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29/04/2022 | FRANCE | N°19/00949

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 19/00949


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 335/22



N° RG 19/00949 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJKK



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Béthune

en date du

26 Mars 2019

(RG 17/00385 -section 3)











































GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



ASSOCIATION DE PARENTS D'ENFANTS INADAPTÉS 'APEI' DE BÉTHUNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe LEURS, avocat au barreau de SAINT-OMER



...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 335/22

N° RG 19/00949 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJKK

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Béthune

en date du

26 Mars 2019

(RG 17/00385 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

ASSOCIATION DE PARENTS D'ENFANTS INADAPTÉS 'APEI' DE BÉTHUNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe LEURS, avocat au barreau de SAINT-OMER

INTIMÉE :

Mme [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jérôme WITKOWSKI, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 22 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 Novembre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

[J] [U] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1993 en qualité d'aide médicopsychologique à temps complet par l'Association de Parents d'Enfants Inadaptés (APEI) Papillons Blancs de [Localité 5].

A la date de son licenciement, elle percevait un salaire mensuel brut moyen de 2331,33 euros et était assujettie à la convention collective de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

 

Elle a été convoquée par lettre remise en main propre le 7 septembre 2016 à un entretien le 15 septembre 2016 en vue de son licenciement. Elle a de nouveau été convoquée par lettre remise en main propre le 25 octobre 2016 à un entretien le 4 novembre 2016 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 novembre 2016.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Nous vous reprochons des fautes graves qui rendent impossible votre maintien au sein de notre Association, certaines ayant de graves répercussions sur la qualité de prise en charge et de soin des personnes accueillies, leur bien-être et leur sécurité

Pour étayer ce propos, nous constatons les points suivants :

Vous êtes entrée au service de l'Ape de [Localité 5], le 5/04/2004, en qualité d'aide médico- psychologique. A cet effet, vous aviez pour principales missions :

d'accompagner les adultes accueillis dans les actes ordinaires de la vie quotidienne et de veiller à leur bien-être et à leur sécurité

d'assurer la prise en charge médicamenteuse de la personne accueillie selon la procédure en vigueur.

A l'occasion du CHSCT du 24/10/16 et par la remise de témoignages de collaborateurs et de signalements d'évènements indésirables, nous prenions connaissance de faits particulièrement graves à votre encontre.

Ces éléments étaient ensuite confirmés à la suite d'une enquête interne réalisée par la direction au cours de laquelle il était porté à notre connaissance des faits particulièrement fautifs, faits dont nous vous exposons la teneur :

En date du 6/10/2016, au moment de la passation avec l'équipe de 1'après-mìd1, vers13h45, votre collègue constate que le traitement du matin du résident, Monsieur [H], n'a pas été distribué. Elle vous interpelle-pour savoir pourquoi, le traitement de Monsieur [H] n'a pas été distribué. Sans réponse, elle insiste à nouveau et vous lui répondez de jeter le traitement. Vous ajoutez que de toute manière, avec tout ce que Monsieur [H] prend, son corps est imprégné.

Votre mission est de veiller à la sécurité et aux soins des personnes accueillies.

Le «Guide à l'usage des professionnels bientraitants» de l'Association fait clairement état des négligences attachées à la délivrance de soins ou de traitements aux personnes accueillies.

Cette charte s'impose à vous et vous ne l'avez pas respectée dans votre pratique professionnelle. Ceci est intolérable.

Dans le cadre de vos missions vous devez distribuer les traitements médicaux. La distribution, la traçabilité de la distribution et le signalement d'erreur font partie de la procédure médicale à laquelle vous devez vous conformer : « Circuit du médicament » (PDC PHA 0001APEI).

Dans ce cadre, vous devez respecter le moment de la prise du médicament mais aussi signaler les erreurs effectuées.

Ce même jour, votre collègue refusant de jeter le traitement non distribué le matin, vous lui dites que si elle ne le fait pas, vous allez avoir des problèmes avec l'infirmière.

En cas d'erreur, d'oubli ou de problème, vous avez comme obligation d'informer l'infirmière, le chef de service ou le directeur. Une traçabilité écrite de l'incident doit de plus être établie. Vous n'avez fait aucune de ces démarches.

Volontairement, vous avez tenté de dissimuler la non distribution du médicament sans vous préoccuper des conséquences que cela aurait pu avoir sur l'état de santé de la personne accueillie. Sans l'intervention de votre collègue, aucune action n'aurait été menée afin de vérifier les conséquences médicales de cet acte.

Dans le discours tenu à votre collègue, vous mettez également en doute la qualité de soins et de diagnostic du Médecin de l'institution.

Vous avez déjà été reçue lors d'un entretien préalable à sanction en date du 15/09/2016 pour des problématiques similaires. La Direction vous a fait un rappel oral sur votre rôle et place dans la dimension de soin de la prise en charge des personnes accueillies. Le médecin est seul habilité à réaliser un diagnostic médical et à définir le traitement qui y est adapté.

En date du 14/10/2016, alors que vous étiez en poste sur le groupe depuis le matin, l'infirmière est arrivée vers llh00 afin de préparer le traitement pour un retour en famille de Monsieur C.E. Elle constate la disparition de 2 sachets (celui du soir et du lendemain matin) sur lesquels sont inscrits le nombre de gouttes à donner à Monsieur C.E.

Cette méthode, prévue dans la procédure de circuit du médicament, est importante afin de s'assurer de ne pas oublier la posologie. Or dans le cas présent, de nouveau lors d'un de vos postes, les sachets ont disparu.

En conséquence, sans l'intervention de l'infirmière, les 2 prochaines distributions n'auraient pas pu être effectuées.

L'infirmière vous interrogeant, vous avez reconnu avoir jeté ces sachets à la poubelle, mais avez laissé cette dernière les rechercher seule, ne vous préoccupant pas, à nouveau de la conséquence e vos actes que ce soit pour le suivi médical du patient ou pour l'équipe.

Sans l'intervention d'un collègue, vous n'auriez aucunement alerté ou veillé à réparer votre erreur qui met en danger la personne accueillie.

La répétition des faits et l'irresponsabilité dont vous faites preuve dans le cadre de la mission d'importance qu'est la distribution de médicament est inacceptable.

En tentant de dissimuler vos actes, nous vous reprochons également une attitude déloyale envers votre hiérarchie.

Des collègues ont été témoins et/ou victimes de pressions et intimidations de votre part.

Ainsi à la fin d'une réunion, le 20/10/2016, vous interpelez une collègue en lui demandant si elle a informé votre hiérarchie du fait que vous avez dit de jeter le traitement du 6/10/2016. Cette dernière répondant par la positive, vous la menacez à plusieurs reprises de faire des écrits à son encontre, sur sa pratique professionnelle. Vous précisez également que vous allez mobiliser d'autres collègues qui témoigneront contre elle,

Vous exercez une pression sur vos collègues pour cacher vos manques et faites passer vos intérêts avant la sécurité des personnes accompagnées et au détriment de vos collègues.

De même, des témoignages font état de stagiaires et CDD malmenés par votre « management ».

Au cours de l'entretien du 4/11/2016, vous vous décrivez comme un leader dans l'équipe et lorsque vous évoquez vos collègues, vous justifiez votre position en les qualifiant de « laxistes ».

Compte tenu des faits graves qui vous sont reprochés, nous constatons par ces remarques que vous ne mesurez pas la gravité de vos actes. Vous n'êtes pas capable de remettre en cause certaines de vos pratiques professionnelles, ni même de co-construire et évoluer dans équipe pluridisciplinaire conformément aux attentes de votre hiérarchie.

Dans le cadre des projets de service ou de sortie vous ne respectez pas les directives de votre hiérarchie. Vous agissez seule et impliquez les résidents et leurs familles alors même que le projet n'est pas validé par l'ensemble de l'équipe.

Par l'attitude frondeuse et d'insubordination dont vous faites preuve, vous désorganisez le projet de service, et mettez en difficulté vos collègues et hiérarchiques vis-à-vis des personnes accueillies et de leurs familles.

Vous n'assumez ainsi pas la mission qui vous est confiée et pour laquelle vous êtes engagée contractuellement avec l'Apei de [Localité 5].

Ces faits ne sont, du reste, pas isolés puisque vous avez déjà fait l'objet de rappels à l'ordre oraux notamment sur la problématique médicale. et la pression exercée sur vos collègues.

Vous n'avez pas cru bon devoir en tenir compte.

En résumé vous faits preuve d'un manque de professionnalisme évident, ne respectant pas une partie importante de vos obligations contractuelles.

Ces faits sont d'autant plus fautifs que notre Association est destinée à un public fragile nécessitant attention, bienveillance et surveillance. »

Par requête reçue le 19 septembre 2017, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de Béthune afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 26 mars 2019, le Conseil de Prud'hommes a condamné l'association à lui verser

- 295,12 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

- 29,51 euros au titre des congés payés y afférents

- 4662,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 466,63 euros au titre des congés payés y afférents

- 14829,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 42000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

ainsi qu'aux dépens.

Le 15 avril 2019, l'association a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 18 novembre 2021, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 22 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 16 novembre 2021, l'Association de Parents d'Enfants Inadaptés (APEI) Papillons Blancs de Béthune sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée la société à lui verser 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que les faits retenus dans la lettre de licenciement ont été évoqués au cours du second entretien, que celui du 15 septembre 2016 était consécutif aux critiques émises par l'intimée sur les prescriptions médicales du médecin de l'institution, que les faits sont établis et fautifs, qu'ils sont caractérisés par l'attestation rédigée par [E] [O], que les obligations de l'intimée en matière de distribution du médicament étaient rappelées dans la brochure « circuit du médicament », que l'intimée ne s'est pas souciée du fait qu'un résident n'avait pas reçu son traitement, qu'elle a été incapable de fournir des raisons valables sur cet incident, qu'elle a ordonné à sa collègue de jeter le traitement et a remis en cause l'intérêt médical de ce traitement, qu'il ne lui est pas reproché d'avoir dissimulé le médicament mais d'avoir donné l'ordre de le jeter, que les faits relatés par [E] [O] sont corroborés par la lettre et le compte rendus rédigé par l'intimée les 17 novembre et 1er décembre 2016, que s'agissant du deuxième grief l'intimée a cherché à dissimuler l'erreur commise dans la distribution des médicaments, a exercé des pressions sur [E] [O] pour en effacer les preuves et a essayé d'empêcher ses collègues de signaler l'erreur à qui de droit, que le troisième grief constitue un grave manquement de la salariée à ses obligations puisqu'elle a remis en cause le travail du médecin de l'institution, que ce comportement était récurrent, que le quatrième grief relatif aux manquements de l'intimée qui avait jeté à la poubelle des sachets de préparation préétablis par la pharmacie est caractérisé par l'attestation de [F], que le cinquième grief visant les pressions et intimidations auxquelles s'est livrée la salariée est établi, qu'il en est de même du management fautif des stagiaires et des CDD, qu'elle rabrouait et menaçait de sanctions et du non-respect des directives de sa hiérarchie, qu'à titre subsidiaire l'existence d'u préjudice consécutif au licenciement n'est pas établie, qu'elle a été pris en charge par P'le Emploi jusqu'à la date de son départ à la retraite, que ses difficultés financières ne sont pas dues à son licenciement, qu'elle ne justifie pas de sa situation familiale.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 17 novembre 2021, [J] [U] intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'association appelante à lui verser 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement, remettant en cause son professionnalisme et en particulier la qualité de la prise en charge et des soins prodigués aux personnes accueillies, leur bien-être et leur sécurité. Elle soutient qu'elle n'a à aucun moment été interrogée afin de pouvoir faire valoir ses explications de manière contradictoire, préalablement à la mise à pied conservatoire, que sur les faits du 6 octobre 2016, elle n'est pas l'auteur de l'oubli de distribution du médicament, qu'elle n'a pas davantage demandé à sa collègue de dissimuler l'erreur commise ni de jeter le traitement non distribué, qu'elle s'est seulement interrogée sur la manière dont [E] [O] envisageait de «régler le problème», que le témoignage de cette dernière n'est corroboré par aucun autre élément, qu'il est d'autant moins crédible que celle-ci n'a pas respecté les préconisations de la procédure « Circuit du médicament », que l'intimée n'a jamais tenté de dissimuler l'incident du 6 octobre 2016 par la suite, qu'elle n'avait aucun intérêt à revenir sur ces faits en réunion d'équipe le 20 octobre, si elle les avait réellement commis et cherché à les dissimuler, qu'elle n'avait aucune raison de rédiger spontanément un signalement sur l'incident du 6 octobre 2016, qu'elle a découvert par la suite que le signalement n'avait pas été effectué par les personnes concernées et elle avait été injustement mise en cause auprès du cadre de santé, que sur le grief relatif à la remise en cause de la qualité des soins et de diagnostic du médecin de l'institution, ces faits ne sont nullement démontrés par les pièces versées aux débats, que si un tel échange entre collègues sur cet argument avait pu avoir lieu, l'intimée n'aurait fait qu'user de la liberté d'expression dont elle dispose dans l'entreprise, que sur les faits du 14 octobre 2016, selon lesquels elle aurait jeté à la poubelle deux sachets relatifs au traitement d'un patient, [Z] [A], et laissé l'infirmière chercher seule les sachets dans la poubelle, sans se préoccuper des conséquences de ses actes, elle n'a pas commis de négligence ni fait preuve d'une indifférence coupable, que le doute profite au salarié, que cet incident ne mettait absolument pas en péril la santé du résident, que si la santé du patient avait été mise en péril, l'infirmière n'aurait pas attendu le 21 octobre 2016 pour remettre à l'employeur la fiche de signalement du 14 octobre 2016, que sur le management inapproprié des stagiaires et des contrats à durée déterminée, seul le témoignage attribué à [E] [O] comporte de telles accusations, que ce grief est imprécis et injustifié, que sur le non-respect de la hiérarchie sur les projets de service ou les sorties, seule l'attestation attribuée à [E] [O] fait référence au fait qu'elle se sentait écartée des prises de décisions relatives aux sorties, sans autre précision objective, à titre subsidiaire que si certains griefs étaient considérés comme caractérisés, ils ne justifieraient pas pour autant un licenciement pour faute grave, que l'intimée n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire en vingt-trois ans de service, qu'elle est fondée à obtenir le paiement de ses indemnités de rupture, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à la date de la rupture du contrat de travail, elle était âgée de près de soixante ans et a rencontré du fait de son âge des difficultés notables de réinsertion professionnelle qu'elle est demeurée au chômage malgré des recherches actives d'emploi et a été contrainte de liquider ses droits à la retraite à l'âge de soixante-deux ans.

MOTIFS DE L'ARRET

 

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les griefs articulés à l'encontre de l'intimée sont, le 6 octobre 2016, l'absence de distribution à un pensionnaire de l'établissement d'un traitement médical, l'ordre donné de le jeter, la dissimulation de la non distribution, la mise en doute de la qualité des soins administrés par le médecin de l'institution et du diagnostic de ce dernier, le 14 octobre 2016, le jet dans une poubelle de deux sachets sur lesquels étaient mentionnés le traitement d'un pensionnaire, le 20 octobre 2016, des menaces adressées à une collègue de travail pour le cas où elle aurait informé sa hiérarchie des faits survenus le 6 octobre précédent, un management inapproprié des stagiaires et plus généralement le non-respect des directives de la hiérarchie, malgré des rappels à l'ordre, constitutifs d'insubordination ;

Attendu sur le premier grief se rattachant aux faits survenus le 6 octobre 2016, que l'appelante s'appuie sur l'attestation de [E] [G] épouse [O], éducatrice spécialisée, pour le caractériser ; que le témoin rapporte qu'ayant constaté qu'[R] [B], résident, n'avait pas reçu son traitement du matin, elle avait interrogé l'ensemble de l'équipe sur cette situation sans obtenir de réponse ; qu'elle ajoute que l'intimée qui était présente dans le bureau l'avait invitée à jeter ce traitement, au motif qu'il était inutile du fait de l'état d'imprégnation du pensionnaire à ce médicament ; que l'intimée avait réitéré son conseil afin d'éviter des problèmes avec l'infirmière [V] [F] ; que l'appelante ne conteste pas que le jour des faits l'intimée ne devait pas s'occuper personnellement d'[R] [B] ; qu'il ne pouvait donc lui être imputé la responsabilité de l'omission de distribution retenue dans la lettre de licenciement ; que les termes de l'attestation de [E] [O] font en outre apparaitre que l'intimée lui aurait conseillé de jeter le médicament et qu'il ne s'agissait donc nullement d'un ordre auquel le témoin n'était en outre pas tenu d'obtempérer puisque chargée de la coordination de l'équipe, elle détenait des responsabilités dont ne disposait pas l'intimée ; que de plus, les propos susceptibles d'avoir été tenus par l'intimée ne sont corroborés par aucun autre témoignage alors que deux autres membres de l'équipe se trouvaient sur place ; que l'intimée souligne le non-respect par [E] [O] de la procédure applicable à la suite de la constatation d'une erreur, d'un oubli ou d'un problème dans la distribution d'un médicament ; que cette dernière qui était tenue de prévenir un membre de sa hiérarchie le jour-même, s'est bornée à décaler la prise du traitement dans la journée en violation des prescriptions figurant de la procédure intitulée «circuit du médicament», que par ailleurs l'appelante reproche à l'intimée de ne pas avoir respectée ; que la fiche de signalement de cet incident qui semble avoir été rédigée par le témoin, bien que son nom n'y figure pas expressément, et qui porte la date du 9 octobre 2017 n'a été transmise que tardivement puisque reçue le 21 octobre 2016 ; que son contenu diffère sensiblement du rapport joint à la fiche 165 et, semble-t'il, attribuable à [V] [F], puisque le nom du rédacteur de la fiche a été rendu illisible, qui impute la responsabilité de l'incident à l'ensemble de l'équipe à qui elle reproche d'avoir masqué le dysfonctionnement constaté et d'avoir voulu privilégier son auto-protection ; que lors d'une réunion d'unité organisée le 20 octobre 2016 l'intimée a souhaité que soient évoqués ces faits, démontrant par la même une absence de volonté de dissimulation ; que les critiques que l'intimée auraient mises à l'encontre du docteur [P] ne reposent que sur un courrier de ce dernier en date du 10 novembre 2017, postérieur à l'entretien préalable et faisant état de faits inexacts puisque l'intimée n'était pas responsable de l'absence de distribution du traitement d'[R] [B], et non caractérisés, le témoin se bornant à invoquer des propos diffamatoires à son encontre sans autre précision à l'occasion d'une discussion avec la tutrice du résident ; que seuls les propos tenus et reconnus par l'intimée dans son courrier du 17 novembre 2016 adressé notamment à la présidente de l'association, selon lesquels l'administration des médicaments à [R] [B] était inutile tant son organisme en était imbibé ; que si de tels propos, qui ne s'adressaient qu'à [E] [O], peuvent paraitre inappropriés, l'intimée émettant ainsi un avis médical qui ne relevait pas de ses compétences, ils ne sont néanmoins pas suffisants pour être constitutifs d'une faute justifiant un licenciement ;

Attendu sur le deuxième grief reposant sur des faits survenus le 14 octobre 2017, qu'ils résultent de l'attestation de [V] [F] qui assure que l'intimée a reconnu avoir jeté deux sachets sur lesquels était mentionnée la posologie du traitement, sous forme de soluté, à administrer le vendredi soir et le samedi matin à [Z] [A], un résident qui retournait momentanément dans sa famille ; que le témoin a retrouvé l'un des deux sachets dans la poubelle du chariot affecté aux traitements ; qu'elle ajoute qu'elle s'est refusée à fouiller l'autre poubelle dans laquelle aurait pu se trouver l'autre sachet, du fait qu'il contenait les déchets les plus divers ; que dans son courrier du 17 novembre 2016 dans lequel elle reprend tous les griefs qui lui sont reprochés, l'intimée, tout en s'inscrivant en faux contre les accusations émises à son encontre, fournit sur l'incident des explications assez obscures laissant penser qu'elle avait pu jeter par inadvertance ces sachets et ne nie pas qu'elle avait invité [V] [F] à effectuer dans les poubelles des recherches qui se sont avérées fructueuses puisque celle-ci y a découvert l'un des deux sachets ; qu'il n'est pas contesté qu'il appartenait à l'intimée de vérifier la présence de ces sachets qui étaient préparés par l'infirmière ; que si cette dernière a pu reconstituer la posologie du médicament à administrer le samedi matin à [Z] [A], il n'en demeure pas moins que l'intimée a fait preuve en l'occurrence au moins d'une négligence inexplicable et fautive ;

 

Attendu sur les pressions exercées par l'intimée, qui au demeurant ne sont pas abordées dans les écritures de l'appelante, que celles-ci reposent exclusivement sur le courrier transmis le 21 octobre 2016 par [E] [O] au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de l'entreprise ; que le témoin reproche à l'intimée de l'avoir, la veille au cours d'une réunion de service, menacée de rédiger des écrits sur les pratiques qu'elle suivait ; qu'elle ajoutait craindre des représailles dont auraient été victimes d'autres salariées qui auraient préféré partir ; que toutefois ces dernières accusations ne sont confortées par aucun élément de preuve ; que dans son courrier du 17 novembre 2016, l'intimée développe d'amples justifications pour écarter le grief qui lui est reproché ; que les propos attribués à cette dernière s'inscrivent en outre dans le cadre de l'incident survenu le 6 octobre 2016, dont [E] [O] considère à tort qu'il était exclusivement imputable à l'intimée ; que ce grief est donc dépourvu de fondement ;

Attendu qu'il en est de même du management inapproprié, grief reposant toujours sur le témoignage écrit de [E] [O] auquel s'est associée [K] [M] et qui ne contient que des appréciations subjectives du travail de l'intimée et de ses rapports avec ses collègues de travail ; que par ailleurs l'intimée rapporte de façon précise, dans le courrier précité, les observations qu'elle a pu adresser à ces dernières et qui ne paraissent nullement excessives ; qu'enfin à ce grief, la salariée oppose le témoignage de [I] [X], moniteur éducateur, [C] [S], ayant travaillé au sein de l'équipe de l'intimée d'avril à octobre 2016 et [T] [W], éducatrice spécialisée, qui louent les qualités professionnelles de cette dernière ;

Attendu enfin que l'attitude frondeuse et l'insubordination de l'intimée, constituant un grief spécifique, ne sont ni documentées ni même abordées dans les écritures de l'appelante de façon distincte des autres griefs articulés ;

Attendu que seuls sont caractérisés les faits survenus le 14 octobre 2016 ; qu'en l'état des pièces produites, ils ne constituent qu'une simple négligence qui, compte tenu de l'ancienneté de vingt-trois années de l'intimée dans l'entreprise et de l'absence de passé disciplinaire de cette dernière, l'appelante ne faisant état, sans plus de précisions, que de rappels à l'ordre oraux qui n'ont laissé aucune trace, ne saurait constituer à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu qu'il convient de confirmer le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire devenue sans objet, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement alloués par les premiers juges, l'appelante ne les contestant qu'au motif que la faute grave était caractérisée et que le licenciement était légitime ;

Attendu en application de l'article L 1235-3 du code du travail dans ses dispositions alors en vigueur qu'à la date de son licenciement l'intimée était âgée de près de soixante ans et jouissait d'une ancienneté de vingt-trois années au sein de l'entreprise ; que son âge rendait extrêmement aléatoire toute possibilité de retrouver une activité salariée  ; qu'elle a dû solliciter le bénéfice d'allocations d'aide au retour à l'emploi qui lui ont été accordées à compter du 9 janvier 2017 ; que les premiers juges ont exactement évalué le préjudice consécutif à la perte de son travail ;

Attendu en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

 

Attendu que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par l'association des allocations versées à l'intimée dans les conditions prévues à l'article précité et dans la limite de six mois d'indemnités ;

 

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 1250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

 

ET Y AJOUTANT,

ORDONNE le remboursement par l'Association de Parents d'Enfants Inadaptés de Béthune au profit du Pôle Emploi des allocations versées à [J] [U] dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE l'Association de Parents d'Enfants Inadaptés de Béthune à verser à [J] [U] 1250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Association de Parents d'Enfants Inadaptés de Béthune aux dépens.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/00949
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00949 ?
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