COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
Audience du samedi 26 février 2022
No RG 22/00334 - No Portalis DBVT-V-B7G-UD7W
Magistrat(e) délégué(e) : Catherine COURTEILLE, président de chambre
assisté(e) de Gaetan DELETTREZ, greffier
_________________________________________________________________________
NOTES D'AUDIENCE
audience publique
APPELANT
M. [U] [T]
né le [Date naissance 1] 2003 à AFGHANISTAN (79800)
de nationalité Afghane
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
comparant en personne
assisté de Me Diana TIR, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [D] [Y] interprète assermenté en langue Patchou, et ayant prêté serment ce jour devant la cour, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS
représenté par le Cabinet ADES, avocat au barreau de Paris, Me Laure KARAM
M. le procureur général : non comparant
DÉROULEMENT DES DÉBATS
Catherine COURTEILLE, président de chambre en son rapport
Le conseil de l'intéressé soutient oralement les moyens développés dans le mémoire d'appel et notamment l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement.
Le représentant de la préfecture entendu en ses observations. Demande l'irrecevabilité des moyens nouveaux en cause d'appel ; quant à la demande relative à l'article 8 de la CEDH, nous ne disposons d'aucune preuve quant à l'existence d'un frère mineur alors que lors de l'arrestation ce Monsieur s'est déclaré être seul sur le territoire national.
M. [U] [T] a eu la parole en dernier. Concernant ma date de naissance, je ne peux pas la confirmer mais on m'a donné 19 ans et ne conteste pas celle qui a été déterminée. Je suis majeur. J'avais des photos de mon frère sur moi. Je veux rejoindre mon frère.
L'affaire est mise en délibéré et sera prononcé sur le siège.
Gaetan DELETTREZ, greffier
Catherine COURTEILLE, président de chambreCOUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
No RG 22/00334 - No Portalis DBVT-V-B7G-UD7W
No de Minute : 344
Ordonnance du samedi 26 février 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [U] [T]
né le [Date naissance 1] 2003 à AFGHANISTAN (79800)
de nationalité Afghane
Actuellement retenu au centre derétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Diana TIR, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [D] [Y] interprète assermenté en langue Patchou, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS
représenté par le Cabinet ADES, avocat au barreau de Paris, Me Laure KARAM
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Catherine COURTEILLE, président de chambre à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Gaetan DELETTREZ, greffier
DÉBATS : à l'audience publique du samedi 26 février 2022 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le samedi 26 février 2022 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 25 février 2022 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [U] [T] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [U] [T] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 25 février 2022 ;
Vu l'audition des parties ;EXPOSÉ DU LITIGE
[U] [T], ressortissant afghan, a fait l'objet :
- D'une requête aux fins de reprise en charge par un état membre.
Par décision administrative en date du 23 février 2022, notifié le 23 février 2022 à 14 h 10, il a été placé en rétention administrative.
La mesure de rétention administrative a été prolongée judiciairement par la décision dont appel.
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
?l'incompétence du signataire de l'acte, l'arrêté de délégation étant insuffisamment précis,
?le défaut de motivation de l'arrêté préfectoralm qui ne prend pas en compte la situation de l'intéressé, notamment la situation de son frère mineur,
?au fond, il soulève la violation de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, la mesure de reprise ayant pour conséuqnce de le séparer de son frère mineur , qui se trouverait isolé sur le territoire français,
?l'irrégularité de la procédure précédant le placement en rétention (conditions d'interpellation et défaut d'avis au procureur)
?l'irrecevabilité de la requête de la préfecture, dès lors que celle-ci n'est pas motivée au regard du respect des dispositions de l'article 8 CEDH,
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Sur les moyens tirés du contrôle de l'interpellation de l'étranger
Il ressort des dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale et des articles L.812-1 et L.812-2 du CESEDA que les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire agissant sous les ordres de ceux ci peuvent procéder à un contrôle d'identité ou de titre dés lors notamment qu'une des conditions alternatives ci dessous mentionnées est caractérisée:
?Il existe une des causes visées par l'alinéa 1er du dit article 78-2 du code de procédure pénale
?Le contrôle est effectué dans les limites spatiales et temporelles des réquisitions du procureur de la République
?Il existe un risque caractérisé d'atteinte à l'ordre public, la sécurité des biens et des personnes
?Le contrôle s'effectue dans une zone de 20 Km en deçà des frontières des Etats Schengen ou dans un rayon de 10 Km autour des ports et aéroports constituant un point de passage frontalier
?Des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger.
Sur la base et dans les limites de ces réquisitions l'article 78-2 al 6 du code de procédure pénale autorise les agents de la force publique à contrôler l'identité de toute personne sans justifier d'un élément visible et objectif à l'origine du contrôle.
En l'espèce le procès-verbal d'interpellation fait bien état d'un contrôle opéré à Calais le 22 février 2022, rue des Garennes et indique que les policiers sont intervenus à la demande d'un chauffeur poids lourd déclarant avoir découvert trois individus dans sa remorque. Il est de même justifier de l'avis donné au magistrat du parquet, en conséquence les moyens seront rejetés.
Sur l'irrecevabilité de la requête du Préfet,
Selon l'article R 744-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, "à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2."
La requête du Préfet tendant à la prologation de la mesure de rétention établie le 24 février 2022 dans le cadre de la présente procédure est datée, signée et motivée au regard de la situation administrative, des conditions de séjour de M. [U] [T] et de la nécessité de prolonger la rétention afin de pouvoir obtenir la réadmission de l'intéressé, se trouvent jointes à cette requête l'ensemble des pièces de procédure y compris l'avis d'information préoccupante diffusé s'agissant du frère mineur de l'intéressé ainsi qu'une photographie montrant [U] [T] en compagnie d'un jeune garçon.
La requête tendant à la prolongation de la rétention n'a à être motivée qu'au regard de la procédure, ce qui est le cas en l'espèce, la production de tous les documents justifiant de la situation personnelle de M. [T] suffit à satisfaire aux exigences de motivation et le moyen sera rejeté.
Sur les moyens tirés du contrôle de la légalité externe et de la légalité interne de l'arrêté initial du placement en rétention
Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s'assurer que l'arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale (titre d'éloignement valable) et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l'article L 741-1 du CESEDA.
Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté de placement en rétention
S'agissant d'une procédure civile, il appartient à l'appelant de démontrer en quoi son moyen est fondé et notamment en quoi le délégataire de l'autorité préfectorale ne disposait pas de la compétence pour signer l'arrêté de placement en rétention administrative, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce alors pourtant que les documents à l'appui du dit moyen sont actes administratifs accessibles visés en tête de l'arrêté de placement en rétention administrative
De manière surabondante, il sera observé que se trouve joint à la procédure l'arrêté portant délégation de signature donnée à M. [J] [R], signataire de la décision de placement en rétention, par le Préfet du Pas-de-Calais en date du 13 janvier 2022.
Le moyen est inopérant.
Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative : situation familiale
L'arrêté préfectoral ordonnant le placement en rétention administrative relève l'absence de tout élément établissant un état de vulnérabilité particulière de l'intéressé.
L'évaluation de vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative est nécessairement succincte et principalement déclarative, les fonctionnaires de la police de l'air et des frontières n'ayant pas le temps matériel de procéder à une évaluation approfondie de la situation personnelle et médicale de la personne en séjour irrégulier.
Les articles R 744-18, R 744-19 et R 725-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à la personne concernée de faire la demande d'être examinée par un médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative, qui assure, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative, mais également de solliciter l'office français de l'immigration et de l'intégration de procéder à l'évaluation de l'état de vulnérabilité.
Ces dispositions permettent de suppléer le cas échéant à l'évaluation administrative si elle est jugée trop rapide, puisque ces évaluations complémentaires sont effectuées par des agents et des médecins spécialisés.
Tel est le cas en l'espèce puisque l'intéressé a été entendu le 22 février 2022 sur sa situation personnelle et familiale, son parcours de vie ainsi que sur les éventuels critères de vulnérabilité qu'il souhaiterait mentionner et que l'acte de placement en rétention administrative mentionne les conclusions de cet entretien.
Ainsi, l'étranger appelant n'ayant lors de ses auditions mentionnés aucun élément de vulnérabilité spécifique à sa situation, en dehors de la fragilité inhérente à l'état de migrant, il ne pourra donc être fait droit aux moyens tirés de l'insuffisante motivation, ou de son caractère stéréotypé, dont serait entachée la décision contestée.
Le moyen sera rejeté.
Sur le fond
Sur la violation des dispositions de l'article 8 CEDH
M. [U] [T] expose avoir été séparé de son frère âgé de 14 ans, mineur qui se trouve en situation d'isolement du fait de sa rétention et de la mesure d'éloignement et de reprise engagée.
Il produit pour justifier de la présence à ses côtés de ce frère, d'une photopgraphie, mais aucun autre document.
Il sera observé que lors de son interpellation, [U] [T] était en compagnie de deux autres jeunes, dont un cousin [X] [T], également placé en rétention, et [Z] [O], il était à ce moment déjà séparé de ce frère et s'apprêtait à séloigner seul du territoire français.
Lors de son audition devant les policiers, il n'a à aucun moment fait état de la présence de ce frère, qui se trouvait déjà indépêndamment de l'intervention des autorités française en situation ds'isolement.
Il est justifié par l'autorité administrative des démarches effectuées pour signaler la situation du frère mineur au travers d'uynbe informlation préoccupante.
Nanamoins aucun élément ne vient confirmer les dcélarations de M. [U] [T] en sorte que l'atteinte à ses droits au regard des dispositions de l'article 8 CEDH n'est pas établie et le moyen sera rejeté.
La porcédure étant régulière l'ordonnance du juge des libertés et de la détention sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative.
Gaetan DELETTREZ, greffier
Catherine COURTEILLE, président de chambreNo RG 22/00334 - No Portalis DBVT-V-B7G-UD7W
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 26 Février 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le samedi 26 février 2022 :
- M. [U] [T]
- l'interprète
- l'avocat de M. [U] [T]
- l'avocat de M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS
- décision notifiée à M. [U] [T] le samedi 26 février 2022
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Diana TIR le samedi 26 février 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le samedi 26 février 2022
No RG 22/00334 - No Portalis DBVT-V-B7G-UD7W