifier les centrales régionales, se plaint de la pauvreté des plannings de visite et évoque la question des déplacements de l'intimé dans les départements et territoires d'Outre-Mer, qui constitue l'argument principal repris dans le dernier grief ; que toutefois l'appelant ne produit aucune pièce sur le chiffre d'affaires que l'intimé aurait dû atteindre au bout de six mois d'activité ; que dans le compte rendu, il est fait état des contestations émises par ce dernier tant sur la réalisation de son chiffre d'affaires, l'intimé évoquant l'incidence sur celui-ci du niveau des prix pratiqués, que sur l'identification des centrales qu'il prétend avoir effectuées ; qu'en l'absence d'élément de preuve matérielle, autres que les simples observations d'[P] [F], le manquement allégué n'est pas davantage caractérisé ;

Attendu enfin sur le manquement relatif à la mission de l'intimé dans les départements et territoires d'Outre-Mer, que la société se repose sur un courriel du 14 septembre 2016 d'[D] [Y], responsable des achats du groupe Géant Casino à [Localité 8] dans lequel celle-ci se plaint de la passation d'une commande sans respect de la procédure ; qu'il se déduit de ce courriel que le reproche émis serait une absence d'information de la cellule achat dont l'auteur du courriel était le responsable ; qu'aucune précision n'est toutefois apportée par l'appelant sur les conséquences qu'une telle infraction aurait pu entraîner pour la société et notamment sur les difficultés rencontrées par cette dernière auprès de l'enseigne Casino et évoquées dans la lettre de licenciement ; qu'il n'est établi par aucune pièce que la somme de 10300 euros de chiffre d'affaires aurait été bloquée à la suite de cet incident ; qu'il en est de même du chiffre d'affaires de 206613 euros qu'aurait réalisé le prédécesseur de l'intimé pour la même mission ; qu'enfin le compte rendu du 8 août 2016 démontre bien que la durée des déplacements de l'intimé outre-mer fixée à deux mois, dont celui-ci plaignait, était bien déraisonnable puisqu'[P] [F] a consenti à la réduire de deux semaines et que l'intimé s'est bien rendu en Guyane à la date convenue ; que le dernier manquement allégué n'est pas non plus caractérisé ; qu'il s'ensuit que le licenciement de l'intimé était bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu en application de l'article L 1235-3 alinéa 2 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur qu'à la date de son licenciement l'intimé était âgé de 54 ans et jouissait d'une ancienneté de plus de vingt années au sein de l'entreprise ; qu'il a dû solliciter le bénéfice d'allocations de retour à l'emploi qui lui ont été versées à compter du 17 mai 2017 ; qu'il produit en outre un certificat médical du docteur [L] en date du 22 janvier 2018 constatant qu'il souffrait à cette date d'épisodes dépressifs en rapport avec sa situation professionnelle ; que l'intimé a bien subi un préjudice consécutif à la perte de son emploi que les premiers juges ont exactement évalué à la somme de 65000 euros ;

Attendu que l'équité commandait que les premiers juges allouent la somme de 2000 euros à l'intimé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que toutefois son paiement doit être supporté exclusivement par le liquidateur de la société ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

 

REFORME le jugement déféré,

DÉCLARE l'arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 5],

 

DIT qu'il ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code,

Déboute l'AGS CGEA de sa demande tendant à subordonner ses avances à la justification par le mandataire de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes garanties mais rappelle que l'obligation au paiement de l'AGS-CGEA ne pourra s'effectuer que sur présentation par le mandataire d'un relevé de créance,

DIT que le paiement la somme de 2000 euros allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera supporté exclusivement par le mandataire liquidateur de la société ARTMADIS,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

MET les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société ARTMADIS.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/00950
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00950 ?
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