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29/04/2022 | FRANCE | N°19/00765

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 29 avril 2022, 19/00765


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 542/22



N° RG 19/00765 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SHNI



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

21 Février 2019

(RG F 17/00251 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [V] [G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Delphine AUDENARD, avocat au barreau d...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 542/22

N° RG 19/00765 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SHNI

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

21 Février 2019

(RG F 17/00251 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [V] [G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Delphine AUDENARD, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉES :

SARL MAISON LEGRAND en liquidation judiciaire

SELAS MJS PARTNERS pris en la personne de Me [X] [J] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL MAISON LEGRAND»

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS :à l'audience publique du 10 Novembre 2021

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 28 Janvier 2022 au 29 Avril 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Octobre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La SARL MAISON LEGRAND qui exerçait une activité de boulangerie-pâtisserie et de traiteur a engagé par contrat de travail à durée indéterminée M. [V] [G], né en 1994, en qualité de chef pâtissier, coefficient 180 catégorie 4, de la convention collective de la pâtisserie, suivant contrat du 05/12/2016.

Cet engagement faisait suite à une procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL MAISON LEGRAND par jugement du 25/07/2016 par le tribunal de commerce de Valenciennes. Le tribunal de commerce par jugement du 23/01/2017 a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND.

Par lettre du 30/01/2017, la SARL MAISON LEGRAND a notifié au salarié une mise à pied à titre conservatoire, indiquant avoir l'intention d'engager une procédure de licenciement.

Après convocation à un entretien préalable par lettre du 13/02/2017, Me [Z] [R] en qualité d'administrateur judiciaire a notifié au salarié le 24/02/2017 son licenciement pour motif économique, les documents de fin de contrat étant remis le 06/04/2017.

Sollicitant diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [G] a saisi par requête du 30/05/2017 le conseil de prud'hommes de Valenciennes.

Le conseil de prud'hommes par jugement du 21/02/2019 a débouté M. [V] [G] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer à Me [J] ès qualités de liquidateur et au CGEA de [Localité 4] la somme de 150 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que les dépens seront pris dans les frais de liquidation judiciaire.

Suivant déclaration du 20/03/2019, M. [G] a interjeté appel de la décision précitée à l'encontre de la SELAS MJS PARTNERS prise en la personne de Me [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MAISON LEGRAND, et de l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 4].

Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 08/10/2019, M. [V] [G] demande à la cour de :

« -INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de VALENCIENNES en date du 21février 2019 en ce qu'il a :

DEBOUTE Monsieur [V] [G] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [V] [G] à payer à Maître [J], es qualité de Liquidateur et au CGEA AGS DE [Localité 4] la somme de 150€ chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Et statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL

Après avoir jugé le contrat de travail et les demandes de M.[G] opposables tant à la SELAS MJS PARTNERS prise en la personne de Me [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MAISON LEGRAND qu'au CGEA-AGS DE [Localité 4],

-DIRE ET JUGER les demandes de fixation de créances recevables et fondées,

En conséquence FIXER les créances de Monsieur [G] dans la liquidation judiciaire de la société MAISON LEGRAND de la façon suivante:

-5.299,06 € brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 529,90 € au titre des congés payés y afférents,

-1.519,41 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 151,94 € au titre des congés payés y afférents,

-3.557,25 € titre d'indemnité de repos compensateur obligatoire outre 355,72 € au titre des congés payés y afférents,

-255 € à titre de rappel de salaire pour jours fériés travaillés outre 25,50 € au titre des congés payés y afférents,

-305,82 € à titre de rappel de salaire pour le travail de nuit,

-11.602,80 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

-5.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de repos hebdomadaire,

FIXER la créance de Monsieur [G] au titre des frais irrépétibles à la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la SELAS MJS PARTNERS prise en la personne de Me [J] ès qualités et le CGEA AGS de [Localité 4] aux dépens de premières instance et d'appel,

DIRE ET JUGER la décision à intervenir opposable au CGEA AGS de [Localité 4].

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

Si les demandes de M.[G] devaient être déclarées inopposables à la procédure collective et à I'AGS CGEA DE [Localité 4]

DIRE ET JUGER les créances de M.[G] recevables et fondées,

En conséquence

CONDAMNER la SARL MAISON LEGRAND prise en la personne de son représentant légal à régler à M.[G] les sommes suivantes :

5.299,06 € brut à titre de rappel de salaire pour heures

supplémentaires outre 529,90 € au titre des congés payés y afférents

1.519,41 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 151,94 € au titre des congés payés y afférents,

3.557,25 € à titre d'indemnité de repos compensateur obligatoire outre 355,72 € au titre des congés payés y afférents,

255€ à titre de rappel de salaire pour jours fériés travaillés outre 25,50 € au titre des congés payés y afférents,

305,82 € à titre de rappel de salaire pour le travail de nuit,

11.602,80 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

5.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de repos hebdomadaire,

2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile CONDAMNER la SARL MAISON LEGRAND prise en la personne de son représentant légal aux dépens de première instance et d'appel,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER Me [J] ès qualité et I'AGS CGEA DE [Localité 4] de leurs demandes reconventionnelles ».

Selon ses conclusions reçues le 06/09/2019, Me [X] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND demande à la cour de :

« Dire et juger Monsieur [G] tant irrecevable que mal fondé en son appel,

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de VALENCIENNES le 21 février 2019,

En conséquence,

Déclarer ses demandes inopposables à la liquidation judiciaire,

Subsidiairement,

Le débouter de l'intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

Le condamner à verser à Me [J], es qualité de liquidateur judiciaire de la société MAISON LEGRAND, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers frais et dépens. »

Selon ses dernières conclusions reçues le 21/01/2021, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

« Dire bien jugé, mal appelé »,

« Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de VALENCIENNES le 21 février 2019

A titre principal

Déclarer le jugement à intervenir inopposable à la procédure collective et au CGEA de [Localité 4]

Prononcer la mise hors de cause du CGEA de [Localité 4]

Subsidiairement,

Déclarer irrecevable la demande nouvelle de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire au mois de février 2017

Débouter Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

En toute hypothèse

Le condamner au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile,

Le condamner au paiement des entiers frais et dépens de l'instance

SUR LA GARANTIE

Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie

Vu les articles L.3253-17 et D.3253-5 du Code du travail,

Dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles

Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS ».

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 20/10/2021.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'opposabilité à la procédure collective de la demande de fixation de créances

L'appelant expose que les intimés n'ont pas justifié de la mission de l'administrateur judiciaire, alors que celui-ci peut avoir un rôle d'assistance pour tous les actes de gestion ou certains d'entre eux, que les actes de gestion courante accomplis par le débiteur seul sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi, que le contrat de travail a nécessairement été ratifié par l'administrateur judiciaire.

Me [J] ès qualités de liquidateur de la SARL MAISON LEGRAND fait valoir qu'au cours de la période d'observation, le dirigeant n'a plus la capacité d'effectuer seul des actes de gestion hormis la gestion courante, que la signature d'un contrat de travail ne constitue pas un acte de gestion courante, que le contrat de travail a été signé 4 mois après l'ouverture de la procédure judiciaire, sans autorisation de l'administrateur judiciaire.

L'Unedic, délégation CGEA de [Localité 4] s'associe à l'argumentation du liquidateur, et rappelle que le chef d'entreprise doit après l'ouverture d'une procédure collective obtenir l'autorisation du juge commissaire pour effectuer un acte de gestion étranger à la gestion de l'entreprise, assisté le cas échéant de l'administrateur judiciaire.

Sur ce, il ressort de l'article L622-7 II du code de commerce que « le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une sûreté réelle conventionnelle en garantie d'une créance postérieure à l'ouverture de la procédure, à payer le transporteur exerçant une action au titre de l'article L. 132-8 du code de commerce ou à compromettre ou transiger. Néanmoins, si l'un de ces actes est susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public[...] ».

Il est constant que le contrat de travail de M. [G] a été signé le 05/12/2016 alors qu'une procédure de redressement judiciaire était ouverte depuis le 25/07/2016 par le tribunal de commerce, Me [R] intervenant en qualité d'administrateur judiciaire.

Il ressort des dispositions combinées des articles L622-3 et L631-12 du code de commerce que la mission de l'administrateur est fixée par le tribunal, l'administrateur pouvant assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou assurer seul, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise ; que par ailleurs, le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur.

Si le conclusion d'un contrat de travail ne constitue pas, en principe, un acte de gestion courante, il incombe toutefois à celui qui se prévaut de l'inopposabilité de la fixation des créances à l'état des créances salariales, de justifier des faits nécessaires au succès de sa prétention. Or, force est de constater que ni le mandataire liquidateur, ni l'Unedic ne versent aux débats le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Ils ne démontrent pas en conséquence que le contrat de travail litigieux a été signé par un débiteur privé de ce pouvoir par la décision fixant la mission de l'administrateur. Il en résulte que l'arrêt à intervenir sera opposable à la procédure collective et à l'Unedic, qu'il n'y a donc pas lieu de mettre hors de cause cette demande étant rejetée.

Sur l'exécution du contrat de travail

1)le rappel d'heures supplémentaires

L'appelant indique verser des tableaux récapitulatifs des heures effectuées et des attestations.

Les intimés répliquent que la demande n'est pas étayée, que les relevés ont été établis pour les besoins de la cause, que l'employeur n'a jamais réclamé l'exécution d'heures supplémentaires et n'a pas eu connaissance des relevés.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande M. [G] verse deux décomptes, retraçant quotidiennement ses horaires pour les mois de décembre 2016 et janvier 2017, un calcul du rappel de salaire demandé figurant à ses écritures. Il verse en outre une attestation de Mme [M], ancienne responsable de magasin, indiquant que le salarié en plus de ses heures en journées effectuait des heures de nuit pour assurer les commandes et la production de Noël, ces conditions de travail étant confirmées par l'attestation de Mme [F] [T], ancienne vendeuse.

Dès lors, M. [G] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accompli pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments

Force est de constater que l'employeur se borne de façon non pertinente à contester les éléments produits par le salarié sans produire les siens, l'autorisation d'effectuer des heures supplémentaires pouvant être implicite et résulter des fonctions confiées, savoir celles de chef pâtissier durant les fêtes de fin d'année.

Il s'ensuit, au regard des éléments produits par le salarié et de l'argumentation respective des parties, que la cour se convainc de la réalité d'heures supplémentaires non rémunérées. La demande de rappel d'heures supplémentaires sera donc accueillie pour la somme réclamée de 5.299,06 € brut outre 529,90 € au titre des congés payé y afférents.

2)Le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

Concernant le rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire, l'appelant indique avoir présenté cette demande devant le premier juge.

L'Unedic fait valoir l'irrecevabilité de la demande en rappel de salaire au titre d'une mise à pied conservatoire en février 2017.

Sur ce, M. [G] produit la lettre de mise à pied conservatoire du 30/01/2017, qui a été signée par le seul gérant de la SARL MAISON LEGRAND, sans intervention du mandataire liquidateur.

La demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 30/01/2017 n'est pas nouvelle. M. [G] a en effet formé une demande de rappel de salaire globale de 6.818,47 € devant le premier juge, qui l'a rejetée.

La mise à pied conservatoire le 30/01/2017, suspendant le contrat de travail, n'a pas été suivie d'une procédure pour licenciement disciplinaire. Elle est donc injustifiée en vertu de l'article L1332-3 du code du travail, selon lequel, lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée.

La demande en paiement de la somme de 1.519,41 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 1er au 22/02/2017, outre 151,94 € au titre des congés payés y afférents, sera donc accueillie.

3)Le repos compensateur

L'appelant rappelle que le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 180 heures, ce qui ouvre droit à un rappel de salaire majoré de 50 %.

Les intimés font valoir la même argumentation que celle relative aux heures supplémentaires.

En vertu de l'article L3121-30 du code du travail, dans sa rédaction applicable, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale.

En vertu des articles L3121-33 et L3121-38 du code du travail dans sa rédaction applicable, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Compte-tenu des 186 heures supplémentaires effectuées hors contingent, M. [G] est bien fondé à réclamer le paiement des heures effectuées majorées de 50%, soit la somme de 3.557,25 € outre 355,72 € de congés payés afférents.

4)Les jours fériés travaillés

L'appelant indique avoir travaillé le 25/12/2016 et le 01/01/2017.

Les intimés font valoir la même argumentation que celle relative aux heures supplémentaires.

Il ressort du décompte versé que le salarié a effectivement travaillé aux jours fériés précités, aucun élément n'étant produit par l'employeur pour contredire l'argumentation du salarié, qui indique avoir travaillé 5 heures le 25 décembre et le premier janvier.

L'article 38 de la convention collective prévoit, au cas de travail les jours fériés, que les salariés percevront, outre la rémunération normale des heures accomplies, une majoration de 100 % accordée en salaire ou en temps de repos, à la demande du salarié.

La demande en paiement de la somme de 255 €, outre 25,50 € de congés payés afférents doit en conséquence être accueillie.

5)Le travail de nuit

L'appelant indique avoir travaillé à plusieurs reprises de nuit, se fondant sur les décomptes et attestations produites, soit 31 heures au total, jusqu'à 22 heures du 12 au 17 décembre 2016 et le 29 décembre 2016, puis au delà de 22 heures du 19 au 24 décembre 2016.

Sur ce, il ressort de l'article 28.1 de la convention collective de la pâtisserie qu'est considéré comme travailleur de nuit tout salarié qui :

-soit accomplit, au moins deux fois chaque semaine travaillée de l'année, au moins 3 heures de travail effectif au cours de la plage horaire comprise entre 21 heures et 6 heures,

-soit effectue, dans l'année civile, au moins 270 heures de travail effectif au cours de la plage horaire comprise entre 21 heures et 6 heures.

Le rappel de salaire s'établit à la somme non utilement critiquée de 305,82 €, déduction faite de la somme déjà versée de 216,76 €

6)Le travail dissimulé

L'appelant explique que les heures supplémentaires ne sont pas mentionnées aux bulletins de paie, ce qui ne peut qu'être intentionnel au regard des difficultés économiques connues de l'entreprise.

L'Unedic explique que le caractère intentionnel de la dissimulation n'est pas établi, d'autant que l'employeur gérait la société depuis la région parisienne, le salarié ne lui ayant pas fait connaître les heures supplémentaires effectuées.

Sur ce, l'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

L'existence d'un litige afférent au paiement d'heures supplémentaires est insuffisant à établir l'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations déclaratives. M. [G] n'apporte aucun élément pertinent venant caractériser l'intention de l'employeur de dissimuler une partie des heures de travail en faisant figurer sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à la réalité, laquelle ne peut se déduire des seules difficultés économiques rencontrées par l'entreprise. La demande doit donc être rejetée.

7)Les dommages-intérêts pour violation de l'obligation de repos hebdomadaire

L'appelant explique avoir travaillé plusieurs semaines de suite sans jours de repos, et sans interruption du 23 au 24 décembre 2016.

La preuve du droit au repos, qui est au nombre des exigences constitutionnelles, doit être rapportée par l'employeur. Les décomptes versés par le salarié montrent qu'il a été privé de son droit à repos hebdomadaire, aucun élément contraire n'étant versé par l'employeur. Le préjudice résultant de ce manquement sera réparé par une indemnité de 2.000 € de dommages-intérêts.

Les créances de M. [G] seront fixées à l'état des créances salariales de la liquidation judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND. Le présent arrêt est opposable à la SELAS MJS PARTNERS prise en la personne de Me [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND, ainsi qu'à l'Unedic qui sera tenue à garantie dans les limites et plafonds légaux.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dépens d'appel seront pris en frais de liquidation judiciaire.

Il convient de fixer la créance de M. [G] pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel à la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Valenciennes le 21 février 2019,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

FIXE les créances de M. [V] [G] à l'état des créances salariales de la liquidation judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND comme suit :

-5.299,06 € brut de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 529,90€ au titre des congés payé y afférents,

-1.519,41 € de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 151,94 € de congés payés y afférents,

-3.557,25 € de rappel de salaire au titre du repos compensateur, outre 355,72 € de congés payés afférents,

-255 € de rappel de salaire au titre des jours fériés travaillés, outre 25,50 € de congés payés afférents,

-305,82 € de rappel de salaire au titre du travail de nuit,

-2.000 € de dommages-intérêts pour violation du repos hebdomadaire,

-2.000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT le présent arrêt opposable à la SELAS MJS PARTNERS prise en la personne de Me [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND, ainsi qu'à l'Unedic, délégation AGS CGEA DE [Localité 4] qui sera tenue à garantie dans les limites et plafonds légaux,

DEBOUTE l'Unedic, délégation AGS CGEA DE [Localité 4] de sa demande de mise hors de cause,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

MET les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la SARL MAISON LEGRAND.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/00765
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00765 ?
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