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28/04/2022 | FRANCE | N°19/05564

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 28 avril 2022, 19/05564


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 28/04/2022





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N° de MINUTE :

N° RG 19/05564 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SUJ2



Jugement (N° 19/000091)

rendu le 08 juillet 2019 par le tribunal d'instance de Lille







APPELANTE



La SA BNP Paribas Personal Finance prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social 1 boulevard Haussmann
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représentée par Me Francis Deffrennes, membre de la SCP Thémès, avocat au barreau de Lille





INTIMÉES



Madame [S] [D]

née le 25 mai 1962 à Lille (59000)

demeurant 13 rue Jean-Baptiste Lebas...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 28/04/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/05564 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SUJ2

Jugement (N° 19/000091)

rendu le 08 juillet 2019 par le tribunal d'instance de Lille

APPELANTE

La SA BNP Paribas Personal Finance prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social 1 boulevard Haussmann

75009 Paris

représentée par Me Francis Deffrennes, membre de la SCP Thémès, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

Madame [S] [D]

née le 25 mai 1962 à Lille (59000)

demeurant 13 rue Jean-Baptiste Lebas

59112 Annoeullin

représentée par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille

ayant pour conseil Me Ariane Vennin, membre de la SELAS A7 Avocats, avocat au barreau de Paris

La SELAFA MJA prise en la personne de Maître [H] [C] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Viva

ayant son siège social 102 rue du Faubourg Saint Denis

75479 Paris

déclaration d'appel signifiée le 4 décembre 2019 à sa personne habilitée - n'ayant pas constitué avocat

DÉBATS à l'audience publique du 08 novembre 2021 tenue par Christine Simon-Rossenthal magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022 après prorogation du délibéré du 20 janvier 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 novembre 2021

****

Rappel des faits et de le procédure

Selon offre préalable acceptée le 7 février 2017, la SA BNP Paribas Personal Finance, a consenti à Madame [S] [D] un crédit affecté d'un montant de 27 000 euros assorti d'un taux d'intérêt contractuel de 4,70 % l'an et stipulé remboursable en 156 mensualités.

Ce prêt avait pour objet le financement de l'acquisition et de l'installation d'un kit photovoltaïque et d'un ballon thermodynamique auprès de la société Viva Vieco, selon bon de commande n° 000333 signé le même jour, soit le 7 février 2017, par Madame [D].

Le 28 mars 2017, Madame [S] [D] a signé la fiche de réception de travaux.

Par jugement en date du 7 février 2018, la société Viva Vieco a été placée en liquidation judiciaire.

Par exploit d'huissier en date du 31 décembre 2018, Madame [D] a assigné la SA BNP Paribas Personal Finance ainsi que le mandataire liquidateur de la société Viva Vieco devant le tribunal d'instance de Lille aux fins d'annulation du bon de commande et d'annulation de plein droit du contrat de crédit et, à titre subsidiaire, la résolution des deux contrats et aux fins d'indemnisation de son préjudice et de voir juger que la banque avait commis une faute qui la privait de son droit à restitution du capital et des intérêts prêtés et l'obligeait à restituer l'ensemble des sommes qu'elles avaient versées.

Par jugement du 8 juillet 2019, le tribunal d'instance de Lille a :

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 7 février 2017 entre Mme [S] [D] et la société Viva exerçant sous l'enseigne « Vieco » suivant bon de commande n° 000333 ;

- constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société BNP Paribas Personal Finance et Mme [S] [D] en date du 7 février 2017 ;

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme [S] [D] l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 7 février 2017 ;

- constaté que Mme [D] met à disposition du liquidateur judiciaire de la société Viva l'ensemble des matériels objets du bon de commande n° 000333 du 7 février 2017 pour reprise aux frais de la société Viva ;

- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes ;

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme [S] [D] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 1er juillet 2020, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement entrepris et, au visa des articles 9 et 122 du code de procédure civile, L.622-21 et L.622-22 du code de commerce, L.312-55 et L.312-56 du code de la consommation, 1182 et 1315 du code civil devenu l'article 1353 dudit code,

A titre principal, de

- constater que Madame [S] [D] ne justifie nullement de sa déclaration de créance alors qu'elle a engagé son action postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Viva Vieco,

- par conséquent, dire et juger que Madame [S] [D] est irrecevable à agir en nullité du contrat principal conclu avec la société Viva Vieco et, en conséquence, à agir en nullité du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti par la SA BNP Paribas Personal Finance,

A titre subsidiaire,

- débouter Madame [S] [D] de l'intégralité de ses demandes telles que formulées à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance,

- dire et juger que le bon de commande régularisé par Madame [S] [D] respecte les dispositions des articles L.221-5 et suivants du code de la consommation et de l'article L.111-1 du code de la consommation,

- à défaut, constater, dire et juger que Madame [S] [D] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l'affectant sur le fondement des articles L.221-8 et suivants du code de la consommation et ce, en toute connaissance des dispositions applicable

- dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal conclu le 7 février 2017 avec la société Viva Vieco sur le fondement d'un prétendu dol ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par Madame [S] [D] avec la SA BNP Paribas Personal Finance n'est pas annulé,

- constater la carence probatoire de Madame [S] [D],

- dire et juger que les conditions de résolution judiciaire du contrat principal de vente conclu avec la société Viva Vieco ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu par Madame [S] [D] avec la SA BNP Paribas Personal Finance n'est pas résolu,

- en conséquence, ordonner à Madame [S] [D] de reprendre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la SA BNP Paribas Personal Finance conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté accepté le 7 février 2017 et ce, jusqu'au plus parfait paiement,

à titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal de vente conclu le 7 février 2017 entre Madame [S] [D] et la société Viva et de manière subséquente a constaté la nullité du contrat de crédit affecté consenti à Madame [S] [D] par la SA BNP Paribas Personal Finance selon offre préalable acceptée le 7 février 2017,

- constater, dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit,

- par conséquent, condamner Madame [S] [D] à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par l'emprunteur,

à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait à l'instar du premier magistrat que la SA BNP Paribas Personal Finance, a commis une faute dans le déblocage de fonds,

- dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque ;

- dire et juger que Madame [S] [D] conservera l'installation du ballon thermodynamique et de la centrale photovoltaïque qui ont été livrés et installés à son domicile par la société Viva puisque la société Viva est en liquidation judiciaire de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile de Madame [D] pour récupérer les matériels livrés et installés à son domicile et que Madame [S] [D] a la faculté de faire procéder au raccordement de l'installation au réseau ERDF-Enedis (à un coût modique au regard de la convention régularisée entre les parties mais aussi au regard du montant du crédit affecté qui lui a été consenti) lui permettant ainsi de percevoir des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse ;

- par conséquent, dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Madame [S] [D] ;

- par conséquent, condamner Madame [S] [D] à restituer à la SA BNP Paribas Personal Finance une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure à la moitié du capital prêté ;

en tout état de cause,

- condamner Madame [S] [D] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Francis Deffrenes, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 10 avril 2020, Madame [S] [D] demande à la cour, au visa des articles L. 111-1, L. 221-5 à L. 221-9, L. 242-1, L. 312-48 et suivants du code de la consommation, 1182, 1184, 1137, 1302 et 1604 du code civil et 700 du code de procédure civile, de juger infondé l'appel formé par la banque BNP Paribas Personal Finance à l'encontre du jugement entrepris et de la débouter de l'ensemble de ses demandes.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré parfaitement recevables les demandes formulées par Madame [D] à l'encontre du bon de commande de la société Viva et prononcé l'annulation du contrat conclu entre Madame [D] et la société Viva le 7 février 2017 et, en conséquence, en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Madame [D] et la banque BNP Paribas Personal Finance le 7 février 2017, annulation qui a pour effet de priver la banque Cofidis de son droit aux intérêts du contrat de crédit affecté.

A titre subsidiaire, si par impossible la cour d'appel de Douai ne confirmait pas a' titre principal le jugement entrepris qui a prononcé l'annulation des contrats, de prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre Madame [D] et la société Viva le 7 février 2017, pour inexécution suffisamment grave des obligations du vendeur et, en conséquence, de prononcer la résolution judiciaire de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Madame [D] et la banque BNP Paribas Personal Finance du 7 février 2017, résolution qui a pour effet de priver la banque BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts du contrat de crédit affecté.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la banque BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans son déblocage des fonds et, en conséquence et en ce qu'il a jugé que la faute de la banque BNP Paribas Personal Finance la prive de sa créance de restitution vis-à-vis de Madame [D] et en ce qu'il a ordonné à la banque BNP Paribas Personal Finance de restituer à Madame [D] l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit affecté.

Elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que Madame [D] met à disposition du liquidateur de la société Viva l'ensemble des matériels objet du bon de commande du 7 février 2017 pour reprise aux frais de la société Viva, et, statuant à nouveau, de constater que Madame [D] met à disposition du liquidateur de la société Viva l'ensemble des matériels objet du bon de commande du 7 février 2017 pour reprise à ses frais exclusifs,

Elle sollicite la condamnation de la banque BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement solidaire des entiers dépens.

SUR CE,

Sur l'exception d'irrecevabilité

La société BNP Paribas Personal Finance soutient que Mme [D] est irrecevable en son action diligentée à l'encontre de la société Viva Vieco et en conséquence à son égard, en application de l'article L.622-21 du code de commerce qui pose le principe de l'interdiction des poursuites à compter de l'ouverture d'une procédure collective et l'interruption des poursuites engagées antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective, faisant valoir que l'action a été introduite postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Viva Vieco et que l'action en nullité et en résolution affectera nécessairement le passif de la liquidation et constitue une action prohibée, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de créance.

Or, l'article L 622-21 du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L 622,17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L641-3 du même code prévoit que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a le même effet.

En l'espèce, l'action en nullité ou en résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affecté diligentée par Mme [D] n'est pas une demande de résolution du contrat pour défaut de paiement du prix ni une demande en paiement d'une somme d'argent mais une demande de nullité et, à titre subsidiaire, de résolution des contrats de vente et de financement affecté pour respectivement non respect des dispositions du code de la consommation et non respect des obligations contractuelles, étant précisé au surplus que Mme [D] ne sollicite aucune condamnation au paiement ni même de fixation d'une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Viva Vieco.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formées par Mme [D].

Sur la demande de nullité du contrat de prestation de service

L'appelante sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat principal et le rejet de la demande de Mme [D].

Madame [D] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de prestation de service et invoque à la fois le non-respect des dispositions du code de la consommation prévues à peine de nullité et le dol commis par la société Viva.

. Sur le dol

Mme [D] soutient que la société Viva Vieco a commis des manoeuvres dolosives au sens de l'article 1137 du code civil, en lui ayant promis que l'installation serait auto-financée par la revente à EDF de l'électricité produite par les panneaux, ce qui est un mensonge qui l'a déterminée à contracter, soulignant que c'est une promesse qui est récurrente dans ce contentieux afférent au financement exorbitant d'installations solaires.

Elle fait valoir que la centrale solaire n'a pas été raccordée au réseau et est donc improductive et que cette absence de raccordement est due à la faute de la société Viva qui n'a pas réglé la somme du devis de raccordement. Elle ajoute que la société Viva a travesti son contrat en dossier de candidature à une centrale auto-financée pour lui faire perdre le bénéfice de son droit à rétractation, lui faisant croire que l'offre de crédit affecté faisait partie de la demande de candidature.

La banque soutient que Mme [D] ne rapporte pas la preuve de ce que la société venderesse aurait usé de manoeuvres dolosives en vue de la tromper ou aurait sciemment omis de lui donner certaines informations dans le seul dessein de la tromper et que si elle n'avait pas commis cette erreur provoquée, elle n'aurait pas contracté ; que la promesse d'auto-financement ne ressort nullement du bon de commande qu'elle a régularisé et que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d'une absence supposée de rentabilité de sa centrale voltaïque.

Ceci étant exposé, l'article 1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges et également la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

En l'espèce, il ne ressort pas des éléments contractuels produits ni des autres pièces produits que la société Viva aurait promis à Mme [D] l'auto-financement de l'installation photovoltaïque par la revente de l'électricité produite par les panneaux à ERDF-Enedis. En l'absence de preuve concernant les manoeuvres invoquées, ce moyen sera rejeté.

. Sur les dispositions du code de la consommation

L'appelante soutient que la demande de Mme [D] tendant à voir prononcer la nullité du contrat principal est mal fondée et expose que si, en application de l'article 311-32, la nullité du contrat principal de vente ou de prestation de services entraîne la nullité du contrat de vente, il est nécessaire que les conditions de droit commun de la nullité du contrat de vente soient remplies. Elle soutient qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas puisque Mme [D] a donné son consentement en signant le 7 février 2017 un bon de commande avec la société Viva Vieco ; que les trois conditions de validité du contrat conclu entre Mme [D] et la société Viva Vieco, prévues à l'article 1128 du code civil, à savoir le consentement des parties, leur capacité à contracter et un contenu licite et certain, sont parfaitement réunies, que les matériels vendus ont été livrés et posés au domicile de Mme [D], celle-ci ne se plaignant que d'un défaut de raccordement de l'installation au réseau.

Elle fait valoir que le bon de commande en sa possession est parfaitement régulier au regard des dispositions du code de la consommation, toutes les indications pouvant éclairer le consommateur y figurant, comme la désignation précise des biens et services proposés, leurs caractéristiques essentielles telles que prévues à l'article L. 111-1 du même code, le prix global à payer et les modalités de paiement tels que prévus par l'article 121-1 qui permettent à la cliente de comparer les offres figurant sur le bon de commande.

Elle ajoute que le bon de commande comporte en caractères parfaitement lisibles les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile de sorte que si un vice affectait le bon de commande, Mme [D] pouvait en avoir pleinement conscience ; qu'elle n'a pas usé de la possibilité de rétractation dans le délai légal, qu'elle a accepté la livraison et la pose des panneaux photovoltaïques sans la moindre réserve le 28 mars 2017 et signé l'appel de fonds le 30 mars 2017 ; qu'elle a introduit son action deux ans après l'installation du matériel.

Madame [D] fait valoir que le bon de commande ne comporte pas les mentions relatives à la désignation du poids et de la surface des panneaux photovoltaïques, à la puissance et à la superficie des micro-onduleurs, au prix unitaire des différents biens et prestations, au délai de livraison, aux nom et prénom du commercial l'ayant démarchée, à l'indication des articles du code de la consommation.


Ceci étant exposé, en application des articles L111-1, L111-2, L221-5, L221-9 et L221-29 du code de la consommation, applicable au cas d'espèce, les contrats conclus hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire est remis au client au moment de la conclusion et comporter, notamment, à peine de nullité, les informations relatives à l'identité du démarcheur et ses coordonnées, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service et, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, la faculté de rétractation du consommateur prévue à l'article L221-18 du code de la consommation et les conditions d'exercice de cette faculté. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation.

Ces informations doivent être inscrites de manière lisible et compréhensible.

En l'espèce, le bon de commande du 7 février 2017 mentionne la fourniture et l'installation d'un ballon thermodynamique de marque Thermor d'une capacité de 200 litres ainsi qu'un GSE Air System de marque Soluxtec composé de 12 panneaux photovoltaïques de 250 W chacun et d'un onduleur de marque Schneider pour un montant total de 27 000 euros TTC. Il est indiqué une prise en charge par la société Viva des démarches administratives ERDF et du coût de raccordement.

Le taux de TVA n'est pas indiqué ni les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison de la centrale photovoltaïque ainsi que la date de fin d'exécution de son installation et d'obtention du consuel, même prévisionnelle.

Par ailleurs, le prix à payer est indiqué de manière globale et ne distingue pas le coût de la fourniture et de la pose des panneaux et les frais de raccordement ERDF. Le bon de commande ne précise pas les modalités de financement. Ces mentions sommaires ou inexistantes sont insuffisantes pour satisfaire à l'exigence d'indication du prix des biens et du service et ne permettent pas au consommateur d'effectuer, le cas échéant, la comparaison entre différentes offres de même nature.

Le bon de commande contrevient donc aux dispositions protectrices du consommateur.

Sur la confirmation de la nullité

L'appelante soutient que Mme [D] a manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des vices l'affectant sur le fondement de l'article L221-5 du code de la consommation en toute connaissance de cause.

Aux termes de l'article 1182 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux rapports entre les parties, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation (...) La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1182 du code civil précité que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.

En l'espèce, le fait que les conditions générales figurant au verso du bon de commande et reprenant les dispositions du code de la consommation est insuffisant en l'espèce, à révéler à Mme [D], consommateur profane les vices affectant ce bon dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve spécifique, par un acte extérieur au contrat, de la connaissance qu'elle en avait.

Il en résulte que faute pour Mme [D] d'avoir eu connaissance des vices affectant le bon de commande, aucune confirmation de la nullité ne saurait donc être caractérisée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat principal.

Sur la demande de nullité du contrat de financement

En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L312-55 du code de la consommation alors applicable à l'espèce, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Cette disposition n'est applicable que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit accessoire par voie de conséquence de l'annulation judiciairement prononcée.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire

L'appelant fait valoir que Mme [D] a signé un procès-verbal de réception des travaux et l'appel de fonds et que c'est sur la base de ces deux documents qu'elle même a débloqué les fonds au profit de la Viva Vieco et n'a donc commis aucune faute, n'ayant pas à vérifier l'effectivité de la réalisation de la prestation commandée.

Elle ajoute qu'économiquement, le versement des fonds de ne peut dépendre de l'intervention d'un tiers, en ERDF qui dispose en outre d'un monopole légal pour le raccordement de l'installation au réseau et que la responsabilité de l'organisme financier ne peut être valablement recherchée pour un éventuel défaut de raccordement au réseau ERDF, soulignant que la simple gestion de la procédure de raccordement au réseau public, lorsqu'elle est prévue au contrat, est une obligation très accessoire et que le raccordement peut toujours être réalisé à un coût modique et qu'à défaut de preuve contraire, les panneaux photovoltaïques et le ballon thermodynamique livrés et installés par la société venderesse au domicile de Mme [D], sont conformes au bon de commande régularisé auprès de la société Viva Vieco.

Elle expose, à titre infiniment subsidiaire que si la cour considérait qu'elle avait commis une faute dans le déblocage des fonds, cette faute ne priverait pas l'établissement financier prêteur de l'intégralité du capital ; que le préjudice qui en résulterait serait une perte de chance de ne pas contracter qui ne peut être égale au montant de la créance de la banque. Elle fait valoir que compte tenu de la liquidation judiciaire de la société Viva, celle-ci ne se présentera jamais au domicile de Mme [D] pour récupérer l'installation de sorte que cette dernière la conservera, soulignant que Mme [D] dispose en outre de la faculté de la faire raccorder au réseau ERDF-Enedis.

Mme [D] fait valoir que l'organisme prêteur a une obligation de vérification juridique de la régularité du contrat financé ; que faute d'avoir rempli cette obligation, il est responsable d'avoir libéré les fonds lorsque le contrat n'est pas conforme aux règles du droit de la consommation alors que cette vérification aurait permis de constater que le contrat de vente était affecté d'une cause de nullité, cette faute privant la banque de sa créance de restitution. Elle ajoute que l'appelante a versé les fonds sur la présentation par le seul vendeur d'une fiche de réception de travaux établie au jour de la livraison, soit le 28 mars 2017 et alors que les travaux n'avaient pas été pleinement réalisés ; que le descriptif des travaux est plus qu'insuffisant et ne permettait pas la banque prêteuse de connaître les travaux qui avaient été réalisés, se limitant à l'expression '3k gse 2 bouches + ballon' sans précision sur le fait qu'il s'agit de la livraison, de la pose, du raccordement et de la mise en service d'une centrale photovoltaïque de 3 000 W et de l'obtention du contrat de rachat d'électricité avec EDF par la fourniture indispensable de l'attestation de l'installateur, rendant prématuré le déblocage des fonds et alors qu'au surplus, qu'aucun espace n'était prévu pour l'apposition de réserves.

Ceci étant exposé, le prêteur qui a versé les fonds au prestataire de services sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes, vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté d'une cause de nullité, a commis une faute de nature à le priver de sa créance de restitution de ces fonds.

En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance n'a pas vérifié la conformité du bon de commande des panneaux photovoltaïques en ce qui concerne notamment les modalités et le délai de livraison des panneaux photovoltaïques ainsi que la date de fin d'exécution de son installation, d'obtention du consuel, même prévisionnelle. Elle n'a pas en outre vérifié que l'installation était raccordée au réseau ERDF-Enedis, les fonds ayant été débloqués au vu de la réception de la fiche de réception de travaux transmis par l'installateur, fiche qui ne permet pas de s'assurer que l'ensemble des prestations prévues au contrat avaient été réalisées et notamment l'obtention du consuel, obligation qui, contrairement à ce que prétend l'appelante, n'est pas une obligation accessoire au contrat de vente puisque le raccordement au réseau ERDF-Enedis est la finalité de l'installation de la centrale photovoltaïque.

Il sera souligné que la pièce n° 10 produite par la banque intitulée 'mandat de prélèvement de fonds' est en copie au dos de la pièce n° 10 (fiche de réception de travaux)et est illisible.

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, la résolution du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.

En versant ainsi les fonds au prestataire de services sans s'assurer de la régularité du contrat et l'exécution complète de la prestation qu'elle finançait, le prêteur a commis une faute de nature à le priver de sa créance de restitution de ces fonds si cette faute a été à l'origine d'un préjudice pour les emprunteurs.

Madame [D] soutient que la banque qui a commis une faute lors de la libération des fonds doit être privée de son droit à restitution du capital prêté et que si la cour estimait que la faute devait être réparée par l'allocation de dommages et intérêts, elle devrait considérer que ce déblocage fautif constitue un préjudice entièrement consommé qui ne peut être réparé que par la privation totale de la banque de son droit à restitution du capital prêté et que celle-ci sera obligée de lui rembourser l'ensemble des mensualités déjà payées.

Il n'est pas contesté par Mme [D] que l'installation peut être raccordée au réseau ERDF-Enedis et elle ne justifie pas avoir subi un préjudice lié à l'impossibilité d'utiliser l'installation et de vendre l'énergie électrique à ERDF, même temporairement.

Le préjudice subi par Mme [D] ne peut donc s'analyser que comme une perte de chance de ne pas contracter qui ne peut être égale à la totalité du prêt dont elle doit la restitution.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement du montant du capital prêté et Mme [D] sera déboutée de sa demande tendant à voir priver la banque de sa créance de remboursement.

La société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en compensation de sa perte de chance de ne pas contracter.

Mme [D] sera condamnée à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par l'emprunteur.

Sur les autres demandes

Mme [D] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que Madame [D] met à disposition du liquidateur de la société Viva l'ensemble des matériels objet du bon de commande du 7 février 2017 pour reprise aux frais de la société Viva, et, statuant à nouveau, de constater que Madame [D] met à disposition du liquidateur de la société Viva l'ensemble des matériels objet du bon de commande du 7 février 2017 pour reprise à ses frais exclusifs.

L'appelante demande à la cour de juger que Madame [S] [D] conservera l'installation du ballon thermodynamique et de la centrale photovoltaïque qui ont été livrés et installés à son domicile par la société Viva puisque la société Viva est en liquidation judiciaire de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile de Madame [D] pour récupérer les matériels livrés et installés à son domicile et que Madame [S] [D] a la faculté de faire procéder au raccordement de l'installation au réseau ERDF-Enedis (à un coût modique au regard de la convention régularisée entre les parties mais aussi au regard du montant du crédit affecté qui lui a été consenti) lui permettant ainsi de percevoir des revenus énergétiques grâce à l'installation photovoltaïque litigieuse.

Ceci étant exposé, la demande de constat formée par Mme [D] n'est pas une prétention sur laquelle le juge doit trancher en application de l'article 12 du code de procédure civile. La cour n'est donc pas saisie de cette demande.

Même s'il est fort probable que le liquidateur de la société Viva ne vienne pas récupérer l'installation photovoltaïque compte tenu de la procédure collective dont fait l'objet la société, la demande de la banque ne saurait être accueillie dès lors que la nullité du contrat conclu entre Mme [D] et la société Viva entraîne de facto la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion dudit contrat.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant partiellement en ses demandes supportera la charge des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel. L'appelante sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

Il n'est cependant pas inéquitable de condamner l'appelante à payer à Mme [D] une indemnité de procédure de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 7 février 2017 entre Mme [S] [D] et la société Viva exerçant sous l'enseigne « Vieco » suivant bon de commande n° 000333 et la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société BNP Paribas Personal Finance et Mme [S] [D] en date du 7 février 2017, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Déboute Madame [S] [D] de sa demande tendant à voir priver la société BNP Personal Finance de sa créance de restitution des fonds prêtés ;

- Condamne Madame [S] [D] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 500 euros au titre de sa créance de restitution des fonds, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par l'emprunteuse ;

- Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [S] [D] la somme de 5 000 euros en réparation de la perte de chance de ne pas contracter, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande à voir juger que Madame [S] [D] conservera l'installation du ballon thermodynamique et de la centrale photovoltaïque ;

Y ajoutant,

- Dit que chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel ;

- Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande d'indemnité de procédure ;

- Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [S] [D] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/05564
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.05564 ?
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