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29/04/2022 | FRANCE | N°19/00948

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 avril 2022, 19/00948


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 333/22



N° RG 19/00948 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJKF



PL/VM







RO



































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 7]

en date du

20 Mars 2019

(RG F 18/00167 -section 2 )











































GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [S] [W]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène BERNARD, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[L...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 333/22

N° RG 19/00948 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJKF

PL/VM

RO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 7]

en date du

20 Mars 2019

(RG F 18/00167 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [S] [W]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène BERNARD, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de [Localité 7]

SELURL DEPREUX SÉBASTIEN, es qualité de mandataire liquidateur de la SAS PARCYDE

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l'audience publique du 22 Février 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 Février 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[S] [C] épouse [W] a été embauchée en qualité d'esthéticienne conseillère de ventes responsable, statut employée, par contrat à durée indéterminée le 1er juin 2012 par la société PARCYDE. Sa rémunération était composée d'un salaire fixe calculé sur la base d'un taux horaire de 9,26650 euros augmenté d'un complément salarial au poste de responsable, non quantifié, et d'une prime sur ventes issues des prestations, correspondant à 5% sur le montant des prix de gros hors taxes.

Le 14 juin 2016, [Z] [R], ancien directeur commercial de la société, a été condamné par le tribunal correctionnel de [Localité 7] à six mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir détourné un disque dur et des données nominatives constituant notamment un fichier clients et les avoir communiqués à un concurrent de son employeur.

Par jugement du 9 novembre 2016, le tribunal de commerce d'Arras a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société, convertie en redressement judiciaire le 10 mai 2017. Après autorisation de la cession du fonds de Vendin le Viel au bénéfice de la société Arome puis de celui de [Localité 7] au profit de [F] [E], le tribunal de commerce, par jugement du 29 septembre 2017, a prononcé la liquidation judiciaire de la société avec cessation d'activité.

Son licenciement pour motif économique a été notifié à [S] [W] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 octobre 2017 par l'administrateur judiciaire maintenu dans ces fonctions pour la mise en 'uvre de la procédure de licenciement pour les salariés non repris.

Par requête reçue le 16 juillet 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 7] afin d'obtenir des rappels de primes diverses, de faire constater l'illégitimité et l'irrégularité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 20 mars 2019, le conseil de prud'hommes a dit que [S] [W] était créancière de la liquidation judiciaire de la société PARCYDE pour les sommes de

- 11145 euros au titre de la prime spéciale/exceptionnelle

- 1114,50 euros au titre des congés payés y afférents

- 17162,80 euros au titre de la prime sur chiffre d'affaires ou sur prime de ventes

- 1716,28 euros au titre des congés payés y afférents

- 2159 euros à titre d'indemnité pour violation des règles relatives à l'assistance du salarié pendant l'entretien préalable

- 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné le liquidateur de la société PARCYDE, solidairement avec le CGEA d'[Localité 4] à communiquer le bulletin de paie de décembre 2016 rectifié ainsi que les documents de fin de contrat sous astreinte de 25 euros par jour de retard à compter du quinzième jour du prononcé du jugement,

débouté la salariée de ses autres demandes

et déclaré le jugement opposable au CGEA d'[Localité 4].

Le 15 avril 2019 [S] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 15 février 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 22 février 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 16 juin 2021, [S] [W] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, la décision devant être déclarée commune et opposable au CGEA d'[Localité 4] qui doit garantie des salaires à la salariée, et la condamnation du liquidateur de la Société PARCYDE, solidairement avec le CGEA d'[Localité 4] au paiement de

- 35216,67 euros au titre de la «prime spéciale/exceptionnelle»

- 3521,67 euros au titre des congés payés y afférents

- 9000 euros au titre du complément salarial

- 900 euros au titre des congés payés y afférents

- 53078,54 euros au titre de la prime sur le chiffre d'affaires entre 2015 et 2017

- 5307,85 euros au titre des congés payés y afférents

- 3962,70 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté

- 1981,35 euros du fait du non-respect de la périodicité du paiement de salaire pour le mois d'octobre 2017

- 2335,15 euros à titre de reliquat d'indemnité légale de licenciement

- 23776 euros à titre d'indemnité pour défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement ou, à titre subsidiaire, 3962,70 euros à titre d'indemnité du fait de l'irrégularité de la procédure de licenciement conformément aux dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail

- 3962,70 euros à titre d'indemnité par suite de l'absence de mise en place de délégué du personnel dans la société et de l'absence de procès-verbal de carence

- 3962,70 euros à titre d'indemnité du fait de la violation de l'obligation de préserver la santé et la sécurité de la salariée

en tout état de cause,

la condamnation du liquidateur de la société PARCYDE, solidairement avec le CGEA d'[Localité 4] à communiquer les documents de fin de contrat ainsi que les bulletins rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé du jugement et à verser une indemnité d'un montant de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

la capitalisation des intérêts et l'exécution provisoire sur la décision à intervenir.

L'appelante expose que la formation collégiale de la cour de céans ne pourra statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée, que ses prétentions sont recevables, qu'en août 2016, elle a constaté une diminution de sa rémunération par la réduction d'une «prime spéciale/exceptionnelle», versée mensuellement depuis son entrée dans la société et qui avait donc la valeur juridique d'un usage, que ni la société PARCYDE ni le liquidateur n'ont dénoncé l'usage précité dans les conditions requises par la jurisprudence, que l'acceptation d'un bulletin de paie sans réserve ne peut pas être interprétée comme impliquant une renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure sur ses salaires, que l'usage d'entreprise est constitué suite au versement de cette prime, que le rappel de prime d'usage auquel il est en droit de prétendre doit couvrir les sommes dues à compter de novembre 2014, que son contrat de travail prévoyait le versement d'un complément de rémunération au titre de ses activités de responsable du magasin, dénommé «complément salarial au poste de responsable», qu'elle ne l'a pas perçu, que la «prime sur CA» a été supprimée par l'employeur sans explication alors qu'elle était contractuellement prévue, qu'elle est donc fondée à solliciter le rappel de salaire au titre de cette prime également nommée : «prime sur ventes issues des prestations, à savoir 5% sur le montant des prix de gros hors taxes», pour les années 2015, 2016 et 2017, que la suppression d'un élément de rémunération constitue un manquement au devoir de loyauté. qu'elle est en droit de solliciter le versement d'une indemnité en raison de ce manquement, que son salaire devait être payé au moins une fois par mois, que celui d'octobre 2017 a connu un retard qui lui a occasionné un préjudice, que son salaire de référence dans lequel doit être réintégré le rappel des primes dues et non payées s'élève à 3962,70 euros, ou à titre subsidiaire à 2204,37 euros, que le reliquat d'indemnité légale de licenciement due est égal à 2335,15 euros, que la société n'a jamais mis en place d'élections professionnelles pour se conformer aux dispositions légales, alors qu'elle comptait plus de onze salariés, qu'elle se trouvait en arrêt de travail pour maladie du 19 août au 21 septembre 2013, que son licenciement est intervenu pendant la suspension du contrat de travail du fait du défaut d'organisation de visite médicale de reprise, que les difficultés économiques de la société sont intrinsèquement liées au comportement de son ancien préposé au poste de directeur commercial qui a notamment été condamné pénalement, que l'employeur n'a pas pris les mesures suffisantes à préserver l'activité et la pérennité de l'entreprise et des emplois, qu'en dépit de ces difficultés, il a distribué à ses collaborateurs sur l'ensemble des points de vente et pendant plusieurs années d'importantes primes versées mensuellement jusqu'en août 2016, que le licenciement de l'appelante ne peut valablement reposer sur une cause réelle et sérieuse, qu'elle a subi un préjudice du fait de la perte de son travail, qu'elle est toujours à la recherche active d'un emploi et bénéficie, à ce jour, d'une allocation de sécurisation professionnelle journalière d'un montant de 50,94 euros, qu'elle devait bénéficier d'une visite médicale de reprise en raison de son absence de son poste de travail pour cause de maladie durant trente jours au moins, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une visite de reprise et n'a pas davantage bénéficié d'une visite médicale d'embauche, que son employeur a commis une violation de l'obligation de préserver sa santé et sa sécurité.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 23 avril 2021, le mandataire liquidateur de la société PARCYDE intimé et appelant incident, sollicite de la cour qu'elle déclare irrecevables les demandes de l'appelante, à titre subsidiaire conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu cette dernière créancière d'une prime spéciale et d'une prime sur chiffre d'affaires ou d'une prime de vente, des congés payés y afférents, d'une indemnité pour manquement aux règles relatives à l'assistance du salarié pendant l'entretien préalable et d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné le liquidateur de la société PARCYDE, solidairement avec le CGEA d'[Localité 4] à communiquer sous astreinte le bulletin de paie de décembre 2016 rectifié ainsi que les documents de fin de contrat, à la confirmation pour le surplus, à la fixation du salaire de référence de l'appelante à la somme de 2204.37 euros, au débouté de l'ensemble des demandes de cette dernière et à sa condamnation au paiement de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le mandataire liquidateur soutient que les demandes de l'appelante sont irrecevables en application de l'article L.622-21 du code de commerce, que le contrat de travail ne stipulait pas le bénéfice d'une prime spéciale en complément de la rémunération mensuelle de base, que les primes dites «spéciales», dont l'appelante a pu bénéficier ne revêtent pas le caractère d'usage, dès lors qu'elles ne répondent pas au critère de fixité exigé mais à des critères aléatoires et subjectifs, fonction des résultats de la société et de la motivation, de la présence et de l'implication de la salariée, qu'elles ne constituaient donc pas un élément de salaire mais une libéralité laissée à la discrétion de l'employeur, en vertu de son pouvoir de direction, que la suppression de la prime spéciale ne caractérise pas un manquement à l'obligation de loyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, que le contrat de travail n'apporte aucune précision sur les modalités de versement de la prime de responsable de magasin, sur sa périodicité et son mode de calcul, que l'appelante ne s'explique pas sur le principe de cette prime ni même sur le montant qu'elle retient et n'en justifie pas, que la prime sur chiffre d'affaires a été occasionnellement versée à la salariée lorsque le chiffre d'affaires le justifiait, qu'en cas de retard de paiement du salaire, le salarié ne peut obtenir des dommages et intérêts qu'en cas de préjudice distinct de celui résultant du retard dans le versement des salaires et de mauvaise foi de l'employeur, que le salaire du mois d'octobre 2017 a bien été réglé à l'appelante, puisqu'elle a sollicité l'avance des fonds du CGEA et que le paiement a bien été effectué, qu'elle n'a dû subir qu'un seul retard dans le paiement de son salaire, à raison des difficultés financières de la société et de la procédure collective, qu'elle ne produit aucun élément qui mettrait en exergue la moindre carence de l'employeur au titre de l'obligation de sécurité, que seule une somme de 2204,37 euros, correspondant à la rémunération mensuelle brute moyenne des douze derniers mois de la salariée, doit être retenue, que s'agissant de l'indemnité de licenciement, elle a été remplie de ses droits, que l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement consécutive au défaut de consultation des délégués du personnel n'est accordée que lorsque le salarié démontre qu'un tel manquement lui a causé un préjudice distinct, ce que l'appelante n'établit pas, qu'il était impossible de maintenir le contrat de travail de l'appelante pour un motif étranger à la suspension de son contrat de travail, que la preuve de légèreté blâmable de l'employeur n'est pas rapportée, que la société s'est brutalement aperçue que l'un de ses préposés se rendait coupable d'abus de confiance, entre le 28 août 2015 et le 6 novembre 2015, qu'elle n'est pas demeurée inerte puisqu'elle a immédiatement déposé plainte à son encontre et a procédé à son licenciement, que de simples erreurs de prévision ou de gestion ne peuvent suffire à priver de cause économique un licenciement justifié par la fermeture de l'entreprise ni à établir la légèreté blâmable, que les motifs économiques ont été précisément exposés dans la lettre de licenciement et ne sont nullement contestés par la salariée, qu'enfin l'appelante doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents, qu'elle s'est vu remettre en temps utile l'intégralité de ses bulletins de paie et des documents de fin de contrat qui ne doivent pas être rectifiés.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 11 janvier 2022, l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4] conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'appelante créancière d'une prime spéciale, des congés payés y afférents, d'une prime sur le chiffre d'affaires ou de ventes, des congés payés y afférents, d'une indemnité pour manquement aux règles relatives à l'assistance du salarié pendant l'entretien préalable, d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné le liquidateur de la société PARCYDE, solidairement avec le CGEA d'[Localité 4] à communiquer sous astreinte le bulletin de paie de décembre 2016 rectifié ainsi que les documents de fin de contrat, la confirmation pour le surplus et à titre infiniment subsidiaire sollicite de la cour que la décision soit déclarée opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS d'[Localité 4] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L3253-1 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253- 5 du code du travail, en tout état de cause et si l'opposabilité à l'AGS est prononcée, que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire.

Le Centre de Gestion et d'Étude AGS fait valoir que l'appelante qui a été embauchée le 1er juin 2012 et licenciée le 25 octobre 2017 a perçu des sommes de l'AGS, qu'elle peut prétendre, conformément à l'article R1234-2 du code de travail, à ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté, que l'indemnité de licenciement qu'elle a perçue d'un montant de 3031,01 euros est exacte, puisque la moyenne de ses douze derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2204,37 euros, que si l'appelante considère avoir subi un préjudice du fait de l'absence de consultation des délégués du personnel dans le cadre de la procédure de licenciement, elle n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle invoque, que bien que le contrat soit resté suspendu puisque l'appelante n'avait pas bénéficié d'une visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail, l'employeur se trouvait dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail en raison de la cessation d'activité, le reclassement de la salariée s'avérant impossible, que le liquidateur démontre que l'employeur ne s'est nullement rendu responsable d'une quelconque légèreté blâmable, qu'il a immédiatement déposé plainte et qu'il a licencié [Z] [R] très rapidement après avoir pris connaissance des faits, qu'il a en outre sollicité l'octroi d'une mesure de sauvegarde dès que les difficultés financières sont apparues, sans les dissimuler, qu'il n'est nullement démontré la constance, la fixité et la généralité de la prime spéciale revendiquée, que la prime sur le chiffre d'affaires a été versée à plusieurs reprises comme le démontre le liquidateur, que le CGEA s'en rapporte à l'argumentation du liquidateur en ce qu'il démontre le caractère infondé de la demande de prime responsable magasin, que s'il est vrai que le salaire d'octobre n'a pas été réglé dans les délais, ce retard s'explique par les difficultés économiques que rencontrait l'entreprise, qu'en tout état de cause, la situation a été régularisée très rapidement par l'AGS, qu'à titre infiniment subsidiaire, l'AGS rappelle les limites de sa garantie.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article du code L622-21 du commerce que les demandes formées par l'appelante sont recevables puisqu'elles tendent en réalité à faire inscrire sa créance, dont elles résulteraient, au passif de la liquidation judiciaire de la société PARCYDE représentée par son liquidateur et à la déclarer opposable à l'AGS ;

Attendu en application de l'article L1222-1 du code du travail qu'il résulte des différents bulletins de paye produits à compter du 1er juin 2012 que l'appelante percevait, outre son salaire de base une prime d'ancienneté et une prime de transport, une prime dite «sur le chiffre d'affaires», jusqu'en novembre 2012, puis une prime exceptionnelle de décembre 2012 à avril 2013 puis une prime spéciale à partir de mai 2013 ; que l'appelante n'a perçu cumulativement cette dernière prime avec une prime sur le chiffre d'affaires qu'en mars et avril 2014, en janvier et février 2015 ; que la prime spéciale, comme les deux précédentes, ne résultait pas du contrat de travail et ne présentait aucune fixité, puisqu'elle a oscillé entre 400 et 2500 euros jusqu'au mois de juin 2016, date à laquelle elle a été évaluée à la somme de 500 euros ; qu'elle a disparu à partir du mois d'août 2016 au profit à nouveau, à compter du mois de septembre, d'une prime sur le chiffre d'affaires d'un montant uniforme de 250 euros, elle-même supprimée à partir de décembre 2016 ; qu'il apparaît de cette chronologie que le versement de la prime spéciale, comme celui des deux autres, était totalement arbitraire et relevait du pouvoir discrétionnaire de l'employeur ; qu'en l'absence de fixité, l'appelante n'est pas fondée à solliciter un rappel de salaire au titre de la prime spéciale ; que s'agissant de la prime dénommée prime sur ventes issues des prestations, elle parait se confondre, dans les bulletins de paye communiqués, avec la prime sur le chiffre d'affaires ; qu'au demeurant, l'appelante n'établit nullement que cette prime sur ventes, dont le mode de calcul est entièrement opaque, corresponde aux sommes qu'elle revendique devant la cour, alors que par ailleurs elle n'a jamais émis la moindre réclamation durant toute la relation de travail du fait de son défaut de paiement ; que s'agissant du complément salarial prévu au contrat de travail, l'appelante ne démontre pas que la société était assujettie à la convention collective de la parfumerie à laquelle elle puisse se reporter pour évaluer le rappel de salaire susceptible d'être dû au titre de ses fonctions de responsable ; qu'en outre, les bulletins de paye qui se référaient initialement à la convention collective pour le commerce stéphanois autre que l'alimentation, ont fait mention, à compter de mars 2013, d'une absence de convention collective applicable au sein de l'entreprise; que l'évaluation par l'appelante de ce rappel à la somme mensuelle de 250 euros ne repose sur aucun élément de comparaison qui pourrait légitimer son évaluation ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'aucun rappel de salaire n'est dû ;

Attendu toutefois que le défaut de versement du complément salarial auquel s'était engagé l'employeur dans le contrat de travail du fait des fonctions de responsable attribuées à l'appelante constitue bien un manquement à l'exécution loyale du contrat de travail ; que ce manquement qui a privé l'appelante d'un complément à son salaire pendant toute la durée de la relation de travail lui a bien occasionné un préjudice qu'il convient d'évaluer au moins à la somme sollicitée, soit 3962,70 euros ;

Attendu qu'il convient d'évaluer la rémunération mensuelle brute moyenne de l'appelante à la somme qu'elle propose dans ses écritures, pour le cas il n'aurait pas été fait droit à sa demande de rappel de primes, soit 2204,37 euros ; que compte tenu de son ancienneté au sein de l'entreprise courant à compter du 1er juin 2012, elle ne pouvait revendiquer au titre de l'indemnité de licenciement une somme supérieure à celle qui lui a été versée par l'intimé, calculée conformément aux dispositions de l'article R1234-2 du code du travail, soit 2 75,40 euros ;

Attendu en application des dispositions de l'article R4624-21 4° du code du travail alors en vigueur qu'il résulte des bulletins de paye produits que l'appelante a fait l'objet d'un arrêt de travail du 19 août au 21 septembre 2013 ; que son absence, consécutive à un arrêt de travail pour maladie, étant d'au moins 21 jours, elle devait bénéficier d'un examen médical de reprise ; qu'à défaut son contrat de travail était bien réputé suspendu puisque seul l'examen pratiqué par le médecin du travail, lors de la reprise du travail, met fin à la suspension du contrat de travail ; que toutefois l'impossibilité de procéder à son licenciement dont elle se prévaut ne concerne que le licenciement survenu durant une période de suspension du contrat de travail consécutive à un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle conformément à l'article L1226-9 du code du travail ; que cependant, il appartenait à l'employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise conformément à l'article L4121.1 dudit code, de prendre l'initiative de soumettre la salariée à une visite médicale de reprise dès lors que celle-ci avait manifesté la volonté de reprendre son travail à l'issue de l'arrêt maladie ; que cette omission constitue bien un manquement à l'obligation de sécurité dont était débitrice la société, qui a occasionné un préjudice à l'appelante qu'il convient d'évaluer à la somme de 3900 euros ;

Attendu en application de l'article du code L1233-3 du code du travail qu'il résulte de l'attestation de la société d'expertise comptable que le chiffre d'affaires relatif au comité d'entreprise de la société avait diminué de 1 127 248 euros entre 2014 et 2015 ; que le détournement dont s'était rendu coupable le directeur commercial, consistant en la revente notamment du fichier clients à la société C.E. Parfum Direct établie dans la principauté de Monaco avait entraîné, selon la gérante de la société PARCYDE, une perte de 1,7 million d'euros de chiffre d'affaires ; qu'aux effets du détournement s'ajoutait, comme le constate l'administrateur judiciaire, la dénonciation par les partenaires bancaires de la société de l'ensemble de leurs concours à compter de l'automne ainsi que des performances médiocres ; que la situation financière de la société était donc définitivement compromise par l'ensemble de ces facteurs ; qu'elle a conduit le tribunal de commerce d'Arras à ouvrir une procédure de sauvegarde le 9 novembre 2016, puis une procédure de redressement judiciaire 10 mai 2017 ; que les graves difficultés économiques rencontrées par la société sont mises également en évidence par le budget prévisionnel arrêté au mois de juillet 2017 faisant apparaître une insuffisance de trésorerie de 38000 euros et par les loyers du site de Cora Lens restés impayés au deuxième trimestre pour un montant de 35000 euros ; qu'il ne peut donc être conclu que la dégradation de la situation financière de l'entreprise soit consécutive à la seule légèreté blâmable de son dirigeant, légèreté qui, selon l'appelante, serait caractérisée par le fait que la société ait versé à son directeur commercial entre janvier 2015 et juin 2016 des primes ;

Attendu que si le défaut de paiement momentané du salaire de septembre 2017 est resté un incident isolé et est consécutif aux graves difficultés financières évoquées précédemment, il n'en demeure pas moins qu'il a bien occasionné un préjudice financier à l'appelante qui n'a pas reçu dans les délais le salaire auquel elle pouvait prétendre conformément à l'article L3242-1 du code du travail ; qu'il convient en conséquence d'évaluer le préjudice subi à la somme de 1000 euros ;

Attendu en application de l'article L2312-2 du code du travail qu'il n'est pas contesté que lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de l'entreprise, la société PARCYDE comptait plus de onze salariés mais ne disposait pas de délégué du personnel ; que pourtant cet effectif avait été atteint au cours des trois années précédentes ; que la société n'a jamais organisé d'élections professionnelles pour se conformer à ses obligations légales ou établi de procès-verbal de carence exigé par l'article L2314-5 du code du travail ; que compte tenu des missions dont sont investis les délégués du personnel et qui sont définies à l'article L2313-1 du code du travail, le défaut d'établissement d'un procès-verbal de carence qui a pour effet d'avertir l'inspection du travail et les organisations syndicales de salariés a bien occasionné un préjudice à l'appelante qu'il convient d'évaluer à la somme de 3000 euros ; que l'indemnité sollicitée également par cette dernière au titre de l'irrégularité de son licenciement puisque, lors de l'entretien préalable, elle n'aurait pu se faire assister d'un membre d'une institution représentative du personnel de l'entreprise, conformément à l'article L1232-4 du code du travail, n'est que la conséquence de l'omission constatée précédemment qui a donné lieu à réparation et n'a pas généré de préjudice distinct ;

Attendu que le licenciement de l'appelante est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'elle n'est créancière d'aucun rappel de salaire, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise sous astreinte de documents de fin de contrat ainsi que des bulletins de paye rectifiés ;

 

Attendu qu'il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA dans les limites de sa garantie ;

Attendu que l'équité commandait que les premiers juges allouent la somme de 750 euros à l'appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que toutefois son paiement doit être supporté exclusivement par le liquidateur de la société ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû en exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE [S] [C] épouse [W] recevable en ses demandes,

REFORME le jugement déféré,

FIXE la créance de [S] [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société PARCYDE à la somme de

- 3962,70 euros à titre d'indemnité par suite du manquement de son employeur à son obligation de loyauté

- 3900 euros à titre d'indemnité par suite du manquement de son employeur à son obligation d'assurer la sécurité et la santé de la salariée

- 1000 euros en réparation du préjudice subi par suite du non-respect de la périodicité du paiement du salaire

- 3000 euros en réparation du préjudice subi par suite du défaut d'établissement d'un procès-verbal de carence en raison de l'absence de mise en place de délégués du personnel dans la société,

DÉBOUTE [S] [W] du surplus de sa demande,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner la remise sous astreinte des documents de fin de contrat et des bulletins de paye rectifiés,

DIT que la somme allouée par les premiers juges en application de l'article 700 du code de procédure civile sera supportée exclusivement par le liquidateur judiciaire de la société PARCYDE,

 

DÉCLARE l'arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4],

 

DIT que l'AGS-CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code,

DÉBOUTE l'AGS CGEA de sa demande tendant à subordonner ses avances à la justification par le mandataire de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes garanties mais rappelle que l'obligation au paiement de l'AGS-CGEA ne pourra s'effectuer que sur présentation par le mandataire d'un relevé de créance,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

MET les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société PARCYDE.

LE GREFFIER

S. STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/00948
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00948 ?
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