La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/04/2022 | FRANCE | N°19/00944

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 29 avril 2022, 19/00944


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 685/22



N° RG 19/00944 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJJO



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

06 Mars 2019

(RG F17/00207 -section )








































<

br>

GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [S] [R]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Vincent DOMNESQUE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS :



SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS en liquidation judiciaire
...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 685/22

N° RG 19/00944 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJJO

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

06 Mars 2019

(RG F17/00207 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [S] [R]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Vincent DOMNESQUE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS :

SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS en liquidation judiciaire

Me [I] [E] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL DEM'BOX DÉMÉNAGEMENTS »,

Signification de la déclaration d'appel le 18 juin 2019 à domicile,

[Adresse 1]

[Localité 5]

n'ayant pas constitué avocat

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS :à l'audience publique du 17 Novembre 2021

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 28 Janvier 2022 au 29 Avril 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 27 Octobre 2021

EXPOSE DU LITIGE

LA SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS a engagé M. [S] [R], né en 1978, en qualité de chauffeur routier à compter du 24/12/2015, sans contrat de travail écrit.

Le tribunal de commerce de [Localité 4] a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS par jugement du 28/11/2016, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 24/01/2017, Me [I] [E] étant désigné en qualité de liquidateur.

Par lettre du 10/02/2017 adressée par son conseil, M. [S] [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS, indiquant avoir été recruté à compter du 24/12/2015 en qualité de chauffeur longue distance, coefficient 150 M, à temps complet, avoir constaté que l'employeur ne respectait pas le salaire convenu entre 2.000 € et 2.200 €, faisant valoir que de nombreuses heures supplémentaires n'ont pas été payées, qu'il a été exposé à des conditions de travail dangereuses, qu'il a été victime d'un accident le 20/04/2016 lorsque l'essieu arrière d'un tracteur a cédé, qu'il a dû ensuite s'arrêter mais qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur à compter du 01/06/2016 pour reprendre le travail, que depuis il n'a plus reçu ni salaire ni fiches de paie.

Par requête du 02/03/2017, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille de diverses demandes indemnitaires tenant à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 06/03/2019, le conseil de prud'hommes a :

-débouté M. [S] [R] de l'ensemble de ses demandes,

-laissé les dépens à M. [R].

Par déclaration reçue le 12/04/2019, M. [R] a interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions du 12/07/2020, M. [S] [R] demande à la cour de :

«A titre liminaire,

Vu l'article 367 du Code de procédure civile,

- Joindre l'appel principal de Monsieur [R] enregistré sous le numéro de répertoire général 19/00944, avec le second appel principal formé par ce dernier sous le numéro de répertoire général 19/00953.

Au principal, infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de LILLE le 06.03.2019 en ce qu'il a :

-DÉBOUTÉ Monsieur [S] [R] de ses demandes ;

-LAISSÉ les dépens à Monsieur [R].

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Vu la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport,

Vu l'ensemble des pièces versées aux débats :

-Débouter le mandataire liquidateur et l'UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE LILLE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

1/ Sur l'exécution du contrat de travail :

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société DEM BOX DEMENAGEMENTS n'a pas respecté la qualification de Monsieur [S] [R] ;

-En conséquence, FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS à la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts ;

-FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la Liquidation judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS à la somme de 18.100,91 bruts à titre de rappel de salaires (salaires impayés, heures supplémentaires et majoration heures de nuit) outre 1.810,09 bruts au titre des congés payés afférents ;

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société DEM BOX DEMENAGEMENTS n'a pas versé

l'intégralité de la somme due au titre des paniers repas ;

-En conséquence, FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS la somme de 951,92 € nets ;

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société DEM BOX DEMENAGEMENTS s'est rendue coupable de travail dissimulé à l'encontre de Monsieur [S] [R];

-En conséquence, FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS à la somme de 10.711, 92€ au titre des dispositions de l'article L8223-1 du Code du travail ;

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société DEM BOX DEMENAGEMENTS a gravement manqué à son obligation de loyauté et à son obligation de sécurité de résultat à laquelle elle était tenue envers Monsieur [S] [R] ;

-En conséquence, FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS à la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

2/ Sur la rupture du contrat de travail

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société DEM BOX DEMENAGEMENTS a gravement failli à ses obligations contractuelles à l'égard de Monsieur [S] [R] ;

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la rupture du contrat de travail de Monsieur [R] a été provoquée par les manquements contractuels imputables à la Société DEM BOX DEMENAGEMENTS ;

-DIRE ET JUGER que la rupture du contrat de travail est intervenue aux torts exclusifs de la Société DEM BOX DEMENAGEMENTS ;

-EN CONSEQUENCE, DIRE ET JUGER que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-En conséquence, FIXER la créance de Monsieur [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS aux sommes suivantes:

7.141,28 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1.785,32 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

178,53 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

401,69 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

-DIRE ET JUGER que la créance sera inscrite sur l'état des créances déposées auprès de la juridiction commerciale, en application des dispositions de l'article L625-1 du Code de commerce

-Ordonner à Maître [I] [E] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société DEM'BOX DEMENAGEMENTS, la remise à Monsieur [S] [R] des documents de fin de contrat rectifiés à jour de l'arrêt à intervenir :

Du certificat de travail ;

Du reçu pour solde de tout compte ;

De l'attestation PÔLE EMPLOI ;

Du dernier bulletin de paie ;

-Dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE

[Localité 4] ;

-Dire et juger que le CGEA sera tenu de garantir les créances salariales de Monsieur [R] ;

-Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

-Condamner Maître [I] [E] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société DEM'BOX DEMENAGEMENTS et l'UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE [Localité 4] à payer chacun la somme de 2.000 € à Monsieur [R] par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et ce, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

-Autoriser, s'il en a fait l'avance sans en avoir reçu provision, Maître Vincent DOMNESQUE, Avocat constitué, à recouvrer les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ».

L'Unedic délégation AGS, CGEA de [Localité 4], selon ses conclusions du 11/10/2019, demande à la cour de :

«A titre principal

Confirmer la décision entreprise,

Débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

À titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour jugeait que la prise d'acte effectuée après le prononcé de la liquidation judiciaire produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Vu les articles L 3253-6 et suivants du Code du travail

Vu l'article L. 3253-8, 2° du code du travail

Dire et juger que la garantie de l'AGS n'est pas engagée s'agissant de créances qui ne résulteraient pas de la rupture du contrat de travail à l'initiative du mandataire liquidateur,

A titre infiniment subsidiaire

Dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie

légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues.

Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du Code du Travail.

Statuer ce que de droit quant aux dépens.  ».

Me [I] [E] n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

Par décision du 28/01/2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de la procédure inscrite sous le numéro RG 19/00953 avec celle inscrite sous le numéro RG 19/00944.

La clôture des débats résulte d'une ordonnance du 27/10/2021.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites des parties dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

La demande de jonction est sans objet.

Sur l'exécution du contrat de travail

-sur la classification

L'appelant indique avoir été recruté sans contrat de travail écrit, en qualité de chauffeur, coefficient 150. Il indique qu'il conduisait des super poids lourds de 44 tonnes et réalisait plus de 300 kilomètres par jour. Il indique avoir été rémunéré à un taux horaire inférieur au coefficient 150 de la convention collective, et sollicite la somme de 5.000 € de dommages-intérêts pour non respect de sa qualification et des dispositions conventionnelles.

L'intimée répond que les fiches de paye ne mentionnent ni la nature de l'emploi, ni la position, le niveau, l'échelon ou le coefficient de l'emploi occupé par le salarié.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'espèce, M. [R] invoque le coefficient 150. Ce coefficient correspond, selon l'avenant du 12/05/1990 étendu par arrêté du 25/03/1991, et les avenants ultérieurs, au groupe 7, qui est ainsi défini par l'annexe I « nomenclature et définition des emplois » du 16/06/1961 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport :

« 7. Conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourd. - Ouvrier chargé de la conduite d'un véhicule automobile, porteur ou tracteur, et ayant la qualification professionnelle nécessaire à l'exécution correcte (c'est-à-dire avec le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l'efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle) de l'ensemble des tâches qui lui incombent normalement (c'est-à-dire conformément à l'usage et dans le cadre des réglementations existantes) dans l'exécution des diverses phases d'un quelconque transport de marchandises. En particulier : utilise rationnellement (c'est-à-dire conformément aux exigences techniques du matériel et de la sécurité) et conserve en toutes circonstances la maîtrise de son véhicule ; en assure le maintien en ordre de marche ; a les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de dépanner son véhicule, s'il en a les moyens, soit en cas de rupture de pièces ou d'organes de signaler à l'entreprise la cause de la panne ; peut prendre des initiatives notamment s'il est en contact avec le client ; est capable de rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d'accident, de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule ; assure l'arrimage et la préservation des marchandises transportées ; est responsable de la garde de son véhicule, de ses agrès, de sa cargaison et, lorsque le véhicule est muni d'un coffre fermant à clé, de son outillage; peut être amené en cas de nécessité à charger ou à décharger son véhicule[...] ».

L'attestation de Mme [N], ancienne secrétaire de la société DEM BOX DEMENAGEMENTS ne concerne pas M. [R]. L'attestation de M. [V] [F], ancien salarié de l'entreprise, est insuffisante à établir la conduite permanente de véhicules poids lourds de plus de 19 tonnes (correspondant à la qualification du groupe 6), étant ajouté que l'appelant ne produit pas les pièces utiles pour justifier de la qualification de conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourds, coefficient 150 M du groupe 7, notamment qualifications et certificats de travail antérieurs. La demande de dommages-intérêts est donc rejetée.

-le rappel de salaire

L'appelant fait valoir qu'il n'a pas été rémunéré conformément au coefficient 150 de la convention collective, qu'il a réalisé entre décembre 2015 et avril 2016 de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été réglées, qu'il n'a pas été payé au titre de la majoration des heures de nuit. Il sollicite à ce titre une somme globale de 18.100,91 € outre les congés payés.

Le CGEA conteste les tableaux produits par le salarié.

Selon l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au préalable, M. [R] présente une demande d'indemnisation globale, sans en distinguer les postes, la cour ayant toutefois suffisamment d'éléments pour statuer sur celle-ci au regard des éléments qui suivent.

Aucun rappel de salaire n'est dû au titre des minima conventionnels, le coefficient 150 n'ayant pas été retenu.

Au soutien de ses prétentions M. [R] verse un tableau récapitulant ses jours et horaires de travail du 24/12/2015 au 19/04/2016. Ce décompte est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments, ce qui n'est pas fait. Au regard du décompte produit, il se déduit de l'ensemble de ces faits, à l'encontre desquels l'employeur n'apporte aucun élément de contradiction probant, que le salarié a effectivement effectué les heures supplémentaires et qu'il convient de fixer, eu égard au taux de majoration légal et à la variation du taux horaire, par la somme de 1.800,05 € outre 180,01 € de congés payés afférents.

En vertu des dispositions de l'article L3122-31 du code du travail dans sa version applicable, est considéré comme travailleur de nuit tout travailleur qui :

1° Soit accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période définie à l'article L. 3122-29 ou à l'article L. 3122-30 ;

2° Soit accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de ces mêmes articles.

Au regard du décompte produit, la demande doit être accueillie à hauteur de la somme de 583,08 € outre 58,31 € de congés payés afférents.

-Sur les indemnités de repas

L'appelant sollicite la somme de 13,04 € par jours sur une période de 73 jours. Compte-tenu du tableau récapitulatif de ses horaires de travail, la demande en paiement de la somme de 951,92 € nets doit être accueillie.

-Sur le travail dissimulé

L'appelant indique que l'employeur a indiqué un nombre d'heures inférieur à celui réalisé jusqu'au mois d'avril 2016, qu'il n'a plus délivré de bulletins de paie à compter du mois de mai 2016 ni fourni de travail, que l'employeur n'a jamais effectué de déclaration préalable à l'embauche.

Le CGEA indique que la preuve n'est pas rapportée d'une dissimulation intentionnelle d'emploi.

En application des dispositions de l'article L8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il ressort du procès-verbal d'audition de M. [R] du 01/04/2019 que l'URSSAF lui a indiqué qu'il n'était pas déclaré comme salarié. Cependant, aucun document de l'URSSAF n'est produit, le courriel de la DIRRECTE du 02/09/2016 indiquant qu'« il semblerait que tous les droits des salariés et toutes les obligations administratives n'ont pas été respectées par le gérant » ne permettant pas d'affirmer avec certitude que la formalité de déclaration préalable a été omise.

En revanche, l'employeur ne pouvait pas ignorer, s'agissant d'une activité de transport routier impliquant l'usage de chronotachygraphe mesurant le temps de travail, la réalité d'heures supplémentaires qui devaient dès lors apparaître sur les bulletins de paie. De surcroît, il ressort des correspondances échangées, que le salarié a été absent à compter du 21/04/2016, mais que cette absence n'est pas injustifiée : le salarié a écrit à deux reprises, en réponse aux lettres de l'employeur, au siège de la société le 30/04/2016 et le 24/05/2016. La première lettre comporte la mention « pli avisé non réclamé » et la seconde « pli refusé ». M. [R] explique son absence temporaire de l'entreprise par la violation de l'employeur du repos quotidien et des temps de conduite, outre l'avance de frais de carburant, et explique être absent pour 28 jours compte-tenu des temps de conduite excessifs ayant entraîné le paiement d'amendes.

En dépit de ce litige, M. [R], selon sa deuxième lettre, se tient à la disposition de l'employeur à compter du 01/06/2016.

Il est manifeste que l'employeur n'a plus remis de bulletins de paie au salarié à compter du mois de mai 2016.

Le fait que le salarié soit absent, l'employeur ayant été avisé des motifs de celle-ci, ne pouvait aucunement dispenser ce dernier de ses obligations contractuelles de remise des bulletins de paie. Ces manquements sont donc intentionnels.

L'appelant est donc bien fondé à obtenir l'indemnité prévue à l'article L8223-1 du code du travail, qui dispose que en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La demande sera donc accueillie à hauteur de 8.799,90 €.

Sur la violation de l'obligation de prévention des risques professionnels et l'exécution de bonne foi du contrat de travail

L'appelant expose que la société DEM'BOX DEMENAGEMENTS n'a pas appliqué le coefficient approprié de la convention collective, qu'il a été amené à avancer des frais de carburant et de péage, entre 200 et 300 € par mois, qu'il a été exposé à des conditions de travail dangereuses, les camions n'étant pas régulièrement entretenus notamment le système de freinage, qu'il a régulièrement alerté l'employeur sur son amplitude de travail, le repos quotidien et les temps de conduite, qu'il a été victime d'un accident.

Le CGEA considère le manquement non établi au regard de l'attestation produite de M. [F].

Sur ce, l'article L. 1222-1 du Code du travail prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Aux termes des dispositions de l'article L4121-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il n'est pas justifié d'un manquement de l'employeur à la classification, ni des frais avancés. S'agissant des conditions de sécurité, il n'est pas justifié que le véhicule utilisé par M. [R] circulait sans contrôle technique ou que les freins ne fonctionnaient plus. M. [R] évoque un accident dans son procès-verbal d'audition mais ce fait n'est pas établi par les pièces produites, notamment les photographies d'une roue et du tableau de bord.

En revanche, il apparaît que l'amplitude de travail n'a pas été respectée à plusieurs reprises, l'article 2 b de l'accord du 16/06/1961 relatif aux ouvriers -annexe I- stipulant que l'amplitude au-delà de 12 heures et dans la limite de 14 heures est indemnisé au taux de 65 % de la durée du dépassement d'amplitude. Le tableau démontrent plusieurs dépassements d'amplitude notamment les 04/03/2016, 07/04/2016 ou encore le 18/04/2016.

Le manquement aux dispositions conventionnelle a causé au salarié un préjudice qu'il convient de réparer par la somme de 500 € de dommages-intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient et si les manquements sont suffisamment graves et empêchent la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. La rupture du contrat de travail est immédiate et la prise d'acte ne peut être rétractée. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge doit examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans sa lettre de rupture.

L'appelant expose que l'employeur n'a plus réglé les salaires à partir du 21 avril 2016, qu'il n'a plus reçu ses bulletins de paie, qu'il a été exposé à des conditions dangereuses de travail pour sa santé et sa sécurité, qu'il n'a pas été déclaré auprès de l'Urssaf et n'a pas fait l'objet de visite médicale d'embauche.

L'Unedic invoque que M. [R] a cessé de travailler dans le courant du mois d'avril, et que la prise d'acte est intervenue après la liquidation judiciaire, les conséquences de la rupture ne pouvant pas être garanties par l'AGS.

La lettre du 10/02/2017 fait état des griefs suivants : absence de respect du salaire convenu entre 2.000 € et 2.200 €, nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, conditions de travail dangereuses (amplitude de travail, repos quotidien, temps de conduite), accident le 20/04/2016 lorsque l'essieu arrière d'un tracteur a cédé, absence de fourniture de travail et de rémunération, et de bulletins de paie à compter du 01/06/2016.

Les griefs relatifs à l'absence de fourniture de travail et de salaire, alors que le salarié qui a cessé le travail le 21/04/2016, s'est néanmoins tenu à la disposition de son employeur à compter du 01/06/2016 pour reprendre son activité, sont établis, l'employeur n'ayant pas rompu le contrat de travail durant cette période ni postérieurement, et devant dès lors fournir travail et salaire. La violation de ces obligations constitue des griefs suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La prise d'acte aux torts de l'employeur produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture

M. [R] est bien fondé en sa demande de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 1.466,65 € outre 146,67 € de congés payés afférents.

L'indemnité légale de licenciement s'établit, en vertu de l'article R1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable, à la somme de 366,66 €.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Ces créances et indemnités seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS.

Il sera enjoint à Me [I] [E] ès qualités de liquidateur de la SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS de remettre à M. [R] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt, qui vaut reçu pour solde de tout compte.

Sur la garantie du CGEA

Il ressort des dispositions de l'article L3253-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable, que les créances garanties par l'AGS résultant de la rupture du contrat de travail, s'entendent d'une rupture à l'initiative du mandataire liquidateur. La rupture résulte de la prise d'acte, aucun licenciement n'ayant été prononcé par Me [E].

A l'égard du salarié qui ne bénéficie pas d'une protection particulière contre les licenciements, les créances résultant de la rupture du contrat de travail ne sont garanties par l'Unedic qu'à la condition que cette rupture intervienne, en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ou pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation.

Il s'ensuit que la garantie du CGEA ne peut couvrir en l'espèce que les créances salariales résultant de l'exécution du contrat de travail et dues à la date du jugement de liquidation judiciaire, et non les différentes indemnités de rupture allouées à l'appelant, qui résultent de la prise d'acte.

L'Unedic devra donc sa garantie dans les limites ci-dessus rappelées.

Sur les demandes annexes

Les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile compte-tenu de la procédure collective intervenue.

Il convient de fixer à 2.000 € la créance de M. [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort,

DECLARE sans objet la demande de jonction,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

DIT que la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

FIXE comme suit à l'état des créances salariales de la liquidation judiciaire de la SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS les créances salariales de M. [S] [R] :

-1.800,05 € de rappel de salaire d'heures supplémentaires et 180,01 € de congés payés afférents,

-583,08 € de rappel de salaire au titre des de nuit et 58,31 € de congés payés afférents.

-951,92 € de rappel de salaire au titre des primes de panier,

-8.799,90 € d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-500 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-1.466,65 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 146,67 € de congés payés afférents,

-366,66 € d'indemnité légale de licenciement,

-3.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

-2.000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code d eprocédure civile,

DECLARE l'arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 4],

DIT que l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 4] ne devra garantir que les créances salariales et procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code,

ENJOINT à Me [I] [E] ès qualités de liquidateur de la SARL DEM BOX DEMENAGEMENTS de remettre à M. [S] [R] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/00944
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00944 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award