La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/04/2022 | FRANCE | N°19/00758

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 29 avril 2022, 19/00758


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 541/22



N° RG 19/00758 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SHK5



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

28 Février 2019

(RG F17/52 -section )






































<

br>



GROSSE :



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [E] [W]

Résidant au [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par M. [K] [I] (Défenseur syndical CGT)





INTIMÉE :



S.A.S. SKF AEROENGINE FRANCE

[Adre...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 541/22

N° RG 19/00758 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SHK5

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

28 Février 2019

(RG F17/52 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [E] [W]

Résidant au [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par M. [K] [I] (Défenseur syndical CGT)

INTIMÉE :

S.A.S. SKF AEROENGINE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nathalie GARBUIO, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS :à l'audience publique du 10 Novembre 2021

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 28 Janvier 2022 au 29 Avril 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Octobre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société SNFA, devenue la SAS SKF AEROENGINE France, qui exerce une activité de conception, production et commercialisation de roulements à billes à destination de l'industrie aéronautique, et emploie habituellement plus de 10 salariés, a engagé M. [E] [W], né en 1981, par contrat de travail à durée indéterminée du 01/10/2005, en qualité d'ouvrier professionnel, niveau II, échelon 3, coefficient 190, de la convention collective des industries métallurgiques du Valenciennois et du Cambrésis.

Du 04/01/2016 jusqu'au 31/01/2016, Monsieur [W] a été en arrêt de travail, puis à nouveau du 08/02/2016 au 03/05/2016.

Par lettre du 06/05/2016, M. [W] a demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle, sans réponse favorable de l'employeur.

L'employeur par lettres du 29 juin et 13 juillet 2016, a interrogé le salarié en raison d'absences injustifiées. Puis l'employeur suivant lettre du 26/09/2016 a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire d'une durée de 10 jours ouvrables, pour des absences injustifiées le 02/09/2016, des retards les 6, 7 et 8 septembre 2016, et un comportement irrespectueux.

Le 21/10/2016 la société SKF Aeroengine France a déposé plainte à l'encontre de M. [W] pour des faits de dégradation volontaire commis le 17/10/2016, le salarié ayant donné un coup de poing dans le vitrage d'une machine d'usinage disposant d'un pupitre de commande, l'écran tactile étant entièrement fissuré.

Après convocation à un entretien préalable à licenciement fixé au 28/10/2016, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, par lettre du 03/11/2016 aux motifs suivants :

«[...]Après avoir écouté vos observations et respecté un délai de réflexion suffisant, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison des faits suivants : Le lundi 17 octobre 2016 à 14h54, vous avez pris votre poste sur la machine 7195 (machine de rectification de bagues externes) avec 54 minutes de retard.

A 16h30, vous avez volontairement dégradé l'écran de cette machine, devant témoins, en donnant un coup de poing dans l'écran qui s'est brisé sous le choc.

Nous avons dû faire une réparation en urgence en interne afin d'éviter que vos collègues ne se blessent en touchant le pupitre qui était coupant de par les éclats de verre. Ces travaux ont généré 3 heures de main d''uvre et donc un arrêt de production de la machine.

Les réparations définitives du pupitre devront être réalisées par un prestataire externe spécialisé ; le coût de ces réparations s'élève à 1423.44 euros TTC. Cette intervention génèrera de nouveau 3 heures d'immobilisation de la machine.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 28 octobre 2016 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

En effet, à aucun moment lors de notre entretien vous n'avez contesté ces faits et vous n'avez manifesté aucun regret quant à votre acte.

Le 26 septembre 2016 nous vous avions déjà notifié une mise à pied disciplinaire d'une durée de 10 jours (du 3 au 10 octobre 2016).

En effet, le 1 er septembre 2016, vous avez refusé de travailler sur les ELB1 et ELB2 et dans le channel 10.

Le même jour, vous avez quitté votre poste de travail sans autorisation de votre hiérarchie et avez quitté le site à 10h34 sans bon de sortie.

Le 2 septembre 2016, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail et vous n'avez pas informé votre hiérarchie de votre absence.

Le 6 septembre 2016, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail.

Le 7 septembre 2016, vous avez pris votre poste avec 17 minutes de retard.

Le 8 septembre 2016, vous êtes revenu de votre pause repas à 19h25 au lieu de 18h50 et vous avez été absent de votre poste de travail entre 20h et 21h45.

Nous avions déjà attiré votre attention sur le fait que si nous avions à l'avenir à vous reprocher de nouvelles fautes, nous serions amenés à envisager une sanction bien plus grave à votre encontre.

En conséquence, nous sommes amenés à vous notifier par la présente, votre licenciement pour faute grave[...] ».

Estimant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes par requête du 06/02/2017, de diverses demandes indemnitaires relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 28/02/2019, le conseil de prud'hommes a :

-dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [E] [W] est justifié,

-débouté M. [E] [W] de l'intégralité de ses demandes,

-condamné M. [E] [W] à payer à la SAS SKF AEROENGINE FRANCE la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront à la charge de M. [W].

Par déclaration reçue le 15/03/2019, M. [W] a interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 06/06/2019, M. [W] demande à la cour de :

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valenciennes en ce qu'il a :

-dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [E] [W] est justifié,

-débouté M. [E] [W] de l'intégralité de ses demandes,

-condamné M. [E] [W] à payer à la SAS SKF AEROENGINE FRANCE la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront à la charge de M. [W].

Et statuant à nouveau,

Constater qu'il n'a pas dégradé de façon intentionnelle le pupitre de la machine 7195,

Constater que le comportement de M. [W] est imputable à son état de santé,

Constater le non-respect des dispositions conventionnelles relatives au seuil d'accueil,

En conséquence,

Constater que le salarié devait être positionné au coefficient 285,

Constater qu'en vertu des dispositions de l'article L1132-1 du code du travail, un salarié ne peut faire l'objet de sanction disciplinaire en raison de son état de santé,

En conséquence,

Dire et juger que le licenciement intervenu est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la SAS SKF AEROENGINE à verser à M. [E] [W] les sommes suivantes :

5 267,44 d'indemnité compensatrice de préavis de deux mois outre 526,74 € de congés payés sur préavis,

1 869,71 € de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 186,97 € de congés payés afférents,

7111,04 € de prime de licenciement,

20.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

8.821,89 € de rappel de salaire coefficient 285 de janvier 2014 à novembre 2016, et 882,19 € d'indemnité de congés payés,

5000 € de dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles,

1.400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

assortir les condamnations de l'intérêt légal à compter de la saisine,

Condamner la SAS SKF Aeroengine en tous les dépens ».

Selon ses conclusions reçues le 21/01/2021 la société SKF AEROENGINE France demande à la cour de :

« Confirmer le Jugement du Conseil de Prud'hommes de Valenciennes du 28 février 2019,

En conséquence,

Dire et juger le licenciement de Monsieur [W] justifié pour faute grave.

Débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Reconventionnellement,

Condamner Monsieur [W] à payer à la Société SKF AEROENGINE FRANCE la somme de 1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Condamner Monsieur [W] à payer à la Société SKF AEROENGINE FRANCE la somme de 1.000 € pour procédure abusive.

Condamner Monsieur [W] aux entiers frais et dépens de l'instance ».

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 20/10/2021.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

-Sur la classification

L'appelant expose être titulaire d'un BTS productique mécanique, diplôme de niveau III de l'éducation nationale, qu'il était en outre contrôleur, que sa classification ne pouvait être inférieure au 3ième échelon du niveau IV coefficient 285, dès lors qu'il a plus de 18 mois d'ancienneté.

L'intimée réplique que M. [W] ne justifie pas de fonctions correspondant à la classification revendiquée, que les conventions et la jurisprudence subordonnent à l'application du seuil d'accueil des titulaires de diplômes qu'ils exercent des fonctions correspondant au niveau de leur diplôme, qu'il faut uniquement comparer leur fonction effective, et le niveau de leur responsabilité avec la grille de classification de la convention, que M. [W] occupait un poste dont la classification niveau II, échelon 3, coefficient 190 était conforme à la grille de classification conventionnelle, à la grille du groupe SKF AEROENGINE France.

Sur ce, il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'espèce, M. [W] revendique l'attribution du coefficient 285 et se prévaut de l'annexe 1 de l'accord national relatif à la classification du 21/07/1975.

L'article 6 de l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification prévoit que : « le titulaire d'un des diplômes professionnels visés par l'annexe 1 doit accéder aux fonctions disponibles auxquelles les connaissances sanctionnées par ce diplôme le destine à la condition qu'à l'issue d'une période d'adaptation, il ait fait preuve de ses capacités à cet effet. C'est dans cette perspective qu'a été aménagée par l'annexe 1 une garantie de classement minimal, au classement d'accueil, pour chacun des diplômes professionnels visés par cette annexe.

Cette garantie de classement s'applique au titulaire de l'un de ces diplômes obtenu soit dans le cadre de la première formation professionnelle, soit dans le cas de la formation professionnelle continue. Le diplôme doit avoir été obtenu par l'intéressé avant son affectation dans l'entreprise à une fonction qui doit correspondre à la spécialité du diplôme obtenu et qui doit être du niveau du classement d'accueil correspondant à ce diplôme ».

Il ressort de ces stipulations que le salarié titulaire d'un BTS, s'il peut prétendre à un poste disponible dans cette spécialité classé au niveau IV 1er échelon coefficient 255, ne peut cependant revendiquer l'application de ce classement lorsque les fonctions pour lesquelles il a été recruté et qu'il exerce réellement ne correspondent pas à ce niveau.

Le seuil d'accueil est ainsi défini : « h) Brevet de technicien supérieur

Le classement d'accueil ne sera pas inférieur au 1er échelon du niveau IV (coefficient 255) pour le titulaire d'un brevet de technicien supérieur.

Après six mois de travail effectif dans l'entreprise, le classement de l'intéressé ne devra pas être inférieur au 2e échelon du niveau IV (coefficient 270).

Après dix-huit mois de travail effectif dans l'entreprise, le classement de l'intéressé ne devra pas être inférieur au 3e échelon du niveau IV (coefficient 285) ».

En l'espèce, M. [W] a été engagé en qualité d'ouvrier professionnel, opérateur régleur, coefficient 190, niveau II, échelon 3. Le niveau II correspond à selon l'article 3 de l'accord précité :

« D'après des instructions de travail précises et complètes indiquant les actions à accomplir, les méthodes à utiliser, les moyens disponibles, il exécute un travail qualifié constitué :

-soit par des opérations à enchaîner de façon cohérente en fonction du résultat à atteindre;

-soit par des opérations caractérisées par leur variété ou leur complexité.

Il est placé sous le contrôle d'un agent le plus généralement d'un niveau de qualification supérieur ».

Le coefficient 190 correspond à des fonctions décrites comme suit : « le travail est caractérisé par l'exécution des opérations d'un métier à enchaîner en fonction du résultat à atteindre. La connaissance de ce métier a été acquise soit par une formation méthodique soit par l'expérience et la pratique.

Les instructions de travail, appuyées de schémas, croquis, plans, dessins, ou autres documents techniques, indiquent les actions à accomplir.

Il appartient à l'ouvrier de préparer la succession de ses opérations, de définir ses moyens d'exécution, de contrôler ses résultats ».

Le niveau IV coefficient 285 correspond aux fonctions suivantes : « D'après les instructions de caractère général portant sur des méthodes connues ou indiquées, en laissant une certaine initiative sur le choix des moyens à mettre en 'uvre et sur la succession des étapes, il exécute des travaux administratifs ou techniques d'exploitation complexe ou d'étude d'une partie d'ensemble, en application des règles d'une technique connue. Les instructions précisent la situation des travaux dans un

programme d'ensemble. Il peut avoir la responsabilité technique du travail réalisé par du personnel de qualification moindre. Il est placé sous le contrôle d'un agent le plus généralement d'un niveau de qualification supérieur.

Le coefficient 285 (technicien d'atelier) correspond aux fonctions suivantes : « Le travail est caractérisé par l'élargissement du domaine d'action à des spécialités administratives ou techniques connexes, la modification importante de méthodes, procédés et moyens, la nécessité de l'autonomie indispensable pour l'exécution, sous la réserve de provoquer opportunément les actions d'assistance et de contrôle nécessaires ».

S'il est justifié par M. [W] d'un brevet de technicien supérieur en productique mécanique, il ne démontre, pas plus qu'en première instance, exercer en pratique des fonctions susceptibles de relever du coefficient 285, correspondant à l'emploi de technicien d'atelier. Au contraire, la fiche de poste produite par l'employeur fait apparaître que M. [W] doit notamment respecter les règles définies quant au rangement, prévenir son N+1 en cas de panne, ou encore détecter et corriger les défauts en fonction des consignes orales ou écrites. Aucun élément pertinent n'est apporté par le salarié pour justifier de l'autonomie indispensable dans l'exécution, et d'une certaine initiative sur le choix des moyens à mettre en 'uvre, correspondant à l'emploi de technicien d'atelier.

La demande de rappel de salaire doit donc être rejetée, tout comme la demande de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles, aucun manquement de l'employeur n'étant démontré à cet égard.

Sur la rupture du contrat de travail

L'appelant expose contester la sanction du 26/09/2016, indique n'avoir pas refusé de travailler sur les ELB1 et ELB2 et plus globalement dans le channel 10, précise que le 17/10/2016 le PC de la machine a « déconné », tout son travail ayant été effacé et que dans un geste de désarroi il a mis un coup sur le PC. Il explique que les faits s'expliquent par son état psychologique et invoque les dispositions de l'article L1132-1 du code du travail.

L'intimée réplique que le salarié n'a pas respecté les règles de sécurité résultant de l'article L4122-1 du code du travail, qu'il a volontairement dégradé l'écran de la machine 7195, machine de rectification de bagues externes, ainsi que le pupitre, ce qui a entraîné un arrêt de production de la machine, que cet acte de dégradation a été commis dans le but d'être licencié, ses demandes de ruptures conventionnelles ayant été refusées, que ni le salarié ni le médecin du travail ne l'ont jamais alerté d'un mal être avant le litige.

Au préalable, M. [W] indique contester la mise à pied disciplinaire du 26/09/2016. Cependant, en vertu de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Le dispositif des conclusions de M. [W] ne comporte aucune prétention tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire, la cour n'étant dès lors pas saisie de cette question.

La faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.

Afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis ; lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il ressort de la lettre de licenciement du 03/11/2016 que l'employeur reproche au salarié :

-un retard le lundi 17 octobre 2016, de 54 minutes,

-le même jour une dégradation volontaire de l'écran de la machine de rectification à bague, en donnant un coup de poing dans l'écran qui s'est brisé sous le choc, entraînant une réparation en urgence afin d'éviter que des salariés ne se blessent en touchant le pupitre, ce qui a entraîné un arrêt de production de la machine, et des réparations dont le le coût s'élève à 1423.44 euros TTC.

Le retard de 54 mn n'est pas contesté par le salarié et établi par le relevé de badgeage produit aux débats. Le grief est démontré.

S'agissant du bris de l'écran, celui est démontré par la photographie versée aux débats, par le compte-rendu du 17/10/2016 indiquant « sous l'emprise de l'énervement car il rencontrait des difficultés dans son réglage [E] a mis un coup de poing dans l'écran de la 7195 qui sous le choc s'est brisé. Ensuite il a déclaré à [T] [V] s'être fait mal à la main », par le dépôt de plainte du 21/10/2016, par la facture du 24/10/2016 d'un montant de 1.393,08 €.

C'est vainement que M. [W] fait valoir le caractère involontaire de son geste, dans la mesure où il a été condamné le 15/05/2020 par le tribunal correctionnel d'Avesnes sur Helpe pour les faits précités de dégradation volontaire, cette décision s'imposant à la cour. Le grief est établi.

L'appelant évoque toutefois son mal être dont avait connaissance la direction, son comportement étant dû à son état de santé, et rappelle qu'il est interdit de sanctionner un salarié pour des faits liés à son état de santé.

Sans évoquer précisément une discrimination, M. [W] invoque les dispositions de l'article L1132-1 du code du travail selon lesquelles aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son état de santé.

Aux termes de l'article L1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend victime d'une discrimination de présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes le mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le salarié verse son dossier médical, qui mentionne le 04/02/2016 que « l'employeur a mal vu l'arrêt et en tient grief », « envisage une rupture conventionnelle », le 24/05/2016 « plainte angoisse demandé rupture conventionnelle pour faire formation informatique », « rdv drh ce jour stress », et le 21/07/2016 « refusé, l'entretien pas bien passé », « proposé psy ». Outre que, au bas de ces pages, figurent à deux reprises les mentions « apte », les éléments produits ne laissent pas supposer une discrimination directe ou indirecte. Il apparaît que M. [W] a sollicité au moins à une reprise une rupture conventionnelle évoquant son souhait de se consacrer à de nouveaux projets professionnels, l'employeur n'étant pas tenu d'engager des pourparlers. Enfin, il ressort des pièces produites que l'employeur a fait procéder à une contre-visite, lors de la deuxième prolongation de l'arrêt de travail, le salarié étant absent lors de la visite du médecin le 19/04/2016. Il s'ensuit que l'employeur justifie sa décision par des éléments objectifs.

C'est donc par une argumentation pertinente que la cour fait sienne que le premier juge a retenu que les griefs sont constitutifs d'une faute grave, étant ajouté que M. [W] a déjà été sanctionné pour des retards injustifié, la dégradation volontaire de l'outil de travail rendant impossible la poursuite de la relation de travail même pendant le temps du préavis. Le jugement est donc confirmé, les demandes indemnitaires relatives à la rupture du contrat de travail étant rejetées, étant précisé que la demande en paiement de la « prime de licenciement », doit être entendue comme le paiement de l'indemnité de licenciement.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, M. [W] supporte les dépens d'appel.

Il serait inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris du 28/02/2019 en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [E] [W] aux dépens d'appel,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/00758
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.00758 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award